La commission a examiné pour avis le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part (n° 2107) (Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis).
Chers collègues, nous sommes réunis pour examiner, pour avis, sur le rapport de Mme Marie Lebec, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, autrement dit le projet de loi de ratification de l'AECG ou CETA (Comprehensive and Economic Trade Agreement), déposé le 3 juillet dernier. Ce projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des affaires étrangères dont le rapporteur est M. Jacques Maire. Il sera examiné en séance publique mercredi 17 juillet.
Cet accord de libre-échange est appliqué de manière provisoire depuis le 21 septembre 2017 pour les matières relevant des compétences exclusives de l'Union européenne, mais c'est un accord mixte, c'est-à-dire que certaines de ses dispositions échappent à la compétence exclusive de l'Union européenne en matière de politique commerciale commune. En conséquence, les États membres doivent tous le ratifier pour permettre sa pleine entrée en vigueur. Le traité a fait l'objet d'une étude d'impact d'une commission indépendante, le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), à destination des parlementaires. À ce jour, treize États membres ont ratifié cet accord.
La commission des affaires économiques porte une attention particulière aux dispositions de cet accord depuis plusieurs années. Sous la précédente législature, elle avait régulièrement auditionné M. Matthias Fekl, secrétaire d'État au commerce extérieur, pour faire le point sur l'avancée des négociations. Dès le 3 octobre 2017, nous avions, conjointement avec la commission des affaires étrangères, entendu Mme Katheline Schubert, présidente de la commission d'experts indépendants en charge de l'évaluation de l'impact de ce traité sur l'environnement, le climat et la santé.
Depuis 2017, les parlementaires ont fait tout leur travail de contrôle de l'exécutif, en assurant le suivi de la mise en oeuvre du plan d'action du gouvernement relatif au CETA. Cela a notamment permis d'assurer une évaluation précise des effets de l'accord entre les parties au traité ainsi que de demander des garanties au Gouvernement sur les effets du traité par rapport aux dispositifs liés à l'accord de Paris. Le CETA étant mis en oeuvre depuis presque deux ans, notre rapporteure pour avis va pouvoir nous faire part des résultats constatés, après quoi s'exprimeront les orateurs des groupes, puis tous ceux d'entre vous, chers collègues, qui le désireront.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre de la ratification de l'accord commercial de nouvelle génération entre l'Union européenne et le Canada. Cet accord a été discuté, élaboré et amélioré pendant de nombreuses années. Vous vous en rappelez certainement : il a d'abord été négocié sous le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy, puis sous celui de M. François Hollande, avant d'entrer provisoirement en vigueur sous cette majorité, au mois de septembre 2017.
Une dernière incertitude juridique devait être levée pour engager la procédure de ratification, mais nous avons obtenu le feu vert du Conseil constitutionnel, puis, au mois d'avril dernier, celui de la Cour de justice de l'Union européenne. Ce n'est donc pas la fin des élections européennes qui nous réunit ici aujourd'hui mais bien la certitude que ce traité est pleinement conforme à notre droit.
Je n'oublie pas cependant qu'il a fait l'objet de quelques légitimes interrogations, notamment en matière environnementale. C'est pourquoi le Président de la République, fidèle à son engagement de campagne électorale, a tenu à mener un véritable processus d'évaluation de cet accord, associant l'ensemble des acteurs et permettant à la Représentation nationale de prendre une décision de manière éclairée.
Nous avons maintenant des garanties juridiques solides, une évaluation précise et transparente de l'accord, et un renforcement de la coopération bilatérale entre la France et le Canada en matière environnementale.
Dans le cadre de cette évaluation, la France a rappelé son engagement ferme au plan européen et mondial en faveur d'un commerce international ambitieux, qui intègre l'accord de Paris et les exigences en matière de développement durable. C'est pourquoi je me permettrai, pour conclure ce propos introductif, d'emprunter ces mots à M. François Hollande : « cet accord, c'est l'illustration de l'équilibre entre ce que nous devons rechercher comme ouverture et ce que nous devons affirmer comme principes ». Je n'ai donc aucun doute sur le fait que la ratification de cet accord, si soutenu par tous, fera l'objet d'un large consensus. (Sourires)
Je m'attarderai quelques instants sur le plan commercial – qui motive la saisine de cette commission. Avec dix-huit mois de recul, force est de constater que cet accord est très bon pour nos filières, nos petites et moyennes entreprises (PME) et notre économie. C'est tout l'objet de mon rapport, qui vous a été transmis hier. Je m'y suis attachée à présenter et à analyser les premiers résultats commerciaux.
Comme vous le savez, l'accord prévoit notamment une chute des droits de douane, l'ouverture des marchés publics canadiens et une coopération réglementaire pour harmoniser nos standards et favoriser les échanges. Les quelques mois d'entrée en vigueur du CETA ont d'ores et déjà démontré l'utilité de ce traité. Ainsi, l'excédent commercial de la France avec la Canada a bondi, passant de 40 millions d'euros en 2017 à 455 millions d'euros à la fin de l'année 2018 ! Alors que, dans le même temps, nos importations ont diminué, nos exportations vers le Canada ont augmenté de 6,6 % et atteignent un niveau historique de plus de 3 milliards d'euros.
Le suivi de la mise en oeuvre de l'accord depuis deux ans et l'audition de nombreux acteurs m'incitent aujourd'hui à vous donner l'exemple de quelques filières. Dans l'industrie mécanique, les exportations de machines industrielles et agricoles ont augmenté de 13 %. Dans l'industrie cosmétique et des parfums, les exportations ont augmenté de 16 % après que les droits de douane ont diminué ; c'est d'ailleurs la plus forte augmentation des exportations de la filière à l'échelle mondiale. Dans la filière textile, qui a vu ses droits de douane passer de 18 % à 0 %, on note une augmentation de 13,5 % de nos exportations.
Réjouissons-nous de ces excellents chiffres. Ce ne sont pas de simples statistiques. Derrière ces chiffres, il y a des PME, des entrepreneurs, des salariés, des directeurs export et développement. J'ai d'ailleurs souhaité leur donner la parole dans le rapport qui vous a été transmis. Près de 10 000 entreprises exportent au Canada, essentiellement des PME, et, dans nos régions, près de 80 000 emplois sont liés aux exportations vers ce pays. Dans le rapport, nous avons fait un « focus » régional, et la majorité des régions bénéficie de la hausse des échanges avec le Canada.
J'ai moi-même pu constater au cours de mes travaux une mobilisation inédite – et, avec certains collègues, j'ai pu y participer –, pour promouvoir les possibilités qu'offre cet accord dans les territoires, car, pour bénéficier de la baisse des droits de douane et être plus compétitif, il faut mettre en oeuvre de nouvelles procédures douanières et être inscrit dans un nouveau registre européen. Encore faut-il que nos PME en soient informées et sachent s'y conformer. Je salue à cet égard la mobilisation de tous les acteurs, notamment la direction générale des douanes, qui a réalisé un travail remarquable auprès des entreprises en région grâce à ses pôles d'action économique, mais aussi les chambres de commerce, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), les MEDEF locaux et Business France, qui ont organisé des dizaines de réunions. Cela témoigne de l'importance de ces réseaux en régions, tournés vers l'international, au côté des fédérations professionnelles. Nous mesurons les premiers résultats de ces actions, sous la forme d'une accélération des inscriptions au registre douanier européen et d'un taux d'utilisation de 50 % des préférences tarifaires de l'accord par nos entreprises – alors même que la moyenne européenne est de 36 %. C'est donc un excellent résultat, après seulement dix-huit mois.
Cependant, nos chiffres sont en deçà de la moyenne européenne pour les précédents accords commerciaux. Je propose donc la mise en place d'une politique « post-accord » structurée pour faire remonter les difficultés administratives ou réglementaires des entreprises mais aussi identifier les filières pour lesquelles il faut accentuer les efforts de sensibilisation. Si nous voulons tirer les meilleurs bénéfices pour nos entreprises de tous les accords à venir, une telle démarche est nécessaire. Je pense notamment aux futurs accords avec le Japon et le Vietnam, mais aussi la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Dans le cadre de ces accords, nous avons des intérêts offensifs pour nos entreprises. Membres de la Représentation nationale, nous avons le devoir de diffuser cette culture de l'export et de la conquête des marchés, qui justifie la négociation des accords commerciaux.
Au travers de ce bref exposé, mes chers collègues, j'ai souhaité vous démontrer l'importance de ces accords pour nos filières offensives. Je n'oublie pas néanmoins nos filières défensives et sensibles. Je pense particulièrement à l'agro-alimentaire, secteur dans lequel les exportations de nos produits ont augmenté de 8,2 %. Elles représentent notre premier poste d'exportation vers le Canada, d'ailleurs notre treizième client dans cette filière.
Des filières plus spécifiques se portent très bien. Les produits laitiers et fromages, secteur dont nous avons auditionné les représentants, qui bénéficient d'un nouveau contingent dans le cadre du CETA, enregistrent une croissance de 19,6 % des exportations. Celles des vins et alcools, filière qui rencontre traditionnellement le succès à l'export, ont augmenté de 6 % et représentent 14 % du total de toutes nos exportations alors que les droits de douane ont diminué – et on connaît la complexité du système canadien des vins et spiritueux.
À ces premiers résultats, je voudrais ajouter une victoire politique, qui n'est pas des moindres, pour le secteur de l'agro-alimentaire, à la fois l'un de nos fleurons à l'export et l'objet de toute notre attention. Pour la première fois, plus d'une centaine d'indications géographiques protégées européennes (IGP) sont reconnues, dont quarante-deux IGP françaises, – vingt-huit IGP de fromage, six dans les viandes, notamment les foies gras de canard, les pruneaux d'Agen, les huiles d'olive, le jambon de Bayonne, le piment d'Espelette… La France se bat depuis des décennies pour défendre son agriculture et ses indications géographiques au plan international. Désormais, elles font partie des exigences européennes dans tous les nouveaux accords et sont inscrites dans le CETA. C'est la force de notre marché de 500 millions de consommateurs, qui nous permet de diffuser nos standards dans le cadre de la coopération réglementaire – et ce n'est pas l'inverse, contrairement à ce qui a pu être prétendu, ces derniers jours, dans la presse.
