Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance
Mercredi 3 juillet 2019
La séance est ouverte à seize heures quarante.
Présidence de M. Alain Ramadier, président de la mission d'information de la Conférence des présidents
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Mes chers collègues, nous en arrivons à la conclusion de nos travaux avec l'examen du rapport de Perrine Goulet, qui vous le présentera dans quelques instants mais dont vous avez déjà pu prendre connaissance et que vous avez également pu enrichir par vos contributions, lesquelles figureront en annexe de ce document.
Avant de lui laisser la parole, je souhaiterais rappeler en quelques mots ce qu'a été notre méthode de travail et vous faire part du contenu de mon avant-propos qui figurera, comme c'est l'usage, au début de ce rapport.
Nos travaux s'inscrivent dans un contexte général d'attention portée à la protection de l'enfance ; il faut s'en féliciter sans pour autant s'en contenter, car les interrogations et les marges de progrès ne manquent pas.
Il s'agissait pour notre mission de ne pas « arriver après la bataille », une fois passés et commentés les actions du Gouvernement et les travaux déjà restitués ou attendus sur la Protection maternelle et infantile (PMI), sur la sortie du dispositif de l'ASE ou sur l'adoption. Nos réflexions arrivent donc, nous l'espérons, au bon moment.
Dans un calendrier à la fois contraint pour les raisons que je viens d'évoquer et peu propice, car il a fallu compter avec les interruptions parlementaires et les traditionnels ponts du mois de mai, notre mission, créée début mars par décision de la Conférence des Présidents est parvenue à réaliser trente-trois séances d'auditions, ce qui représente cinquante heures de réunions.
Si nous n'avons pu faire que deux déplacements, dans le Nord et en Seine-Saint-Denis, ces visites de terrain ont été relayées par beaucoup d'entre vous qui vous êtes déplacés dans vos circonscriptions ou d'autres, limitrophes, pour visiter de nombreux lieux d'accueil et vous entretenir avec les acteurs de terrain. Les échanges que nous avons eus à ce sujet lors d'une précédente réunion de travail ont été très éclairants ; ils nous montrent que les initiatives existent et que les bonnes pratiques méritent d'être diffusées.
Le questionnaire élaboré par la rapporteure, que j'ai adressé à tous les départements, a constitué également une source d'information utile.
Sur un sujet comme la protection et l'aide sociale à l'enfance, il aurait été préoccupant de ne pas pouvoir établir des constats partagés.
Nous avons travaillé en bonne entente et je crois que les conclusions ou recommandations que vous nous présenterez, madame la rapporteure, pourront faire l'objet d'un large consensus.
De ce travail mené depuis plusieurs semaines, je retiens personnellement plusieurs enseignements que je souhaite rappeler brièvement.
La décentralisation ne doit pas aboutir à créer des inégalités de traitement inacceptables ; or c'est bien ce qui risque de se produire si nous n'apportons pas des correctifs rapidement. J'entends bien que faire totalement machine arrière n'est pas la solution : il ne s'agit pas de tout recentraliser au niveau de l'État. J'ai aussi entendu de nombreux intervenants considérer que le département était l'échelon adapté.
Cependant, j'estime qu'en la matière l'État doit définir un socle commun de règles et de procédures applicables en tout point du territoire et qu'il convient de mettre en place des procédures de coordination entre tous les intervenants qui gravitent autour de l'enfant.
J'ai bien conscience que ce ne sera pas simple, et ce d'autant moins que nous manquons toujours d'une bonne connaissance de la situation de ces enfants et de leurs familles. Les données, les statistiques, les études existent mais restent éparpillées ou sporadiques.
Je reste convaincu que des situations de violence ou de maltraitance institutionnelle existent et qu'il faut les combattre avec la plus grande détermination – d'où l'importance des contrôles et des habilitations. Mais je constate aussi le travail et l'engagement admirable des travailleurs sociaux, qui méritent une meilleure reconnaissance. Il y a bel et bien à une double réalité, très contrastée.
J'ai également été frappé par le rôle pivot joué par la justice, dont les conditions de travail des personnels sont in fine préjudiciables au sort des enfants alors que, dans le même temps, il est très difficile de déjudiciariser et de rechercher des solutions alternatives, notamment en matière de prévention et en matière éducative, en y associant mieux les familles.
Un dernier mot sur la situation des mineurs non accompagnés, dont l'accueil modifiera à long terme l'équilibre de notre dispositif. Je pense que ce sujet mériterait une étude spécifique, couplée avec la situation dans les départements et régions d'outre-mer.
Madame la rapporteure, je vous laisse la parole avant que nous n'engagions la discussion, qui s'achèvera par la mise aux voix du rapport, préalable indispensable à sa publication.
Merci de cette introduction, Monsieur le président. Je vous remercie également de m'avoir accompagnée pendant cette mission, de même que l'ensemble de mes collègues, quelle que soit leur appartenance politique, qui ont participé à ces travaux et m'ont envoyé force petits mots et informations qui m'ont permis de bien comprendre vos préoccupations et de constater que nous étions sur la même longueur d'onde. Je remercie en particulier ceux qui, parmi vous, ont fait preuve d'une assiduité à toute épreuve.
Enfin, je tiens à remercier nos administrateurs pour leur travail, notamment celui qu'ils ont effectué la semaine dernière, où ils ont eu fort à faire suite à mes remarques, et l'ensemble des services de l'Assemblée nationale pour l'appui qu'ils m'ont apporté.
Cette mission, qui a débuté il y a trois mois, faisait suite à une demande de notre part : le fait que 150 députés aient signé une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête, ce qui témoigne de la volonté de l'Assemblée de s'emparer de ce sujet, parfaitement pris en compte par la Conférence des présidents en ne faisant pas dépendre cette question de l'aide sociale à l'enfance d'une commission particulière.
La protection de l'enfance concernait 341 000 enfants, dont 52 % placés en foyers, le reste relevant de l'assistance à domicile.
