Bonjour à toutes et à tous. Je suis Thomas Latrasse. J'ai 26 ans et je travaille au sein de l'ADSEA, dite Sauvegarde de l'Enfance, du Var, qui se divise en cinq pôles et accompagne différents types de publics. Je suis éducateur spécialisé au sein du pôle des mineurs non accompagnés, au service de mise à l'abri et d'évaluation de la minorité et de l'isolement.
Je souhaite évoquer la loi 2016 et du projet pour l'enfant qui me semble être un outil indispensable pour assurer une prise en compte globale de l'enfant, de sa famille et de la prise en charge. Le projet vise à une plus grande prise en compte de l'enfant et de ses besoins fondamentaux. La loi prévoit l'établissement d'une concertation avec l'enfant, sa famille, l'aide sociale à l'enfance et la structure d'accueil de l'enfant. Or ce n'est que rarement le cas. Dans le Var, il arrive régulièrement qu'un projet pour l'enfant soit établi par la structure d'accueil, tandis qu'un autre est rédigé par le référent ASE, ce qui conduit forcément à des divergences dans les objectifs à fixer, notamment pour les interventions à mener par les équipes.
La loi stipule qu'il doit y figurer une évaluation médicale et sociale de l'enfant, ce qui n'est que rarement le cas. Lorsque l'évaluation psychologique est effectuée, cette évaluation médicale est généralement apportée par la psychologue de l'aide sociale à l'enfance. Or l'enfant est généralement déjà suivi par un psychologue dans sa structure d'accueil, ce qui est souvent le cas aussi pour l'évaluation médicale.
Le PPE devient communicable à chaque personne physique ou morale qui accompagne l'enfant. Cette évolution notable permet un suivi plus efficient pour l'enfant et améliore son accompagnement, d'autant plus que la loi prévoit une amélioration des échanges interdépartementaux, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Dans le cadre du PPE, la loi prévoit un entretien un an avant la majorité du jeune afin de dresser un bilan de son parcours et fixer le projet à l'autonomie. Est-ce suffisant ? Ce n'est pas toujours le cas. Pourquoi pas un deuxième entretien à mi-délai ? Celui-ci permettrait une évaluation du projet mis en place et, si besoin, son réajustement dans l'intérêt de l'enfant. Un jeune accueilli dans les services de l'aide sociale à l'enfance à ses 17 ans bénéficiera-t-il immédiatement de cet entretien ? Qu'en est-il de la question des MNA ? Les mineurs non accompagnés ne bénéficient pas encore de cette possibilité de projet pour l'enfant.
La loi aborde aussi la question des mineurs non accompagnés en inscrivant les examens radiologiques osseux. Cette expertise permet de déterminer l'âge de la personne lorsque celle-ci ne possède pas de documents valables et qu'un doute persiste quant à l'âge allégué. Toutefois, plusieurs types d'expertise sont possibles comme les radios des dents, du poignet et de la clavicule. Ainsi, un jeune peut être reconnu mineur par un médecin, mais majeur par un autre. Il est nécessaire qu'une uniformité de cette pratique puisse être mise en oeuvre pour garantir le droit de ces personnes. En outre, il est stipulé que cette expertise doit faire apparaître une marge d'erreur. Cela n'étant pas toujours le cas, le doute ne bénéficie pas aux mineurs. Il est généralement stipulé « Plus de 18 ans ».
Il a été remarqué que cette expertise est parfois réalisée alors que la personne possède un document authentifié comme valable, remettant ainsi en cause ce dernier. S'y ajoutent les délais parfois très longs qui génèrent une grande angoisse pour la personne accueillie.
Je souhaite également évoquer l'usure des professionnels. On entend souvent que le métier d'éducateur spécialisé est un métier à vocation. Où la trouver désormais ? Au cours des trois dernières années, j'ai accueilli trois stagiaires. On sait que l'on ne choisit pas ce métier par hasard, mais comment réussir à motiver des stagiaires à faire ce travail ? Quand on dit à quelqu'un que l'on est éducateur spécialisé, sa première question est : « Comment fais-tu ? Cela doit être difficile ». Effectivement, c'est difficile. Le service au sein duquel je travaille a pour fonction de mettre à l'abri les mineurs se présentant comme isolés et étrangers sur le territoire français, et d'évaluer leur minorité et leur isolement. Notre service de quatre éducateurs fonctionne 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Nous fonctionnons généralement à deux éducateurs sur une journée complète avec une notion d'urgence puisque dès qu'un mineur se présente dans les services de l'aide sociale à l'enfance, il doit être accueilli.
Le site sur lequel je travaille a une capacité de 40 places. Nous sommes deux éducateurs spécialisés à pouvoir être référents et apporter un suivi plus spécifique à ces jeunes. Hier, j'étais à 24 référents. Il en était de même pour ma collègue et nous avons eu de nouveaux accueils aujourd'hui. Devant absolument accueillir ces mineurs, il nous faut trouver d'autres lieux d'hébergement comme des hôtels ou des appartements. Comment peut-on suivre efficacement un enfant en traitant son cas de façon globale lorsqu'il est accueilli dans un appartement ou dans un hôtel où il est laissé en totale autonomie alors qu'il n'a que 15 ans et vient d'arriver en France ?