Je n'oublie pas non plus la filière bovine, qui retient tout votre intérêt, chers collègues, et dont j'imagine qu'elle vous a largement sollicitée au cours de ces derniers jours.
Un suivi très fin de la situation a été réalisé, au sein du comité de suivi des filières sensibles, qui a conclu à l'absence totale d'impact du CETA. Et pour cause ! La France représente le premier cheptel européen, produit près de 1,5 million de tonnes de viande et le quota accordé au Canada pour l'ensemble de l'Union européenne ne représente que 3,2 % de cette production française et 0,6 % de l'ensemble de la production européenne. En 2018, seules 119 tonnes ont été importées en France, dont uniquement 12 tonnes sur le quota CETA. Les importations de viande canadienne ont même diminué de 1,9 % sur l'année et ne représentent que 0,01 % des importations françaises de viande. Cette faiblesse des flux s'explique par l'absence de filière canadienne réservée à l'export vers l'Union européenne qui respecterait nos normes. Seules trente-six fermes canadiennes sont homologuées pour exporter en Europe. Les éleveurs canadiens se tournent prioritairement vers les marchés asiatiques et américains.
Je sais que la filière bovine française se mobilise contre cet accord auprès de vous, chers collègues, mais je ne laisserai pas dire que cette majorité et l'exécutif ne soutiennent pas les éleveurs ! Avec la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, nous nous sommes battus pour que les éleveurs aient un revenu décent et puissent peser dans leurs négociations avec la grande distribution. C'est aussi cette majorité qui a introduit l'obligation de produits locaux et de qualité dans les cantines de nos écoles, notamment grâce à l'acharnement de notre collègue Jean-Baptiste Moreau.
À l'international, c'est M. Emmanuel Macron qui, dès 2018, s'est personnellement engagé et a obtenu du président chinois la levée historique de l'embargo sur le boeuf français en Chine – en vigueur depuis dix-sept ans ! M. Édouard Philippe a signé en Chine l'accord formel pour le retour de notre boeuf sur ce marché, deuxième importateur mondial avec 1,5 million de tonnes. La première livraison a eu lieu au mois de novembre dernier en présence du ministre de l'agriculture Didier Guillaume. Au mois de janvier dernier, les représentants de l'interprofession signaient des accords de partenariat avec leurs homologues à l'ambassade de France à Pékin. Je rappelle aussi que, grâce au nouvel accord commercial avec le Japon entré en vigueur, l'ouverture de quotas et la baisse des droits de douane offrent désormais d'importantes possibilités d'exportations à la viande française de qualité.
Alors je le dis clairement : attention aux mauvais réflexes de ces filières face au commerce quand, par ailleurs, elles exportent plus de 15 % de leur production et sont très satisfaites lorsque l'État ouvre de nouveaux marchés à l'international. Analysons les chiffres, soyons rationnels. Nous ne méconnaissons pas les difficultés des éleveurs, et nous l'avons prouvé pendant deux ans, mais la cohérence et la responsabilité nous imposent de ne pas tomber dans le piège des raccourcis et de la diffusion de caricatures. Celles-ci ont largement nourri le populisme lors des dernières élections européennes.
La France est le premier exportateur mondial de vins et de spiritueux, avec près de 20 % de parts de marché, le premier exportateur d'animaux, le troisième exportateur de céréales et de sucre, le quatrième de lait et de produits laitiers. Nous sommes fiers de notre agriculture de qualité qui s'exporte et rayonne à l'international. Ne tombons pas dans la démagogie protectionniste. Le localisme, le protectionnisme solidaire, le juste échange sont autant d'expressions qui dissimulent en réalité le repli sur soi et la mort de notre agriculture. Tâchons au contraire de travailler à structurer davantage les filières et améliorer nos exportations. Des plans d'action sont d'ailleurs mis en oeuvre à la suite des États généraux de l'alimentation (EGA).
L'accord permettra d'amplifier les investissements de part et d'autre et d'ouvrir les marchés publics canadiens aux entreprises françaises. Nous avons d'ailleurs auditionné le groupe Derichebourg, spécialiste du recyclage et de l'environnement qui a remporté des marchés publics dans la région de Montréal et créé de l'emploi local et qui poursuit son internationalisation.
Rappelons que les investisseurs canadiens en France emploient près de 21 000 salariés et que leurs investissements continuent d'augmenter sur notre territoire, notamment dans les services aux entreprises. Pour leur part, les investisseurs français détiennent 1 130 filiales au Canada et emploient 105 000 personnes. Les mécanismes de reconnaissance des qualifications professionnelles inscrits dans l'accord permettront une meilleure circulation et installation de talents français sur place.
Nous avons donc d'importants atouts à faire valoir des deux côtés de l'Atlantique. Vous l'avez compris, je suis convaincue de l'utilité d'échanges économiques vertueux pour l'environnement, pour alimenter le progrès et l'innovation. Jamais une démarche aussi ambitieuse que le plan d'action CETA n'a été engagée par la France en faveur du climat au plan commercial. Jamais notre outil administratif et diplomatique n'a été aussi mobilisé sur ces sujets.
Je rappelle enfin que le Canada est un pays développé de 35 millions d'habitants, francophone, membre du G7, ardent soutien du multilatéralisme et de l'accord de Paris, aux côtés de la France, et que nous entretenons avec lui des liens historiques et culturels considérables. Si nous ne concluons pas d'accord avec le Canada, avec qui alors allons-nous en conclure ? C'est la question que nous posait le Premier ministre Justin Trudeau dans notre hémicycle – et je me pose la même.
Cet exercice de ratification du CETA permettra par ailleurs de nous éclairer quant à la question de savoir qui soutient réellement notre économie, le savoir-faire et le dynamisme de nos PME dans l'ensemble de nos régions. Qui soutient le travail des milliers d'entrepreneurs qui se battent pour trouver de nouveaux marchés à l'international, pour la réussite de nos territoires et la création d'emploi ?
L'Allemagne échange encore presque quatre fois plus que la France avec ce pays. Ce n'est pas satisfaisant compte tenu de nos relations et de notre histoire.
Je suis donc favorable à la ratification de cet accord.
Merci, Madame la rapporteure pour avis, pour la qualité de votre travail.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier le projet de ratification du CETA, cet accord commercial entre l'Union européenne et le Canada. Le Canada, ce n'est pas n'importe quel pays, c'est un pays francophone, ami, allié, avec lequel nous avons une histoire commune, des batailles communes et même une culture commune. On pourrait presque dire que nous sommes cousins. Ce n'est pas pour rien qu'un récent sondage nous indique que trois Français sur quatre pensent que le Canada est un allié solide et un partenaire de confiance et que trois Français sur quatre voient d'un oeil favorable l'augmentation des échanges commerciaux entre la France et le Canada.
Alors prenons un peu de recul. Je reprendrai votre question, Madame la rapporteure : si nous sommes incapables de signer un accord commercial avec le Canada, avec quel pays au monde serions-nous capables de le faire ?
Alors qu'est-ce que le CETA ? Qu'est ce qui se cache derrière ces quatre lettres ? C'est un accord qui permet de faciliter les échanges entre l'Union européenne et le Canada. C'est un accord qui est déjà en vigueur, depuis le mois de septembre 2017, et dont nous constatons collectivement ces effets bénéfiques. Vous l'avez rappelé, Madame la rapporteure pour avis : 19 % d'exportations supplémentaires de fromage ; 16 % pour les cosmétiques ; 13 % pour les machines-outils ; 8 % pour l'agro-alimentaire ; 7 % pour les produits pharmaceutiques… Je ne vais pas vous abreuver de chiffres alléchants mais je mentionnerai quelques cas concrets que le CETA a permis de faire émerger : c'est l'histoire de Jean-Charles Arnaud, qui peut vendre plus de fromages aux Canadiens, protéger ses appellations d'origine protégée (AOP) et lutter contre la contrefaçon de nos appellations françaises grâce au CETA. C'est l'histoire de Maritxu Amestoy qui a multiplié sa production de piment d'Espelette, grâce au CETA. C'est l'histoire de Nicolas Roucou qui a supprimé les droits de douane sur ses équipements sportifs, notamment les vélos made in France qu'il vend aux Canadiens, grâce au CETA. C'est l'histoire de Thomas Derichebourg, qui, comme vous l'avez rappelé, exporte ses solutions de recyclage au Canada grâce au CETA.
Alors bien sûr, j'entends des critiques. Elles sont souvent infondées ; parfois même, certains les manipulent pour mieux faire valoir leur idéologie, la fermeture des frontières et le repli sur soi de la France. Quelles sont ces critiques ? On nous dit qu'une filière française, celle du boeuf, serait menacée, mais c'est un contingent d'importation maximal de 65 000 tonnes qui est prévu, soit moins de 1 % du marché européen. Pour le dire autrement, et de manière plus parlante, si le Canada exportait tout ce contingent de viande bovine, cela représenterait un steak par Français et par an. Pas de quoi déstabiliser la filière ! La réalité, cher collègue, c'est que les exportations de viande de boeuf canadien ont diminué de 1,9 % en 2018 en France. Ce n'est donc pas le sujet.
On nous dit que cet accord est « climaticide ». C'est faux : le CETA impose explicitement le respect des obligations souscrites par le Canada et l'Union européenne dans le cadre des accords environnementaux, dont l'accord de Paris. De même, le CETA réaffirme les engagements pris en matière de précaution dans le cadre des accords internationaux.
