Ce peut être en effet hors de la famille, par exemple, des amis, des proches de la famille, un « tiers digne de confiance » – je n'ai pas précisé s'il devait faire partie de la famille ou pas.
Pourquoi cette proposition ? Pour que l'enfant protégé revienne bien au centre des préoccupations.
Des pistes d'améliorations assez importantes existent à mes yeux.
Premièrement, l'enfant doit avoir le droit à une prise en charge médicale, physique, à son arrivée, dès le premier mois de placement. L'Agence régionale de santé nous a confirmé qu'elle allait mettre un dispositif en place et nous suivrons donc attentivement cette expérimentation.
La Sécurité sociale doit également prendre en charge les consultations de psychologues et de psychiatres de ville lorsque les centres médico-psychologiques et les centres d'action médico-sociale précoce n'ont pas de disponibilité avant deux mois. On ne peut pas laisser des enfants sans aucun suivi pendant dix-huit mois.
Parmi d'autres mesures, plus marginales : les autorités régionales de santé pourraient disposer d'un médecin référent, comme c'est le cas dans les départements avec la protection de l'enfance.
Peut-être que les dispositifs alternatifs et de soutien aux enfants dits « complexes » pourraient-ils être facilités.
Il y a enfin le service sanitaire ; mais, a priori, il n'est pas possible à ces étudiants d'intervenir auprès des enfants placés alors que cela leur serait utile pour la suite de leurs études.
Deuxièmement, il convient de lutter contre la discrimination scolaire. Nous savons que les enfants qui arrivent dans les foyers d'urgence sont souvent déscolarisés. Des professeurs des écoles sont présents dans les centres éducatifs fermés ; je ne vois pas pourquoi il n'en irait pas de même dans les foyers d'urgence. Je demande que cela change.
Il convient également de faire participer l'Éducation nationale aux projets pour l'enfant afin de ne pas limiter son orientation aux filières courtes s'il est capable de suivre un cursus plus long. J'ai rencontré hier une jeune fille dans un foyer : elle est en classe de première, joue du piano, est passionnée d'astronomie et veut aller jusqu'au bout de son option mathématique, sciences et vie de la terre, physique. J'espère qu'elle sera accompagnée après ses dix-huit ans car je pense qu'elle ira loin.
S'agissant des enfants en situation de handicap, je n'ai pas fait de propositions spécifiques mais j'ai inclus certains points que nous avons évoqués, notamment l'accès aux instituts médico-éducatifs et aux instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques : les enfants en sont évincés plus facilement lorsqu'ils sont en structure d'accueil. Un lien doit aussi être créé avec les maisons départementales des personnes handicapées car nous savons que 15 % à 20 % de ces enfants souffrent d'un handicap physique ou mental.
Nous avons parlé longuement du projet pour l'enfant. Il faut à mon sens le revoir, fusionner d'autres documents avec ceux fournis par les éducateurs pour en faire un vrai projet unique, simple, partagé par tous, au bénéfice de l'enfant. C'est à mes yeux très important.
C'est pour cela qu'il convient bien entendu de soutenir les professionnels, dont certains ont été formés il y a très longtemps. Il faut donc améliorer la formation initiale, certes, mais également la formation continue, y compris pour les assistants familiaux.
Allez dans les foyers et voyez tous les éléments qui renvoient et les limitent à ce qu'ils sont : des foyers ! Cela prête tout de même à s'interroger. Il y a tout ce qui relève des normes d'hygiène et de sécurité : les enfants ne peuvent pas entrer dans la cuisine pour voir le cuisinier, les portes des chambres sont équipées de grooms – en tant que portes coupe-feu ; à Paris, les enfants ne peuvent rien afficher sur les murs parce que les pompiers craignent les risques d'incendie… Il faut faire quelque chose pour que ces établissements ressemblent davantage à des maisons, et ne renvoient plus constamment à leur condition d'enfants placés.
Il en est de même avec les actes usuels et non usuels, dont nous avons longuement parlé. Nous devons disposer d'une liste nationale des actes usuels pour que l'on arrête de se poser des questions et que l'on puisse accorder une sortie à l'enfant qui le demande avant qu'il ne fasse le mur. Il est en effet toujours mieux de l'accompagner à la sortie plutôt que de le savoir en train de faire du stop pour se rendre à une soirée : de toute façon, à dix-sept ans, s'il a envie de sortir, il sortira… Les actes usuels, ce sont aussi les sorties scolaires, chez le coiffeur, chez le médecin. J'ai vu un éducateur qui a eu les plus grandes difficultés à faire soigner un enfant à l'hôpital faute d'avoir l'autorisation parentale. Une simplification s'impose donc.