Cette politique me tient particulièrement à coeur ; j'y avais travaillé durant plus de dix-huit mois. Les constats que nous avons relevés sont assez inquiétants : deux tiers des enfants placés ont déjà un an de retard en sixième, 5 % d'entre eux seulement suivent un cycle général ou technologique en lycée contre 42 % de la population générale – écart proprement abyssal ; les jeunes filles ont treize fois plus de risques d'être enceintes quand elles relèvent de l'aide sociale à l'enfance ; 25 % des moins de 25 ans qui sont à la rue viennent de l'aide sociale à l'enfance.
Malheureusement, ces difficultés perdurent. Selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre, 39 % des jeunes issus de l'ASE qui ont connu la rue continuent à connaître des difficultés dix ans après leur sortie : autrement dit, les difficultés d'insertion ne se posent pas seulement à l'âge de 18 ans, elles perdurent sur le long terme.
D'où cette mission d'information, composée de vingt-trois députés de tous bords politiques, ce qui était très important pour la légitimer. Aujourd'hui, c'est un aboutissement, après trois mois de travaux communs. Je suis assez fière du rapport que je vous soumets car il rend bien compte de ce que nous avons pu constater.
Commençons par le début : souvenons-nous de notre première session, où nous avons auditionné des jeunes de l'ASE. Nous en gardons tous un souvenir ému, dans le registre des réussites, du témoignage de Maëlle Bouvier, pour qui l'aide sociale à l'enfance a fonctionné : un seul placement en famille d'accueil avec son petit frère, un suivi psychologique, un contrat jeune majeur, une famille d'accueil qui reste – « C'est ma deuxième famille », a-t-elle dit de façon très belle. Voilà la clé de la réussite. Mais nous avons aussi le souvenir poignant des témoignages de Sonia, Lyes ou Gabrielle qui, eux, ont connu de nombreux changements de lieux, qui n'ont pas bénéficié d'un suivi psychologique, qui ont subi des agressions physiques, sexuelles, morales, la galère ou la rue, à dix-huit ans.
On voit bien que cette politique peut faire du bien, mais aussi du pas bien. Et c'est cela qui n'est pas normal : il faut vraiment lisser, et garantir un bon parcours pour tous ces enfants.
Ce rapport aboutit à dix-huit propositions – étant entendu que certaines en synthétisent plusieurs. Je ne reprendrai pas les éléments contextuels, que vous connaissez tous.
La première partie concerne tout ce qui relève de la gouvernance. Nombre de personnes gravitent autour de l'Aide sociale à l'enfance, certes dans les structures départementales, ce qui est logique, mais, également dans les domaines de la santé, de l'Éducation nationale, de la justice et dans des instances nationales comme le Conseil national de la protection de l'enfance, l'Observatoire national de la protection de l'enfance, le Groupement d'intérêt public Enfance en danger, le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger, l'Agence française de l'adoption, etc.
Si l'on veut remettre un peu de cohérence dans cette politique, il faut installer une agence unifiée regroupant l'ensemble de ces acteurs, avec évidemment un copilotage entre les départements et l'État – il est hors de question que mon rapport remette en cause la décentralisation ; il s'agit d'accompagner les départements et de permettre à l'État de reprendre sa place dans une politique qui reste à mes yeux régalienne.
C'est pourquoi nous proposons la mise en place d'une agence unique sur le plan national, dont je souhaiterais qu'elle soit déclinée sur le plan local, dans les départements. Comme il y a des délégués des préfets à l'égalité femme-homme, à la politique de la ville, j'aimerais qu'il y ait un délégué du préfet à la politique de l'enfance. De surcroît, les départements demandent un interlocuteur de l'État pour pouvoir agir sur les services de l'État comme l'Éducation nationale ou la santé. On voit bien que c'est une réelle nécessité et je ne vois pas qui pourrait véritablement s'y opposer.
Nous l'avons vu, un enfant intègre souvent la protection de l'enfance suite à des « informations préoccupantes » : celles que peuvent donner les enseignants juste avant les fêtes de Noël, les médecins – même s'ils ont encore du mal à en fournir. J'ai été surtout frappée en découvrant à quel point l'évaluation de ces informations préoccupante différait selon les territoires : tous n'ont pas le même référentiel et je trouve cela anormal. Je propose donc la définition d'un référentiel unique d'évaluation des informations préoccupantes prenant également en compte les consultations ethno-cliniques : il faut pouvoir porter un regard sur la culture des parents. Évidemment, cela ne doit pas tout expliquer, mais cela ne veut pas dire que ce ne soit pas rattrapable. Il est donc essentiel de définir ce qui relève de la maltraitance pure et simple ou d'une « maltraitance culturelle », sur laquelle il doit être possible d'influer.
Enfin, les informations préoccupantes doivent intégrer la santé et le handicap : nous avons notamment vu toutes les difficultés qui se posent avec l'autisme.
Autre sujet de préoccupation : la justice. J'ai été assez frappée que certains juges ne prennent pas le temps de préciser à l'enfant qu'il a droit à un avocat, craignant qu'un éventuel report ne vienne bousculer leur agenda. Pour pallier ce genre de situation, il est très important que la présence d'un avocat soit obligatoire auprès de l'enfant dès lors que l'on envisage une mesure éducative ou de placement.
Pour une meilleure prise en compte de la procédure judiciaire, je n'oublie pas la place des éducateurs – je ne parle pas des référents, mais de ceux qui sont au plus près de l'enfant, celle des assistants familiaux, qui doit être accentuée, l'audition des enfants hors de la présence des parents et, surtout, la nécessité de les placer dans de bonnes conditions : certains enfants en arrivent à « se faire dessus » quand on les laisse dans la même salle d'attente que les adultes et que ceux-ci se mettent à se disputer… Il faut donc leur consacrer une salle à part où ils pourront être correctement préparés à leur audition.
