Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du mercredi 26 juin 2019 à 16h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations :

Je salue votre engagement, madame Couillard, vous qui avez organisé à Pessac le Grand débat au féminin. À cette occasion, plusieurs femmes ont exprimé leurs revendications devant le Président de la République en personne et, par la magie de BFM TV, en direct devant des dizaines de milliers de personnes.

Le Président de la République s'est engagé pendant la campagne des législatives à ce que des femmes soient investies dans des circonscriptions gagnables et non pas, comme cela a été trop longtemps le cas, uniquement là où l'on sait qu'elles vont perdre ; mais de nombreux partis politiques continuent de préférer payer des amendes plutôt que d'investir des femmes aux élections.

Renforcer la place des femmes dans la vie politique relève de trois niveaux de responsabilité. C'est d'abord celle des partis politiques : s'ils ne se donnent pas pour exigence d'aller chercher des femmes, de les investir, de les soutenir et de créer des conditions leur permettant de s'engager en politique, il est difficile pour elles de le faire. Il y a aussi une responsabilité des pouvoirs publics, et nous l'assumons en travaillant avec Sébastien Lecornu à ce que le projet de loi « Proximité et engagement » qu'il soumettra au Conseil des ministres en juillet offre aux femmes toutes les conditions nécessaires pour s'engager et, une fois élues, concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Enfin, la responsabilité générale de la société est de mettre fin au traitement différencié des femmes et des hommes lorsqu'elles et ils sont engagés dans la vie politique. J'entends par là qu'il faut cesser de considérer qu'une personne qui fait de la politique et qui a du caractère a du leadership si c'est un homme, alors qu'elle « est pénible » si c'est une femme. Ces représentations stéréotypées persistent, contre lesquelles il faut se battre, et le Gouvernement a pour mantra de ne rien laisser passer. Appuyer les femmes attaquées parce qu'elles sont des femmes, ce n'est pas uniquement les défendre, c'est aussi donner envie à toutes celles qui veulent s'engager en politique de le faire en leur montrant que si elles sont victimes d'attaques sexistes elles seront défendues dans le monde politique – car je connais assez peu de femmes qui ont envie de se faire lyncher jour et nuit sur les réseaux sociaux, critiquées pour leur apparence, leur tenue vestimentaire, leur coiffure, leur vie privée… toutes choses qui, généralement, sont épargnées aux hommes engagés dans la vie politique.

À ces trois niveaux de responsabilité, j'adjoindrai la responsabilité des femmes elles-mêmes, même si je n'aime pas multiplier les injonctions qui leur sont faites. Il va sans dire que la femme la plus difficile à élire est celle qui ne s'est pas présentée aux élections ; la femme la plus difficile à investir est celle qui n'a pas présenté sa candidature. Il est aussi de la responsabilité des femmes de s'engager dans la vie politique, de poser leur candidature et de présenter des projets. Il ne s'agit pas seulement d'une injustice – et je ne prétends pas que la représentation devrait être rigidement et strictement partitaire – : c'est aussi que l'inégalité entre les sexes fait que nous passons à côté de certains sujets. Je suis convaincue que s'il y avait eu précédemment autant de femmes députées qu'il y en a maintenant, on aurait travaillé depuis des années sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, le manque de places en crèche et d'autres sujets qui ne faisaient pas l'objet de politiques publiques jusqu'à ce que l'Assemblée nationale se féminise en 2017. Je pense aussi à des thématiques telles que les règles, le harcèlement de rue, les violences obstétricales… Certains sujets étaient des tabous parce qu'ils n'étaient pas portés politiquement ; le fait que davantage de femmes aient des responsabilités politiques permet qu'ils le soient. Nous avons aussi organisé un événement sur les règles en présence de la Secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, de la Secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et de la Secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Je ne suis pas certaine que si à la place de Brune Poirson, Christelle Dubos et Agnès Pannier-Runacher, les membres du Gouvernement considérés avaient eu des prénoms masculins, ils auraient accepté de s'emparer de cette question et de se mettre autour d'une table pour régler la question de la transparence de la composition des produits et de leur sécurité, la précarité menstruelle ou l'innovation ayant trait à l'hygiène menstruelle. Faire en sorte que davantage de femmes accèdent aux responsabilités politiques est une priorité et un moyen d'évolution de la société.

Vous avez raison, madame Chapelier, la parité est une exigence. J'essaye évidemment de me l'appliquer. Trop souvent, on me dit qu'on ne trouve pas de femmes. Il est vrai que ce n'est pas toujours facile, parce que, comme je disais tout à l'heure, la plupart des candidatures aux nominations sont masculines ; il faut chercher des femmes candidates. Et les femmes étant moins nombreuses à la tête des entreprises et parmi les hauts fonctionnaires, elles le sont aussi lorsqu'il faut composer des délégations. Ce doit être une exigence de chaque instant.

Cette exigence se traduit dans le cadre de la diplomatie féministe, pour laquelle nous avons voulu la parité en sens inverse, si j'ose dire : nous avons tenu à ce que des hommes siègent au sein du Conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes – même si l'un des membres a déploré que les hommes y soient en trop petit nombre. À l'ONU, le Président de la République a appelé à ce que l'égalité femmes-hommes devienne une grande cause mondiale, indiquant à ses pairs que s'il a fait de cette cause la grande cause de son quinquennat en France, aucun pays ne peut prétendre atteindre l'égalité seul. Il a donc enjoint l'ensemble des États à s'engager aux côtés de la France. C'est pourquoi, dans le cadre de la présidence française du G7, j'ai réuni à Paris et à Bondy, en Seine-Saint-Denis, les 9 et 10 mai dernier, les ministres du G7 et d'autres pays invités, tels le Rwanda, le Burkina Faso, la Nouvelle-Zélande ou l'Argentine, pour travailler ensemble à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, le cyberharcèlement, l'excision mais aussi l'émancipation économique des femmes africaines. À cette fin, nous avons travaillé à la définition de mécanismes financiers nationaux et panafricains permettant de soutenir l'émancipation économique des femmes, particulièrement au Sahel, et l'éducation des petites filles et des petits garçons, partout dans le monde. Ce travail nous a conduits à un engagement très fort vis-à-vis des plateformes numériques. Vous allez étudier prochainement la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet. Dans le cadre du G7, nous avons exhorté les plateformes à retirer les contenus illégaux dans des délais les plus rapides possible et à mettre en service des outils simples et intuitifs. Les pays du G7 ont reconnu le rôle décisif des femmes leaders, des femmes de la société civile et des organisations féministes dans le combat culturel pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Compte tenu des reculs que nous constatons partout dans le monde en ce moment, c'est un progrès.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.