On nous dit que cet accord permet l'importation de boeuf aux hormones ou de saumon transgénique. C'est faux ; nous l'avons vu depuis 2017, nos tables n'ont été envahies ni par le boeuf aux hormones, ni par le saumon Frankenfish, pour la simple et bonne raison que c'est interdit en Europe. Le CETA, je le répète, ne change rien à nos normes. Les Canadiens qui veulent exporter chez nous doivent montrer patte blanche et, d'ailleurs, seuls trente-six fermes canadiennes sur 70 000 ont obtenu le label nécessaire pour exporter leurs produits vers l'Europe.
Cela vaut dans les deux sens. Les Canadiens ne veulent pas de tous nos fromages. Nos producteurs de mimolette ont ainsi dû changer leurs processus et enrober leur produit de cire pour avoir le droit de l'exporter au Canada.
Oui, il faut lutter contre la fraude. Oui, il faut sanctionner les fraudeurs. Oui, il faut mettre en place des protocoles de contrôle, mais, non, on ne peut pas raconter n'importe quoi aux Français. Chers collègues, en ce qui concerne les normes, un peu d'humilité. Vous connaissez l'expression : « Ne regarde pas la paille dans l'oeil de ton frère, regarde la poutre qui est dans le tien ! » Les lasagnes frauduleuses à la viande de cheval ne venaient pas du Canada. Elles étaient bien de chez nous en Europe. Alors, oui, le CETA est un accord gagnant. Oui, nous le ratifierons, dans le respect de l'environnement et du climat, dans le respect de nos normes protectrices, avec la conviction que nombre de Français en bénéficieront et que cette longue amitié entre Français et Canadiens en sortira renforcée.
Merci, Madame la rapporteure, pour votre présentation.
Je rappellerai d'abord que nous, membres du groupe Les Républicains, ne sommes nullement opposés, bien au contraire, aux échanges commerciaux internationaux. Ils sont positifs pour beaucoup de nos entreprises, dont certaines viennent d'être citées, notamment pour certains produits de grande qualité qui s'importent et s'exportent. Pour être acceptables, il faut cependant que ces accords commerciaux soient « gagnant-gagnant », gagnant que l'on se place du point de vue du producteur ou du point de vue du consommateur.
La négociation du CETA a commencé il y a maintenant dix ans. À l'époque, certains acteurs, notamment la filière agricole, n'étaient pas farouchement opposés à cette perspective, mais la donne a bien changé pour eux. C'est l'objet du débat. Il ne s'agit pas d'opposer les tenants du libre-échange et ceux d'un néoprotectionnisme. Le débat se situe à un niveau supérieur, dont l'enjeu est de savoir quelle réponse donner à la question environnementale, à la question sanitaire, à la question économique, à la question sociétale. C'est à ce niveau que les membres du groupe Les Républicains placent le débat,
Nous ne partageons pas, chers collègues de la majorité, votre optimisme sur ces quatre questions. Nous ne pouvons donc approuver aujourd'hui la ratification proposée.
La question environnementale et sanitaire, c'est bien entendu l'enjeu de l'empreinte carbone. On peut toujours définir certaines règles, mais vous savez comment elles se contournent au plan international. Il en va de même pour la traçabilité. Les règles de l'Union européenne ne changeront pas, certes, et nous le savons très bien, mais elles ne s'imposent pas à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En France, en Europe, on ne peut pas élever des boeufs aux hormones, mais c'est sur un boeuf vivant qu'un contrôle peut déterminer s'il est aux hormones ou pas. Or ce sont des carcasses qui seront importées, non des boeufs vivants.
Cher collègue Kasbarian, vous avez évoqué le contingent de 65 000 tonnes, ce qui correspondrait à 1 % du marché européen. C'est peut-être vrai si l'on considère la masse globale de la viande, mais si nous nous en tenons aux pièces consommées en France, à l'aloyau, le ratio n'est plus le même : 65 000 tonnes sur 400 000, c'est 15 % à 17 % du marché. C'est totalement différent, et cela installe une réelle distorsion de concurrence, non dénuées de conséquences économiques, pour la filière agricole, mais aussi sociales, eu égard aux populations qui consommeraient effectivement ces produits sans réelle traçabilité. Il nous faut des certitudes, de ce point de vue ; il y va de la qualité de l'alimentation que nous voulons proposer à nos concitoyens.
Puisque Mme la rapporteure pour avis a évoqué la cohérence, je veux vous rappeler, chers collègues, ce que vous avez écrit à l'article 44 de la loi EGALIM : « Il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. » Nous y sommes, et la question des farines animales qui sont consommées non pas par des animaux français et mais à l'étranger se pose aussi.
Il ne s'agit pas là d'une question de cousinage entre le Canada et la France. Le débat se situe à un niveau bien supérieur, c'est celui de la traçabilité et de la qualité des aliments que nous voulons proposer à nos concitoyens.
Chers collègues, alors que le contexte international est de plus en plus marqué par le protectionnisme, ce projet de loi montre que nous pouvons sortir de ce repli sur soi. Au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, et en tant que président du groupe d'amitié entre la France et le Canada, je considère qu'il est de notre devoir de débattre des liens économiques et commerciaux entre nos deux pays, sans dogmatisme ni posture.
La France et le Canada partagent une histoire commune, et une même vision du monde : l'attachement au multilatéralisme, la promotion de la démocratie et des droits de l'homme ou encore l'ambition dans la lutte contre le changement climatique. Les visites respectives du Président de la République et du Premier ministre canadien ces deux dernières années ont permis de confirmer la vitalité de ce partenariat d'exception. La relation franco-canadienne se distingue ainsi par une convergence de vue sur un grand nombre de sujets et le souhait de renforcer les relations économiques, ainsi que le dialogue politique, dans plusieurs secteurs stratégiques, par exemple en matière de climat, d'environnement, de développement ou d'intelligence artificielle. Dans ce contexte, nous sommes à notre tour amenés à nous prononcer sur la ratification de l'accord économique et commercial global de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part. Je précise bien « à notre tour », car, outre le Canada, treize pays de l'Union européenne ont d'ores et déjà ratifié cet accord historique, le plus ambitieux traité de libre-échange jamais signé ce jour par l'Union européenne ou par le Canada.
Il est évidemment difficile de résumer les 2 248 pages de l'accord en quelques mots, mais il demeure indéniable qu'il comporte d'importantes avancées, parmi lesquelles l'accès au marché pour les biens et les services, l'ouverture réciproque des marchés publics ou encore la reconnaissance des indications géographiques.
Alors que 95 % des dispositions de l'accord font d'ores et déjà, depuis le 21 septembre 2017, l'objet d'une application provisoire, l'économie de notre pays et de notre continent n'a pas été déstabilisée, contrairement aux prévisions de certains détracteurs de l'accord. Avec l'entrée en vigueur provisoire du CETA, le solde de la balance commerciale des biens s'est au contraire amélioré significativement en faveur de la France. Ce projet de loi marque également un tournant dans le rôle que joue désormais notre Parlement dans la ratification des accords économiques et commerciaux présentés par l'Europe. En effet, la présidente de la commission des affaires étrangères de notre assemblée a obtenu plusieurs avancées majeures : premièrement, la réalisation d'une étude d'impact rigoureuse et fiable spécifique à la France, et non uniquement européenne, par un organe indépendant, avec une analyse sectorielle des impacts, éclairée par les premiers retours de l'application provisoire de l'accord ; deuxièmement, la réalisation d'une étude économique simulant l'impact de l'ouverture des marchés sur les filières agricoles identifiées comme sensibles en France, notamment celle de la viande bovine et porcine, de la volaille, du sucre et de l'éthanol.
Enfin, nous nous félicitons que le Gouvernement se soit engagé à faire de cette nouvelle méthode la norme pour les futurs accords. Nous devons désormais poursuivre nos efforts pour étudier la mise en oeuvre d'une méthode novatrice de suivi des effets des accords dans la durée, par filière et par région géographique.
Je conclurai en citant M. Justin Trudeau, qui nous demandait le 17 avril 2018 : « Si la France n'arrive pas à ratifier un accord de libre-échange avec le Canada, avec quel pays imaginez-vous pouvoir le faire ? » Quatre-vingt-dix ans après l'établissement des rapports diplomatiques entre la France et le Canada, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera en faveur de cet accord historique.
Je salue le travail de la rapporteure pour avis, qui débouche sur un rapport fort documenté, basé sur des faits. Il résulte d'un changement de méthode d'analyse et nous permet de porter un regard bien plus objectif sur le CETA.
Rapporteur pour avis sur le budget du commerce extérieur, j'ai mis l'accent l'an dernier sur la réforme des outils d'aide à l'export. Cet accord sera l'occasion de les utiliser pleinement pour accompagner les entreprises françaises désireuses de vendre au Canada leurs produits d'excellence.
Les accords bilatéraux sont une approche pragmatique face à une OMC en panne. Et ceux qui comme moi sont friands de questions agricoles se rappelleront sans doute des accords généraux dont nous avons été gratifiés dans le cadre de l'OMC ou du GATT, comme celui de Blair House qui a mis à mal, et pendant des années, la production de protéines végétales en Europe.
Enfin, le CETA est un pied de nez aux États-Unis, qui sont sortis de l'accord de Paris : il montre que nous pouvons commercer avec des partenaires nord-américains qui respectent les engagements sur le climat.
La profession agricole nous a sensibilisés sur les conséquences pour la filière bovine, qui pourrait se trouver plus fragilisée encore par l'importation d'aloyau canadien. La Fédération nationale bovine (FNB-Interbev), qui reconnaît elle-même que le secteur est en pleine mutation, s'est fixé pour objectif de mieux valoriser l'ensemble de la carcasse – dont la valeur dépend aujourd'hui essentiellement des pièces « nobles » – et de développer les signes officiels de la qualité. Sans doute devons-nous nous interroger sur la façon de mieux accompagner ce secteur au niveau national et de le rendre moins sensible aux importations.
Il convient aussi d'être vigilant et de s'assurer que l'éthanol importé en Europe, qui fait l'objet d'un quota, ne soit pas un produit américain qui aurait passé subrepticement la frontière.
