Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Réunion du mercredi 26 juin 2019 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • IVG
  • féministe
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    PS et divers gauche    En Marche    MoDem  

La réunion

Source

La séance est ouverte à 16 heures 35.

Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.

la Délégation procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

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Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d'État auprès du Premier ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, que je remercie chaleureusement d'avoir répondu favorablement à notre invitation.

Avant de l'entendre, il nous faut, mes chers collègues, désigner deux co-rapporteurs d'une mission d'information sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le bureau de la Délégation avait décidé la création de cette mission et envisagé qu'elle commence ses travaux à la rentrée, mais étant donné l'actualité et la remise en cause toujours croissante de ce droit fondamental, il m'est apparu nécessaire de faire débuter la mission dès maintenant.

Comme pour toutes les missions d'information de la Délégation, nous allons désigner deux co-rapporteurs, un membre de la majorité et un membre de l'opposition. Je rappelle que les rapporteurs d'opposition sont issus des groupes représentés à la Délégation, à tour de rôle. J'ai reçu les candidatures de Mme Cécile Muschotti pour le groupe de La République en marche et de Mme Marie-Noëlle Battistel pour le groupe Socialistes et apparentés. Je constate que ces candidatures recueillent votre assentiment ; les co-rapporteures pourront donc commencer leurs travaux très rapidement.

Si j'ai voulu procéder à ces désignations au début de notre réunion, c'est pour montrer à quel point le respect des droits des femmes reste un combat quotidien. Je suis extrêmement inquiète de l'expression de plus en plus violente d'opinions extrémistes, populistes et réactionnaires dont les auteurs envisagent de revenir sur des droits acquis et en particulier sur l'accès à l'IVG. Ces propos portent atteinte à des principes fondamentaux de notre droit, à nos valeurs et à l'idée même de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Je suis très attachée à ce que nos travaux sur l'IVG s'inscrivent dans la continuité de ce qui a été fait par nos prédécesseurs qui ont obtenu des avancées réelles. Je pense à l'extension du délit d'entrave à l'IVG et à la gratuité du parcours d'accès à l'IVG sous l'impulsion de Mme Catherine Coutelle, ou encore à l'allongement de dix à douze semaines de grossesse du délai légal de recours à l'IVG et à l'aménagement du droit d'accès des mineures sous l'impulsion de Mme Martine Lignières-Cassou.

Nous nous apprêtons à fêter les vingt ans de la Délégation ; à cette occasion, nous mesurerons le chemin parcouru et les progrès accomplis. Mais nous devons être conscients de leur fragilité, de leur « réversibilité » – comme le disait récemment Geneviève Fraisse – et de la nécessité de continuer inlassablement à promouvoir une société plus juste, où l'égalité n'est pas qu'un droit mais une réalité.

Le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. Nous avons par ailleurs la chance que la ministre porte haut ces combats et les aborde dans tous leurs aspects. Je vous remercie, madame la ministre, de mettre fin aux tabous qui jusqu'alors empêchaient de parler dans nos enceintes et dans la sphère publique en général de sujets tels que les règles, la ménopause ou encore l'excision, thématique que vous avez portée la semaine dernière dans le débat public. Votre engagement, qui est aussi celui de la Délégation, est global, visant à prendre en compte toutes les situations.

Nos travaux portent sur tous les secteurs d'activité, qu'il s'agisse des sciences, des forces armées, du secteur privé ou de la fonction publique. Nous travaillons aussi sur des enjeux relatifs à chaque étape de la vie des femmes. Je pense, par exemple, au dernier rapport d'information sur la séniorité des femmes qui a été l'occasion de parler de la ménopause, ainsi qu'au rapport d'information que nous lançons sur les menstruations. Je saisis cette occasion pour saluer l'implication et l'engagement de tous les membres de la Délégation et particulièrement ceux de nos rapporteurs, qu'il s'agisse de sujets transversaux ou de saisines sur des projets ou des propositions de loi.

À chaque fois que nous nous emparons d'un sujet, nous mesurons combien il est difficile de briser un tabou social. Aussi déterminantes et centrales que soient les questions liées aux droits des femmes, elles restent trop souvent dans le non-dit et surtout dans l'inexprimable sur la place publique ; nous l'avons particulièrement ressenti lors de l'audition consacrée à la ménopause. Nous parvenons néanmoins à faire tomber ces barrières, à traiter tous les sujets sans a priori ni sans faux-semblants et à explorer ainsi ce qui a été trop longtemps, vous l'avez dit, madame la ministre, un angle mort des politiques publiques. C'est sur cet effort de renforcement de la visibilité des enjeux ayant trait aux femmes et à l'égalité des chances que Gouvernement, Parlement et monde associatif peuvent se retrouver, au-delà de leurs divergences et de leurs points de vue respectifs.

Je salue à cette occasion chaleureusement les membres du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) qui ont été nommés en début de semaine et en particulier sa nouvelle présidente, Brigitte Grésy. Nous avions eu le plaisir de travailler avec elle en sa qualité de secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) et nous nous réjouissons de poursuivre cette collaboration au sein du HCE.

Vous avez démontré de nombreuses fois, madame la ministre, votre faculté à faire bouger les lignes ; je vous assure de notre soutien pour continuer à faire progresser la cause des femmes.

J'ai évoqué à l'instant le monde associatif ; je salue l'implication des associations et leur remarquable travail. Tous les jours, elles accompagnent avec conviction et efficacité des femmes qui sont souvent dans des situations d'extrême détresse. Le contexte international nous montre que l'action des associations est déterminante et nous rappelle que défendre la cause des femmes reste un combat parfois dangereux en de nombreux lieux. L'engagement international de la France en faveur de toutes celles et de tous ceux qui se battent pour défendre les droits des femmes doit plus que jamais être réaffirmé. C'est l'une des priorités et un axe fort du prochain G7 ; nous savons, madame la ministre, combien vous êtes attachée à cette cause.

Nous devons également rester vigilants au niveau national. L'année 2020 sera celle du renouvellement des élus locaux. Le Gouvernement réfléchit au statut des élus ; un projet de loi à ce sujet sera peut-être l'occasion de rappeler la nécessité de faire progresser la parité, notamment dans les exécutifs locaux, pour atteindre l'égalité réelle dans tous les territoires et toutes les collectivités. Nous mesurons les progrès accomplis mais aussi le chemin qu'il nous reste à parcourir.

Sans plus tarder, je vous laisse la parole, madame la ministre.

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Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations

Je suis heureuse de vous rendre compte de deux années d'action du Gouvernement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et de répondre à certaines questions sur des sujets d'actualité. Je ne commencerai pas sans remercier et féliciter chaleureusement la Délégation aux droits des femmes qui, sous votre impulsion, madame la présidente, poursuit un travail riche et constant. Des sujets particuliers ont été creusés par plusieurs députés, des rapports précieux remis et la collaboration est permanente avec le Gouvernement pour nous alerter parfois et pour approfondir certains sujets. L'étroitesse de la collaboration entre la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et le secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations est indispensable, comme l'ont illustré des questions au Gouvernement la semaine dernière et aujourd'hui encore. Parce que vous relayez ce qui se passe dans vos circonscriptions, nous pouvons avancer. La véritable difficulté, en matière de droits des femmes, c'est l'écart entre le droit formel et le droit réel. Très souvent, ce sont les élus qui nous informent du droit réel, ce sont les parlementaires qui peuvent faire « le dernier kilomètre » pour informer chacun des nouveaux droits qui sont les siens. Je vous en remercie.

