Intervention de Laetitia Avia

Séance en hémicycle du mercredi 3 juillet 2019 à 15h00
Haine sur internet — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je me permettrai d'être un peu plus longue, pour répondre à certains éléments que vous avez évoqués, madame Obono, sans répondre toutefois à tous les points que vous avez soulevés. Certains éléments ont en effet, comme l'a dit M. le secrétaire d'État, un caractère principiel, et nous avons à leur propos des visions différentes, mais je puis cependant vous apporter déjà des réponses sur certains autres.

Vous avez évoqué avec beaucoup de justesse le besoin de mieux accompagner les victimes, de disposer d'une réponse pénale efficace et de mener avec ambition une véritable lutte contre les discriminations.

Pour ce qui est de la réponse pénale, je rappelle que, comme je l'ai dit lors de mon discours introductif, un parquet spécialisé sera créé, ce qui signifie que nous disposerons de moyens dédiés à cette lutte contre la haine. Il s'agit en effet de faire face aux situations que vous avez évoquées, où les procédures sont longues et où, comme nous le savons pour l'avoir tous vécu, certains acteurs ne maîtrisent pas forcément les différents outils qui font l'objet de ces procédures – souvent, par exemple, ces acteurs ne sont pas formés pour répondre à un raid numérique. La présence d'enquêteurs et de magistrats spécialisés me semble donc être une réponse à cette question pénale.

Pour ce qui concerne les victimes et les auteurs, je salue la présence dans les tribunes de notre ancienne collègue Élise Fajgeles qui, depuis le 1er juillet, est chargée, au sein de la DILCRAH, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, d'une mission d'accompagnement des victimes, de pilotage de la lutte contre les discriminations et de suivi de la sanction des auteurs. Merci, chère Élise, pour cette mission que vous effectuez.

Madame Obono, dans tout ce que vous avez dit, il est un point qui m'a dérangée. Vous avez en effet évoqué une proposition alternative à celle qui est formulée dans cette proposition de loi : l'interopérabilité, qui permettrait de lutter contre le phénomène de la haine sur internet. Or je ne comprends pas que vous puissiez présenter cela comme une solution. Il s'agit certes d'un élément intéressant en termes de régulation du numérique et d'appréciation du modèle économique des plateformes, mais ce n'est pas une solution à proposer aux victimes. Cela revient à dire à une femme que, si elle est victime de sexisme en passant dans tel quartier, elle devrait passer par une autre rue, ou à dire, comme l'on fait certaines personnes après le suicide de la jeune Evaëlle, victime de harcèlement scolaire, qu'elle aurait peut-être dû changer d'école. On ne dit pas à une victime de changer de lieu : c'est le lieu qui doit changer.

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