Enfin, la reconnaissance au Canada de 143 produits d'origine géographique protégée constitue une excellente nouvelle : c'est là que nous irons chercher les points de croissance qui nous manquent si cruellement.
Je n'oublie pas que cet accord est doublé de l'accord de partenariat stratégique (APS), qui a vocation à renforcer la coopération entre l'Union européenne et le Canada. Grâce à ce partenaire, nous pourrons mieux défendre et partager nos points de vue.
« La mondialisation, les traités de libre-échange sont la cause de toute la crise que nous vivons. Si on ne s'attaque pas à cela, ça ne sert à rien. Ce n'est pas en installant trois éoliennes que l'on va y arriver. Mais avant que nos élites ne l'intègrent, je pense qu'on sera tous calcinés ! ». Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le gentil M. Hulot.
Ces élites qui nous dirigent, vous en faites partie : des élites inconscientes, des élites qui calcinent la planète, des élites qui portent en elles la mort, des élites qui placent les profits au-dessus de la vie. Ainsi, votre traité avec le Canada compte 96 fois le mot « concurrence », 23 fois le mot « croissance » mais les mots « biodiversité » ou « réchauffement » n'y figurent pas. Comme le notait un rapport officiel remis au Premier ministre, le grand absent de cet accord est le climat. Voilà les priorités de ces élites !
Le transport maritime, grand émetteur de carbone, va encore dégrader le climat. Et que trouvera-t-on dans les cargos ? Les carcasses produites par les fermes usines canadiennes, engraissées aux farines animales et aux antibiotiques activateurs de croissance ! Autant de produits interdits ici, que l'on pourra importer sans souci, alors que l'on nous a bercés avec la montée en gamme de l'agriculture française !
Pourquoi allez-vous autoriser la ratification de cet accord, à l'invitation du Président de la République et du Président de la Commission européenne ? Parce que vous n'êtes ni au service des Français, ni de la France, ni des Européens, ni de l'Europe, encore moins au service des Terriens et de la Terre ; vous êtes au service des lobbies, les 17 lobbies qui ont soutenu cet accord, l'ont façonné et mis sur les rails : BusinessEurope, évidemment, l'Association des manufacturiers canadiens, la Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques, l'Association canadienne de l'industrie de la chimie, le Conseil canadien des chefs d'entreprise, le Conseil européen de l'industrie chimique. Derrière ces lobbies se dissimulent bien sûr les groupes Arcelor, Monsanto, Alcan, Total, Lafarge et Rio Tinto. Voilà les intérêts que vous privilégiez au détriment des citoyens, des paysans, des ouvriers et des consommateurs – au détriment de tous les organismes qui respirent ! Voilà au service de qui vous mettez votre politique, consciemment ou pas, par choix ou par inertie.
Cela ne date pas d'aujourd'hui et ne concerne pas seulement le Canada. Voilà trente ans que cela dure, de GATT en OMC, d'Uruguay Round en Mercosur ; voilà trente ans que s'applique le programme du prix Nobel d'économie ultralibéral Gary Becker, qui écrivait : « le droit du travail et la protection de l'environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange va réprimer certains de ses excès, en obligeant chacun à rester concurrentiel face aux importations des pays en voie de développement. » Vous inscrivez dans cette tradition le libre-échange pour aider à la fois le droit du travail et la protection de l'environnement.
À l'inverse, nous souhaitons en finir, pas seulement avec le CETA mais avec le grand déménagement du monde. Nous voulons que les flux de marchandises et de capitaux ralentissent, que soit imposée une taxe kilométrique. Nous voulons que les économies soient relocalisées, grâce au protectionnisme, au juste échange, au commerce équitable. Nous souhaitons, pour l'amitié entre les peuples, que l'on mise moins sur les farines animales que sur les intellectuels canadiens comme Gérard Bessette, Normand Baillargeon, Naomi Klein. Après tout, mieux vaut encore importer Céline Dion et Robert Charlebois, que le pétrole et les sables bitumineux d'Alberta !
Lorsque Mme Marie Lebec évoque le CETA, elle décrit le meilleur des mondes et le bonheur pour tous, nous conte d'extraordinaires histoires de succès remportés en deux ans par des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des petites et moyennes entreprises (PME). À critiquer et à remettre en cause l'accord, nous serions de sombres obscurantistes, des protectionnistes, des nationalistes ; et nous irions jusqu'à encourager le populisme, ainsi qu'elle l'a laissé entendre, sans doute dans un excès de langage.
Les critiques formulées par les instituts de diverses obédiences qui ont repris l'évaluation de la commission Schubert méritent d'être regardées. Je ne les énumérerai pas – j'en ai compté une cinquantaine – mais je vous ferai part de certaines d'entre elles. Je me servirai pour cela d'une boussole qui n'est pas la vôtre, mais qui est tout aussi légitime dans cette assemblée : le respect du droit des travailleurs et des consommateurs, ici comme au bout du monde, le respect du climat, notre bien commun, qui conditionne la biodiversité et la souveraineté alimentaire.
Notre évaluation relève de la raison, pas seulement de la passion : nous éprouvons le même amour pour le Canada, le même respect pour cette nation dont les enfants ont donné leur vie, sur nos côtes, il y a soixante-quinze ans. Cette amitié ne souffre pas de discussion, mais elle peut se traduire autrement que par un commerce qui privilégie la loi du plus fort et l'accroissement des échanges, quand nous devrions retrouver la raison – économique et forcément écologique.
Outre la hausse des gaz à effet de serre due à l'augmentation du transport maritime et aérien, les exportations de gaz de schiste canadien vers l'Europe devraient croître de 63 %. Ce n'est évidemment pas le signe que nous attendions. Il convient aussi d'envisager les conséquences systémiques du traité sur les modes de production et leurs effets sur le climat. Car le changement climatique n'est pas dû uniquement aux modes de production d'énergie, il est aussi la traduction d'un mode de développement économique.
À cet égard, je voudrais évoquer l'importance des systèmes herbagers, construits laborieusement et patiemment par l'homme. Composant cinq des huit millions d'hectares de prairies, concentrés au centre de la France, ils correspondent à des systèmes extensifs, parfait équilibre économique et écologique. L'économie des exploitations qui vivent de cette production herbagère extensive est cependant extrêmement fragile : quelques centimes de moins sur le kilo de viande et le peu de revenu des éleveurs est menacé. Le traité pourrait avoir des conséquences sur la pérennité même des systèmes herbagers, qui font office de filtre pour l'eau et de poumon pour notre planète. La disparition de cette économie, qui ne pourra être remplacée par nulle autre, ni par l'État ni par la nature, aurait des conséquences dramatiques pour notre climat.
Prenons en considération cette fragilité, et cessons avec la fiction selon laquelle les quotas canadiens ne représenteraient que 0,6 % de la production européenne de boeuf. L'enjeu véritable se situe au niveau des importations d'aloyau, qui pourraient représenter jusqu'à 15 % de la production française et 8 % de la production européenne. Avec un différentiel de prix de 30 %, cette viande pourrait concurrencer et ruiner l'économie des élevages, dont le rôle économique et écologique est fabuleux pour nos territoires.
Nous sommes loin d'avoir exploré la question sanitaire. La polémique sur les farines reste entière, puisqu'il n'existe aucun moyen réglementaire de contrôler ce que nous avons interdit chez nous. Pourquoi donc interdisons-nous les farines dans notre pays si nous n'avons aucun moyen de contrôler celles qui seront importées du Canada ?
Malheureusement, le temps me manque pour évoquer la dérégulation du commerce international du lait, qui a provoqué l'effondrement des prix, ce que la réussite d'aucun fromage ne pourra compenser.
J'espère que nous débattrons de l'atteinte à la justice que constitue la création de tribunaux arbitraux, que personne n'a encore évoqués.
Cet accord n'est bon ni pour les paysans, ni pour le pays, ni pour la planète. Il nous faut inventer une autre mondialisation et nous concentrer sur nos coopérations avec l'aire afro-méditerranéenne.
Monsieur Kasbarian, je partage votre point de vue sur la proximité avec le Canada, nos deux pays bénéficient du renforcement des liens. Un exemple de l'intérêt du partenariat est celui du groupe Derichebourg, qui a su gagner un marché local tout en important une technologie canadienne pour équiper les camions français, technologie plus respectueuse de l'environnement de surcroît. Plus globalement, les 48 projets canadiens supplémentaires en 2018 ont permis de créer 1 544 emplois. Tout au long de mes échanges avec le Canada, j'ai défendu l'idée qu'avoir des intérêts offensifs, vouloir conquérir des marchés et imposer nos normes ne nous empêchait pas d'adhérer à une logique de partenariat. Il est dans notre intérêt que les deux économies se développent.
Monsieur Dive, je ne remets pas en cause votre soutien aux échanges commerciaux et, j'aurais espéré un soutien de votre part sur le CETA. Si le contexte a évolué pour un certain nombre de filières, les chiffres que je vous ai donnés restent éloquents. Certes, il faut rester vigilant sur la filière bovine mais rien de ce que nous promettait l'Interbev en 2017 – un déluge de viande canadienne et une déstabilisation totale de la filière – ne s'est produit. D'aucuns disent que c'est parce que la construction d'une filière prend du temps. Pourtant, il existait déjà, avant le CETA, des quotas de viande bovine, dont le Canada ne s'est pas saisi. On assistera donc peut-être à une hausse des importations de viande canadienne, mais sans doute pas dans les proportions indiquées par l'Interbev. Encore une fois, promouvoir cet accord et la possibilité d'exporter notre viande ne signifie pas qu'il faille baisser sa vigilance : la filière bovine demeure très sensible.
Plusieurs d'entre vous ont parlé de la traçabilité et de la qualité de la viande, pointant le fait que le contrôle hormonal ne peut être effectué que sur les animaux vivants. Je veux rappeler qu'il existe, de part et d'autre, des mécanismes de contrôle et de certification. Chaque filière, au Canada, doit être contrôlée et validée par les agences européennes ; il faudra d'ailleurs vérifier rapidement que les trente-six fermes identifiées respectent bien l'ensemble des normes et des procédures.
