Le second enjeu de la taxation du numérique est de réguler les géants du secteur, qui sont en passe de devenir aussi puissants que des États souverains. Or les États obéissent à l'intérêt général ; les grandes entreprises du numérique obéissent à l'intérêt privé. L'intérêt privé ne peut pas, et ne doit pas, l'emporter sur l'intérêt général.
La taxation des services numériques est l'une des réponses – ce n'est pas la seule – que nous voulons apporter s'agissant de l'indispensable régulation des géants du numérique, qui sont parfois en situation monopolistique et se dotent progressivement de tous les attributs d'un État souverain.
Ainsi, leur capitalisation boursière, qui dépasse dans certains cas 1 000 milliards de dollars, est supérieure à la richesse nationale de la plupart des États de la planète. Ils maîtrisent les données personnelles, ce qui leur permet d'orienter les choix de consommation de chacun, voire les choix politiques de certains – nous l'avons constaté récemment. Enfin, ils ont le projet d'introduire une monnaie, le libra. Celui-ci peut être un instrument d'échange, mais ne doit en aucun cas devenir l'équivalent d'une monnaie souveraine.
L'enjeu, c'est la liberté de chaque citoyen. Il faut faire en sorte que celle-ci ne soit pas menacée, encadrée ou transformée par des géants du numérique qui disposeraient de pouvoirs toujours plus importants. Le rôle des États, qui obéissent à l'intérêt général et défendent la liberté de chacun, est de définir petit à petit l'indispensable régulation des géants du numérique, afin d'éviter que ceux-ci ne fassent concurrence à leur souveraineté.
L'adoption du règlement général sur la protection des données personnelles – RGPD – , le travail que nous menons pour répondre au Cloud Act – il s'agit d'élaborer un Cloud Act souverain qui nous permettra de stocker les données les plus stratégiques – , les propositions pour la régulation de la monnaie libra, sur laquelle nous travaillons dans le cadre du G7, et la taxation des services numériques que vous vous apprêtez à instaurer, mesdames, messieurs les députés, tout cela constitue un ensemble de réponses qui nous permettront, au fur et à mesure, de préserver le cadre de liberté auquel nous sommes tous ici profondément attachés.