Mon propos introductif sera assez bref, pour laisser du temps à l'échange de questions et de réponses. À ce sujet, je remercie celles et ceux qui assistent à cette audition mais je suis navrée de devoir souligner que d'autres ne sont pas parmi nous. De nombreux membres de la Délégation travaillent de manière sérieuse et continue, mais elle compte aussi des membres qui font des incantations mais ne sont jamais présents lors des auditions, des séances de travail et des réunions pendant lesquelles nous préparons les changements primordiaux à venir et les futures améliorations relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le Gouvernement attache une importance particulière à la diplomatie féministe voulue par le Président de la République et dont je suis responsable avec Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Depuis un an, notre travail à ce sujet se traduit par des moyens importants. D'abord, un fonds de soutien aux ONG féministes doté de 120 millions d'euros. Ensuite, dans le cadre de la présidence française du G7, la signature lors de la réunion des ministres chargés de l'égalité entre les femmes incluant tous les pays du Groupe – dont les États-Unis d'Amérique évidemment, ce qui mérite d'être souligné – d'une déclaration commune visant à faire de l'égalité femmes-hommes une cause mondiale. Le sommet du G7 se tiendra à Biarritz, fin août, et le Président de la République a décidé d'y mettre l'accent sur l'égalité femmes-hommes. Les pays signataires de la déclaration se sont engagés à adopter, dans le cadre du Partenariat de Biarritz, au moins l'une des « meilleures lois pour les droits des femmes dans le monde » recensées par le Conseil consultatif pour l'égalité femmes-hommes coprésidé les Prix Nobel de la paix Nadia Murad et Denis Mukwege. Le recueil de ces propositions sera présenté lors du sommet d'août prochain. Dans ce cadre, j'ai lancé la consultation en ligne « Ma loi pour les femmes », un appel à contributions qui a permis de faire vivre ce débat sur les territoires pour travailler sur les prochaines lois qui utiles pour faire progresser l'égalité.

La diplomatie féministe se manifeste aussi dans le travail de l'Agence française de développement (AFD) qui a maintenant des objectifs de genre précis : 50 % des projets financés par l'Agence doivent inclure au moins une composante d'égalité entre les femmes et les hommes ou les filles et les garçons. Cela a un impact très important et se manifeste notamment par le soutien à la lutte contre l'excision dans différents pays. Enfin, la diplomatie féministe se traduit par l'organisation à Paris, en juillet 2020, de la conférence mondiale des femmes Pékin+25, sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et d'ONU-Femmes. L'objectif visé est que toutes les organisations qui oeuvrent pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le monde se retrouvent, que l'on avance ensemble et que les États prennent à cette occasion de nouveaux engagements en faveur de l'égalité des sexes. À cette fin, j'ai lancé à l'ONU la première consultation mondiale des organisations féministes, « Ask Feminists », en anglais, français et espagnol, et j'étais récemment au Mexique, au Canada et aux États-Unis pour cette raison. Comme l'a rappelé votre présidente à très juste titre, les droits des femmes connaissent des régressions et des menaces partout dans le monde. La voix de la France est attendue sur ce sujet et il est primordial qu'elle défende les intérêts et les droits des femmes.

Bien entendu, notre travail ne se limite pas à la diplomatie féministe. Nous menons de nombreux projets sur le sol national. La semaine dernière, nous avons lancé à la Maison des femmes de Saint-Denis le plan national d'action contre l'excision ; plusieurs d'entre vous étaient présents et je vous en remercie. Nous allons aussi travailler à améliorer les conditions de travail des femmes de chambre dans l'hôtellerie et des agents d'entretien. Nous avons engagé la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en lançant une plateforme avec le ministre de l'intérieur et la garde des Sceaux ; des dispositions ont été prises pour faciliter la libération de la parole et l'accès à la plainte mais aussi la condamnation, par la formation des magistrats et différentes expérimentations. Nous travaillons aussi à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : nous avons mis au point avec la ministre du travail un index de l'égalité salariale, et avec Ethics and Boards un observatoire de la place des femmes dans la gouvernance des entreprises cotées.

Enfin, et pour ne citer que quelques-uns des chantiers sur lesquels nous avançons, je travaille avec ma collègue Christelle Dubos au recouvrement des pensions alimentaires, précisément pour qu'il ne s'agisse plus exclusivement de recouvrement mais bien de lutte contre les impayés, y compris en amont ; cette nouveauté est d'ailleurs un engagement du Président de la République. Tels sont dans les grandes lignes les chantiers encore ouverts. L'année scolaire s'achevant, un bilan sera enfin fait prochainement des trois séances à l'éducation affective et sexuelle ; je le présenterai avec le ministre de l'Éducation nationale, comme nous nous y étions engagés.

D'autres chantiers seront ouverts à la rentrée. En matière d'égalité entre les femmes et les hommes, nos politiques publiques sont extrêmement volontaristes, avec un changement très net du cadre et des possibilités offertes. Mais les chiffres montrent que beaucoup de femmes sont encore tuées par leur conjoint, qu'il y a encore des agressions sexuelles, du harcèlement sexuel sur les lieux de travail, qu'il y a encore des inégalités professionnelles, qu'il y a encore des secteurs dans lesquels les jeunes filles et les femmes sont moins représentées ou vers lesquels elles ne s'orientent pas. Tout cela doit nous inciter à travailler davantage encore, à augmenter encore nos moyens. C'est ce que nous avons fait cette année.

Grâce au vote des parlementaires, le budget de l'égalité femmes-hommes s'est établi à 530 millions d'euros en 2019 – c'est un record : jamais il n'y eu autant d'argent pour l'égalité entre les femmes et les hommes, et il faut le dire encore et encore. De nombreuses associations ont vu leur subvention augmenter. C'est le cas de la plateforme d'appel 3919. Nous leur avons dit : « De combien d'argent avez-vous besoin pour prendre 100 % des appels car nous vous les donnerons ». La réponse a été : « 120 000 euros » ; le Premier ministre nous a donné son accord et nous avons débloqué 120 000 euros pour le 3919. De même, des associations de lutte contre l'excision telles que « Excision, parlons-en » et d'autres ont vu leur subvention augmenter de 95 à plus de 300 %. Le Collectif féministe contre le viol a également vu sa subvention augmenter deux fois de façon considérable ; et je pourrais allonger la liste. Il est important de le dire, si forte est la désinformation à ce sujet, désinformation que démentent les chiffres.

Je remercie les parlementaires d'avoir voté ce budget et d'être toujours très vigilants à la fois sur l'utilisation de l'argent public et sur l'exécution des budgets votés ; d'ailleurs, pour la première fois, ce budget a été totalement exécuté, réserve de précaution incluse.

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Je vous remercie. La parole est à Sophie Panonacle, co-rapporteure avec Marie-Noëlle Battistel, qui nous rejoindra sous peu, de notre mission d'information sur la séniorité des femmes.

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L'intitulé complet du rapport que Marie-Noëlle Battistel et moi-même venons de vous remettre, madame la ministre, est « La séniorité, le tiers invisible de la vie des femmes ? ». Ce rapport traite des retraites, du vieillissement et de l'invisibilisation. La perspective de la réforme du système de retraite nous a conduites à nous interroger sur des dispositifs de correction des inégalités entre les femmes et les hommes. Concernant le vieillissement, alors que ce défi démographique implique particulièrement les femmes, qui représentent la majeure partie des personnes âgées, les politiques publiques ne ciblent que rarement les femmes comme public spécifique ; n'est-il pas primordial de mieux appréhender les questions touchant spécifiquement les femmes séniores pour adapter la société de demain aux enjeux du vieillissement ? Nous avons aussi souligné l'invisibilisation des femmes séniores, qui subissent une forme d'effacement social. Cette forme ultime de sexisme consistant à ignorer toute femme qui, ayant dépassé la ménopause, ne peut plus assurer une fonction reproductrice, ne devrait-elle pas être mieux prise en compte dans la lutte contre les stéréotypes sexistes ?

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Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations

Je vous remercie pour la remise de ce rapport. Je partage évidemment pleinement votre constat et j'appelle votre attention sur le travail mené à ce sujet par la commission « Tunnel de la comédienne de 50 ans » de l'association Acteurs actrices de France associés (AAFA). Leurs membres m'ont expliqué qu'on leur propose des rôles de jeunes femmes quand elles sont jeunes, puis plus rien jusqu'à ce qu'elles aient 55 ou 60 ans ; et on les appelle alors exclusivement pour jouer des rôles de grand-mère… ce qui les conduit à incarner la mère d'acteurs ayant le même âge qu'elles. Il y a donc non seulement invisibilisation des femmes de plus de 50 ans, mais aussi inexistence de la représentation des femmes de cet âge, puisque l'on passe directement de l'héroïne de comédie romantique ou de la jeune mère de famille à la grand-mère, avec un vide béant entre les deux. Que la représentation des femmes par les comédiennes soit ainsi faussée n'est pas anodin, puisque la télévision, les publicités et les films créent un imaginaire collectif qui modèle nos propres représentations.

