Il y a trois mois et un jour, Notre-Dame de Paris prenait feu. Trois mois et un jour plus tard, vous voici prêts à adopter le projet de loi pour sa conservation et sa restauration et instituant une souscription nationale à cet effet. Je veux vous remercier pour votre réactivité.
Il faut dire que nous n'avons pas eu le choix. Nous devions nous montrer à la hauteur de l'élan de générosité pour Notre-Dame de Paris. Il fallait très rapidement créer un cadre pour accueillir les dons, les accompagner, les encourager, et pour garantir aux centaines de milliers de donateurs, français ou étrangers, que leurs dons iraient bien à Notre-Dame.
C'est tout le sens du projet de loi qui vous est présenté. Il organise la souscription nationale annoncée par le Président de la République.
Il nous permet d'abord d'en fixer les règles, en introduisant notamment un dispositif fiscal spécifique pour les dons des particuliers en faveur de Notre-Dame de Paris. Dans la limite de 1 000 euros, le projet de loi porte de 66 % à 75 % le taux de réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers en faveur du Trésor public, du Centre des monuments nationaux et des trois fondations reconnues d'utilité publique : la Fondation de France, la Fondation du patrimoine et la Fondation Notre-Dame.
Nous avons pu compter sur leur mobilisation sans faille pour opérer cette souscription nationale. Des conventions pourront être passées entre l'État et chacune de ces fondations – le travail a d'ailleurs commencé – afin d'organiser les modalités de reversement des sommes issues de la collecte.
Le projet de loi permet également de garantir la transparence de la souscription et de l'emploi des fonds. Je veux le dire encore une fois aux donateurs : vous ne serez pas trahis, vos dons iront à Notre-Dame.
Un comité de contrôle sera mis en place et il sera rendu compte devant lui de la gestion des fonds recueillis dans le cadre de la souscription nationale. Il réunira le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions des finances et de la culture du Sénat et de l'Assemblée nationale, cher Bruno Studer.
Cette exigence de transparence, vous y avez collectivement été sensibles et vous l'avez renforcée en demandant, d'une part, la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement rendant compte de la part et du montant des dons effectués au titre de la souscription nationale ayant donné lieu à une réduction d'impôt, et de la participation des collectivités territoriales ; en demandant, d'autre part, la publication d'un rapport sur la collecte des fonds, leur provenance, leur affectation et, désormais, leur consommation.
En ce qui concerne l'organisation et les adaptations à prévoir pour mener à bien le chantier de restauration, il fallait prendre le temps de la réflexion. C'est ce qu'a fait le Gouvernement, comme je m'y étais engagé devant vous. Nous avons largement précisé le texte de loi depuis sa première lecture. Il inclut désormais une part importante de ce qui devait initialement figurer dans les ordonnances prévues par les articles 8 et 9.
Nous avons précisé, d'abord, l'organisation de la conduite des opérations de restauration et de conservation. En vertu de l'article 8, un établissement public de l'État à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture, sera créé. Sa mission première sera d'assurer la maîtrise d'ouvrage. Il pourra également réaliser des travaux d'aménagement de l'environnement immédiat de la cathédrale.
Sa gouvernance associera d'une part la Ville de Paris et le culte affectataire, qui siégeront au conseil d'administration de l'établissement public dans le respect de la loi sur la laïcité de 1905, comme l'a bien précisé un amendement de Mme la rapporteure Anne Brugnera ; d'autre part des professionnels du patrimoine, qui participeront au conseil scientifique de l'établissement public.
La situation des commerçants et des riverains sera également prise en considération, grâce à un amendement de M. Pacôme Rupin, député de Paris, que je veux remercier.
Nous avons également précisé dans l'article 9 les assouplissements à la législation en vigueur. Ils seront strictement proportionnés aux besoins du chantier, car il n'est pas question – j'y suis revenu à de multiples reprises dans nos discussions – de se servir de la restauration de Notre-Dame pour piétiner de quelque façon que ce soit le droit français et européen du patrimoine, de l'environnement ou de l'urbanisme. Cela n'a évidemment jamais été notre intention. En tant que ministre de la culture, je serai inlassablement le garant de la protection du patrimoine.
Il sera d'ailleurs tenu compte de l'avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture sur l'avancée des travaux et les choix de restauration. Les sénateurs, et tout particulièrement Jean-Pierre Leleux, vice-président de la commission de la culture du Sénat, ont eu raison de vouloir inscrire cette disposition dans le projet de loi.
Nous avons inscrit dans le texte les dérogations autorisées en matière de patrimoine, et nous avons veillé à circonscrire le champ de celles qu'il s'avérerait nécessaire de prévoir par ordonnance concernant les questions de voirie, d'urbanisme et d'environnement.
Sur ces sujets, établir des dérogations demande une connaissance précise du projet de restauration – un projet dont il ne vous aura pas échappé qu'il reste encore à définir. Toutefois, il était important de préciser au préalable dans quel champ celles-ci pourraient être rendues possibles. Ainsi, les dispositions prises par ordonnances respecteront bien évidemment les principes édictés par la Charte de l'environnement de 2004. Elles ne devront pas porter atteinte aux intérêts protégés par le code de l'environnement – notamment en matière de santé, de sécurité et de salubrité publiques, ainsi que de protection de la nature, de l'environnement et des paysages – et elles respecteront les engagements européens et internationaux de la France. Là encore, un amendement proposé par Mme Cathy Racon-Bouzon a permis de rendre explicite ce qui relevait déjà des intentions du Gouvernement.
Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes de ce projet de loi. Nous l'avons substantiellement amélioré depuis sa première lecture. Vous y avez contribué largement, et je veux sincèrement et chaleureusement vous en remercier.
À présent, le plus dur est devant nous. Il faudra consolider la cathédrale, puis la restaurer. Sans plus attendre, je compte sur votre sens des responsabilités et votre état d'esprit constructif pour voter aujourd'hui ce projet de loi, et permettre demain à Notre-Dame de retrouver sa splendeur.