Intervention de André Chassaigne

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h25
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Les élections européennes ont bien entendu rebattu les cartes : on ne sait pas si la nouvelle Assemblée va décider de reprendre les travaux là où l'ancienne les a laissés ou si tout va être recommencé. Concernant la Commission Agriculture, je rappelle que 46 sièges sont à pourvoir. Compte tenu de la répartition potentielle des groupes, le PPE, le PSE et les Libéraux devraient pouvoir continuer à mener les débats. Il est toutefois probable, compte tenu du résultat des élections, que la Commission parlementaire chargé de l'environnement veuille jouer un rôle important dans la négociation de la nouvelle PAC. Enfin, il faut mentionner le fait que Mateo Salvini a annoncé son intention que l'Italie puisse prétendre au portefeuille agricole au sein de la future Commission européenne, ce qui n'a pas été le cas depuis 1972.

Nous pouvons en venir à présent aux positions du Conseil, qui, quant à lui, n'a pas pris aussi clairement position. La Présidence roumaine, qui a débuté en janvier et s'est achevée fin juin, s'était donnée pour objectif de dégager une « orientation générale partielle ». Toutefois, lors de la réunion informelle du 4 juin à Bucarest, les ministres de l'Agriculture ont déclaré qu'ils ne parviendront pas, avant l'été, à une position commune, même partielle. La Présidence roumaine l'a elle-même admis. En effet, plusieurs points majeurs bloquent la négociation.

D'abord, certains États membres, notamment la France, l'Allemagne et l'Espagne, refusent de donner leur accord sur un texte, même incomplet, sans visibilité sur l'enveloppe budgétaire allouée à la future PAC. Or, sur ce sujet, rien n'est tranché. Lors de la réunion des Ministres chargés des affaires européennes en avril dernier, le Commissaire européen au budget a appelé, je cite, les « amis de la PAC » à accepter une légère diminution. La Suède, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark constituent les États les plus opposés à un maintien des crédits de la PAC.

Les éco-programmes du premier pilier sont également source de fortes oppositions. En effet, certains États craignent la redondance avec les mesures agro-environnementales du 2e pilier (c'est le cas de l'Italie, la Pologne et la Bulgarie).

Concernant la conditionnalité environnementale de toutes les aides de la PAC, la France, l'Espagne et l'Allemagne souhaitent la maintenir au niveau proposé par la Commission, alors que d'autres demandent de supprimer plusieurs exigences de base. Cette conditionnalité pose également problème en termes de contrôle, notamment en ce qui concerne les petits agriculteurs, c'est-à-dire ceux qui ont moins de 2 000 euros d'aides annuelles.

Le débat de la convergence externe revient aussi régulièrement. En effet, sur le premier pilier, il y a un débat sur le partage des aides entre les États membres. Celles-ci sont plus faibles dans certains États, notamment à l'Est, et ces États réclament l'égalité. À l'inverse, l'Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas estiment que cette convergence ne serait pas juste dans la mesure où les revenus et les coûts des facteurs de production ne sont pas identiques dans toute l'Union.

Le sujet du plafonnement des aides au-delà de 100 000 euros a suscité, lui aussi, des divergences d'appréciation. La Slovaquie, tout comme l'Allemagne, la Roumanie, la République tchèque et l'Estonie, s'y sont opposés, étant potentiellement les plus touchés par cette mesure. En effet, plus de 80 % des aides directes vont aux 20 % des exploitations les plus importantes. Les exploitations moyennes et grandes représentent 16 % des exploitations de l'Union européenne à 28. Les plus grandes surfaces agricoles par exploitation en moyenne se situent en République Tchèque (130 ha), au Royaume-Uni (90 ha) et en Slovaquie (80 ha), mais il faut savoir que certaines exploitations représentent plusieurs centaines voire milliers d'hectares.

Lors du dernier Conseil, qui a eu lieu le 18 juin dernier, les ministres européens de l'agriculture ont indiqué qu'il restait encore beaucoup de travail avant de trouver une position commune. Plusieurs États, dont la France et l'Allemagne, ainsi que le Commissaire Phil Hogan, ont toutefois indiqué que des reculs sur l'ambition environnementale ne seraient pas acceptables. La Présidence roumaine s'est contentée de présenter un « rapport d'avancement », bien loin de son ambition initiale. La Présidence finlandaise a commencé le 1er juillet dernier.

Voilà pour ce qui concerne la position des États membres. J'ai eu la chance, en mars dernier, d'effectuer un déplacement à Bucarest, avec notre collègue Jean-Baptiste Moreau, membre de la Commission des affaires économiques, pour assister à une conférence interparlementaire qui nous a permis d'avoir plus d'informations sur la position des Parlements des États membres. Alexandre Freschi a également participé à une conférence interparlementaire en Croatie, et les débats ont globalement tourné autour des mêmes enjeux.

Plusieurs défis ont été soulevés lors des échanges, faisant bien entendu écho aux débats du Parlement européen et du Conseil. D'abord, la diminution du budget est rejetée par de nombreux États au motif qu'on ne peut pas faire mieux avec moins. Ensuite, le défi de la simplification : les syndicats ont insisté sur le fait que cet objectif ne devait pas seulement profiter aux administrations, mais aussi aux agriculteurs.

Le troisième défi est constitué par les enjeux de la flexibilité et de la mesure de la performance : plusieurs États ont souligné le risque de distorsion de concurrence entre les économies européennes.

Enfin, l'enjeu du renouvellement générationnel des agriculteurs est toujours revenu comme une problématique centrale, dans un contexte où les plus grandes exploitations reçoivent toujours une majorité des aides directes, et où mille fermiers disparaissent chaque jour en Europe.

Avec Jean-Baptiste Moreau à Bucarest, comme Alexandre Freschi à Zagreb, nous avons insisté sur trois points principaux. D'abord, la défense d'une PAC qui protège les exploitations à taille humaine, passant par un véritable plafonnement des aides et une définition précise et consensuelle de ce que l'on entend par « petite exploitation ». Ensuite, la définition d'une véritable ambition agro-écologique à l'échelle européenne. Enfin, la préservation d'une politique agricole véritablement commune. Je précise qu'avec Jean-Baptiste Moreau et Alexandre Freschi, nous avons les mêmes analyses pour défendre les orientations de la France.

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