Les femmes retraitées ont un double handicap : elles ont connu au cours de leur parcours professionnel des écarts de rémunération persistants avec les hommes ainsi que des interruptions de carrière. Cela a d'importantes répercussions sur le montant de leur pension de retraite puisque les femmes perçoivent des pensions qui sont en moyenne de 39 % inférieures à celles des hommes alors qu'elles partent en retraite à un âge plus avancé qu'eux. L'aboutissement des inégalités constatées au cours de la vie professionnelle est que deux retraités pauvres sur trois sont des femmes.

J'ai donc confié au CSEP, instance de dialogue social que je préside, une mission sur la question de l'emploi des femmes séniores pour déterminer les discriminations qu'elles subissent et qu'on puisse les rendre visibles. Il est rarissime qu'un employeur dise : « Vous avez plus de cinquante ans, je ne vous embaucherai pas » – généralement, ces choses se font de manière plus subtile. Il faut donc quantifier précisément ces discriminations et aussi travailler à ce que les femmes âgées de plus de cinquante ans en activité soient mieux perçues, à favoriser ce que les Anglo-Saxons appellent le late blooming, c'est-à-dire à considérer que l'on n'est pas une personne à potentiel entre 30 et 40 ans seulement mais que l'on peut évoluer jusqu'à la fin de sa carrière, et qu'il est bon d'embaucher aussi des personnes qui ont une longue expérience professionnelle. Ce rapport me sera remis très bientôt. Je sais déjà qu'il éclaire la situation des femmes séniores sur le marché de l'emploi, soulignant notamment que 57 % des hommes seniors sont en activité et beaucoup moins de femmes séniores, et que 16,9 % des femmes ont subi une discrimination liée à l'âge. La dernière vague du baromètre de la représentation des femmes à l'écran publié par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) montre la sous-représentation à l'écran des femmes dans la tranche d'âge 20-34 ans d'une part, et leur sous-représentation à partir de 50 ans d'autre part. C'est pourquoi nous travaillons avec l'AAFA à ce combat culturel en faveur de la représentation des femmes. Sur ce sujet important, nous ferons le lien, d'une part, avec votre rapport consacré au tiers invisible de la vie des femmes, d'autre part avec la mission du CSEP pour travailler conjointement sur le volet « recrutement et vie professionnelle », et sur le volet « invisibilisation » car ils renvoient l'un à l'autre. En entreprise, nous devons valoriser l'expérience acquise par le bais du tutorat et du mentoring et aussi développer le lien intergénérationnel, en entreprise comme dans l'administration, pour favoriser le partage de compétences.

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La ministre des Armées a repris de nombreuses mesures préconisées dans notre rapport d'information sur les femmes et les forces armées ; cela montre que votre secrétariat d'État, parce qu'il est rattaché au Premier ministre, a une très grande influence sur les réformes engagées par le Gouvernement.

Les femmes demeurent sous-représentées dans la vie politique : seulement 16 % des maires sont des femmes et elles ne représentent que 8 % des présidents de conseil départemental et 19 % des présidents de conseil régional. Leur engagement est freiné par l'image d'un milieu violent, le manque de temps et de ressources, l'autocensure avec l'idée que la politique est un métier d'homme, la difficulté des femmes à percevoir leurs propres talents… La parité obligatoire a été un formidable vecteur de progrès, mais le problème est avant tout d'inciter les femmes à s'engager. L'échéance des municipales est proche ; il nous reste moins d'un an pour agir. Les femmes doivent prendre confiance en elles-mêmes, oser prendre des responsabilités et s'investir en politique. Outre cela, elles restent trop souvent cantonnées à des délégations archétypales de la vision sociétale des femmes – l'éducation, la petite enfance, les affaires familiales et sociales –, alors que nous avons besoin de toutes les bonnes volontés et de tous les talents. Quelles mesures pourraient être mises en oeuvre pour inciter les femmes à s'engager davantage dans la vie politique ?

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Deux jours après la tenue du sommet du G7 de 2018 à Charlevoix, au Canada, le magazine L'Actualité titrait : « Le G7 ne changera pas le monde, les femmes, oui ». L'accent était effectivement mis sur la diplomatie féministe que nous appelons de nos voeux : pour la première fois de son histoire, ce sommet avait ouvert l'ensemble de ses discussions au Conseil consultatif à l'égalité entre les sexes. Le Président Emmanuel Macron a souhaité reconduire ce Conseil, car aucun pays au monde ne peut prétendre avoir atteint l'égalité entre les femmes et les hommes. Faire du prochain G7 un rendez-vous féministe implique un changement de paradigme ; la présidence française a donc une responsabilité historique. Sans des engagements concrets ayant un impact réel sur la vie des femmes et des filles partout dans le monde, le sommet de Biarritz ne réussira ni à faire progresser la situation ni à contrer des régressions croissantes en ces temps troublés. À cet égard, comment être plus concret qu'en donnant un exemple constant ? La parité doit être une réalité du quotidien, dans tous les domaines. Or, le Président de la République se rend aujourd'hui au Japon, accompagné d'une délégation de 123 personnes toutes fonctions confondues, dont 101 sont des hommes. Que nous manque-t-il pour montrer l'exemple ? Comment la parité et la diplomatie féministe pourraient-elles enfin cesser d'être des concepts abstraits ? Que faire, de façon tangible, pour qu'une volonté infiniment sincère s'exprime dans la pratique ?

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Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations

Je salue votre engagement, madame Couillard, vous qui avez organisé à Pessac le Grand débat au féminin. À cette occasion, plusieurs femmes ont exprimé leurs revendications devant le Président de la République en personne et, par la magie de BFM TV, en direct devant des dizaines de milliers de personnes.

Le Président de la République s'est engagé pendant la campagne des législatives à ce que des femmes soient investies dans des circonscriptions gagnables et non pas, comme cela a été trop longtemps le cas, uniquement là où l'on sait qu'elles vont perdre ; mais de nombreux partis politiques continuent de préférer payer des amendes plutôt que d'investir des femmes aux élections.

Renforcer la place des femmes dans la vie politique relève de trois niveaux de responsabilité. C'est d'abord celle des partis politiques : s'ils ne se donnent pas pour exigence d'aller chercher des femmes, de les investir, de les soutenir et de créer des conditions leur permettant de s'engager en politique, il est difficile pour elles de le faire. Il y a aussi une responsabilité des pouvoirs publics, et nous l'assumons en travaillant avec Sébastien Lecornu à ce que le projet de loi « Proximité et engagement » qu'il soumettra au Conseil des ministres en juillet offre aux femmes toutes les conditions nécessaires pour s'engager et, une fois élues, concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Enfin, la responsabilité générale de la société est de mettre fin au traitement différencié des femmes et des hommes lorsqu'elles et ils sont engagés dans la vie politique. J'entends par là qu'il faut cesser de considérer qu'une personne qui fait de la politique et qui a du caractère a du leadership si c'est un homme, alors qu'elle « est pénible » si c'est une femme. Ces représentations stéréotypées persistent, contre lesquelles il faut se battre, et le Gouvernement a pour mantra de ne rien laisser passer. Appuyer les femmes attaquées parce qu'elles sont des femmes, ce n'est pas uniquement les défendre, c'est aussi donner envie à toutes celles qui veulent s'engager en politique de le faire en leur montrant que si elles sont victimes d'attaques sexistes elles seront défendues dans le monde politique – car je connais assez peu de femmes qui ont envie de se faire lyncher jour et nuit sur les réseaux sociaux, critiquées pour leur apparence, leur tenue vestimentaire, leur coiffure, leur vie privée… toutes choses qui, généralement, sont épargnées aux hommes engagés dans la vie politique.

