Intervention de Bérengère Poletti

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 9h30
Protocole additionnel de nagoya-kuala lumpur — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Mme la secrétaire d'État vient de nous présenter le protocole dit de Nagoya-Kuala Lumpur, conclu en 2010. Il s'inscrit dans une filiation directe avec la convention de Rio sur la diversité biologique de 1992. L'article 19 de cette convention abordait, sans trop de préjugés, les questions relatives aux biotechnologies : il évoquait le fait qu'il pourrait être nécessaire de réglementer les mouvements d'OVM pour protéger la biodiversité.

Dans les années qui ont suivi, l'essor des biotechnologies s'est accompagné de violentes controverses sur les risques que présentaient leurs applications, notamment dans le domaine des OVM. L'Union européenne et la France ont alors opté pour le principe de précaution, c'est-à-dire pour une démarche de prévention des risques en l'absence de certitudes scientifiques sur les effets des OVM sur l'environnement et la santé.

La France est allée très loin dans cette voie, puisque le principe de précaution occupe la plus haute place dans la hiérarchie des normes depuis l'intégration de la Charte de l'environnement au bloc de constitutionnalité en 2005.

L'Union européenne a finalement interdit la culture des OGM, à l'exception du maïs MON810 de Monsanto, qui rencontre en réalité un succès très modéré, puisqu'il n'est cultivé qu'en Espagne et au Portugal.

La France a complètement renoncé à la culture d'OVM, depuis 2008 à titre commercial, depuis 2013 à titre expérimental. Selon moi, cette position était sage. En effet, nous ne disposons toujours pas d'éléments sérieux permettant de penser que les OGM seront indispensables à terme pour nourrir la planète ; cette idée est désormais très contestée. En revanche, les risques que présentent les OGM pour la biodiversité sont désormais documentés par de nombreuses études scientifiques, sans parler des risques pour la santé humaine, qui n'entrent pas dans le champ du protocole que nous examinons aujourd'hui.

Au vu de l'évolution de la biodiversité dans les pays grands producteurs d'OGM, nous pouvons nous targuer d'avoir fait le bon choix. Je pense, entre autres, aux États-Unis, au Brésil, à l'Argentine et au Canada – 85 % des surfaces cultivées d'OVM sont situées sur le continent américain. Dans ces pays, l'accroissement des surfaces cultivées d'OVM n'a pas permis de réduire l'emploi des herbicides et pesticides – c'est même souvent le contraire qui s'est produit. Et il est incontestable que la diversité des cultures s'y est réduite comme peau de chagrin.

Le protocole de Nagoya-Kuala Lumpur traduit une prise de conscience des risques par la communauté internationale, qui a débuté avec la conclusion du protocole de Carthagène en 2000. Celui-ci a réglementé les mouvements transfrontières d'OVM afin de limiter le risque de dissémination incontrôlée pouvant être à l'origine d'atteintes graves à la biodiversité.

Toutefois, nous le savons tous, la prévention n'est pas toujours suffisante en l'absence de sanctions. Tel est l'apport du protocole de Nagoya-Kuala Lumpur, qui nous est soumis aujourd'hui. En imposant aux États de prescrire des mesures de réparation obligatoires en cas de dommages à la biodiversité, il les incite à renforcer leur vigilance pour éviter de tels dommages. Il vient donc crédibiliser la démarche engagée en 2000 avec le protocole de Carthagène.

Ce protocole est incontestablement une avancée, qu'il convient de saluer. Évidemment, il ne résoudra pas tous les problèmes liés à la dissémination des OVM, ne serait-ce que parce qu'il ne pourra pas contraindre les grands pays producteurs, qui se garderont bien de le ratifier. Mais il s'agit là d'une limite inhérente à tous les textes internationaux de cette nature.

En revanche, le protocole s'applique aux OVM importés par les États parties en provenance d'États qui n'y sont pas parties. Il renforce donc la pression sur ces derniers en créant une norme internationale en faveur de la protection de la biodiversité face aux OVM.

Sans doute trouverez-vous que c'est bien peu face aux grands producteurs d'OVM, dont le poids dans les échanges commerciaux est considérable. En effet, le rapport de forces est inégal, en particulier pour les pays en développement, qui s'inquiètent de voir leurs ressources locales menacées, mais n'ont pas les moyens de résister à la pression économique qu'ils subissent. L'Europe peine, elle aussi, à résister à la pression économique, lorsqu'elle signe des accords commerciaux avec les États d'Amérique. Cela justifie d'ailleurs certaines de nos réserves sur ces accords.

Le protocole de Nagoya-Kuala Lumpur représente un enjeu important pour l'Europe, car il nous donne l'occasion de porter un message au sein de la communauté internationale, de défendre un modèle, de faire preuve de pédagogie sur notre propre réglementation, qui peut parfois être mal comprise. Il serait incompréhensible que les pays de l'Union européenne, dont les normes sont entièrement conformes aux stipulations du protocole depuis l'adoption de la directive sur la responsabilité environnementale en 2004, ne le soutiennent pas alors qu'ils ont fortement pesé dans sa négociation.

À cet égard, la France a un peu tardé, me semble-t-il, à ratifier le protocole. Conclu il y a tout de même neuf ans, il est entré en vigueur en mars 2018, après avoir été ratifié par quarante États. Au sein de l'Union européenne, dix-huit États membres ont déjà déposé leur instrument de ratification. Il était donc plus que temps que la France se mobilise. C'est aujourd'hui chose faite, et il faut s'en réjouir.

Je vous invite donc à voter unanimement, comme nous l'avons fait en commission des affaires étrangères, le projet de loi autorisant la ratification de ce protocole, qui ne suppose aucune modification de notre droit interne et entre en résonance avec nos préoccupations concernant les OVM et la responsabilité environnementale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.