Nous avons tous conscience du fait que la diffusion de propos haineux sur internet est en très forte progression et que des mesures efficaces de lutte contre le phénomène s'imposent. Il est aujourd'hui nécessaire de faire évoluer notre arsenal législatif, notamment en raison du développement des réseaux sociaux et du rôle de facilitateur et d'accélérateur que joue internet dans la production et la diffusion de contenus haineux auprès d'un public très large et hétérogène.
Si je comprends et soutiens donc les objectifs louables de la proposition de loi, l'article 1er me pose tout de même un problème. La notion de haine est difficile à définir ; les juges eux-mêmes éprouvent des difficultés à qualifier l'incitation à la haine, dont la définition varie en fonction des jurisprudences. De plus, un contenu peut être notifié comme illicite pris isolément alors que, replacé dans un contexte plus général, il prendra un tout autre sens, incontestablement légal et qui relève de la liberté d'expression. La Cour de cassation a ainsi eu l'occasion de déclarer légal au regard de la notion de débat d'intérêt général un contenu manifestement illicite.
Par ailleurs, l'article donne aux plateformes un pouvoir de police des moeurs, alors que ce n'est pas leur rôle mais bien celui du juge. La liberté d'expression ne peut être bridée par des opérateurs privés dont l'expérience prouve que leur appréciation des contenus illicites est à géométrie variable.
Cet article me paraît donc déséquilibré : les risques d'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression sont réels et il ne sera pas efficace pour lutter contre les contenus haineux en ligne.