À ces trois niveaux de responsabilité, j'adjoindrai la responsabilité des femmes elles-mêmes, même si je n'aime pas multiplier les injonctions qui leur sont faites. Il va sans dire que la femme la plus difficile à élire est celle qui ne s'est pas présentée aux élections ; la femme la plus difficile à investir est celle qui n'a pas présenté sa candidature. Il est aussi de la responsabilité des femmes de s'engager dans la vie politique, de poser leur candidature et de présenter des projets. Il ne s'agit pas seulement d'une injustice – et je ne prétends pas que la représentation devrait être rigidement et strictement partitaire – : c'est aussi que l'inégalité entre les sexes fait que nous passons à côté de certains sujets. Je suis convaincue que s'il y avait eu précédemment autant de femmes députées qu'il y en a maintenant, on aurait travaillé depuis des années sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, le manque de places en crèche et d'autres sujets qui ne faisaient pas l'objet de politiques publiques jusqu'à ce que l'Assemblée nationale se féminise en 2017. Je pense aussi à des thématiques telles que les règles, le harcèlement de rue, les violences obstétricales… Certains sujets étaient des tabous parce qu'ils n'étaient pas portés politiquement ; le fait que davantage de femmes aient des responsabilités politiques permet qu'ils le soient. Nous avons aussi organisé un événement sur les règles en présence de la Secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, de la Secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et de la Secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Je ne suis pas certaine que si à la place de Brune Poirson, Christelle Dubos et Agnès Pannier-Runacher, les membres du Gouvernement considérés avaient eu des prénoms masculins, ils auraient accepté de s'emparer de cette question et de se mettre autour d'une table pour régler la question de la transparence de la composition des produits et de leur sécurité, la précarité menstruelle ou l'innovation ayant trait à l'hygiène menstruelle. Faire en sorte que davantage de femmes accèdent aux responsabilités politiques est une priorité et un moyen d'évolution de la société.

Vous avez raison, madame Chapelier, la parité est une exigence. J'essaye évidemment de me l'appliquer. Trop souvent, on me dit qu'on ne trouve pas de femmes. Il est vrai que ce n'est pas toujours facile, parce que, comme je disais tout à l'heure, la plupart des candidatures aux nominations sont masculines ; il faut chercher des femmes candidates. Et les femmes étant moins nombreuses à la tête des entreprises et parmi les hauts fonctionnaires, elles le sont aussi lorsqu'il faut composer des délégations. Ce doit être une exigence de chaque instant.

Cette exigence se traduit dans le cadre de la diplomatie féministe, pour laquelle nous avons voulu la parité en sens inverse, si j'ose dire : nous avons tenu à ce que des hommes siègent au sein du Conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes – même si l'un des membres a déploré que les hommes y soient en trop petit nombre. À l'ONU, le Président de la République a appelé à ce que l'égalité femmes-hommes devienne une grande cause mondiale, indiquant à ses pairs que s'il a fait de cette cause la grande cause de son quinquennat en France, aucun pays ne peut prétendre atteindre l'égalité seul. Il a donc enjoint l'ensemble des États à s'engager aux côtés de la France. C'est pourquoi, dans le cadre de la présidence française du G7, j'ai réuni à Paris et à Bondy, en Seine-Saint-Denis, les 9 et 10 mai dernier, les ministres du G7 et d'autres pays invités, tels le Rwanda, le Burkina Faso, la Nouvelle-Zélande ou l'Argentine, pour travailler ensemble à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, le cyberharcèlement, l'excision mais aussi l'émancipation économique des femmes africaines. À cette fin, nous avons travaillé à la définition de mécanismes financiers nationaux et panafricains permettant de soutenir l'émancipation économique des femmes, particulièrement au Sahel, et l'éducation des petites filles et des petits garçons, partout dans le monde. Ce travail nous a conduits à un engagement très fort vis-à-vis des plateformes numériques. Vous allez étudier prochainement la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet. Dans le cadre du G7, nous avons exhorté les plateformes à retirer les contenus illégaux dans des délais les plus rapides possible et à mettre en service des outils simples et intuitifs. Les pays du G7 ont reconnu le rôle décisif des femmes leaders, des femmes de la société civile et des organisations féministes dans le combat culturel pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Compte tenu des reculs que nous constatons partout dans le monde en ce moment, c'est un progrès.

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Je donne la parole aux co-rapporteures de notre mission d'information sur les menstruations, Laëtitia Romeiro Dias et Bénédicte Taurine.

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Nous avons entendu plusieurs personnes, dont le directeur de l'évaluation des risques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), au sujet de la sécurité sanitaire des produits d'hygiène féminine. Il a souligné la présence d'éléments toxiques dans leur composition et nous avons été interloquées d'apprendre que les fabrications étiquetées « bio » contiennent les mêmes produits chimiques que les autres, le terme « bio » ne concernant que les produits issus de l'agriculture, nous a-t-il dit, et donc nullement les produits chimiques ajoutés. Comment le Gouvernement pourrait-il favoriser un meilleur contrôle de la composition des produits des protections hygiéniques ? Est-il possible d'obtenir des engagements des fabricants à ce sujet et de prévoir une meilleure sensibilisation des femmes au syndrome du choc toxique par l'amélioration rapide des emballages en ce sens ?

Par ailleurs, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour lutter contre la précarité menstruelle ? Quel est votre avis sur gratuité éventuelle des protections intimes ? M. Bastien Lachaud a déposé en mars une proposition de loi visant à assurer la gratuité des protections menstruelles et à garantir leur sécurité sanitaire ; la Sécurité sociale pourrait-elle prendre en charge le remboursement de ces produits hygiéniques ?

Sur un plan général, il faut en finir avec le tabou des menstruations ; quelle place donner à cette question dans l'éducation des jeunes filles et des jeunes garçons ?

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Les menstruations concernent 3,8 milliards de femmes dans le monde. Ce phénomène biologique naturel conduit à des discriminations, des maltraitances et des persécutions, quand ce n'est pas l'enfermement. Je donnerai quelques exemples frappants. Au Japon, les femmes ne peuvent pas exercer certaines professions, dont celle de chef sushi, au prétexte que les menstruations dérègleraient leurs papilles gustatives. En Iran, on véhicule l'idée que les règles sont une maladie. En Afghanistan, on pense que se laver les organes génitaux pendant les règles rendrait stérile. En Inde, certains pensent qu'une femme ayant ses règles peut contaminer la nourriture. Au Kenya, la plupart des femmes n'ont pas accès aux protections hygiéniques et doivent se contenter de protections de fortune faites à base de matelas, de journaux et parfois même de boue séchée. Au Népal, la tradition religieuse du Chaupadi, pourtant illégale désormais, veut que les femmes soient bannies de leur foyer le temps de leurs règles, ce qui les expose à des risques d'hypothermie ou d'agressions sexuelles. La France a-t-elle vocation à se saisir de ce problème dans le cadre de la diplomatie féministe que vous portez ?

Le Conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes va formuler des recommandations à l'attention des chefs d'État du G7 ; la question des menstruations sera-t-elle abordée ? La France s'est engagée à promouvoir l'égalité des genres dans le monde, mais les exemples que j'ai cités montrent que ce sera difficile si l'on ne fait rien contre les discriminations associées aux règles. Une augmentation significative de l'aide publique au développement a été annoncée l'année dernière ; ne faut-il pas utiliser ce levier pour mettre fin à ces discriminations ?

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Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations

Je me réjouis que nous puissions traiter de ce sujet dans l'enceinte de l'Assemblée nationale ; c'est assez récent. J'ai évoqué tout à l'heure l'événement que nous avons organisé et l'engagement interministériel de plusieurs de mes collègues sur la question des règles. Au moment d'annoncer cet événement sur les réseaux sociaux, nous nous sommes interrogés pour savoir s'il fallait utiliser le mot « règles » ; j'ai finalement décidé que tel serait le cas, puisque c'est celui du langage courant, le plus immédiatement compréhensible. Sur les réseaux sociaux, ce choix a généré deux jours de moqueries et de plaisanteries de mauvais goût. Cela montre combien, en 2019, on a encore du mal à parler posément de cette question. Il est important de lever ce tabou car il a plusieurs conséquences. En premier lieu, on a laissé très longtemps les fabricants agir sans leur demander de comptes précis sur la composition des produits qu'ils vendent : comme c'est un tabou, personne ne veut prendre la parole à ce sujet, et donc personne ne veut contraindre qui que ce soit à rien. Le tabou conduit à des méconnaissances dont vous avez cité quelques exemples parmi d'autres et à la précarité menstruelle décrite par votre collègue Bastien Lachaud dans sa proposition de loi. Parce que le sujet est tabou, on n'ose exprimer ni revendications ni exigences, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire. J'espère donc qu'en organisant cet événement, nous avons contribué à la levée du tabou, comme le font de nombreuses organisations, startups et associations féministes qui mènent ce combat.