Il y a quelques années, on ne se préoccupait pas du tout des parents lorsque l'enfant était placé. Aujourd'hui, c'est l'inverse : le parent a désormais une place prédominante. Il importe de revoir la relation parents-enfants : le délaissement parental est d'ores et déjà prévu dans les lois actuelles, et permet aux enfants d'être proposés à l'adoption après jugement. On parle peu de l'évaluation des parents : si l'enfant est évalué lors d'un placement, sa famille, elle, ne l'est pas vraiment. Or, certaines familles sont incompétentes et d'autres incapables, ce qui n'est du tout la même chose : Si l'on fixe des objectifs aux parents incompétents, si on les accompagne, on peut espérer à terme qu'ils récupéreront leurs enfants, ce qui est tout de même l'objectif. Il faut donc mettre en place un dispositif d'accompagnement. Mais pour ce qui est des parents incapables, en revanche, on sait qu'ils ne reprendront jamais leurs enfants en raison de pathologies, psychologiques ou autres. Je souhaite donc que soit créée une mesure alternative entre le délaissement et le reste, qui pourrait être une situation d'incapacité parentale. Ce nouveau statut permettrait de proposer un projet à long terme pour l'enfant, en évitant de le faire repasser chaque année devant le juge, de le faire changer de famille, peut-être même d'ouvrir une possibilité d'adoption simple – mais Monique Limon verra ce qu'il en est dans la partie qui la concerne. Cela permettrait par exemple d'éviter des parcours comme celui de Lyes Louffok, placé le jour de sa naissance et sorti à l'âge de dix-huit ans alors que sa mère était incapable.
Il faut aussi écouter la parole de l'enfant. J'ai été assez choquée d'entendre des juges expliquer que, même si l'enfant était maltraité par ses parents ou avait été victime d'un inceste, il devait être prêt à les revoir. Il faut pouvoir entendre que l'enfant n'est pas prêt à revoir ses parents. Je demanderai que sa parole soit prise en compte sur ce point.
J'ai été également interpellée par une de nos collègues députée qui, depuis deux ans, essayait de récupérer son neveu et sa nièce pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Je souhaite donc que l'on renforce la partie « tiers digne de confiance » : lorsque des personnes, dans une famille, veulent reprendre des enfants, il n'est pas normal de laisser ces derniers à l'aide sociale à l'enfance.
C'est pourquoi je souhaiterais que l'on rende obligatoire l'étude de cette solution que peut être le tiers digne de confiance avant de renouveler l'ordonnance de placement provisoire. Une ordonnance de mise à l'abri est d'abord prise, suivie, quinze jours ou un mois après, par une ordonnance de placement pour six mois ou un an. Pendant ce laps de temps, je souhaite vraiment qu'une recherche familiale soit effectuée pour accueillir l'enfant.
Ce peut être en effet hors de la famille, par exemple, des amis, des proches de la famille, un « tiers digne de confiance » – je n'ai pas précisé s'il devait faire partie de la famille ou pas.
Pourquoi cette proposition ? Pour que l'enfant protégé revienne bien au centre des préoccupations.
Des pistes d'améliorations assez importantes existent à mes yeux.
Premièrement, l'enfant doit avoir le droit à une prise en charge médicale, physique, à son arrivée, dès le premier mois de placement. L'Agence régionale de santé nous a confirmé qu'elle allait mettre un dispositif en place et nous suivrons donc attentivement cette expérimentation.
La Sécurité sociale doit également prendre en charge les consultations de psychologues et de psychiatres de ville lorsque les centres médico-psychologiques et les centres d'action médico-sociale précoce n'ont pas de disponibilité avant deux mois. On ne peut pas laisser des enfants sans aucun suivi pendant dix-huit mois.
Parmi d'autres mesures, plus marginales : les autorités régionales de santé pourraient disposer d'un médecin référent, comme c'est le cas dans les départements avec la protection de l'enfance.
Peut-être que les dispositifs alternatifs et de soutien aux enfants dits « complexes » pourraient-ils être facilités.
Il y a enfin le service sanitaire ; mais, a priori, il n'est pas possible à ces étudiants d'intervenir auprès des enfants placés alors que cela leur serait utile pour la suite de leurs études.
Deuxièmement, il convient de lutter contre la discrimination scolaire. Nous savons que les enfants qui arrivent dans les foyers d'urgence sont souvent déscolarisés. Des professeurs des écoles sont présents dans les centres éducatifs fermés ; je ne vois pas pourquoi il n'en irait pas de même dans les foyers d'urgence. Je demande que cela change.
Il convient également de faire participer l'Éducation nationale aux projets pour l'enfant afin de ne pas limiter son orientation aux filières courtes s'il est capable de suivre un cursus plus long. J'ai rencontré hier une jeune fille dans un foyer : elle est en classe de première, joue du piano, est passionnée d'astronomie et veut aller jusqu'au bout de son option mathématique, sciences et vie de la terre, physique. J'espère qu'elle sera accompagnée après ses dix-huit ans car je pense qu'elle ira loin.
S'agissant des enfants en situation de handicap, je n'ai pas fait de propositions spécifiques mais j'ai inclus certains points que nous avons évoqués, notamment l'accès aux instituts médico-éducatifs et aux instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques : les enfants en sont évincés plus facilement lorsqu'ils sont en structure d'accueil. Un lien doit aussi être créé avec les maisons départementales des personnes handicapées car nous savons que 15 % à 20 % de ces enfants souffrent d'un handicap physique ou mental.
Nous avons parlé longuement du projet pour l'enfant. Il faut à mon sens le revoir, fusionner d'autres documents avec ceux fournis par les éducateurs pour en faire un vrai projet unique, simple, partagé par tous, au bénéfice de l'enfant. C'est à mes yeux très important.
C'est pour cela qu'il convient bien entendu de soutenir les professionnels, dont certains ont été formés il y a très longtemps. Il faut donc améliorer la formation initiale, certes, mais également la formation continue, y compris pour les assistants familiaux.
