Mon intervention sera en deux parties. Je voudrais d'abord souligner très clairement que je partage complètement l'analyse faite par Mme Danièle Obono sur les traités de libre-échange qui se multiplient aujourd'hui au niveau planétaire. Effectivement, on ne mesure pas suffisamment à quel point il est urgentissime de repenser entièrement nos systèmes de production et d'échange.
Nous courons à la catastrophe en mettant en oeuvre des politiques qui sont contraires aux objectifs recherchés, en particulier dans l'Accord de Paris. On peut faire tout le baratin que l'on veut et chercher tous les artifices, la réalité est qu'il faut revoir la structure du commerce international. Cela ne veut pas dire que nous sommes opposés à des échanges commerciaux au niveau international, mais que ces échanges doivent d'abord être basés sur une coopération entre les États, sur des complémentarités de production avec un objectif central, celui de limiter absolument le transport des marchandises et des produits alimentaires.
Or, ce qui est mis en oeuvre aujourd'hui est tout le contraire. C'est une politique véritablement d'un autre monde, d'un ancien monde. Elle a d'ailleurs été développée essentiellement au XIXe siècle par des économistes, en particulier David Ricardo, un Anglais selon lequel les échanges internationaux doivent s'appuyer sur les avantages comparatifs. Cela signifie qu'on achète là où c'est le moins cher, sans tenir compte d'autres critères. C'est pour aller chercher les produits que les droits de douane ont été supprimés, sans tenir compte des conséquences, notamment dans le domaine environnemental, mais aussi dans le domaine social. À défaut de renverser cela, nous courons à la catastrophe. De notre part à tous, cela demande un courage extrême. Je l'ai expliqué dans un ouvrage, Pour une terre commune, publié en 2010. J'insiste sur la gravité de la situation. Le reste est de l'habillage et ne tient pas compte des priorités.
Sur le rapport en lui-même, je voudrais vraiment vous féliciter pour sa qualité. En dehors de l'analyse politique, je l'ai trouvé extrêmement intéressant et même courageux en quelque sorte. Il y a une lecture, un examen, un constat des réalités, en particulier la partie sur les insuffisances de la prise en compte du développement durable, ainsi que des propositions. Je crois que c'est un travail qui va nous aider dans notre réflexion politique, en apportant des éléments pour argumenter.
Je voudrais vous demander quelques précisions. Avez-vous réfléchi à la faisabilité de contrôles réels sur les produits qui vont entrer ? Aujourd'hui en France, nous perdons depuis des années des milliers de douaniers. Dans la perspective du Brexit, la pire des difficultés sera d'assurer un contrôle aux frontières suffisant dans les ports en lien avec le Royaume-Uni. Nous avons perdu des centaines d'inspecteurs sanitaires, qui auparavant faisaient des contrôles de la qualité de ce qui entrait dans notre pays. Quel contrôle sanitaire et phytosanitaire sera possible sur les produits agricoles, bruts ou transformés, qui vont être importés ? Le respect des normes a été développé en particulier par le Président Macron à l'occasion de son discours à Rungis. Il a affirmé que nous ne laisserions pas rentrer en France de produits qui ne respectent pas les normes sanitaires, sociales et environnementales. Comment mettre en oeuvre la parole du Président de la République ? Comment contrôler l'absence d'hormones dans des carcasses de boeuf venant d'Argentine, ou de produits phytosanitaires dans le soja qui arrive dans nos ports ?
Si ces contrôles ne peuvent pas avoir lieu, nous irons vers les avantages comparatifs, avec des conséquences terribles pour notre agriculture, qui va être complètement déstructurée dans notre pays, mais aussi pour l'agriculture des pays d'origine. On sait que la déforestation de la forêt amazonienne pour faire de l'élevage intensif aboutit à l'impossibilité de développer les cultures vivrières, et ensuite à la famine pour des populations entières.
Pour ma part, je suis complètement opposé à ces accords de libre-échange. Le Commissaire européen à l'agriculture Phil Hogan lui-même l'a dit lors d'une audition il y a deux ans. Je l'avais interrogé et il avait affirmé : « Nous devons vendre nos produits manufacturés ». La réalité est là. Des multinationales produisent des produits dont nous voulons couvrir le marché américain ; en contrepartie, nous abandonnons l'agriculture européenne.