Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du mercredi 26 juin 2019 à 16h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations :

Monsieur Gouffier-Cha, l'engagement des hommes députés dans ces questions est primordial et je salue votre présence à la conférence inversée que nous avons organisée sur la situation des familles monoparentales, notamment les mères isolées. Le constat de l'effet oblique de la fiscalité que vous avez mentionné a fait que le Président de la République s'était engagé à rendre possible l'individualisation optionnelle de l'impôt sur le revenu dans un couple, mais il faudra expertiser le sujet plus en détail.

L'organisation à Paris, en juillet 2020, avec le Mexique et sous l'égide de l'ONU, de la conférence mondiale des femmes Pékin+25 est une grande fierté et une joie pour la France. Ce sera un temps de rencontre de la société civile, des organisations féministes de toutes tailles et de tous lieux, et aussi un moment important au cours duquel les États pourront prendre des engagements forts visant à garantir les droits des femmes partout dans le monde. Cet événement suppose la mobilisation de toutes et de tous. Nous avons commencé les échanges diplomatiques avec nos partenaires. Nous attendons beaucoup de la consultation mondiale des organisations féministes – Ask Feminists – que nous avons lancée ; dans ce cadre, toute personne engagée peut répondre aux questions posées en français, anglais et espagnol, et suggérer des thèmes qui éclaireront nos travaux et les orientations des politiques publiques en mettant en lumière les problèmes à résoudre d'urgence.

Ce sera aussi une manière de rendre hommage aux associations et aux ONG féministes qui mènent un travail remarquable, partout dans le monde, au péril de leur liberté parfois, et même de leur vie. Je salue en particulier l'action de Nasrin Sotoudeh, avocate iranienne, défenseure de militantes des droits des femmes et emprisonnée pour cela. Symboliquement, le Président de la République l'a nommée membre au Conseil consultatif pour l'égalité femmes-hommes : sa chaise est restée vide à la place marquée de son nom pendant les travaux du Conseil consultatif. La France appelle sa libération de ses voeux.

Je suis tout à fait favorable à l'expérimentation du bracelet anti-rapprochement, madame Lazaar. Tout ce qui peut être mis en oeuvre pour éviter les féminicides doit l'être, y compris des expérimentations parfois inspirées d'autres pays, en l'espèce l'Espagne, où le dispositif fonctionne bien d'après les premières informations que nous avons eues. Il est très positif qu'un département français se propose de l'expérimenter et je suis persuadée qu'une solution juridique sera trouvée pour l'autoriser. De fait, les mécanismes en vigueur ne suffisent pas toujours à éloigner le conjoint violent.

Après plusieurs féminicides récents, j'ai réuni au secrétariat d'État toutes les parties prenantes pour analyser ce qui fait défaut. Il est terrible de savoir que des femmes ont été tuées alors qu'elles avaient déposé des plaintes, alerté des associations ou parlé à des proches. Nous disons aux femmes de parler, et parfois elles le font, mais cela ne suffit pas. Nous devons donc aller encore plus loin dans des politiques publiques volontaristes.

Cela signifie aussi que toute la société doit se mobiliser, et c'est pourquoi nous finançons des campagnes de communication pour inciter les témoins d'actes de violence envers les femmes à réagir. Je l'ai dit plusieurs fois : quand on est témoin d'un cambriolage chez ses voisins on appelle la gendarmerie ou la police ; quand on est témoin de violences conjugales, d'un viol, de harcèlement sexuel, on doit, de la même manière, en témoigner et soutenir les victimes pour qu'elles puissent déposer plainte. C'est pourquoi nous avons lancé une plateforme de dialogue avec les gendarmes et les policiers, disponible nuit et jour et qui permet de libérer la parole et de préparer un éventuel dépôt de plainte. J'ai fait un bilan récent avec le ministre de l'Intérieur : cette plateforme a permis plusieurs milliers de conversations, plus de mille signalements et préparations de plaintes et elle permet d'améliorer l'accueil dans les commissariats. Le ministère de l'Intérieur a en outre lancé le recrutement de soixante-treize psychologues pour accompagner les victimes dans les commissariats, notamment les femmes qui viennent déposer des plaintes pour des violences intrafamiliales, afin que le dépôt de plainte et la judiciarisation ne soit pas un nouveau traumatisme ajouté au traumatisme des violences subies.