Allez dans les foyers et voyez tous les éléments qui renvoient et les limitent à ce qu'ils sont : des foyers ! Cela prête tout de même à s'interroger. Il y a tout ce qui relève des normes d'hygiène et de sécurité : les enfants ne peuvent pas entrer dans la cuisine pour voir le cuisinier, les portes des chambres sont équipées de grooms – en tant que portes coupe-feu ; à Paris, les enfants ne peuvent rien afficher sur les murs parce que les pompiers craignent les risques d'incendie… Il faut faire quelque chose pour que ces établissements ressemblent davantage à des maisons, et ne renvoient plus constamment à leur condition d'enfants placés.
Il en est de même avec les actes usuels et non usuels, dont nous avons longuement parlé. Nous devons disposer d'une liste nationale des actes usuels pour que l'on arrête de se poser des questions et que l'on puisse accorder une sortie à l'enfant qui le demande avant qu'il ne fasse le mur. Il est en effet toujours mieux de l'accompagner à la sortie plutôt que de le savoir en train de faire du stop pour se rendre à une soirée : de toute façon, à dix-sept ans, s'il a envie de sortir, il sortira… Les actes usuels, ce sont aussi les sorties scolaires, chez le coiffeur, chez le médecin. J'ai vu un éducateur qui a eu les plus grandes difficultés à faire soigner un enfant à l'hôpital faute d'avoir l'autorisation parentale. Une simplification s'impose donc.
S'agissant du contrôle des installations, il est toujours surprenant de découvrir que l'État contrôle les centres aérés, mais pas les foyers… J'aimerais tout de même que les directions départementales de la cohésion sociale effectuent ces contrôles, peut-être avec des représentants des associations d'anciens enfants placés qui pourraient entrer dans ces foyers pour réaliser des contrôles – évidemment inopinés afin d'éviter que tout soit propre uniquement lorsque l'on s'annonce.
Il faudrait également que les employeurs puissent contrôler rapidement la probité des personnes qu'ils emploient en ayant accès à leur bulletin n° 2 du casier judiciaire. Passer par le département, puis la préfecture, prend du temps ; le temps que cela revienne, avec un peu de chances, le remplacement est acquis et quelqu'un de potentiellement dangereux a pu être mis auprès des enfants.
Il faudrait aussi pouvoir instaurer un droit législatif de visite des structures de la protection de l'enfance. Comme les députés peuvent visiter les prisons, il doit être possible d'aller voir ce qui se passe dans les foyers – pas forcément tous les députés mais ceux qui sont les plus avertis de ces choses, qui connaissent bien le sujet : cette prérogative pourrait être réservée aux membres d'une délégation à la protection de l'enfance que nous pourrions créer à l'Assemblée nationale, comme il en existe une pour le droit des femmes. Cela me semble assez logique.
Nous avons parlé et reparlé du statut des assistants familiaux. Il doit être revu, les conventions de 1951 et 1966 pour les éducateurs ou les assistants familiaux doivent être révisées, les rémunérations ne sont pas forcément à la hauteur ; sans oublier leur encadrement, l'appartenance à l'équipe éducative. Autant de points qui méritent d'être réexaminés.
Je regrette enfin que l'on n'ait pas pu approfondir la question des mineurs non accompagnés. Contrairement à ce que disent les départements, les MNA ne sont pas la cause de tous les problèmes de l'aide sociale à l'enfance, mais bien un révélateur. Je considère qu'ils ne sont pas traités juridiquement sous la bonne formule puisqu'un enfant qui n'a pas de parent est une pupille de l'État. Or on voit bien que ces jeunes ne sont pas traités comme tels. Si c'était le cas, ils seraient sous responsabilité préfectorale, et toutes les difficultés de prise en charge financière et de fichiers ne se poseraient pas. On me pardonnera cette façon un peu simple de présenter : nous avons vu des choses qui se passaient bien, d'autres moins bien. Il est important de définir une vraie politique de prise en charge de nos mineurs non accompagnés harmonisée sur l'ensemble du territoire. Dans ce cadre, et je vous rejoins, monsieur le président, il faut lancer dès à présent une mission spécifique sur les mineurs non accompagnés. Auparavant, on pouvait les gérer dans le tout-venant de l'aide sociale à l'enfance, ce qui n'est plus possible aujourd'hui du fait de leur nombre croissant. De plus, leur traitement doit être le même à Paris, dans la Nièvre ou en Haute-Garonne. C'est pourquoi j'ai proposé une mission d'approfondissement sur cette thématique particulière.
Certaines petites mesures pourraient rendre les choses plus faciles : ainsi le numéro d'urgence 119 qui pourrait figurer dans le carnet scolaire de l'enfant, ce qui permettrait une meilleure visibilité. Une formation à son utilisation pourrait être assurée à l'école primaire ainsi qu'une formation aux droits de l'enfance car il est très important que les enfants comprennent quels sont leurs droits – autant de mesures qui ne nécessitent pas de moyens financiers importants.
Nos propositions ne relèvent pas tant de mesures budgétaires que d'une réorganisation, ce qui devrait leur éviter de se voir opposer un veto de Bercy – c'est souvent ce qui casse les belles envies. Cela relève surtout du pilotage, moyennant un peu de travail législatif ; il faudra se pencher sur le taux d'encadrement des éducateurs et des assistants, comme on l'a fait dans les écoles et les centres aérés. Il faudra en tirer les conséquences dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans un autre véhicule législatif.
En tout cas, vous pouvez compter sur moi pour entretenir la dynamique, afin que le soufflé qui est monté en début d'année sur cette politique ne retombe pas : ces enfants sont l'avenir de la France et qu'on ne peut pas continuer à les laisser se perdre. (Applaudissements.)
