Le nombre de mineurs non accompagnés ne double pas chaque année. En fait, la même personne est déclarée successivement dans plusieurs départements, ce qui explique l'augmentation de ce nombre. Celui qui s'appelait Mohammed à Toulouse ou Ahmed dans le Gers s'en ira en Picardie, où son prénom sera Georges, etc. Comme il suffit de changer un nom, de photocopie en photocopie, sur ce fameux papier reconnu partout… Je ne dis pas que le nombre de MNA n'augmente pas ; cependant, je ne crois absolument pas qu'il double. C'est un phénomène d'errance national qui tend à s'installer, dû à cette problématique supplémentaire des péréquations.
La personne peut changer de nom tous les jours. C'est extrêmement facile. J'ai proposé à la première juge des enfants de Toulouse qui ne me croyait pas de lui permettre d'avoir un passeport guinéen, qui lui donnerait l'âge de seize ans et demi : cela m'a pris dix jours ! C'est d'une facilité déconcertante. Je ne sais donc pas d'où sortent les chiffres avancés. Je ne dis pas que le nombre de MNA baisse : entre problèmes d'eau et violences, le monde va mal. Voyez au Bangladesh : les habitants ont maintenant de l'eau jusqu'à la taille. Dans notre pays qui compte 65 millions d'habitants, tout le monde va se retrouver dans la capitale. Les migrations climatiques existent, c'est évident. À nous de rester vigilants si nous voulons demeurer le pays des droits de l'homme, à nous d'organiser le système de façon que nous puissions accueillir les plus fragiles. Aujourd'hui, ce ne sont pas les plus fragiles qui arrivent dans notre pays ; ce sont les castes supérieures de certains pays. Des Bangladais issus de familles riches arrivent en avion, avec une valise Samsonite… C'est aussi une réalité. Ce ne sont pas que les personnes qui ont besoin de nous qui arrivent sur le territoire national. J'espère que nous pourrons organiser le système pour accueillir les plus fragiles, et je vous encourage ardemment à travailler en ce sens ; pour ma part, je suis à votre disposition, éventuellement dans le cadre d'une autre instance, si nous pouvons nous aider dans un travail technique.
Nous ne détenons pas la vérité, je tiens à le dire. Ce que je vous dis n'est pas la vérité, c'est ma vérité, notre vérité, et je ne veux pas qu'elle soit entendue autrement, mais nous pouvons peut-être apporter notre petite pierre à l'édifice. Si vous en avez besoin, c'est avec grand plaisir que nous le ferons. Les enfants ont besoin de cette protection. Je retrouve aujourd'hui des mineurs de mon établissement, je retrouve ces sourires d'enfant que nous avions perdus de vue depuis un certain temps puisque ces jeunes restaient dans leurs familles, maltraités chez eux, n'ayant plus de place dans les établissements. Je suis très heureux que les portes de nos établissements soient rouvertes aux enfants plutôt qu'aux adultes. Et je rappelle que les enfants nés sur le territoire européen n'ont pas les mêmes droits que les migrants : eux ont une carte nationale identité. Quand ils atteignent l'âge de 18 ans, ils entrent dans le cadre de l'aide aux jeunes majeurs, et quand ils atteignent celui de 21 ans ils sont adultes, tandis qu'avec le trafic de papiers actuel, des personnes de 25 ou 30 ans peuvent continuer à être prises en charge par la protection de l'enfance ! Quelle plaisanterie ! Ce n'est pas normal. Il faut, d'un point de vue éthique, que tout le monde ait les mêmes droits, et que ces droits soient respectés. Qu'il s'agisse d'étrangers, on s'en moque : tout le monde doit être respecté et un enfant reste un enfant. Imaginez un enfant âgé de douze ans qui se retrouve dans la chambre d'un autre enfant, soi-disant âgé de quatorze ans, qui en a en fait vingt et un ou vingt-cinq, qui a parfois lui-même des enfants dans son pays. Je ne tiens pas là des propos caricaturaux.
Une directrice d'école m'a envoyé un jour une petite photo : une jeune fille était assise dans la salle d'une classe de quatrième, à côté d'un garçon… qui aurait pu être son père. Cherchez l'erreur ! Même si nous n'avons pas à juger au faciès, c'était visible comme le nez au milieu du visage. On peut ainsi mettre en danger un certain nombre de personnes, et je ne voudrais pas que l'on fasse le lit des extrêmes en s'abstenant d'organiser les dispositifs comme ils devraient l'être.