La demande de transparence sur la composition de produits en contact avec le corps des femmes et qui peuvent avoir des conséquences gravissimes quand ils sont mal utilisés – je pense au syndrome de choc toxique – m'apparaît légitime. Lors de l'événement sur les règles que nous avons organisé, l'entreprise Always s'est engagée à publier la composition de ses produits sur les boîtes, et non plus seulement sur son site internet. La loi obligeant à la transparence mais ne précisant pas où les informations doivent être publiées, des fabricants se limitent à indiquer la composition de leurs produits sur leur site internet. Nous veillerons à la mise en oeuvre de cet engagement, dont il nous a été dit qu'il commencerait de s'appliquer à la rentrée. Nous comptons évidemment sur les parlementaires pour vérifier cela avec nous et, comme pour tout autre sujet, si l'engagement n'est pas tenu, nous ne nous interdisons pas de passer à des mesures coercitives.

Parce que l'information sur ces sujets est indispensable, Jean-Michel Blanquer et moi-même avons rendu obligatoires trois séances annuelles d'éducation sexuelle et affective pour toutes les classes. Beaucoup de ces séances sont assurées par des associations agréées dont le Planning familial, avec des infirmières et des infirmiers scolaires. Contrairement à ce que certains ont allégué, il ne s'agit évidemment pas d'enseigner la masturbation aux adolescents – qui, du reste, n'ont pas besoin de nous pour cela – mais de partager une information concrète et pertinente sur la vie sexuelle et affective, y compris sur la question des règles. Vous avez mentionné plusieurs exemples révoltants des conséquences de croyances obscurantistes partout dans le monde, mais en France aussi des gens restent perméables à cet obscurantisme. Je me souviens ainsi avoir reçu, alors que j'étais élue locale, une jeune femme venue me parler d'IVG et me disant : « Je ne comprends pas comment je peux être enceinte alors que j'ai eu un rapport sexuel à la nouvelle lune ». La méconnaissance du fonctionnement du corps des femmes continue d'exister ici aussi.

Au Burkina Faso, où je me trouvais récemment, je me suis rendue dans le village de Tibou et j'ai assisté à des sessions d'éducation à ce sujet, conduites par l'Unicef. Plusieurs adolescentes m'ont dit ne pas aller l'école quand elles ont leurs règles, « parce qu'elles sont sales ». Nous avons expliqué qu'il n'en est rien et que cela ne doit en aucun cas les empêcher d'aller à l'école. Nous avons dit aussi que les règles sont un phénomène naturel mais que, comme il est dit dans la campagne d'information sur l'endométriose, la douleur ne l'est pas, et elle signale probablement une maladie à rechercher.

Dans le cadre de la diplomatie féministe, les questions de santé sexuelle et reproductive sont au coeur de notre plaidoyer et j'ai insisté sur ce point à l'ONU lors de la dernière réunion de la Commission de la condition de la femme (CSW) de mars dernier, où je représentais la France ; certains d'entre vous étaient d'ailleurs présents. Il est important que la France porte ces sujets ; nous avons co-organisé avec d'autres pays des événements sur la question des règles et de l'hygiène menstruelle ces deux dernières années aux Nations Unies et nous le referons l'année prochaine.

J'en viens au remboursement éventuel des protections hygiéniques par la Sécurité sociale. La précarité menstruelle n'est en rien négligeable, contrairement à ce que certains disent. Cela étant, à titre personnel, je ne pense pas – mais nous verrons quelles sont les conclusions des rapporteures de la Délégation aux droits des femmes et de la sénatrice Patricia Schillinger – que le remboursement par la Sécurité sociale soit une bonne solution. Remboursement implique prescription, ordonnance, achat, document… cela me semble tenir de l'usine à gaz pour de petits montants. Je pense aussi que l'apport éventuel ne doit pas être le même pour des femmes qui ont les moyens de s'acheter des protections hygiéniques et pour celles qui doivent « cantiner » en prison, les femmes sans domicile, les étudiantes, les femmes en grande précarité ou dans des situations ponctuellement difficiles. Pour celles-là, il peut être de la responsabilité des pouvoirs publics au sens large de se faire fournisseur. C'est pourquoi j'ai confié une mission à la sénatrice Patricia Schillinger, visant à expérimenter la gratuité des protections hygiéniques pour les femmes vivant en grande précarité. Cette expérimentation aura lieu à l'échelle d'une région ; je souhaite qu'elle soit généralisée si elle a des résultats positifs et, si ce n'est pas le cas, que l'on en tire des enseignements pour l'améliorer et la généraliser. Je compte aussi, bien sûr, sur les propositions de la Délégation qui pourront mener à de nouvelles politiques publiques en la matière.

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Le G7 et l'Unesco organisent le 5 juillet prochain une conférence internationale sur l'éducation des filles et des femmes que clôturera le Président de la République. Je suis convaincue que la France joue un rôle majeur en ce domaine, comme le montre votre classement, madame la ministre, au nombre des personnalités qui influencent le plus positivement les sujets d'égalité femmes-hommes dans le monde. Comment ce rôle de leader peut-il permettre aussi de valoriser les efforts faits pour rendre les droits des femmes plus effectifs sur le plan national ? Ne devons-nous pas être exemplaires sur les plans économique et éducatif ? Vous aurez compris qu'il s'agit d'un chantier à ouvrir ; je vous félicite pour le bilan de votre action depuis votre arrivée au Gouvernement,

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La parole est aux deux co-rapporteures de la mission d'information sur l'accès à l'IVG que nous venons de désigner.

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À la suite du chantage auquel s'est livré le Syndicat national des gynécologues et des obstétriciens de France, le Gouvernement a indiqué vouloir que les agences régionales de santé établissent un état des lieux de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse. Quel est l'état d'avancement de ce recensement ? Sans préjuger des travaux de notre mission d'information, considérez-vous qu'il faille supprimer la double clause de conscience ? La clause de conscience générale n'est-elle pas suffisante ?

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Je vous prie d'excuser mon arrivée tardive : j'assistais à la séance publique qui se tenait concomitamment. Notre mission d'information sera conduite à examiner la question des disparités territoriales d'accès à l'IVG et celle de l'éventuel allongement de douze à quatorze semaines du délai légal pour pratiquer une IVG ; sachant qu'il y a quelquefois confusion entre semaines de grossesse et date d'aménorrhée, il faudra également éclaircir ce volet. Le ministère a-t-il déjà travaillé sur ces questions ? Selon vous, quelles sont les mesures à mettre en oeuvre pour mieux garantir le droit fondamental qu'est le droit à l'IVG ?

Je sais qu'il a déjà été question du rapport d'information sur la séniorité des femmes ; j'aimerais savoir quel avis vous portez sur ce document, votre sentiment sur les inégalités qui se creusent au fil des ans et l'état d'esprit dans lequel vous abordez les deux textes qui vont être soumis à notre examen prochainement : la transformation du système de retraite, où l'on pourra peut-être prévoir des dispositifs correctifs, et la loi sur la dépendance, dans laquelle beaucoup de nos recommandations pourraient être introduites.

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Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations

Je vous remercie, madame Hai, pour vos aimables propos. La diplomatie féministe et le travail en faveur de l'égalité femmes-hommes en France se nourrissent en effet l'une l'autre. Notre diplomatie féministe est très volontariste et, partout dans le monde, pour ce qui concerne les droits des femmes, la voix de la France est attendue et écoutée. Notre leadership est reconnu par l'ensemble des pays et des organisations, et c'est pourquoi nous organiserons la Conférence mondiale des femmes, sous l'égide de l'ONU, en 2020 à Paris. Mais nous cultivons dans le même temps une forme d'humilité parce que si aucun pays n'a atteint l'égalité parfaite et réelle entre les femmes et les hommes, certains, sur certains points, sont plus avancés que la France.