Permettez-moi de revenir sur la question des importations d'aloyau, que certains d'entre vous ont soulevée. Au-delà des tonnes équivalent-carcasse susceptibles d'être importées, ce sont les pièces à forte valeur ajoutée qui peuvent déstabiliser le marché. L'aloyau canadien est compétitif, dans la mesure où il est 10 % moins cher que l'aloyau français. Mais les produits qui sont interdits dans l'Union européenne le demeurent, quel que soit l'accord qui a été signé – c'est tout l'enjeu de la traçabilité – et si la filière canadienne devait se conformer aux exigences européennes concernant l'utilisation de produits phytosanitaires, cela renchérirait de beaucoup le kilo d'aloyau.
Je me suis efforcée de prendre en compte le point de vue canadien pour la rédaction de ce rapport. J'ai rencontré à plusieurs reprises Mme Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada en France, qui a eu l'amabilité d'organiser un petit-déjeuner avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, chargée d'effectuer les contrôles sur les produits européens à leur entrée au Canada. Les représentants de l'agence ont indiqué qu'il était plus difficile de certifier les produits européens, dans la mesure où les mouvements sont plus nombreux au sein du marché commun. Cela doit nous interroger sur nos propres mécanismes de contrôle sanitaire et nous rassurer quant à la vérification des produits importés du Canada.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) indique que 621 contrôles ont été effectués en 2018 et que 58 lots ont été déclarés non conformes. Cela signifie que des progrès doivent être faits en matière de qualité et de traçabilité, mais aussi que les contrôles, efficaces, permettent de garantir la qualité des produits.
Monsieur Lagleize, je sais votre engagement et vous remercie pour votre soutien. En effet, l'ouverture des marchés publics représente environ 70 milliards d'euros de gains potentiels, contre 9,5 milliards précédemment. Plusieurs géants français peuvent remporter des marchés dans l'aménagement de la ville. Le MEDEF nous a indiqué que l'organisation d'une filière « ville durable » serait à même d'entraîner un certain nombre de PME à la conquête de ces marchés.
Monsieur Herth, il est vrai que nous avons tenté de rendre le rapport aussi concret et vivant que possible. Ce recul de dix-huit mois nous a permis de montrer en quoi les entreprises françaises avaient bénéficié de l'accord.
Le secteur bovin est en pleine mutation et il nous faut conserver toute notre vigilance pour que cette filière ne soit pas déstabilisée. Je reste persuadée que les entreprises doivent se saisir de cette occasion pour se développer à l'international et consolider ainsi la filière. La dynamique du plan d'action sur le CETA ne s'arrête pas avec la ratification. Nous devons poursuivre l'analyse, identifier les filières qui ont des intérêts défensifs et les accompagner au mieux.
La question de la provenance de l'éthanol se pose en effet, mais les Canadiens ont été assez fermes lors de nos échanges ; il n'est pas question que l'accord avec le Canada serve de cheval de Troie pour les États-Unis. Si un accord devait intervenir, il serait négocié avec les États-Unis.
Monsieur Ruffin, merci pour cette intervention très politique. Les acteurs qui se sont réunis ces deux dernières années avaient précisément pour préoccupation d'aller plus loin en matière environnementale. Je n'espère pas vous convaincre aujourd'hui, mais je souhaite rappeler que la France, moteur sur l'accord de Paris – au demeurant non contraignant – a maintenu fermement ses exigences climatiques. Le veto climatique a été introduit juste avant le processus de ratification, après que les États ont signé l'accord. Cette victoire politique française vient couronner une bataille de tous les instants : nous avons appris il y a tout juste une heure par un tweet de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que le Gouvernement avait reçu l'engagement formel des Canadiens de l'accepter.
L'étude du CEPII montre que les émissions de gaz à effet de serre augmenteraient de moins de 0,01 % avec la signature de l'accord. Mais comme l'a très bien dit M. Potier, l'environnement ne se réduit pas aux GES : un forum sur la coopération réglementaire doit permettre précisément d'harmoniser les normes en la matière.
Monsieur Potier, je suis désolée de vous avoir donné l'impression de décrire le meilleur des mondes. L'analyse que je vous livre se veut objective. Je considère que ce n'est pas parce qu'une filière peut potentiellement rencontrer des difficultés, et requiert notre vigilance, que les autres, agricoles ou industrielles, doivent pâtir de la mauvaise image du CETA. Nous nous sommes attachés à montrer que cet accord pouvait favoriser des réussites dans de nombreux secteurs et qu'il convenait de valoriser les entreprises qui partent à la conquête de nouveaux marchés à l'international.
Vous avez parlé des droits des travailleurs : les organisations syndicales étaient représentées dans les différents comités de suivi. En outre, au chapitre 23, les parties s'engagent à respecter les principes de l'Organisation internationale du travail (OIT), à favoriser le maintien de niveaux élevés de protection du travail et à échanger de bonnes pratiques. Ce n'est pas en refusant de signer des traités avec des pays prétendument inaptes à rehausser leurs standards que nous entraînerons cette dynamique. Vous savez que la bataille, engagée notamment avec les États-Unis et la Chine, consiste moins à obtenir des droits de douane plus faibles qu'à imposer nos normes au niveau mondial. L'Union européenne a tout intérêt à signer des accords ambitieux, de manière à porter les standards internationaux au meilleur niveau.
La protection des investissements, qui fait du CETA un accord mixte, figure au chapitre 8 du traité. Celui-ci prévoit que le règlement à l'amiable des différends sera assuré par un tribunal permanent des investissements, composé de quinze juges – cinq ressortissants de l'Union européenne, cinq ressortissants du Canada et cinq ressortissants des pays tiers – en première instance et par six juges d'appel – deux ressortissants de l'Union européenne, deux ressortissants du Canada et deux ressortissants de pays tiers. Pour les conflits portant sur la réalité des profits futurs non réalisés, le droit des États à réguler demeure garanti par l'article 8.9, alinéa 1, du CETA. S'agissant des demandes pécuniaires excessives, les parties contractantes peuvent se prévaloir du mécanisme d'interprétation conjointe, détaillé à l'article 8.31.3, contre une application erronée de l'article 8. Si ce mécanisme interroge, il a été très bien bordé.
Monsieur Ruffin, je vous engage à actualiser votre connaissance des chanteurs québécois. Les Cowboys fringants ou Coeur de Pirate sont ainsi un peu plus récents que Céline Dion ou Robert Charlebois. Mais, bien évidemment, tous les goûts sont dans la nature…
Gérard Bessette qui, bien qu'étant un auteur des années soixante-dix, n'en demeure pas moins excellent aujourd'hui, tout comme Céline Dion.
Mme la rapporteure vient d'évoquer un tweet de M. Jean-Baptiste Lemoyne qui prétend qu'il y aurait un nouveau document sur ce qu'il appelle un veto climatique. Or nous n'avons pas connaissance. Je serais heureuse, en tant que députée, que la commission des affaires économiques puisse se prononcer sur le CETA en ayant connaissance de ce document.
Je vais voir s'il est disponible, auquel cas je vous l'enverrai. Comme vous le savez, nous sommes saisis pour avis et nous ne nous empêcherons en aucun cas de faire référence à ce document en séance publique, s'il existe et s'il est public.
Ce matin nous étions plusieurs députés aux côtés des agriculteurs venus de tous les départements de France, notamment de la Loire. Nous avons écouté leurs légitimes inquiétudes concernant ce traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.
La ratification, que nous devons voter la semaine prochaine n'est cohérente ni avec les discours politiques, ni avec la loi EGALIM. Nous voulons une montée en gamme des produits agricoles et alimentaires, une consommation locale rémunératrice pour les producteurs et respectueuse de l'environnement. Au contraire, ce traité entraînerait une déstabilisation des filières françaises avec l'importation, à droits de douane nuls, de contingents élevés de viande bovine et porcine en Europe mais aussi de volaille, de sucre et d'éthanol. Il faut rappeler que ce traité met en concurrence des modèles agricoles opposés : d'un côté un modèle agricole français de type familial que nous défendons avec en moyenne soixante bovins par exploitation, de l'autre un modèle intensif où 60 % des fermes comportent plus de 10 000 bovins. Les réglementations en matière de bien-être animal, de traçabilité et de respect de l'environnement sont elles aussi très différentes. Le Canada autorise en effet les organismes génétiquement modifiés (OGM), l'engraissement aux antibiotiques activateurs de croissance et quarante-six substances actives strictement interdites en Europe.
Le CETA est par ailleurs contraire à l'article 44 de la loi EGALIM qui interdit de vendre des produits ne respectant pas nos règles de production. Enfin, il ouvre la porte à la signature d'autres accords destructeurs pour nos filières et pour l'environnement, comme l'accord entre l'Union Européenne et le Mercosur.
C'est pourquoi je voterai personnellement contre la ratification de ce traité qui met à mal des pans de notre production agricole et la stabilité économique et sociale de nombreuses filières.
J'ai évoqué quant à moi un nouveau document sur le veto climatique, alors que vous parlez là, Monsieur le président, d'un courrier que j'ai lu.
Je suis étonnée, alors que la commission des affaires économiques a prérogative en matière de politique agricole et de politique énergétique, des choix qui ont été faits en termes d'auditions pour présenter ce rapport : ni les syndicats agricoles, ni les ONG chargées de la sécurité alimentaire, ni les ONG qui travaillent sur le climat n'ont en effet été auditionnés. Le rapport me paraît donc très caricatural.
Quarante-six pesticides sont interdits en Europe alors qu'ils sont autorisés au Canada. Le Canada a-t-il déposé le 4 juillet une attaque contre l'Europe devant l'OMC par rapport à ces quarante-six interdictions ? La réponse est oui.
