Intervention de Marie Lebec

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 16h45
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Lebec, rapporteure pour avis :

Monsieur Kasbarian, je partage votre point de vue sur la proximité avec le Canada, nos deux pays bénéficient du renforcement des liens. Un exemple de l'intérêt du partenariat est celui du groupe Derichebourg, qui a su gagner un marché local tout en important une technologie canadienne pour équiper les camions français, technologie plus respectueuse de l'environnement de surcroît. Plus globalement, les 48 projets canadiens supplémentaires en 2018 ont permis de créer 1 544 emplois. Tout au long de mes échanges avec le Canada, j'ai défendu l'idée qu'avoir des intérêts offensifs, vouloir conquérir des marchés et imposer nos normes ne nous empêchait pas d'adhérer à une logique de partenariat. Il est dans notre intérêt que les deux économies se développent.

Monsieur Dive, je ne remets pas en cause votre soutien aux échanges commerciaux et, j'aurais espéré un soutien de votre part sur le CETA. Si le contexte a évolué pour un certain nombre de filières, les chiffres que je vous ai donnés restent éloquents. Certes, il faut rester vigilant sur la filière bovine mais rien de ce que nous promettait l'Interbev en 2017 – un déluge de viande canadienne et une déstabilisation totale de la filière – ne s'est produit. D'aucuns disent que c'est parce que la construction d'une filière prend du temps. Pourtant, il existait déjà, avant le CETA, des quotas de viande bovine, dont le Canada ne s'est pas saisi. On assistera donc peut-être à une hausse des importations de viande canadienne, mais sans doute pas dans les proportions indiquées par l'Interbev. Encore une fois, promouvoir cet accord et la possibilité d'exporter notre viande ne signifie pas qu'il faille baisser sa vigilance : la filière bovine demeure très sensible.

Plusieurs d'entre vous ont parlé de la traçabilité et de la qualité de la viande, pointant le fait que le contrôle hormonal ne peut être effectué que sur les animaux vivants. Je veux rappeler qu'il existe, de part et d'autre, des mécanismes de contrôle et de certification. Chaque filière, au Canada, doit être contrôlée et validée par les agences européennes ; il faudra d'ailleurs vérifier rapidement que les trente-six fermes identifiées respectent bien l'ensemble des normes et des procédures.

Permettez-moi de revenir sur la question des importations d'aloyau, que certains d'entre vous ont soulevée. Au-delà des tonnes équivalent-carcasse susceptibles d'être importées, ce sont les pièces à forte valeur ajoutée qui peuvent déstabiliser le marché. L'aloyau canadien est compétitif, dans la mesure où il est 10 % moins cher que l'aloyau français. Mais les produits qui sont interdits dans l'Union européenne le demeurent, quel que soit l'accord qui a été signé – c'est tout l'enjeu de la traçabilité – et si la filière canadienne devait se conformer aux exigences européennes concernant l'utilisation de produits phytosanitaires, cela renchérirait de beaucoup le kilo d'aloyau.

Je me suis efforcée de prendre en compte le point de vue canadien pour la rédaction de ce rapport. J'ai rencontré à plusieurs reprises Mme Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada en France, qui a eu l'amabilité d'organiser un petit-déjeuner avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, chargée d'effectuer les contrôles sur les produits européens à leur entrée au Canada. Les représentants de l'agence ont indiqué qu'il était plus difficile de certifier les produits européens, dans la mesure où les mouvements sont plus nombreux au sein du marché commun. Cela doit nous interroger sur nos propres mécanismes de contrôle sanitaire et nous rassurer quant à la vérification des produits importés du Canada.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) indique que 621 contrôles ont été effectués en 2018 et que 58 lots ont été déclarés non conformes. Cela signifie que des progrès doivent être faits en matière de qualité et de traçabilité, mais aussi que les contrôles, efficaces, permettent de garantir la qualité des produits.

Monsieur Lagleize, je sais votre engagement et vous remercie pour votre soutien. En effet, l'ouverture des marchés publics représente environ 70 milliards d'euros de gains potentiels, contre 9,5 milliards précédemment. Plusieurs géants français peuvent remporter des marchés dans l'aménagement de la ville. Le MEDEF nous a indiqué que l'organisation d'une filière « ville durable » serait à même d'entraîner un certain nombre de PME à la conquête de ces marchés.