Ces autres pays sont pour nous une source d'inspiration et nous pouvons avoir avec eux des échanges extrêmement fructueux, parfois en dehors des idées reçues. Ainsi, pour ce qui est de la place des femmes dans la vie politique, la parité est parfaite au Rwanda, en pointe pour la représentation des femmes dans la sphère politique. De même, le Maroc, comme d'autres pays du Maghreb, a déjà mis en oeuvre un budget genré. Quand j'ai annoncé, il y a deux ans que j'allais expérimenter cela, des dizaines de journalistes politiques ont moqué cette expérimentation féministe gauchisante présentée comme étant de mon invention. Or, ce n'est pas mon invention, et je le déplore : depuis une dizaine d'années, des pays le mettent en oeuvre, notamment des pays du Maghreb. La diplomatie féministe nous conduit aussi à ces échanges qui enrichissent nos politiques publiques.

Au nombre des sujets de fierté pour la France, il y a évidemment le droit à l'IVG. Notre pays est en pointe dans la protection de ce droit et aussi dans des progrès récents accomplis, avant l'arrivée du Gouvernement, pour ce qui est de la place des femmes à la tête des entreprises. Le nouveau baromètre Ethics and Boards qui va être publié très prochainement nous dira quelles sont les plus récentes avancées, mais on voit bien que, depuis l'adoption de la loi Copé-Zimmermann il y a chaque année de plus en plus de femmes dans les organes dirigeants des entreprises. La France est passée du bas au haut du classement des pays européens, et ce progrès a été le fait de l'ensemble des entreprises.

Mais il faut encore progresser pour parvenir à l'émancipation économique des femmes et c'est pourquoi deux chantiers seront ouverts à partir de la rentrée. Le premier est le passage à 50 % de tous les quotas existants. J'ai confié une mission à cet effet au HCE, désormais présidé par Brigitte Grésy, dont j'ai eu le plaisir de proposer la nomination au Premier ministre. J'ai entendu des récriminations contre les quotas. Or, ils ont été une mesure d'amorçage : ils auraient disparu si nous avions atteint une parité parfaite. Ce n'est pas le cas, et il y a donc matière à mesurer dans un premier temps, sereinement et sérieusement, l'opportunité d'augmenter les quotas jusqu'à 50 % pour tous les postes qui sont déjà soumis à ce dispositif, hauts fonctionnaires de l'administration de l'État et membres des conseils d'administration des entreprises cotées. Dans le même temps, j'ai confié au CSEP une mission de réflexion sur les conditions de travail des femmes de chambre. Les deux sujets ne vont pas l'un sans l'autre : on ne peut se contenter de favoriser l'accès des femmes cadres supérieures à la direction des entreprises en oubliant de chercher à améliorer les conditions de travail des femmes dans les situations les plus précaires. Ce sont notamment les femmes de chambre qui contribuent à l'excellence hôtelière française mais qui sont invisibles et qui n'ont pu, jusqu'à présent, créer un rapport de force qui leur soit favorable pour améliorer leur qualité de vie au travail.

Nous devons faire monter en compétences les femmes qui travaillent dans les secteurs du service à la personne et dans les métiers d'agents d'entretien, y compris dans les administrations, leur apporter de nouveaux droits. En matière de formation, toute personne travaillant à temps partiel a désormais autant droit à formation que celle qui travaille à temps plein ; il faut le faire savoir à celles qui n'iront peut-être pas s'inscrire spontanément à une formation, les faire monter en compétences et, aussi, augmenter les quotas et forcer un peu les choses pour qu'il y ait davantage de femmes à la direction des entreprises. J'entends parfois demander pourquoi nous voulons toujours contraindre alors que « cela va se faire naturellement ». C'est faux : on attend depuis quelques siècles que cela se fasse naturellement et le World Economic Forum, qui n'est pas une organisation féministe radicale, a calculé que si les choses continuent sur la lancée actuelle, on atteindra l'égalité femmes-hommes au travail en l'an 2234. Je préfèrerais que cela se fasse sinon pendant ce quinquennat au moins de notre vivant.

Madame Muschotti, l'état des lieux de l'accès à l'IVG est en cours de réalisation par ma collègue Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. La suppression de la double clause de conscience pour l'accès à l'IVG est une demande récurrente du Planning familial ainsi que des associations internationales travaillant sur cette question qui souhaitent que l'on maintienne la possibilité pour les médecins de faire jouer la clause de conscience générale, sans stigmatiser l'IVG comme un acte particulier. À titre personnel, je trouve cette demande assez légitime. Néanmoins, sur les sujets liés à l'IVG, il est important de prendre le temps d'une réflexion sérieuse, en y associant toutes les parties prenantes – médecins, organisations représentatives de soignants, organisations représentant les patients, associations, Planning familial, organisations féministes – puis de faire des propositions. La mission d'information de votre Délégation conduira ce travail de fond et formulera des propositions que le Gouvernement étudiera avec attention.

À titre personnel encore, je suis plutôt favorable, madame Battistel, à un allongement raisonnable du délai légal de recours à l'IVG et j'approuve le point de vue que vous récemment exprimé à ce propos, madame la présidente. Dans l'absolu, un allongement raisonnable, de deux semaines, pourrait être une bonne chose ; cela éviterait à des femmes de devoir aller à l'étranger pour interrompre une grossesse. Cependant, une fois encore, je pense que cette décision ne peut pas être prise rapidement, de façon dogmatique, manichéenne, ou pour marquer un but politique car c'est un sujet grave. Il faut déterminer si l'acte médical est le même selon que l'IVG est pratiquée à douze ou à quatorze semaines, ce que, n'étant pas médecin, je ne saurais dire ; il faut écouter les gynécologues et les spécialistes. Y a-t-il une demande d'allongement du délai par les femmes et les associations ? J'ai le sentiment que oui, mais il faut déterminer avec elles les ressorts de la demande. De plus, il ne doit pas s'agir d'un droit formel mais d'un droit réel. Or, en l'état, les difficultés d'accès à l'IVG sont manifestes. Certains territoires sont des déserts médicaux ; le Gouvernement et la majorité travaillent pour y remédier, mais quels praticiens pourraient pratiquer des IVG pendant le délai de deux semaines supplémentaires, c'est-à-dire un plus grand nombre d'IVG ? Il faut y réfléchir avant de créer un droit qui ne doit pas rester formel. Votre Délégation a donc choisi la bonne méthode pour aller vers un allongement raisonnable de l'accès à l'IVG : travailler sans précipitation, en consultant le plus largement possible les parties prenantes, de façon que ce droit puisse être mis en oeuvre et non rester sans effet tangible. La très importante question du maillage territorial est notamment travaillée dans le cadre du projet « Ma Santé 2022 », ce dont votre collègue Thomas Mesnier vous parlerait bien mieux que moi. Nous nous attachons à ce que le maillage territorial soit plus performant, ce qui répondra à une demande des femmes, car traiter de l'IVG, c'est aussi traiter de l'accès à la contraception. Développer les séances d'éducation à la vie affective et sexuelle et faciliter l'accès aux médecins, aux sages-femmes et à la contraception peut également aller dans le bon sens.

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Je vous remercie, madame la ministre, pour les positions que vous avez exprimées sur ces sujets. Effectivement, notre Délégation privilégie l'écoute des experts avant de prendre position. Même si je considère à titre personnel l'allongement du délai légal d'accès à l'IVG comme un sujet important, il faut commencer par définir si l'on parle de deux semaines d'aménorrhée ou de deux semaines de grossesse et observer les dispositions en vigueur dans les autres pays européens, en particulier l'Espagne, pays auquel nous nous référons souvent. Sur le maillage territorial, nous pourrons interroger Mme Agnès Buzyn lors de son audition du 10 juillet.

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Je vous remercie, madame la ministre, pour votre présence parmi nous ; pour vos propos sur l'engagement des femmes dans la vie politique – et je pense que la vidéo de cette audition méritera d'être remontrée dans un grand nombre d'instances, notamment le passage concernant la lutte contre les propos discriminants et les stéréotypes diffusés au sein de tous les cercles de société ; pour votre combat permanent en faveur de la levée des tabous et du traitement de sujets qui ne l'étaient pas jusqu'à présent, dont celui des familles monoparentales et particulièrement des mères isolées, avec la recherche permanente de solutions permettant d'améliorer la vie de ces millions de familles.