L'utilisation des farines animales dans l'alimentation des bovins est interdite chez nous, mais autorisée au Canada. Le CETA prévoit-il une disposition pour éviter l'importation de bovins nourris aux farines animales ? La réponse est non.
Le Canada autorise le saumon OGM. L'année dernière, 9 400 tonnes de saumon canadien ont été importées en Europe. Ce saumon OGM n'est pas traçable. Le CETA permet-il de garantir la sécurité alimentaire des Européens sur ce point ? La réponse est non.
Le mécanisme d'arbitrage permettra-t-il à une compagnie comme Colombus Gold, compagnie russo-canadienne, d'attaquer la France si la France se décidait enfin à interdire le projet Montagne d'or ? La réponse est oui.
Le Canada se félicite d'une augmentation de 63 % des exportations de sables bitumineux vers l'Europe. Est-ce compatible avec la lutte contre le changement climatique ? La réponse est non.
L'étude d'impact du Gouvernement sur le CETA reconnaît-elle que le CETA entraînera une augmentation des émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est oui.
La croissance continue des échanges internationaux et du commerce international est-elle compatible avec la limitation à deux degrés du changement climatique ? La réponse est non.
Dès lors, le CETA ne doit pas être ratifié.
Que les choses soient claires : je ne voterai pas la ratification du CETA.
Madame la rapporteure pour avis, vous avez dit que l'écart entre l'aloyau français et l'aloyau canadien était de 10 %. Je maintiens pour ma part qu'il est de 30 %.
La France a connu ce qu'on a appelé le scandale des farines animales. Les Français ont tranché : ils ne veulent pas que leurs animaux soient élevés avec des farines animales. Or le Canada pourra nous envoyer de la viande élevée avec des farines animales. Dans certains de ses rapports, la commission des affaires étrangères explique qu'on ne pourra pas démontrer que les bêtes auront été élevées avec des farines animales. Le principe de précaution n'est donc pas appliqué dans ce traité. Autrement dit, les Français risquent de consommer ce qu'ils ne veulent pas.
Vous dites avoir reçu les organisations agricoles qui ont fait une forme de lobbying. Oui, je suis fier d'avoir reçu les paysans français qui sont venus nous dire que le CETA posait problème. Vous avez parlé d'un petit-déjeuner avec l'ambassadrice du Canada. Mais les Canadiens ont fait mieux que cela en termes de lobbying en payant le voyage de députés pour aller visiter des fermes. Je préférerais que nous, députés, ayons les moyens de nous déplacer librement lorsque nous avons besoin de vérifier quelque chose.
En fait, la variable d'ajustement de ce traité est le volet agricole. Donc, même si je concède qu'il est plutôt bon pour le reste, je ne voterai pas la ratification du CETA parce que je veux défendre les paysans français et nos éleveurs.
Alors que ce traité est lourd d'enjeux, on peut déplorer que le rôle du Parlement se limite à le ratifier. Il serait utile que nous puissions en mesurer toutes les conséquences et que nous entendions toutes les inquiétudes de la population, en particulier en matière agricole.
L'étude d'impact est intéressante en ce qu'elle révèle des gains économiques globalement assez relatifs et qu'elle met en évidence les difficultés pour ne pas dire notre incapacité à contrôler tous les produits d'importation, avec toutes les conséquences sanitaires tout à fait préoccupantes que cela aura pour nos consommateurs. Cette étude montre aussi l'absence de développement de filières canadiennes qui correspondent à nos standards, ce qui risque d'avoir des conséquences bien réelles en termes de qualité de la production de viande bovine, de sécurité du consommateur en raison d'un manque de traçabilité, et une forme de concurrence déloyale pour nos paysans à qui on fixe des objectifs très contraignants et des normes très lourdes.
Contrairement à ce que l'on a pu entendre, il n'y a pas du tout d'animosité ni de défiance envers le Canada, seulement une précaution impérieuse à prendre pour protéger l'économie agricole française qui est déjà bien fragile.
Pour toutes ces raisons, je m'opposerai à la ratification de ce traité. Le libre-échange n'interdit pas le juste échange.
Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour votre implication sur ce dossier et pour la qualité du rapport que vous avez remis
Le traité prévoit que lorsque des pesticides sont interdits d'usage dans l'Union européenne, les produits agricoles importés doivent se conformer à un seuil maximal de résidus de ces pesticides. Doit-on comprendre qu'en fonction de la valeur de ces seuils une distorsion puisse exister entre produits de l'Union européenne et produits importés au sein de l'Union européenne, notamment en France ? Je rappelle d'ailleurs, et on peut s'en féliciter, que notre pays se distingue déjà positivement des autres pays européens quant à ses ambitions en la matière, c'est-à-dire de ses exigences vis-à-vis de ses agriculteurs.
Avez-vous des réponses de nature à rassurer les agriculteurs, toujours prêts à soutenir la compétition dès lors que les règles sont les mêmes pour tous les acteurs ?
Madame la rapporteure pour avis, votre rapport me semble pour le moins optimiste. Vous indiquez que seules trente-six exploitations bovines canadiennes sur 70 000 respecteraient les normes européennes. Le Canada devrait donc rencontrer des difficultés pour exporter vers l'Europe, et notamment vers la France. Mais comme beaucoup d'autres commissaires, je me demande de quels moyens dispose véritablement l'Europe pour vérifier si les productions canadiennes sont aux normes européennes. Je crois me souvenir d'ailleurs que dans le cadre de l'examen du projet de loi EGALIM, le rapporteur Jean-Baptiste Moreau, avait fait adopter un amendement visant à augmenter les crédits alloués à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour effectuer des contrôles. Chacun le sait bien, notre administration n'a pas suffisamment de moyens pour réaliser les contrôles permettant aux consommateurs d'acheter en toute quiétude des produits dont la traçabilité est identifiée.
Je partage les doutes que vient d'exprimer mon collègue sur cet accord de libre-échange, notamment en matière agricole. Il vous appartient, chers collègues de la majorité, de prendre la mesure de ce qui se passe au niveau mondial en ce qui concerne la demande des consommateurs.
Cet accord pose un triple problème.
D'abord un problème économique dans la mesure où il s'agit d'une concurrence asymétrique pour les éleveurs français. En effet, le maïs OGM et les hormones de croissance ne seront jamais autorisés en France. Or quand on sait qu'il n'y a même pas dix personnes dans l'Union européenne pour contrôler ces importations, c'est un voeu pieux de prétendre que les mêmes normes s'appliqueront à tout le monde. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas les imposer au Canada. Nos agriculteurs ne craignent pas la concurrence, mais ils ne veulent plus d'une concurrence déloyale.
Ensuite un problème sanitaire. Les consommateurs français ne veulent pas se voir imposer des aliments fabriqués avec des produits interdits dans notre pays pour des raisons de sécurité sanitaire. On est rassuré quand on peut nourrir ses enfants avec des produits issus d'élevages français, qu'ils soient conventionnels ou bio.
Enfin un problème environnemental. Au moment où tout le monde s'approprie la question environnementale, certains en imposant toujours plus de taxes, notamment sur les transports en avion ou sur les automobilistes, il est bon de ne pas oublier que part la plus importante de la pollution provient des échanges mondiaux, qu'ils se fassent par porte-conteneurs ou par avions de marchandises. Or cet accord va favoriser ce type de pollution sans en intégrer le coût. Vous n'avez pas tenu compte de cette externalité négative. Voilà pourquoi nous ne pouvons être que sceptiques face à la ratification que vous nous proposez, s'agissant en tout cas de l'élevage et de l'agriculture française.
J'ai pu partager certaines des inquiétudes qui s'expriment ici. Pour avoir rencontré les responsables des services sanitaires canadiens, je peux vous dire que leur niveau d'exigence n'a à peu près rien à envier au nôtre et qu'ils sont surtout beaucoup plus exigeants que la plupart des services sanitaires européens.
Comme l'a dit M. Rolland, il convient de se doter au niveau européen d'une véritable sécurité sanitaire et d'une vraie inspection sanitaire telle qu'elle existe en France, c'est-à-dire d'une DGCCRF européenne. C'est une exigence absolue que l'on doit s'imposer dans les mois et les années à venir pour contrôler la qualité de nos importations. Cela dit, il ne faut pas se tromper de combat : l'agriculture française a besoin d'exporter. Elle doit donc signer des accords avec d'autres pays. Comme l'a indiqué Mme la rapporteure pour avis, les exportations en direction du Canada des produits laitiers ont augmenté de 10 %. Nous avons exporté la qualité française, nos marques, nos AOP, nos IGP, nos labels. Notre agriculture doit se faire une place au sein de l'agriculture mondiale, dans le cadre d'accords respectueux. Je rappelle que, si je suis extrêmement favorable au CETA, je me suis opposé au Mercosur et je continuerai à le faire. Si en effet on peut avoir une entière confiance dans la sécurité sanitaire canadienne, tel n'est pas le cas pour les sécurités sanitaires d'Amérique du sud. Un rapport européen de M. Michel Dantin a ainsi démontré qu'il n'y avait absolument aucune traçabilité sur les productions animales et végétales au Brésil.
Certes, l'Europe doit faire des progrès en matière de contrôles sanitaires de nos importations. Mais nous ne ferons pas n'importe quoi. J'ai d'ailleurs défendu, cela a été rappelé, un amendement, dans le cadre de l'examen du projet de loi EGALIM, qui interdit d'importer des produits ne correspondant pas aux normes de qualité et environnementales en vigueur en France et en Europe. Actuellement, seulement trente-six exploitations canadiennes sur plusieurs milliers sont en mesure d'exporter de la viande bovine en Europe, parce qu'elles sont contrôlées, et qu'on a pu vérifier que l'alimentation des animaux ne comportait pas de farines animales ou d'hormones de croissance.
