Intervention de André Chassaigne

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h25
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

En conclusion, nous pouvons tirer de notre travail de suivi plusieurs enseignements.

D'abord, l'idée qu'il ne faut pas opposer les modèles, qui est très importante pour nous. L'agriculture conventionnelle doit également avoir pour objectif de protéger l'environnement avec des productions de qualité, sans pour autant viser nécessairement une labellisation en agriculture biologique. Le bio doit tirer vers le haut l'ensemble de la production agricole. De plus, nous considérons que le bio n'est pas seulement un mode de production, mais que derrière le logo « AB » il doit y avoir une démarche sociétale globale, en lien avec les grands cycles naturels. C'est tout l'enjeu des négociations en cours sur les modalités du nouveau « verdissement » de la PAC, notamment au sein du premier pilier !

Ensuite, les critères du bio peuvent eux-mêmes être améliorés. Nous voulions attirer votre attention sur le récent règlement européen du 30 mai 2018. Celui-ci pose en effet les bases d'une nouvelle définition du « bio ». Les actes d'application restent à être adoptés, pour une entrée en vigueur en janvier 2021. Nous sommes en effet dans un contexte où le marché du bio bat des records partout en Europe. Le chiffre d'affaires des grandes surfaces françaises lié au bio a plus que doublé entre 2011 et 2018.

Le bio n'est désormais plus une « niche » mais fait face au risque de son « industrialisation », ce que pointent déjà certains syndicats et associations, en particulier la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), qui a notamment publié une « Charte des valeurs des productrices et producteurs bio » dès avril 2016, pour faire face aux dérives anticipées du bio, et a lancé une pétition contre le chauffage des serres en agriculture biologique, qui a déjà récolté près de 80 000 signatures.

Plusieurs questions ont été soulevées, notamment le chauffage des serres pour les cultures maraîchères biologiques, l'épandage d'effluents d'élevage pour fertiliser les champs bio ou encore la taille des élevages de poules pondeuses. Une étude du mois dernier de l'association « 60 millions de consommateurs » montre ainsi que, sur 130 produits analysés, certains oeufs et produits laitiers contiendraient plus de polluants en agriculture biologique qu'en conventionnel. La nouvelle définition européenne du bio ne met donc aucun garde-fou pour lutter contre l'industrialisation des cultures et des élevages biologiques. Une attention toute particulière devra donc être portée sur ce sujet.

Enfin, je conclurai par quelques enseignements sur l'avenir des négociations européennes. La position française visant à ne pas se prononcer avant la définition du budget de la PAC nous paraît être la bonne, tout en commençant à négocier sur les contours que prendra le futur « verdissement ».

Il nous paraît également important, pour arriver à un consensus, d'entendre les critiques formulées par certains États, en particulier à l'encontre des aides du premier pilier. Ainsi, les paiements directs peuvent être rendus plus efficaces, notamment pour la transition agroenvironnementale, et ce serait tout l'objet des éco-programmes.

Ensuite, la France doit selon nous défendre trois autres axes majeurs : d'abord, un meilleur ciblage des aides vers les jeunes agriculteurs. En effet, l'enjeu du renouvellement générationnel des agriculteurs nous paraît être absolument central. Il faut également défendre la création d'un mécanisme assurantiel plus efficient qui permette aux agriculteurs de ne pas être exposés aux aléas du marché et de défendre une véritable souveraineté alimentaire. Enfin, un plafonnement doit être mis en place, au service de l'équité dans la distribution des aides.

Ce sont là, selon nous, les conditions pour maintenir et renforcer ce qui est probablement l'une des politiques les plus emblématiques et les plus efficaces de l'Union européenne. Nous espérons que vous trouverez ce rapport globalement positif.

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