Monsieur Herth, il est vrai que nous avons tenté de rendre le rapport aussi concret et vivant que possible. Ce recul de dix-huit mois nous a permis de montrer en quoi les entreprises françaises avaient bénéficié de l'accord.

Le secteur bovin est en pleine mutation et il nous faut conserver toute notre vigilance pour que cette filière ne soit pas déstabilisée. Je reste persuadée que les entreprises doivent se saisir de cette occasion pour se développer à l'international et consolider ainsi la filière. La dynamique du plan d'action sur le CETA ne s'arrête pas avec la ratification. Nous devons poursuivre l'analyse, identifier les filières qui ont des intérêts défensifs et les accompagner au mieux.

La question de la provenance de l'éthanol se pose en effet, mais les Canadiens ont été assez fermes lors de nos échanges ; il n'est pas question que l'accord avec le Canada serve de cheval de Troie pour les États-Unis. Si un accord devait intervenir, il serait négocié avec les États-Unis.

Monsieur Ruffin, merci pour cette intervention très politique. Les acteurs qui se sont réunis ces deux dernières années avaient précisément pour préoccupation d'aller plus loin en matière environnementale. Je n'espère pas vous convaincre aujourd'hui, mais je souhaite rappeler que la France, moteur sur l'accord de Paris – au demeurant non contraignant – a maintenu fermement ses exigences climatiques. Le veto climatique a été introduit juste avant le processus de ratification, après que les États ont signé l'accord. Cette victoire politique française vient couronner une bataille de tous les instants : nous avons appris il y a tout juste une heure par un tweet de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que le Gouvernement avait reçu l'engagement formel des Canadiens de l'accepter.

L'étude du CEPII montre que les émissions de gaz à effet de serre augmenteraient de moins de 0,01 % avec la signature de l'accord. Mais comme l'a très bien dit M. Potier, l'environnement ne se réduit pas aux GES : un forum sur la coopération réglementaire doit permettre précisément d'harmoniser les normes en la matière.

Monsieur Potier, je suis désolée de vous avoir donné l'impression de décrire le meilleur des mondes. L'analyse que je vous livre se veut objective. Je considère que ce n'est pas parce qu'une filière peut potentiellement rencontrer des difficultés, et requiert notre vigilance, que les autres, agricoles ou industrielles, doivent pâtir de la mauvaise image du CETA. Nous nous sommes attachés à montrer que cet accord pouvait favoriser des réussites dans de nombreux secteurs et qu'il convenait de valoriser les entreprises qui partent à la conquête de nouveaux marchés à l'international.

Vous avez parlé des droits des travailleurs : les organisations syndicales étaient représentées dans les différents comités de suivi. En outre, au chapitre 23, les parties s'engagent à respecter les principes de l'Organisation internationale du travail (OIT), à favoriser le maintien de niveaux élevés de protection du travail et à échanger de bonnes pratiques. Ce n'est pas en refusant de signer des traités avec des pays prétendument inaptes à rehausser leurs standards que nous entraînerons cette dynamique. Vous savez que la bataille, engagée notamment avec les États-Unis et la Chine, consiste moins à obtenir des droits de douane plus faibles qu'à imposer nos normes au niveau mondial. L'Union européenne a tout intérêt à signer des accords ambitieux, de manière à porter les standards internationaux au meilleur niveau.

La protection des investissements, qui fait du CETA un accord mixte, figure au chapitre 8 du traité. Celui-ci prévoit que le règlement à l'amiable des différends sera assuré par un tribunal permanent des investissements, composé de quinze juges – cinq ressortissants de l'Union européenne, cinq ressortissants du Canada et cinq ressortissants des pays tiers – en première instance et par six juges d'appel – deux ressortissants de l'Union européenne, deux ressortissants du Canada et deux ressortissants de pays tiers. Pour les conflits portant sur la réalité des profits futurs non réalisés, le droit des États à réguler demeure garanti par l'article 8.9, alinéa 1, du CETA. S'agissant des demandes pécuniaires excessives, les parties contractantes peuvent se prévaloir du mécanisme d'interprétation conjointe, détaillé à l'article 8.31.3, contre une application erronée de l'article 8. Si ce mécanisme interroge, il a été très bien bordé.

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