Je suis donc favorable au CETA puisqu'on peut avoir confiance en un partenaire fiable, mais je serai toujours opposé au Mercosur puisque ces partenaires-là ne sont pas fiables. L'agriculture française et l'agriculture européenne ont besoin d'échanges internationaux. Nous exportons nos céréales en Amérique du Nord, du porc en Chine… Les accords doivent être conclus de façon équitable et juste : le CETA est précisément un accord équitable et juste, même pour l'agriculture française.
Monsieur le président, en fait dans un autre tweet, une journaliste indique que le document que j'évoquais tout à l'heure est distribué par les députés de La République en Marche seulement aux députés de La République en Marche.
Je sais lire un tweet…
Nous sommes ici à l'Assemblée nationale en train d'examiner un texte. Il s'agit du prétendu veto climatique – en l'occurrence, ce n'en est pas un. Je trouve que la façon de procéder est un peu cavalière.
On nous répond que le Canada est un partenaire de confiance. Mais ce n'est pas la question. Le problème, c'est qu'il est possible dans ce pays de nourrir les bovins avec des farines animales. Aussi retrouvera-t-on fatalement en France des animaux nourris avec des farines animales. Nous ne pourrons ni le contrôler, ni l'interdire. Le CETA prévoit explicitement que nous ne contrôlerons pas les viandes nourries avec des farines animales à l'entrée. En tout état de cause, un conteneur sur 5 000 seulement est contrôlé dans nos ports. La viande nourrie avec des farines animales va entrer sur le continent européen ! Nous n'en voulions pourtant plus après la crise de la vache folle ! De la même manière, il est impossible de contrôler les quarante-six pesticides autorisés au Canada et interdits en France. Peu importe la traçabilité puisque ces produits sont autorisés au Canada.
On ne peut pas comparer les 5 000 tonnes jusqu'à présent échangées avec les 65 000 tonnes de quotas, à moins d'être de mauvaise foi. La filière bovine canadienne n'est pas encore prête. Mais rien n'empêchera que les animaux soient nourris avec des farines animales. La distorsion de concurrence est patente avec l'élevage à l'herbe, dont les fonctions écosystémiques n'ont pas de prix. Cette mondialisation est insensée. La Fédération nationale des coopératives laitières s'est érigée contre les arguments présentés : quelques AOP ou exportations de fromage ont servi de prétexte à justifier l'injustifiable sur les écosystèmes agricoles. S'agissant du lait, il ne se passe rien dans les cours de ferme et on va à l'encontre des mesures votées dans la loi EGALIM. Aujourd'hui, une exception agriculturelle s'impose dans le monde. J'ai passé beaucoup de temps à réfléchir sur la problématique des sols, et encore récemment avec AgroParisTech. L'agro-écologie, l'équilibre des sols et des échanges commerciaux, qui doivent être justes et limités à l'indispensable, comptent parmi les conditions de la survie de l'humanité. Je le répète, on ne peut pas accepter ces « échanges shadoks » qui n'ont aucun sens et que nous ne saurons pas expliquer à nos enfants.
S'agissant des farines animales, la commission des affaires étrangères avait indiqué ceci : « Il est vrai que la portée de ces règles est limitée par l'impossibilité de contrôler aussi complètement les chaînes de production à l'étranger que sur le sol européen et par les limites de tests que nous pourrons faire sur les produits canadiens ».
Au Canada, les ruminants n'ont pas le droit d'être nourris avec des farines animales. Les seuls qui en reçoivent aujourd'hui sont les monogastriques, c'est-à-dire les porcs et les volailles. On ne peut donc pas utiliser l'argument de la crainte de la vache folle.
Lorsque l'on parle du CETA, il faut éviter trois écueils.
Premièrement, il ne faut pas prétendre parler au nom de tous les agriculteurs ni insinuer qu'être favorable au CETA serait être contre eux. Nous l'avons suffisamment démontré, il existe beaucoup de métiers différents dans l'agriculture. Certains sont très gagnants avec le CETA, tandis que d'autres ne perdent pas tant qu'ils le craignaient. En réalité, quand on analyse finement la situation, filière par filière, on s'aperçoit que le CETA est gagnant pour l'agriculture, comme l'a très bien dit M. Jean-Baptiste Moreau. Il faut donc cesser d'opposer agriculture et CETA.
Deuxièmement, il faut être attentif aux propos concernant les lobbies. Être favorable au CETA serait être favorable aux lobbies. Et c'est l'élite qui serait favorable au CETA tandis que le peuple y serait opposé. Je suis convaincu quant à moi que chacun ici souhaite servir la France et les Français et qu'il le fait de bonne foi, mais avec des idées qui sont ne sont forcément les mêmes. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui ne pensent pas la même chose que moi, et il ne me viendrait jamais à l'esprit de les accuser d'être aux mains des lobbyistes, de sous-groupes ou de sous-ensembles. Il faut juste accepter que tout le monde n'a pas la même vision du monde, de l'économie, de la mondialisation, de l'agriculture et de l'écologie. Il n'y a là aucune manipulation.
Enfin, il faut éviter de donner des leçons de morale, de dépeindre les normes canadiennes comme étant toutes catastrophiques tandis que les nôtres seraient toutes merveilleuses. Comme si tout était merveilleux en Europe et que tous les contrôles y étaient parfaits tandis qu'ailleurs ce serait la catastrophe. Souvenez-vous : la contamination à la dioxine c'était en Belgique en 1999, les graines germées contaminées c'était en Allemagne en 2011, le scandale des lasagnes à la viande de cheval c'était en France et en Roumanie en 2013, les tartes au chocolat contaminées par des matières fécales c'était en Suède en 2013, la vente de chevaux de laboratoire en boucherie c'était aussi en France en 2013. Assis confortablement dans cette salle, nous donnons des leçons de morale, de bonne gestion, de bons contrôles et de bonnes normes au monde entier. Chacun a ses normes. Il faut avoir les moyens de contrôler sans prétendre pour autant que tout est parfait dans le meilleur des mondes en Europe et qu'à l'inverse, au Canada, tout serait catastrophique. Il faut faire preuve d'un peu de bonne foi et se pencher sur les procédures canadiennes avant de les dépeindre de façon scandaleuse, comme on a pu l'entendre ici.
Je vais m'efforcer de répondre en regroupant par thèmes les questions qui ont été posées.
En réponse à la réflexion de Mme Batho au sujet des auditions effectuées par notre commission, je rappelle que c'est la commission des affaires étrangères qui a été saisie au fond et que, dans ce cadre, son rapporteur, M. Jacques Maire, a procédé à l'audition d'un certain nombre d'acteurs institutionnels, notamment ceux que vous avez cités. M. Jacques Maire et moi-même avons décidé d'auditionner en premier les différentes associations ayant participé depuis le début au suivi du CETA – je pense à la Fondation Nicolas Hulot (FNH) ou à Foodwatch – afin d'être en mesure de relayer leurs demandes auprès du ministère et d'avoir ensuite des éléments de réponse à leur fournir, mais aussi afin de leur montrer la volonté de la majorité de travailler avec elles. De mon côté, en tant que rapporteure de la commission saisie pour avis, j'ai effectivement fait le choix d'auditionner des acteurs que nous avions peut-être moins entendus jusqu'à présent, notamment les entreprises, et, en nous répartissant la tâche de la sorte, nous avons pu mener un grand nombre d'auditions en une semaine.
Sur la question de l'environnement, je commencerai par rappeler que le chapitre 22, intitulé « Commerce et développement durable », rappelle la nécessité de mettre en place une coopération bilatérale forte dans le cadre de la mise en oeuvre du chapitre 23, intitulé « Commerce et travail », et du chapitre 24, intitulé « Commerce et environnement ».
Par ailleurs, on peut toujours estimer qu'il n'en a pas été assez fait, mais la France a été très ambitieuse en demandant, au travers du plan d'action CETA portant notamment sur la question du veto climatique, la réouverture d'un tour de négociations avec le Canada, justement afin de rehausser le niveau d'exigence en matière environnementale.
La question des émissions de GES est, elle aussi, revenue régulièrement dans vos interventions. Sur ce point, nous avions fait la demande d'une étude d'impact indépendante et il me semble que nous pouvons considérer que les auteurs de l'étude effectuée pour le compte du CEPII sont de bonne foi quand ils estiment que la mise en place de l'accord CETA conduit à une hausse des prix du carbone dans l'UE de 0,3 % dans les secteurs soumis aux quotas européens d'émission de carbone, une augmentation des émissions s'intégrant parfaitement dans le cadre de l'accord de Paris et, en matière de transport maritime, à un effet de substitution du transport maritime vers le Canada, appelé à se développer par rapport au transport routier intra-Union européenne, souvent plus émetteur. Je le répète, pour forger ma conviction, je m'appuie sur l'étude du CEPII, qui constitue à mes yeux une analyse de qualité et indépendante.
Les questions relatives à l'agriculture ont, elles aussi, souvent été évoquées. Je ne vais pas revenir sur celle du contrôle et de la traçabilité, exposée très précisément par M. Guillaume Kasbarian, et me bornerai à dire que le Canada est un pays qui, en matière de sécurité et de normes sanitaires, a les mêmes exigences que les nôtres. Devant exporter une grande partie de leur production agro-alimentaire, les Canadiens ont eux aussi besoin d'avoir des contrôles de qualité et un système dans lequel on peut avoir parfaitement confiance.
Pour ce qui est des 46 pesticides, certains n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché au sein de l'Union européenne, et sont donc interdits. D'autres molécules ont été remplacées, étant tombées en désuétude. Enfin, les limites maximales de résidus (LMR) sont situées à un niveau extrêmement bas, pour la simple raison que le seuil défini en matière de dangerosité est adapté au cas le plus strict, c'est-à-dire aux personnes les plus vulnérables, et pour une quantité potentiellement consommée.
Au sein de l'Union européenne, la volonté de renforcer le système sanitaire européen pour avoir des contrôles plus effectifs constituait un engagement de campagne de la liste Renaissance. Comme je vous l'ai dit précédemment, c'est la DGCCRF qui est pour le moment chargée d'effectuer ces contrôles – c'est à ce titre qu'elle a repoussé 58 lots déclarés non conformes.