S'agissant du contrôle des installations, il est toujours surprenant de découvrir que l'État contrôle les centres aérés, mais pas les foyers… J'aimerais tout de même que les directions départementales de la cohésion sociale effectuent ces contrôles, peut-être avec des représentants des associations d'anciens enfants placés qui pourraient entrer dans ces foyers pour réaliser des contrôles – évidemment inopinés afin d'éviter que tout soit propre uniquement lorsque l'on s'annonce.
Il faudrait également que les employeurs puissent contrôler rapidement la probité des personnes qu'ils emploient en ayant accès à leur bulletin n° 2 du casier judiciaire. Passer par le département, puis la préfecture, prend du temps ; le temps que cela revienne, avec un peu de chances, le remplacement est acquis et quelqu'un de potentiellement dangereux a pu être mis auprès des enfants.
Il faudrait aussi pouvoir instaurer un droit législatif de visite des structures de la protection de l'enfance. Comme les députés peuvent visiter les prisons, il doit être possible d'aller voir ce qui se passe dans les foyers – pas forcément tous les députés mais ceux qui sont les plus avertis de ces choses, qui connaissent bien le sujet : cette prérogative pourrait être réservée aux membres d'une délégation à la protection de l'enfance que nous pourrions créer à l'Assemblée nationale, comme il en existe une pour le droit des femmes. Cela me semble assez logique.
Nous avons parlé et reparlé du statut des assistants familiaux. Il doit être revu, les conventions de 1951 et 1966 pour les éducateurs ou les assistants familiaux doivent être révisées, les rémunérations ne sont pas forcément à la hauteur ; sans oublier leur encadrement, l'appartenance à l'équipe éducative. Autant de points qui méritent d'être réexaminés.
Je regrette enfin que l'on n'ait pas pu approfondir la question des mineurs non accompagnés. Contrairement à ce que disent les départements, les MNA ne sont pas la cause de tous les problèmes de l'aide sociale à l'enfance, mais bien un révélateur. Je considère qu'ils ne sont pas traités juridiquement sous la bonne formule puisqu'un enfant qui n'a pas de parent est une pupille de l'État. Or on voit bien que ces jeunes ne sont pas traités comme tels. Si c'était le cas, ils seraient sous responsabilité préfectorale, et toutes les difficultés de prise en charge financière et de fichiers ne se poseraient pas. On me pardonnera cette façon un peu simple de présenter : nous avons vu des choses qui se passaient bien, d'autres moins bien. Il est important de définir une vraie politique de prise en charge de nos mineurs non accompagnés harmonisée sur l'ensemble du territoire. Dans ce cadre, et je vous rejoins, monsieur le président, il faut lancer dès à présent une mission spécifique sur les mineurs non accompagnés. Auparavant, on pouvait les gérer dans le tout-venant de l'aide sociale à l'enfance, ce qui n'est plus possible aujourd'hui du fait de leur nombre croissant. De plus, leur traitement doit être le même à Paris, dans la Nièvre ou en Haute-Garonne. C'est pourquoi j'ai proposé une mission d'approfondissement sur cette thématique particulière.
Certaines petites mesures pourraient rendre les choses plus faciles : ainsi le numéro d'urgence 119 qui pourrait figurer dans le carnet scolaire de l'enfant, ce qui permettrait une meilleure visibilité. Une formation à son utilisation pourrait être assurée à l'école primaire ainsi qu'une formation aux droits de l'enfance car il est très important que les enfants comprennent quels sont leurs droits – autant de mesures qui ne nécessitent pas de moyens financiers importants.
Nos propositions ne relèvent pas tant de mesures budgétaires que d'une réorganisation, ce qui devrait leur éviter de se voir opposer un veto de Bercy – c'est souvent ce qui casse les belles envies. Cela relève surtout du pilotage, moyennant un peu de travail législatif ; il faudra se pencher sur le taux d'encadrement des éducateurs et des assistants, comme on l'a fait dans les écoles et les centres aérés. Il faudra en tirer les conséquences dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans un autre véhicule législatif.
En tout cas, vous pouvez compter sur moi pour entretenir la dynamique, afin que le soufflé qui est monté en début d'année sur cette politique ne retombe pas : ces enfants sont l'avenir de la France et qu'on ne peut pas continuer à les laisser se perdre. (Applaudissements.)