Madame la rapporteure, permettez-moi de vous remercier pour la qualité du travail qui a été réalisé lors des auditions, les rendez-vous divers et variés et les visites de terrain. De même, je salue la qualité du rapport dans lequel je me retrouve pleinement puisque je pilote actuellement une mission d'information et d'évaluation sur la politique de l'aide sociale à l'enfance dans le département du Nord, dont on sait le poids qu'il représente au titre de ces politiques, y compris en ce qui concerne les MNA. On pourrait transposer l'ensemble de ces propositions à l'échelle des départements : elles y gardent toute leur justesse et leur valeur. Les juges et des procureurs que nous avons nous-mêmes auditionnés vous rejoignent totalement sur la qualité des actes usuels et non usuels. Ils considèrent que la loi de 2016 est une très bonne loi, mais qu'elle a introduit quelques incohérences sur des concepts qui ne sont pas traduisibles au regard de leur politique, voire au niveau des codes. Aussi conviendrait-il de mener un travail législatif de dépoussiérage avec leur expertise.
Vous n'avez pas évoqué la question de l'adoption, dans la mesure où une mission est en cours. Mais je peux témoigner à l'échelle du département que c'est un vrai sujet. Nous essayons d'être innovants en mettant en place des observatoires, des maisons de l'adoption, mais là aussi un dépoussiérage s'impose. Vous avez relevé ce point avec justesse en renvoyant la suite de cette expertise à la mission que le secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, a confiée à notre collègue Monique Limon et à la sénatrice Corinne Imbert ; nous aurons également grande satisfaction à lire leurs conclusions.
La formation continue des travailleurs sociaux d'aujourd'hui et d'hier, comme vous l'avez pointé, est importante. C'est ce que nous ont confirmé les syndicats et les salariés qui ont été auditionnés ; eux aussi ont besoin d'être rassurés sur le volet juridique de l'accompagnement à proposer auprès des enfants.
J'en viens à la qualité de l'offre en termes d'accueil de l'enfant. On pense souvent aux maisons d'enfants à caractère social (MECS), à l'accueil familial, ou à la politique volontariste que l'on a mise en avant en contractualisant avec nos partenaires dans le cadre de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM). Bref, il existe tout un panel d'offres différentes en termes d'accueil. Là aussi, il est possible de transposer les choses à l'échelle des départements et de confronter les idées.
Enfin, s'agissant des MNA, les juges nous ont confirmé qu'il était assez difficile de parler de juges pour enfants puisqu'il n'y a pas de parents et que cette question relève plutôt de la tutelle. Dans ce cas, il y aurait forcément une implication financière – on en reparlera avec Bercy. Le département pourrait être prestataire de l'État en sa qualité d'expertise sur l'aide sociale à l'enfance ; en revanche, il y a des choses qui sont un peu plus difficiles à admettre en ce qui concerne l'évaluation. Nous avons tenu dans le Nord à scinder les deux pour que celui qui accompagnera demain ne soit pas celui qui a eu à juger avant. Cette expérimentation que nous avons mise en place et que nous allons reconduire rassure les travailleurs sociaux. Elle permet ensuite un meilleur accomplissement de l'accompagnement.
Je salue à nouveau la qualité de votre travail auquel je souscris pleinement. Vous pouvez donc être assuré que je voterai pour sa publication.
Je vous remercie, madame la rapporteure, pour l'excellence de votre rapport et pour toutes vos propositions auxquelles je suis favorable.
Alors que l'on a beaucoup entendu parler de prévention lors des auditions, peut-être faudrait-il rappeler le rôle de la protection maternelle et infantile (PMI) ou de la première consultation prénatale. Mais je ne sais pas si sommes bien dans le champ de la mission d'information, sachant que notre collègue Michèle Peyron mène par ailleurs une mission sur la PMI. On aurait vraisemblablement besoin de moins de mesures s'il y avait davantage d'aide à la parentalité, sachant toutefois que cela n'est pas sans conséquences financières. Mais on sait que cela fait partie de la contractualisation avec les départements pour la stratégie de lutte contre la pauvreté.
S'agissant de la mise à l'abri des MNA, il n'est pas fait mention de ce que nous avons voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, c'est-à-dire une participation de l'État pour la mise à l'abri d'urgence des MNA pendant vingt-trois jours d'un montant de 90 euros par jour, ramené à 20 euros entre le quinzième et le vingt-troisième jour. Pourquoi cette nouvelle disposition n'est-elle pas mentionnée ?
Dans la recommandation sur les mineurs non accompagnés, il n'est pas non plus fait mention d'une mission parlementaire spécifique, comme vous le préconisiez. Je me demande s'il ne serait pas possible de l'indiquer clairement.
Madame la rapporteure, je vous remercie pour ce rapport qui reflète tout à fait que nous avons pu vivre ensemble au cours des auditions et lors de nos échanges.
En tant que vieille travailleuse sociale, je ne voudrais pas que l'on puisse dire aujourd'hui que c'est une histoire de balancier. J'ai entendu soutenir que les éducateurs étaient les seuls éducateurs des enfants placés que les parents n'avaient pas à s'en occuper, et inversement qu'il fallait maintenir à tous crins le lien avec les parents. J'aimerais que l'on traduise cela de manière un peu plus modérée, permettre autant que faire se peut aux parents d'être autour de la table, leur expliquer pourquoi l'enfant ne sera plus au quotidien avec eux mais placé dans un foyer ou chez une assistance familiale. Dès lors que l'enfant est placé, on voit bien que l'éducateur ne lui rend visite qu'une heure par mois : ce n'est pas ainsi que l'on peut travailler. Comment insister sur le fait que l'on a besoin de travailler ensemble ? Je pense notamment au projet pour l'enfant (PPE) dont on m'a dit qu'il n'est pratiquement jamais mis en place et vécu comme un truc administratif à faire en plus, alors qu'il ne devrait que traduire le travail, le projet et la mise en action de ce que tout le monde fait autour de la table pour l'enfant. J'aimerais que l'on puisse le réaffirmer à un moment donné : si l'on n'a pas fait en sorte que le jeune puisse tisser des liens en dehors des relations qu'il a avec les éducateurs ou des assistants familiaux, il se retrouvera tout seul au moment où il sortira de l'ASE à dix-huit ans. C'est en tout cas ce que j'ai pu entendre lors des auditions comme sur le terrain, dans mon département.