Vous avez évoqué, Monsieur Ruffin, la difficulté à contrôler les containers. Sur ce point, je rappelle que les moyens vétérinaires vont se trouver renforcés, puisque les services des douanes ont été redimensionnés pour faire face au Brexit et que, si la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne se passe dans de bonnes conditions, ces services seront notamment affectés à ces missions de contrôle.
Enfin, pour ce qui est du sujet agricole envisagé plus largement, il y a effectivement des différences dans les modes de production. Le forum de coopération réglementaire doit nous inciter à tendre vers une convergence de nos systèmes et de nos modèles respectifs, mais cela ne peut se faire que si nous ratifions l'accord CETA, puisque cela incitera les Canadiens à adopter nos normes. Il y a aujourd'hui trente-six fermes canadiennes capables d'exporter vers l'Union européenne. L'accroissement du nombre de fermes certifiées selon les standards de l'Union européenne doit aussi nous renforcer dans la conviction que les Canadiens – notamment les éleveurs canadiens – souhaitent adopter les standards européens, et je crois que la prise de conscience en matière de qualité alimentaire qui a eu lieu en France au cours des dernières années peut également concerner les consommateurs d'autres pays.
Ce qui vient d'être dit sur les pesticides est faux. En fait, quand l'Union européenne refuse de renouveler une substance, généralement ce n'est pas juste parce que cette substance est tombée en désuétude, mais parce qu'elle est dangereuse, et qu'il est donc décidé de ne pas renouveler son autorisation. Aujourd'hui, quarante-six molécules sont autorisées au Canada, parmi lesquelles l'atrazine, le dichlorvos et le paraquat.
La vraie question – à laquelle vous n'avez pas répondu, Madame la rapporteure – porte sur la saisine de l'OMC faite le 4 juillet par le Canada, le Brésil, les États-Unis et un certain nombre d'autres pays contre la décision européenne d'interdire ces substances, une saisine effectuée au motif que cette décision introduit des obstacles réglementaires et que les restrictions de produits phytosanitaires ne sont pas normales, ce qui conduit ces pays à demander qu'il y ait des tolérances à importation pour les substances actives, des périodes de transition applicables aux LMR, etc. Ce document existe-t-il ou pas, Madame la rapporteure ?
Si j'apprécie beaucoup notre collègue Guillaume Kasbarian, je me sens obligé de réagir quand je l'entends dire qu'il ne faut pas caricaturer, alors qu'il tient lui-même des propos caricaturaux visant ceux qui, selon lui, se permettraient, assis dans des sièges confortables, de donner des leçons au Canada. En quelques secondes, une simple recherche sur Google m'a suffi pour obtenir la liste des derniers scandales alimentaires survenus au Canada : en 2017, c'était la bactérie E. coli sur la laitue cultivée et industrialisée au Canada ; encore en 2017, des saucisses contenant d'autres viandes que celles indiquées sur l'emballage et ne respectant pas les standards religieux ; en 2003, c'était la vache folle au Canada, ce qui a entraîné l'abattage de 1 400 bovins ; en 2008, des viandes froides fabriquées à Toronto étaient contaminées par la listeria ; enfin, je rappelle qu'au Canada le glyphosate est appliqué directement sur les cultures, ce qui n'est pas le cas en France.
Comme vous le voyez, nous ne sommes peut-être pas les mieux placés pour donner des leçons aux Canadiens, mais personne n'est parfait, et les Canadiens n'échappent pas à la règle !
Monsieur Moreau, vous nous dites que les bovins ne sont pas nourris aux farines animales, mais pouvez-vous nous indiquer où figure cette interdiction dans les règlements sanitaires du Canada ? La liste des éléments autorisés à entrer dans la composition des aliments du bétail au Canada est régie par l'annexe IV au règlement sur l'alimentation du bétail, qui permet expressément que le bétail soit nourri de farines de sang d'animaux, de sang d'animaux déshydraté, de poils d'animaux hydrolysés, de sous-produits frais de viande animale, de farines de viandes animales, de viande d'animaux avec farines d'os, de farines de plumes de volailles hydrolysées. La seule chose interdite, c'est que les bovins soient nourris par des carcasses de bovins – en d'autres termes, seul le cannibalisme de l'espèce bovine est interdit.
Puisque vous êtes éleveur, Monsieur Moreau, vous êtes sans doute mieux informé que moi des règlements sanitaires du Canada mais, jusqu'à preuve du contraire, je considère pour ma part qu'il n'est indiqué nulle part que les bovins ne peuvent être nourris avec des farines animales – au contraire, c'est expressément autorisé ! Je ne demande qu'à être corrigé sur ce point, et ce serait une bonne nouvelle pour tous les consommateurs français, mais pour l'instant, cette bonne nouvelle n'existe pas et les viandes qui arriveront sur le marché français pourront provenir d'animaux nourris avec de la farine de sang d'animaux, du sang d'animaux déshydraté, des poils d'animaux hydrolysé, des sous-produits de viande animale…
Je sais, ce n'est pas très agréable à entendre, Monsieur le président, mais ce que vous avez déjà du mal à entendre, mais vous allez devoir le manger si nous ratifions le CETA !
Par ailleurs, je veux dire à M. Kasbarian que si je désigne les lobbies, c'est parce que l'origine du CETA n'est pas à rechercher du côté de gentilles ONG qui, de part et d'autre de l'Atlantique, auraient voulu voir les Canadiens et les Français se tendre la main et sceller leur amitié par des bisous et des échanges commerciaux, ni du côté de citoyens épris d'échanges culturels entre les peuples : en réalité, tout vient des multinationales rassemblées au Canada au sein du Canada-Europe Round Table for Business (CERT), avec à leur tête un lobbyiste, Jason Langrish, qui a fait un très gros travail consistant d'abord à prendre le gouvernement canadien, puis à tisser des liens avec la Commission européenne ! Sur ce point également, je ne demande qu'à être démenti, mais ne pense pas que ce soit possible, car nous avons mené une enquête qui ne laisse guère de place au doute.
J'ai effectivement oublié de vous répondre au sujet de l'OMC, Madame Batho, et je vous prie de m'en excuser. La communication à laquelle vous faites allusion émane en fait du Council for Trade in Goods (CTG), un organe de débats et d'échanges, et si le document dont il est question ne constitue pas un recours à proprement parler, il démontre très bien que l'Europe impose efficacement ses normes et ses standards. Comme vous le soulignez à juste titre, il ne faut pas transiger sur ces normes et standards : les substances et les molécules qui ont été interdites au sein de l'Union européenne doivent le rester. Nous sommes dotés d'un système de normes contraignant pour nos agriculteurs, nos éleveurs et nos producteurs, et qui doit s'appliquer à tous ceux qui veulent commercer avec nous. C'est tout l'intérêt pour l'UE de représenter un marché de 500 millions de consommateurs : nous sommes attractifs pour les Canadiens parce qu'ils ont besoin de notre marché pour exporter, et cela nous place donc en position d'imposer nos standards.
Nous n'allons pas nous lancer dans une bataille de scandales, Monsieur Dive, afin de savoir qui a le pire système sanitaire…
Ce que nous ne devons pas perdre de vue, c'est la nécessité de nous montrer exigeants à l'égard du secteur agro-alimentaire. Certes, l'Europe n'est pas irréprochable, et du fait que les produits peuvent passer successivement par plusieurs pays, la traçabilité n'est pas toujours facile à établir. De son côté, le Canada n'est pas exempt de critique, comme l'a montré la récente décision de la Chine de suspendre les importations de porc provenant d'une firme canadienne après la découverte de traces de ractopamine dans certaines viandes – même s'il est permis de se poser des questions au sujet de cet incident.
Nous devons aller vers davantage de coopération réglementaire et nous montrer vigilants dans l'application des systèmes de contrôle et d'alerte, et je crois profondément en la capacité de l'Union européenne à améliorer son système de contrôle des services sanitaires à l'étranger. Si nous devons être exigeants en la matière, c'est aussi parce que si un accord était ratifié un jour avec des pays moins exigeants que le Canada, l'Union européenne devrait pouvoir garantir à ses consommateurs la qualité des produits importés.
Les produits dont l'utilisation est interdite au sein de l'Union européenne ne peuvent pas pénétrer le marché européen : je ne vois pas comment vous dire cela plus simplement et plus clairement, Monsieur Ruffin. Les farines animales étant interdites au sein de l'Union européenne, on ne peut pas importer de bovins nourris aux farines animales…
…c'est la raison pour laquelle on ne compte que trente-six fermes canadiennes labellisées, et ayant donc l'autorisation d'exporter vers le marché européen.
C'est la même chose pour les LMR, au sujet desquelles l'Union européenne continuera à se montrer très stricte, même après la ratification du CETA.
Je ne sais comment vous dire autrement ce qui correspond à ce que nous ont affirmé l'ensemble des acteurs auditionnés depuis deux ans.
Je crois que tout le monde a pu s'exprimer et que nous allons maintenant pouvoir passer au vote – si vous souhaitez poursuivre le débat, vous pourrez le faire la semaine prochaine en séance publique.
En conclusion, je voudrais vous inviter à actualiser vos connaissances en matière de chanson québécoise, Monsieur Ruffin : il y a beaucoup plus moderne que les références que vous avez citées !
Il y a des références indépassables, Monsieur le président : pour ce qui est des artistes belges, il ne viendrait à l'idée de personne de prétendre que Jacques Brel est démodé !
La commission en arrive à l'examen des articles du projet de loi.
Article 1er
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er sans modification.
Article 2
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 sans modification.
Puis la commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 16 h 45
Présents. - M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Delphine Batho, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Éric Bothorel, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Frédérique Lardet, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Serge Letchimy, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer
Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, Mme Bénédicte Taurine
Assistait également à la réunion. - Mme Dominique David