La Délégation aux droits des femmes engage une mission sur le régime fiscal de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants et plus généralement de toutes les pensions alimentaires. Je mènerai cette mission avec ma collègue Sophie Auconie, empêchée. À ce titre, j'aurai trois questions à vous poser. Le Président de la République a annoncé en avril dernier que des mesures seraient prises pour s'assurer que les parents isolés, très majoritairement des femmes, perçoivent effectivement les pensions alimentaires qui doivent leur être versées ; pouvez-vous nous indiquer quand et comment ces mesures seront mises en oeuvre ? Plusieurs études universitaires montrent par ailleurs « l'effet désincitatif au travail des femmes du quotient conjugal ou de l'imposition conjointe » ; une réflexion d'ensemble sur notre système fiscal est plus particulièrement sur ses conséquences sur l'égalité entre les femmes et les hommes est-elle en cours ?

Enfin, une étude de France Stratégie réalisée en 2015 – uniquement par des hommes – montrerait que le versement de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants aux parents élevant seuls leurs enfants leur est plus favorable qu'aux parents n'ayant pas la garde. Mais cette étude économique, réalisée, je le répète, seulement par des hommes, ne tient pas compte de la charge mentale – non plus qu'aucune autre des études de ce type. Comment mieux prendre en compte le coût induit par la monoparentalité ? La demi-part fiscale vous semble-t-elle suffisante ou peut-on imaginer d'autres pistes de réflexion ?

Dans un tout autre domaine, comment la très attendue conférence mondiale des femmes Pékin+25 sera-t-elle organisée tout au long de l'année à venir ?

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Soixante-six féminicides ont eu lieu depuis le début de l'année. Le Gouvernement et nous partageons la volonté de lutter contre les violences faites aux femmes et le budget alloué à la plateforme de télé-protection « grave danger » et au 3919 a été augmenté, vous l'avez dit. J'aimerais connaître votre opinion sur une proposition de la Présidente du tribunal de grande instance et du procureur de Pontoise mais aussi de l'ensemble des acteurs concernés du Val-d'Oise, consistant à expérimenter dans le département le bracelet anti-rapprochement. La loi de 2017 sur la sécurité publique nous permet d'expérimenter ce type de dispositif qui vise à assurer une meilleure protection des victimes de violences conjugales et à garantir le respect de l'interdiction faite à leur auteur d'entrer en contact avec la victime ; j'aimerais votre soutien sur cette initiative.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, j'ai déposé un amendement qui a été adopté. Il visait à instaurer le suivi des sommes perçues par l'État au titre des amendes appliquées aux entreprises et aux administrations publiques qui ne respectent pas les règles en matière d'égalité professionnelle ; l'administration a-t-elle commencé de le faire ? Quel en est le bilan ?

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Les 9 et 10 mai dernier, vous avez réuni à Bondy vos homologues du G7 et de six autres pays et appelé à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, une priorité réitérée sur le plan national lorsque, le 21 juin, vous avez présenté à la Maison des femmes de Saint-Denis, en région parisienne, le plan national d'action du Gouvernement visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines. Le deuxième axe de la diplomatie féministe de la France est l'éducation de filles et des garçons, le troisième l'émancipation économique des femmes. Pour atteindre ces objectifs, vous avez recueilli de précieuses recommandations du Conseil consultatif, et il a été décidé de soumettre un « bouquet législatif » des meilleures lois en faveur des femmes aux États du G7, dont chacun s'engagera à adopter au moins une.

Au sein de la Délégation aux droits des femmes, mon collègue Stéphane Viry et moi-même nous sommes penchés sur la place des femmes dans les sciences et, ayant constaté l'urgence d'agir, nous avons formulé vingt-trois recommandations. Le Conseil consultatif a-t-il évoqué cette question ? Avez-vous constaté des convergences ou des divergences entre les pays à cet égard et quelle est la position de la France ? Dans le bouquet législatif qui sera soumis aux États du G7, pourrait-on faire figurer une loi favorisant la place des femmes dans les sciences, non seulement dans l'enseignement supérieur ou dans le travail, mais aussi de façon générale, ce qui implique de prendre le problème à la racine ? La question est à cheval sur l'éducation et l'émancipation économique des femmes par les sciences, deux des axes de travail retenus pour le G7.

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Hier, en séance publique, j'ai insisté auprès de Mme la ministre des sports sur la nécessité de favoriser la place des femmes dans les structures dirigeantes des instances sportives. Vous nous avez indiqué avoir confié au HCE – à la présidence duquel je vous félicite d'avoir proposé Mme Brigitte Grésy – une mission visant à faire passer à 50 % tous les quotas existants de femmes dans la fonction publique. Pourquoi ne pas étendre plus largement à tous les organismes publics l'index de l'égalité salariale créé par la ministre du travail et qui s'applique aux entreprises ? Ainsi l'État serait-il à la fois cohérent et exemplaire.

S'agissant de la lutte contre la précarité menstruelle qui, à mon sens, est aussi l'affaire des hommes, je mentionnerai la société finistérienne Marguerite & Cie, qui fabrique et expédie à domicile des tampons et des serviettes hygiéniques 100 % bio et va installer des distributeurs dans les universités bretonnes et à la prison des femmes de Rennes, et la société Claripharm qui fabrique des cups dans les Côtes d'Armor. Comment dynamiser ces entreprises dont les produits correspondent aux objectifs que nous nous sommes fixés ?

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Je veux ici évoquer le rapport de notre collègue Laurence Gayte sur le projet de loi de transformation de la fonction publique et préciser qu'a été adopté un de ses amendements tendant à ce que des indicateurs similaires à ceux qu'a instaurés la ministre du Travail s'appliqueront également à la fonction publique. Par ailleurs, le ministre s'est engagé à venir présenter chaque année au Parlement un rapport sur l'utilisation des pénalités.

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Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations

Monsieur Gouffier-Cha, l'engagement des hommes députés dans ces questions est primordial et je salue votre présence à la conférence inversée que nous avons organisée sur la situation des familles monoparentales, notamment les mères isolées. Le constat de l'effet oblique de la fiscalité que vous avez mentionné a fait que le Président de la République s'était engagé à rendre possible l'individualisation optionnelle de l'impôt sur le revenu dans un couple, mais il faudra expertiser le sujet plus en détail.

L'organisation à Paris, en juillet 2020, avec le Mexique et sous l'égide de l'ONU, de la conférence mondiale des femmes Pékin+25 est une grande fierté et une joie pour la France. Ce sera un temps de rencontre de la société civile, des organisations féministes de toutes tailles et de tous lieux, et aussi un moment important au cours duquel les États pourront prendre des engagements forts visant à garantir les droits des femmes partout dans le monde. Cet événement suppose la mobilisation de toutes et de tous. Nous avons commencé les échanges diplomatiques avec nos partenaires. Nous attendons beaucoup de la consultation mondiale des organisations féministes – Ask Feminists – que nous avons lancée ; dans ce cadre, toute personne engagée peut répondre aux questions posées en français, anglais et espagnol, et suggérer des thèmes qui éclaireront nos travaux et les orientations des politiques publiques en mettant en lumière les problèmes à résoudre d'urgence.

Ce sera aussi une manière de rendre hommage aux associations et aux ONG féministes qui mènent un travail remarquable, partout dans le monde, au péril de leur liberté parfois, et même de leur vie. Je salue en particulier l'action de Nasrin Sotoudeh, avocate iranienne, défenseure de militantes des droits des femmes et emprisonnée pour cela. Symboliquement, le Président de la République l'a nommée membre au Conseil consultatif pour l'égalité femmes-hommes : sa chaise est restée vide à la place marquée de son nom pendant les travaux du Conseil consultatif. La France appelle sa libération de ses voeux.

Je suis tout à fait favorable à l'expérimentation du bracelet anti-rapprochement, madame Lazaar. Tout ce qui peut être mis en oeuvre pour éviter les féminicides doit l'être, y compris des expérimentations parfois inspirées d'autres pays, en l'espèce l'Espagne, où le dispositif fonctionne bien d'après les premières informations que nous avons eues. Il est très positif qu'un département français se propose de l'expérimenter et je suis persuadée qu'une solution juridique sera trouvée pour l'autoriser. De fait, les mécanismes en vigueur ne suffisent pas toujours à éloigner le conjoint violent.

Après plusieurs féminicides récents, j'ai réuni au secrétariat d'État toutes les parties prenantes pour analyser ce qui fait défaut. Il est terrible de savoir que des femmes ont été tuées alors qu'elles avaient déposé des plaintes, alerté des associations ou parlé à des proches. Nous disons aux femmes de parler, et parfois elles le font, mais cela ne suffit pas. Nous devons donc aller encore plus loin dans des politiques publiques volontaristes.