On ne parle pas non plus d'insertion professionnelle, comme on le fait pour les autres jeunes, avec la mission locale. Une fois l'enfant placé, ses seuls interlocuteurs sont ceux de la protection de l'enfance. Mieux travailler sur cette question lui permettrait peut-être d'être moins seul et d'éviter qu'il ne se retrouve à traîner dans la rue au sortir de l'ASE.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce rapport qui reflète parfaitement ce que nous avons entendu lors des auditions et des déplacements que j'ai pu faire avec mes collaborateurs dans le département des Hauts-de-Seine.
En tant qu'ancienne enseignante, je souhaiterais ajouter quelques remarques à la proposition n° 4 qui visent à impliquer le personnel éducatif. Je pense aux assistants d'éducation (AED). Comment sensibiliser les enseignants lorsqu'ils suivent une formation dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) ? Comment former les enseignants à parler avec les familles fragiles et les accompagner, puisqu'ils participent à ces fameuses réunions de synthèse avec les éducateurs ?
Il conviendrait aussi de sensibiliser les enseignants au rôle du 119. Pour ma part, on ne m'en a jamais parlé. Pourtant, je me suis retrouvée parfois dans des situations ambiguës : fallait-il par exemple signaler une maman manifestement très hypocondriaque pour ses enfants ? Était-ce de la maltraitance ?
Il faudrait également former les enseignants sur le rôle qu'ils peuvent avoir envers ces enfants. J'ai connu un enfant qui est parti très rapidement de ma classe. Après coup, je me suis dit que j'aurais aimé garder un contact, un lien avec lui, par exemple en lui envoyant des cartes postales. Mais je n'ai rien su.
Telles sont les quelques pistes qui pourraient peut-être compléter la proposition n° 4.
Peut-être faudrait-il aussi revoir le statut des éducateurs. Mais je sais que c'est compliqué parce que certains relèvent du public et d'autres du privé et de la convention 66. Leur salaire mériterait peut-être d'être réévalué, surtout dans les départements où le logement est cher.
Je tiens à remercier Mme Perrine Goulet et tous ceux avec qui j'ai travaillé dans le cadre de cette mission. C'était une première pour moi. Je pense que les professionnels, les familles d'accueil et les jeunes ont beaucoup apprécié que nous allions sur le terrain pour les rencontrer, les écouter et pas seulement pour critiquer. C'était une façon de leur dire qu'ils ne sont pas, contrairement à ce que laisse entendre le titre d'une émission, « les oubliés de la République », que les députés se soucient d'eux et pas seulement à l'Assemblée nationale en faisant des auditions. Je crois que notre démarche était bienveillante et qu'il est important de travailler en commun pour faire avancer les choses. Parce j'avais été nourrie par l'esprit de cette mission, j'avais toujours en tête ce discours de bienveillance avant d'entamer toute discussion.
L'hôpital de Vierzon a encore été confronté à un grave problème. Un enfant a en effet été retiré de sa mère dès sa naissance – les parents sont des jeunes gens du voyage à qui le deuxième enfant venait aussi d'être retiré. À chaque fois, on assiste à des coups, à des cris, à des scènes absolument déchirantes à l'arrivée de la police. Je me dis que les choses vont avancer petit à petit en ce qui concerne la préparation des parents, même si cela reste extrêmement difficile. Il faut faire savoir que l'État se préoccupe au mieux de ces enfants. J'espère que la petite pierre que nous aurons apportée à l'édifice sera efficace.
Madame la rapporteure, je tiens à vous remercier pour ces dix-huit propositions qui incarnent ce que nous avons partagé au travers des auditions et de nos échanges. Il serait très regrettable que ce rapport ne soit pas suivi d'effets alors que les propositions qu'il contient sont très opérationnelles, qu'elles n'entraîneront pas nécessairement un coût financier et qu'elles peuvent être mises en oeuvre dès à présent. Envisager une organisation – peu importe le nom qu'on lui donnera – qui regroupe au niveau national tous les corps qui oeuvrent dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et en l'occurrence des enfants placés, est une évidence. On peut immédiatement faire en sorte que le sous-préfet ou un représentant du préfet s'empare de ces thématiques. J'apprécie particulièrement le côté pragmatique de ces recommandations qui reflètent des situations parfois immensément complexes parce qu'on touche à l'enfant, à l'humain.
Il me semble évident de former davantage tous les professionnels qui sont en contact avec l'enfant, quel que soit l'enfant, dans la mesure où il peut se retrouver tôt ou tard dans une situation précaire qui nécessitera un placement. Les acteurs de la PMI, de la santé, de l'éducation nationale, tous ceux qui sont au contact de l'enfant doivent être capables de faire de la prévention sur l'accompagnement à la parentalité, l'information passée aux enfants, et détecter les signes en ce qui concerne la santé. C'est fondamental : la prévention permet d'éviter certaines situations et coûte moins cher à la société.
Il existe des solutions alternatives intéressantes. On a parlé du parrainage, du recours à un tiers de confiance, d'adoption simple, etc. Il est important d'approfondir toutes ces pistes qui peuvent être des éléments de réponse susceptibles d'éviter que l'enfant se retrouve à être le grand perdant.
Les professionnels se sont plaints d'un manque de passerelle entre les uns et les autres, ce qui empêchait une vision holistique où l'enfant devait être au coeur. À l'Assemblée nationale, c'est finalement la même chose : on traite de l'enfant par petits bouts, un bout en commission des affaires culturelles et de l'éducation, un bout en commission des affaires sociales, un bout en commission des lois, un bout en commission des affaires étrangères, un bout dans le budget. Si l'on veut traiter l'enfant dans sa globalité, dans le même esprit que la recommandation n° 1, peut-être devrions-nous envisager la création d'une délégation aux droits de l'enfant.
