Merci de votre invitation. L'UNIOPSS regroupe environ 25 000 établissements et services dans tous les secteurs, et pour tous les âges de l'enfance aux personnes âgées. Nous traitons ainsi que les questions liées au handicap, aux adolescents en difficulté, à la radicalisation, ainsi que les aspects de santé dans le secteur non lucratif avec un large volet de lutte contre les exclusions.
La mission d'information est très intéressante et se cumule avec d'autres missions actuelles qui compliquent votre tâche, mais permettent une convergence très utile. Nous avons rencontré le secrétaire d'État M. Taquet et intervenons sur d'autres sujets que nous évoquerons avec vous.
Je souhaite rappeler les grands principes sur lesquels nous appelons votre attention. J'interviendrai avec Marie Lambert-Muyard qui a l'avantage d'être plus jeune et spécialisée alors qu'un président est plus généraliste, même s'il s'agit d'un domaine qui me touche particulièrement. En effet, j'ai démarré comme éducateur avec des adolescents cas sociaux ou délinquants. M'en occuper a toujours été une passion pour moi.
Le premier critère majeur, quelles que soient les évolutions et la réforme, y compris celle de l'ordonnance de 45, consiste à garantir l'universalité de la protection de tous les enfants. En respect du droit international signé par l'État français, il nous semble qu'un mineur est avant tout un mineur avant qu'il soit en difficulté et avant qu'il soit étranger ou français. Il s'agit pour nous d'un principe d'universalité. C'est pourquoi nous avons quelques réserves vis-à-vis de l'évolution sur les mineurs non accompagnés où la prégnance légitime du ministère de l'Intérieur sur les aspects de nationalité ne peut en aucun cas primer par rapport à celle de l'enfance et de la fonction de protection due aux enfants par l'État ou le Département.
On parle des jeunes, mais il existe quasiment autant de situations que de jeunes. Par conséquent, il est extrêmement important de s'assurer de leurs besoins et d'offrir des réponses diversifiées. Vous disiez, Monsieur le président, que vous avez visité des structures qui se sont beaucoup humanisées par rapport à la période précédente. Pour l'avoir connue, je peux témoigner qu'il était absolument indispensable que certaines d'entre elles évoluent et qu'elles ne soient pas sur ce qui a été d'actualité et a eu quelques résultats après-guerre, mais qui était devenu obsolète dans son modèle.
Il faut absolument garder la diversification des réponses. Le placement en famille est une très bonne réponse. Le placement en institution et le suivi en milieu ouvert dans la famille restent une très bonne réponse pour certains. Privilégier obligatoirement l'une des solutions pour des raisons éthiques, sociales ou économiques constituerait une erreur fondamentale. La connaissance de ces jeunes nous montre que, dans certains cas, la rupture avec le milieu familial est importante. Je pense aux enfants battus, aux sévices et à la rupture avec le quartier qui est tellement prégnant et nocif aux jeunes que la mesure d'éloignement est indispensable. Ensuite, les formules, qu'elles soient famille d'accueil ou établissement, sont à adapter.
Le deuxième principe dans l'individualisation consiste à sécuriser le parcours. C'est pourquoi nous sommes déçus de l'évolution de la proposition de loi de Mme Brigitte Bourguignon car cette mesure nouvelle, fait rare, faisait l'unanimité des partis politiques. Ce dispositif intéressant remettait l'État au coeur de sa responsabilité. J'évoque souvent l'effet Wilkinson. La loi de décentralisation laisse la première lame aux Départements, mais à condition que l'État puisse s'assurer que cette contractualisation avec les Départements est bien tenue, ce qui n'est pas toujours le cas dans certains d'entre eux. Il est indispensable que l'État ait un regard non seulement sur la PJJ, mais aussi sur ce qui est offert car il est garant du respect des textes internationaux. Les émissions de télévision telles que diffusées sur France3 sont un peu caricaturales et sont le témoignage d'une période passée qui, malheureusement, pour certains perdure. La réalité est plus heureuse et plus évoluée que ce qui nous a été présenté.
Il nous semble indispensable que cette proposition de loi n'aille pas jusqu'au Sénat ou que nous revenions à un dispositif qui garantisse aux jeunes, y compris de 16 à 18 ans, la possibilité de continuer au-delà de leurs 18 ans. Cet âge est celui où se révèlent les troubles psychologiques et psychiatriques pour les adolescents, la prostitution pour les jeunes filles et les conflits avec les parents ou les beaux-parents pour les jeunes qui cessent leur scolarité. Imposer une prise en charge par l'ASE pendant un temps cumulé de 18 mois pendant les deux ans précédents leur émancipation ou leur majorité revient à priver tous les jeunes qui basculent à cette période fatidique et primordiale qu'est l'adolescence de la capacité de continuer au-delà de 18 ans.
Mon diplôme d'éducateur s'appelait « 18 ans et bonne chance » puisqu'il s'agissait des années 1975-1976 au moment de la loi Giscard-d'Estaing. On pressentait déjà que les jeunes de 18 ans les moins matures et les plus en difficulté profiteraient de cette majorité pour voler de leurs propres ailes et, éventuellement, se fracasser et que ceux qui étaient en formation, en scolarité, en recherche d'emploi ou stabilisés seraient très contents d'obtenir le petit coup de main supplémentaire pour aller jusque 18 ans et demi, 19 ans ou 20 ans.
Concernant le troisième aspect, il nous semble indispensable que vos préconisations proposent un renforcement des coopérations entre Départements et État. Confier l'enfance jusqu'à 18 ans aux Départements était très sensé et intéressant, mais il faut que l'État demeure le garant et établisse des liens entre l'ASE, qui est de l'ordre du Conseil général, et la PJJ qui relève de l'État. Les mondes ne sont pas hermétiques. Il nous faut renforcer ce lien, y compris dans des formations et des informations communes, puisque les adolescents et les jeunes sont les mêmes, à peu de chose près, comme le font le GIPED et le 119 en termes d'études et de modules de connaissance.
Le troisième principe consiste à ne pas mettre les différentes solutions en opposition. Parfois l'établissement sera meilleur. Parfois, il s'agira de la famille naturelle ou de la famille d'accueil. Les jeunes nous invitent à ne pas leur imposer pour seul objectif le retour à la famille. Ils ont parfois souhaité rompre ou ne veulent pas revenir sur la rupture qui a été provoquée. Sans penser, comme durant la période précédente, qu'une fois qu'ils n'étaient plus dans leur famille, tout lien pouvait être rompu, mais il ne faut pas avoir pour seul objectif le retour dans la famille. Ce n'est pas du tout adapté pour certains. La diversité des propositions qui sont à leur soumettre est indispensable.
L'un des derniers aspects porte sur la place du bénévolat. Nous y sommes très sensibles car nous défendons le secteur associatif, lequel est constitué du mélange du bénévolat et du salariat. C'est une façon d'amener la société civile de manière professionnelle ou bénévole pertinente à condition qu'il s'agisse de complémentarité. Il ne faut pas penser que le bénévolat peut être substitutif au modèle éducatif professionnel. Les bénévoles peuvent apporter une forme de stabilité et être un complément indispensable pour les professionnels, mais il faut laisser la responsabilité de ces enfants et de ces adolescents aux professionnels, lesquels ont besoin d'une formation, de références et de rendre des comptes aux juges, aux Départements et à l'État. Il est plus complexe de le demander aux bénévoles qui peuvent quitter l'association. Telle est la règle de la vie associative que nous valorisons, mais que nous subissons également. Lorsque le bénévole nous lâche d'une façon ou d'une autre, toutes les actions engagées sont compliquées.