Cela signifie aussi que toute la société doit se mobiliser, et c'est pourquoi nous finançons des campagnes de communication pour inciter les témoins d'actes de violence envers les femmes à réagir. Je l'ai dit plusieurs fois : quand on est témoin d'un cambriolage chez ses voisins on appelle la gendarmerie ou la police ; quand on est témoin de violences conjugales, d'un viol, de harcèlement sexuel, on doit, de la même manière, en témoigner et soutenir les victimes pour qu'elles puissent déposer plainte. C'est pourquoi nous avons lancé une plateforme de dialogue avec les gendarmes et les policiers, disponible nuit et jour et qui permet de libérer la parole et de préparer un éventuel dépôt de plainte. J'ai fait un bilan récent avec le ministre de l'Intérieur : cette plateforme a permis plusieurs milliers de conversations, plus de mille signalements et préparations de plaintes et elle permet d'améliorer l'accueil dans les commissariats. Le ministère de l'Intérieur a en outre lancé le recrutement de soixante-treize psychologues pour accompagner les victimes dans les commissariats, notamment les femmes qui viennent déposer des plaintes pour des violences intrafamiliales, afin que le dépôt de plainte et la judiciarisation ne soit pas un nouveau traumatisme ajouté au traumatisme des violences subies.

Enfin, mon collègue Christophe Castaner et moi-même avons créé le compte Twitter @arretonsles, destiné à lutter contre les violences sexuelles et sexistes en sensibilisant victimes et grand public aux numéros spécifiques, car différentes études montrent que lorsque quelqu'un a connaissance de violences, il a pour réflexe, quand il veut agir, d'appeler les forces de gendarmerie et de police mais que les numéros de téléphone tels que le 3919 sont très peu connus. Il faut donc le faire connaître, faire connaître le droit et faire connaître les associations que nous finançons et qui sont des ressources très fortes pour soutenir les femmes dans ce cas. Je soutiens donc sans réserve votre demande d'expérimentation du bracelet anti-rapprochement. Un mot, pour finir, sur les téléphones « grave danger ». Certes, ils ne suffisent pas toujours à protéger mais actuellement il y a davantage de ces téléphones disponibles que de décisions de justice les attribuant. Le problème n'est donc pas un problème de financement : nous devons renforcer la formation des magistrats à ce sujet. Je sais que ma collègue garde des Sceaux mène une politique volontariste visant à ce que les auteurs de violences soient effectivement condamnés et que des dispositifs protègent efficacement les femmes.

Votre amendement fait référence au suivi de mise en oeuvre de la loi Sauvadet. Ce dispositif sera mis en oeuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, conformément à l'engagement qui avait été pris.

Je sais, madame Calvez, l'intérêt soutenu que vous portez à l'éducation des filles et des femmes en science, technologie, ingénierie et mathématiques et à la place des femmes dans les sciences et dans l'industrie du futur. Ce sujet est primordial. En 2020, 756 000 professionnels manqueront en Europe dans les secteurs du numérique, particulièrement des femmes puisque l'enquête Gender Scan montre la baisse exponentielle du nombre de jeunes filles qui s'orientent vers les filières du digital et des technologies. On comprend qu'il en résultera un problème économique et un problème de société, parce que cela pèsera sur le PIB du pays et parce que si des femmes ne sont pas formées aux sciences et à la transition numérique, des pans entiers de l'économie passeront à côté de la transition digitale – la santé, les services à la personne, la beauté, la mode et les secteurs statistiquement majoritairement féminins. Parce que l'enjeu est crucial, le Gouvernement a créé la Fondation Femmes@Numérique pour mutualiser les efforts. Mon collègue Cédric O et moi-même avons demandé conjointement au Conseil national du numérique – présidé par une femme – de formuler des propositions plus allantes sur cette question. Je lancerai une initiative à ce sujet la semaine prochaine ; je ne peux vous en dire davantage aujourd'hui car elle en cours de finalisation mais je le ferai dans les jours à venir.

Le Conseil consultatif, et nous en sommes fiers, a retenu plusieurs lois françaises dans le bouquet législatif des meilleures lois du monde pour l'égalité femmes-hommes qui sera soumis au sommet du G7. Il a choisi le texte qui verbalise le harcèlement de rue et crée l'outrage sexiste ; je salue les travaux du groupe dont M. Erwann Balanant a fait partie et qui a travaillé à une définition juridique désormais inscrite dans la loi de l'outrage sexiste. Le Conseil consultatif a aussi retenu la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, dite loi Copé-Zimmermann, et la loi qui étend le délit d'entrave à l'IVG aux pratiques en ligne. Il est trop tôt pour savoir quelle loi la France s'engagera à adopter lors du G7 mais la question des femmes et des sciences sera évidemment étudiée avec beaucoup d'attention et d'intérêt, parce que c'est un enjeu mondial partagé, puisqu'il n'existe pas de pays où les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans l'industrie du futur.

Enfin, je juge excellente la proposition de M. Le Bohec visant à appliquer l'index d'égalité femmes-hommes dans les organismes publics. Nous commencer à y travailler. Le Gouvernement est très pressant vis-à-vis des entreprises, auxquelles nous demandons sans cesse d'aller plus loin, plus vite, et de faire mieux, qu'il s'agisse de la place des femmes à la direction des entreprises ou dans les conseils d'administration, des conditions de travail des femmes de chambre, de l'égalité salariale, de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Mais l'État est-il lui-même exemplaire ? Je ne le pense pas, et nous devons parvenir à ce qu'il y ait plus de nominations de femmes à la tête des administrations, aux postes importants de la haute fonction publique. C'est une exigence du Président de la République et une volonté du Gouvernement. Vous aurez noté que les dernières propositions de nominations d'ambassadeurs par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et approuvées par le Conseil des ministres ont pour beaucoup concerné des femmes. Plusieurs ministères font des efforts de féminisation et de nominations de femmes, mais nous pouvons aller plus loin. J'encourage chaque ministère et chaque administration à être exemplaires en matière d'égalité femmes-hommes comme en matière de protection de l'environnement.

C'est pourquoi, sans attendre la circulaire du Premier ministre, j'ai demandé à l'administration des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes de bannir tous les plastiques à usage unique et de faire des propositions de remplacement. Je considère en effet que pour tous les sujets à propos desquels le Président de la République, le Gouvernement et la majorité se sont engagés, l'égalité femmes-hommes comme l'écologie, l'État se doit d'être exemplaire. Or, nous avons encore des efforts à faire, et c'est pourquoi nous avons besoin de votre travail et de votre vigilance, mesdames et messieurs les députés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Cela me permet de faire un lien avec la célébration des vingt ans de la Délégation aux droits des femmes. Plusieurs lois, vous l'avez dit, découlent de propositions de la Délégation. Je salue les travaux de Mme Coutelle, de Mme Marie-Jo Zimmerman et de Mme Lignières-Cassou, qui auront l'occasion de nous rappeler la genèse de ces travaux. Cela traduit notre volonté de nous inscrire dans une longue durée. La Délégation est un collectif dont les membres peuvent travailler sur des questions très diverses. J'ai le plaisir de vous remettre, avec un peu d'avance, le badge des vingt ans de la Délégation aux droits des femmes, que l'Assemblée nationale célèbrera le 5 juillet prochain sous le haut patronage de son président. Cet anniversaire sera aussi marqué par plusieurs déplacements que nous ferons dans le Morbihan, dans les Vosges et dans l'Isère.

La séance est levée à 18 heures 10.

Informations relatives à la délégation

La Délégation a désigné Mmes Cécile Muschott et Marie-Noëlle Battistel co-rapporteures d'une mission d'information sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Erwan Balanant, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Pierre Cabaré, Mme Céline Calvez, Mme Annie Chapelier, Mme Bérangère Couillard, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Nadia Hai, Mme Fiona Lazaar, M. Gaël Le Bohec, M. Thomas Mesnier, Mme Cécile Muschotti, Mme Sophie Panonacle, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Bénédicte Taurine

Excusés. - Mme Nicole Le Peih, Mme Isabelle Rauch, Mme Laurence Trastour-Isnart