Enfin, mon collègue Christophe Castaner et moi-même avons créé le compte Twitter @arretonsles, destiné à lutter contre les violences sexuelles et sexistes en sensibilisant victimes et grand public aux numéros spécifiques, car différentes études montrent que lorsque quelqu'un a connaissance de violences, il a pour réflexe, quand il veut agir, d'appeler les forces de gendarmerie et de police mais que les numéros de téléphone tels que le 3919 sont très peu connus. Il faut donc le faire connaître, faire connaître le droit et faire connaître les associations que nous finançons et qui sont des ressources très fortes pour soutenir les femmes dans ce cas. Je soutiens donc sans réserve votre demande d'expérimentation du bracelet anti-rapprochement. Un mot, pour finir, sur les téléphones « grave danger ». Certes, ils ne suffisent pas toujours à protéger mais actuellement il y a davantage de ces téléphones disponibles que de décisions de justice les attribuant. Le problème n'est donc pas un problème de financement : nous devons renforcer la formation des magistrats à ce sujet. Je sais que ma collègue garde des Sceaux mène une politique volontariste visant à ce que les auteurs de violences soient effectivement condamnés et que des dispositifs protègent efficacement les femmes.

Votre amendement fait référence au suivi de mise en oeuvre de la loi Sauvadet. Ce dispositif sera mis en oeuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, conformément à l'engagement qui avait été pris.

Je sais, madame Calvez, l'intérêt soutenu que vous portez à l'éducation des filles et des femmes en science, technologie, ingénierie et mathématiques et à la place des femmes dans les sciences et dans l'industrie du futur. Ce sujet est primordial. En 2020, 756 000 professionnels manqueront en Europe dans les secteurs du numérique, particulièrement des femmes puisque l'enquête Gender Scan montre la baisse exponentielle du nombre de jeunes filles qui s'orientent vers les filières du digital et des technologies. On comprend qu'il en résultera un problème économique et un problème de société, parce que cela pèsera sur le PIB du pays et parce que si des femmes ne sont pas formées aux sciences et à la transition numérique, des pans entiers de l'économie passeront à côté de la transition digitale – la santé, les services à la personne, la beauté, la mode et les secteurs statistiquement majoritairement féminins. Parce que l'enjeu est crucial, le Gouvernement a créé la Fondation Femmes@Numérique pour mutualiser les efforts. Mon collègue Cédric O et moi-même avons demandé conjointement au Conseil national du numérique – présidé par une femme – de formuler des propositions plus allantes sur cette question. Je lancerai une initiative à ce sujet la semaine prochaine ; je ne peux vous en dire davantage aujourd'hui car elle en cours de finalisation mais je le ferai dans les jours à venir.

Le Conseil consultatif, et nous en sommes fiers, a retenu plusieurs lois françaises dans le bouquet législatif des meilleures lois du monde pour l'égalité femmes-hommes qui sera soumis au sommet du G7. Il a choisi le texte qui verbalise le harcèlement de rue et crée l'outrage sexiste ; je salue les travaux du groupe dont M. Erwann Balanant a fait partie et qui a travaillé à une définition juridique désormais inscrite dans la loi de l'outrage sexiste. Le Conseil consultatif a aussi retenu la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, dite loi Copé-Zimmermann, et la loi qui étend le délit d'entrave à l'IVG aux pratiques en ligne. Il est trop tôt pour savoir quelle loi la France s'engagera à adopter lors du G7 mais la question des femmes et des sciences sera évidemment étudiée avec beaucoup d'attention et d'intérêt, parce que c'est un enjeu mondial partagé, puisqu'il n'existe pas de pays où les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans l'industrie du futur.

Enfin, je juge excellente la proposition de M. Le Bohec visant à appliquer l'index d'égalité femmes-hommes dans les organismes publics. Nous commencer à y travailler. Le Gouvernement est très pressant vis-à-vis des entreprises, auxquelles nous demandons sans cesse d'aller plus loin, plus vite, et de faire mieux, qu'il s'agisse de la place des femmes à la direction des entreprises ou dans les conseils d'administration, des conditions de travail des femmes de chambre, de l'égalité salariale, de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Mais l'État est-il lui-même exemplaire ? Je ne le pense pas, et nous devons parvenir à ce qu'il y ait plus de nominations de femmes à la tête des administrations, aux postes importants de la haute fonction publique. C'est une exigence du Président de la République et une volonté du Gouvernement. Vous aurez noté que les dernières propositions de nominations d'ambassadeurs par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et approuvées par le Conseil des ministres ont pour beaucoup concerné des femmes. Plusieurs ministères font des efforts de féminisation et de nominations de femmes, mais nous pouvons aller plus loin. J'encourage chaque ministère et chaque administration à être exemplaires en matière d'égalité femmes-hommes comme en matière de protection de l'environnement.

C'est pourquoi, sans attendre la circulaire du Premier ministre, j'ai demandé à l'administration des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes de bannir tous les plastiques à usage unique et de faire des propositions de remplacement. Je considère en effet que pour tous les sujets à propos desquels le Président de la République, le Gouvernement et la majorité se sont engagés, l'égalité femmes-hommes comme l'écologie, l'État se doit d'être exemplaire. Or, nous avons encore des efforts à faire, et c'est pourquoi nous avons besoin de votre travail et de votre vigilance, mesdames et messieurs les députés.

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