Quelles suites donner à ce rapport ? Comment contrôler ? On a compris que, sur le terrain, tout existait pratiquement déjà, sauf que chacun retombe dans la culture de l'institution, de la collectivité locale. Certes, nous avons mis le pied dans la porte et nous allons le laisser, mais comment faire pour poursuivre ce travail, rester très incitatifs puisqu'il s'agit de mettre les choses en pratique bien plus que d'aller chercher partout de nouvelles solutions ? Maintenant que nous sommes identifiés, comment faire pour continuer à le rester dans nos territoires, surtout une fois que le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, Adrien Taquet, aura proposé ses conclusions ?
Je tiens à féliciter mes collègues qui se sont mobilisés pendant plusieurs semaines, en particulier Mme Perrine Goulet pour son action et ses propositions qui sont remarquables et très claires.
Je souhaite revenir sur les assistants familiaux. Je vous avais fait part des échanges et des remontées contradictoires que j'avais eus dans deux départements, mais qui n'ont pas été repris ici – peut-être seront-ils évoqués ailleurs : une assistante familiale m'a dit qu'elle avait eu une visite médicale au bout de dix-sept années d'exercice, une autre que le médecin venait chez elle chaque année, toute une journée, une autre encore qui a été reçue pendant dix minutes par un médecin à l'autre bout du département, une autre enfin qui, à la suite de problèmes de santé, n'a pas été reclassée par le département. Leur statut n'est peut-être pas suffisamment clair sur le plan réglementaire ou juridique ; cela mériterait que l'on se penche sur ce point, au-delà du sujet de la rémunération qui, bien sûr, est essentiel.
Je veux commencer par dire à Delphine Bagarry que nous nous sommes interrogés au sujet de la prévention. Toutefois, comme nous le précisons dans le préambule, notre mission n'aborde pas cet aspect en raison du fait qu'il l'a déjà été dans le cadre de la mission sur la protection maternelle et infantile (PMI) confiée par le Premier ministre à notre collègue Michèle Peyron.
Plus largement, nous avons délibérément laissé de côté trois sujets : la PMI, l'adoption – une mission d'information sur ce thème a été confiée à Monique Limon et Corinne Imbert – et les plus de dix-huit ans – sur ce dernier sujet, notre collègue Brigitte Bourguignon a déposé une proposition de loi visant à ce que les jeunes sortant de l'aide sociale à l'enfance puissent être accompagnés jusqu'à leurs vingt et un ans.
Nous ne voulions pas empiéter sur les sujets traités par nos collègues – nous n'aurions, de toute façon, pas pu travailler dessus de façon aussi approfondie qu'eux. Par ailleurs, nous n'avons parfois pu prendre connaissance de leurs travaux que très tardivement : c'est notamment le cas du rapport de Michèle Peyron, que nous n'avons reçu que la semaine dernière, et qu'il aurait donc été compliqué d'intégrer à notre rapport. Cependant, j'ai lu ce rapport et, pour ce que j'en ai vu, je le trouve plutôt bien fait et plein d'éléments intéressants.
Pour ce qui est des mineurs non accompagnés, j'avoue que je n'avais pas en tête le fait que nous avions voté un texte sur ce sujet, et aucun département ne nous a parlé de ces vingt-trois jours. En tout état de cause, la période d'évaluation, qui se conclut par l'orientation effectuée au moyen de la clé de répartition, dure effectivement au moins trois semaines. Je vais donc me pencher sur cet aspect-là.
Pour ce qui est de la mission parlementaire, sans que cela fasse partie de mes propositions, j'ai indiqué très nettement qu'un travail de l'Assemblée nationale plus approfondi, conduit dans un autre cadre, serait vraisemblablement nécessaire. Tout ce que j'ai écrit dans le rapport ne fait pas forcément l'objet de propositions formelles, car je ne voulais pas qu'il devienne un énorme catalogue de propositions : il a donc fallu faire un tri.
Monique Limon a évoqué le projet pour l'enfant, et en particulier le fait que son élaboration pourrait se faire dans un cadre plus collégial. Sur ce point, j'écris page 47 qu'il me paraît souhaitable de généraliser les commissions d'examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) – dans le cadre desquelles il est question du PPE – et de fixer dans la loi les acteurs pluridisciplinaires et pluri-institutionnels qui doivent y siéger – justice, éducation nationale, professionnels de santé, État, associations de protection de l'enfance. Il s'agit donc bien, comme vous le suggérez, de mettre tout le monde autour de la table.
Je ne me souviens plus à quel endroit du rapport cela figure, mais j'ai également précisé qu'il fallait faire en sorte d'entretenir des liens avec la société civile, afin de permettre aux enfants de continuer à bien évoluer dans la vie. J'ai discuté avec un éducateur qui a pris en vacances chez lui une jeune fille : celle-ci, ayant précédemment été placée pendant dix ans, s'étonnait de le voir embrasser sa femme et ne comprenait pas la nécessité de faire à manger, puisqu'elle n'avait jamais mangé que des repas tout préparés ! Cela montre bien que, pour certains enfants, il y a un énorme travail de socialisation à accomplir ; il est également nécessaire de leur constituer un réseau afin qu'ils puissent y faire appel le moment venu, que ce soit pour leur faciliter l'obtention d'un stage ou pour tout autre motif.
Bénédicte Pételle a souligné l'intérêt de sensibiliser les enseignants : sur ce point, l'une de mes propositions vise au renforcement de leur formation. J'évoque également la nécessité d'améliorer la visibilité du 119, notamment en prévoyant une information spécifique à destination des parents du premier degré et de leurs parents, qui sera assurée par les enseignants : pour moi, cela sous-entend que les enseignants soient formés au 119. Plus largement, je souhaite que les personnels éducatifs bénéficient d'une formation spécifique afin, notamment, que les enseignants soient plus à l'aise avec la déclaration des informations préoccupantes (IP), dont le 119 peut être considéré comme un premier échelon.
Par ailleurs, il est fait mention dans le rapport de la revalorisation des salaires.
