Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

Madame la présidente, Madame la ministre, Madame la secrétaire d'État, merci d'avoir accepté notre invitation pour ce premier printemps de l'évaluation des finances sociales. Merci aussi d'avoir délégué vos responsables d'administration depuis hier. Je pense notamment à la directrice de la sécurité sociale qui a passé la totalité du temps avec nous et qui a su répondre avec beaucoup de patience et de précision à nombre de nos questions.

Nous avons abordé de nombreux points. Je ne reviendrai pas sur tous, car c'est le rôle des députés ici présents de vous interpeller sur des sujets qui leur sont chers. Je me limiterai à évoquer les mesures de santé publique.

Qu'il s'agisse de la vaccination, du plan tabac et d'autres, nous avons eu des réponses à la fois chiffrées et nombreuses montrant l'impact de l'action. Si je ne devais retenir qu'un seul chiffre, ce serait 2 000, qui est le nombre de fumeurs qui, depuis un an, en France, jettent leur dernière cigarette chaque jour, ce qui aurait été impensable, il y a encore un an.

Concernant les mesures de pouvoir d'achat et de solidarité, beaucoup de précisions existaient déjà dans le débat public, mais nous avons pu de nouveau mettre l'accent sur ces questions.

La question de l'organisation des soins comporte trois grands aspects qui sont revenus au cours des auditions.

Le premier est le fameux article 51 que nous avons voté dans le premier PLFSS, en sorte que le législateur n'ait plus besoin d'y revenir. Il vise à permettre enfin d'expérimenter librement, à l'initiative des professionnels dans les territoires, de nouvelles façons de soigner. Sur ce point, nous avons des résultats, mais ils nous paraissent, à en juger par les auditions, en deçà de l'enthousiasme manifesté par les parlementaires et par les professionnels dans les territoires. Nous en sommes à environ dix projets retenus sur cinq cents déposés, et combien de projets n'ont pas été déposés faute d'un encouragement à le faire par les administrations dans les territoires ! C'est un vrai point d'alerte sur lequel vous serez interrogées.

Il en est de même pour la télémédecine. Si, avec 2 000 actes par semaine, la montée en puissance n'est pas négligeable, on est à 100 000 actes sur la première année, contre les 500 000 prévus. De nouveau, nous avons le sentiment et la frustration de percevoir quelques latences qui ne viennent pas des professionnels mais qui nécessitent des éclaircissements et peut-être une impulsion nouvelle.

Sans doute serez-vous interrogées aussi sur le financement de l'hôpital, parce que nous avons des engagements forts en matière de sortie du tout T2A, et sur le financement des urgences, qui est un sujet d'actualité. Nous vous faisons totalement confiance sur ces points.

Nous évoquerons la question plus générale du financement de la protection sociale et des relations entre l'État et la « sécu ». Nous ne pouvions pas faire l'impasse sur les comptes de la sécurité sociale, annoncés la semaine dernière comme étant dans le rouge en 2019, alors même que nous espérions qu'ils seraient dans le vert. En réalité, à y regarder de plus près, ils sont quasiment dans le vert et la sécurité sociale est bien gérée. Les efforts demandés à l'ensemble des acteurs dans les branches famille et santé ont porté leurs fruits. Le problème vient de plusieurs décisions que nous avons prises ou que nous n'avons pas prises. La première d'entre elles a été de considérer, dans les relations État-« sécu », qu'on pouvait ne pas compenser certaines exonérations.

Deux autres grandes questions sont en suspens pour l'année 2019 : le taux intermédiaire de CSG, introduit par les mesures d'urgence, et la défiscalisation des heures supplémentaires, tout cela pesant pour près de la moitié du déficit prévisionnel de la « sécu ». Je crois avoir perçu dans le groupe majoritaire, et j'imagine qu'il en est de même du côté de certains dans l'opposition, des velléités fortes d'obtenir la compensation de tout ou partie des exonérations lors du prochain PLFSS.

Le deuxième grand aspect a trait à la dette sociale. Considérant que les finances sociales allaient s'améliorer et que nous aurions des excédents, nous étions convenus, l'année dernière, d'anticiper le remboursement de la dette sociale, notamment au travers de la reprise de la dette de l'agence centrale des organismes de la sécurité sociale (ACOSS). La directrice de la sécurité sociale nous a informés que nous pourrions revenir sur cette disposition. Il n'est pas judicieux de rembourser une dette en en creusant une autre et ce n'est pas correct sur le plan des textes. C'est une nouvelle que nous accueillons bien.

En outre, nous sommes partis pour rembourser la dette de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) plutôt en début de 2024, alors que les textes organiques nous contraignent à le faire en 2025. Il est toujours bien de rembourser une dette par avance, mais des inquiétudes se sont fait jour au sein de la majorité, en prévision de dépenses sociales nouvelles, notamment pour la dépendance pour laquelle les attentes sont très fortes sur tous les bancs de l'Assemblée. Ne faut-il pas s'accorder un peu plus de délai dans le remboursement définitif de cette dette, de façon à dégager des marges de manoeuvre pour de nouvelles dépenses sociales ?

Le troisième et dernier grand aspect a trait aux relations entre l'État et la « sécu ». Il avait été prévu qu'en cas d'excédent de la sécu, il serait transféré au moins pour moitié à l'État au titre de la contribution à « l'effort de guerre ». Or les excédents ne sont pas là et nous avons le sentiment que cumuler ces mesures de non-compensation, ce remboursement accéléré de la dette et ces transferts financiers conséquents entre la « sécu » et l'État aboutit à ce que la sécurité sociale garde toujours la tête un peu au-dessous du niveau de l'eau, sans jamais réussir à avoir de l'oxygène, alors même qu'elle devrait avoir la tête hors de l'eau. Peut-être devrions-nous revoir ces règles au regard de la situation actuelle. C'est un débat qui anime le Parlement.

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