Ce qui est écrit page 33 répond à l'interrogation de Florence Provendier au sujet des signalements dont doivent faire l'objet certains enfants, avec le module de formation destiné aux personnels de l'éducation nationale ; page 35, une disposition similaire concerne les professionnels de santé. J'ajoute que je souhaite une sensibilisation des parents aux 119, et une mention de ce numéro dans les livrets de famille, les carnets de santé et les carnets de liaison des élèves du second degré – cela ne coûte pas cher, il suffit d'y penser au moment de les réimprimer.
J'ai repris la partie « délégation aux droits de l'enfant » qui avait été traitée par Florence Provendier – car nous avons su travailler en parfaite collégialité. J'espère que nous allons obtenir la mise en place de cette délégation – je sais que notre collègue y travaille – mais, à défaut, nous pourrons toujours tenter d'interagir avec le groupe d'études consacré aux droits de l'enfant et à la protection de la jeunesse. En attendant, nous devons rester très attentifs sur ce point et, dans le cadre de chaque projet ou proposition de loi, avoir le réflexe de voir ce qui peut être fait en faveur de la protection de l'enfance – comme c'est déjà le cas pour les droits des femmes, par exemple. À nous de nous mobiliser pour réfléchir et confronter nos idées sur ce thème, afin de jouer le rôle de veilleurs en matière de protection de l'enfance – dans le cadre du travail législatif, mais également au niveau des départements, pour répandre la bonne parole. La création d'une agence nationale regroupant en son sein tous les acteurs de la protection de l'enfance aboutirait à une plus grande efficacité en la matière ; et si cela se fait, j'espère que des parlementaires y siégeront.
Lionel Causse a évoqué la visite médicale des assistants familiaux. Sur ce point, mon attention a été appelée sur d'autres problèmes relatifs à ces professionnels, dont je recommande par conséquent de revoir la totalité du statut – je pense notamment à la possibilité pour eux d'avoir une autre activité, à leur rémunération, à l'accompagnement psychologique dont ils doivent pouvoir bénéficier, ou encore à la possibilité de faire partie de l'équipe.
Afin d'éviter des redondances, serait-il envisageable de faire coïncider la déclinaison départementale de l'agence nationale avec le conseil de famille, ces deux entités ayant sensiblement les mêmes partenaires ?
Je précise que le conseil de famille est une instance ayant vocation à étudier l'apparentement des pupilles de l'État et des enfants confiés par des familles ayant obtenu l'agrément. Pour cela, on réunit autour d'une table l'État, le département et des représentants d'associations. Aujourd'hui, le conseil de famille a un rôle bien spécifique ; s'il fallait lui confier d'autres missions, cela nécessiterait à mon avis de revoir sa composition car, tel qu'il est constitué, il ne suffirait pas à constituer une agence.
J'entends bien ce que vous dites mais, à l'échelle du département, ce sont tout de même bien les mêmes interlocuteurs. D'une manière ou d'une autre, nous aurons donc à demander la disponibilité des mêmes professionnels et des mêmes institutions…
… même si le conseil de famille intervient uniquement pour les enfants placés en vue d'adoption ou pour lesquels on assure la surveillance et le suivi du projet d'adoption.
Je n'ai pas étudié les choses jusqu'à ce niveau de détail, mais je ne vois pas d'inconvénient à réfléchir à votre proposition. Une fois constituée, l'agence nationale déterminera quelle est la meilleure organisation locale à mettre en place.
La mission portant sur l'adoption étudie la possibilité de procéder à la mutualisation et au regroupement de structures et d'associations présentant aujourd'hui un caractère un peu disparate – et sa réflexion n'est pas terminée, puisque ses travaux ne prendront fin qu'en septembre prochain.
La mission d'information adopte le rapport à l'unanimité, autorisant ainsi sa publication.
Je vous félicite, madame la rapporteure, car vous avez su faire preuve d'une certaine hauteur de vue, et je veux vous dire à quel point j'ai apprécié de travailler avec vous.
Je remercie l'ensemble de nos collègues constituant cette mission d'information. Nous avons toujours bien échangé et travaillé dans une bonne ambiance – ce qui m'a bien facilité la tâche, moi qui assumais pour la première fois la présidence d'une mission.
Je remercie les administrateurs, toujours présents, à l'écoute et disponibles.
Je remercie nos collaborateurs pour les mêmes raisons.
Je remercie enfin le service du compte rendu et l'ensemble des services de l'Assemblée.
J'ai l'impression que nous avons donné une bonne image et accompli un bon travail, dont le rapport constitue l'aboutissement. Nos propositions sont concrètes et ne coûtent pas beaucoup d'argent ; il ne reste maintenant plus à espérer que le ministre aille dans notre sens. Notre groupe s'efforcera d'appuyer les propositions du rapport à chaque fois que l'occasion s'en présentera, notamment lors de l'examen de chaque texte législatif : nous avons déjà le réflexe de le faire pour le développement durable ou l'égalité entre les hommes et les femmes, mais nous devons aussi penser aux enfants. (Applaudissements.)
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que l'ensemble de nos collègues : nous avons fat un bon duo et formé une bonne équipe, composée de députés intéressés et intéressants, et posant dans le cadre des auditions des questions toujours pertinentes. Vous savez à quel point j'avais à coeur que nous accomplissions un travail collectif, afin que le rapport ne puisse être entaché d'aucune suspicion.
Je suis donc très heureuse que vous l'ayez validé à l'unanimité et je vous remercie une fois encore pour votre implication. Je sais pouvoir compter sur vous pour que nous continuions à pousser ces propositions qui ne coûtent pas cher, mais pourraient changer la vie des enfants concernés. (Applaudissements.)
La réunion s'achève à dix-sept heures quarante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance
Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 16 h 40
Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Lionel Causse, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, M. Olivier Damaisin, Mme Françoise Dumas, Mme Nathalie Elimas, Mme Nadia Essayan, Mme Perrine Goulet, Mme Monique Limon, Mme Sandrine Mörch, Mme Bénédicte Pételle, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier.
Excusés. – Mme Jeanine Dubié, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.