Intervention de Cathy Racon-Bouzon

Séance en hémicycle du mardi 16 juillet 2019 à 15h00
Restauration de notre-dame de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCathy Racon-Bouzon :

« Pour ceux qui savent que Quasimodo a existé, Notre-Dame est aujourd'hui déserte, inanimée, morte. On sent qu'il y a quelque chose de disparu. Ce corps immense est vide ; c'est un squelette ; l'esprit l'a quitté, on en voit la place, et voilà tout. C'est comme un crâne où il y a encore des trous pour les yeux, mais plus de regard. »

Depuis plus de deux mois, au fil des lectures, des auditions, et des amendements, notre mission est de rendre à Notre-Dame de Paris cet esprit qu'évoque Victor Hugo, façonné par les prières des croyants, les croquis des artistes et les yeux ébahis de tous ceux qui y ont pénétré. Nous nous inscrivons aujourd'hui encore dans le cheminement collectif de la reconstruction de ce joyau gothique. C'est notre responsabilité, vis-à-vis d'un passé qui en a fait un sanctuaire de l'épopée nationale, comme de générations à venir qui, elles aussi, veulent admirer ce lieu et en humer l'âme.

Le projet de loi que nous défendons pour la dernière fois dans cet hémicycle cherche à atteindre plusieurs objectifs : il s'agit tout d'abord de conserver et de protéger la cathédrale, cet être de pierres sauvé par les pompiers, pour que l'oeuvre architecturale rejoigne la « cathédrale de poésie » de Michelet, laquelle n'a pas flanché et s'est même réveillée ces trois derniers mois. Il est également nécessaire d'accompagner l'élan de générosité ayant suivi l'incendie, d'être aux côtés des hommes et des femmes qui ont donné ou désirent le faire dans le but, qui nous dépasse, de faire partie de l'aventure collective qu'est la reconstruction de Notre-Dame.

Nous ne pourrons atteindre ces objectifs sans les trois principes structurels que nous avons à coeur de respecter depuis le début de l'examen de ce texte : exigence, exemplarité et transparence.

Ce sont ces principes qui ont guidé les modifications apportées au fil des lectures. Nous avons notamment renforcé la transparence à plusieurs reprises. Le Gouvernement sera ainsi tenu de remettre au Parlement un rapport sur l'ensemble des versements effectués dans le cadre de la souscription nationale et par les collectivités territoriales. Autre avancée majeure, est désormais inscrite dans le texte la création d'un comité scientifique indépendant chargé d'émettre des recommandations et de formuler toute proposition relative aux travaux. En outre, une mission d'information sera chargée du suivi de l'application de la loi tandis que des conventions seront signées entre l'État et les fondations chargées de la collecte pour que la volonté des donateurs soit respectée. Nous avons également précisé les caractéristiques de l'établissement public chargé de conduire les travaux de conservation et restauration de la cathédrale. Nous avons enfin établi une liste des dérogations admises pour les travaux et encadré les dérogations environnementales.

Ces évolutions sont destinées à faire de la restauration de Notre-Dame un chantier à la hauteur de la singularité de celui-ci mais aussi de l'attente des Français. Lorsque Maurice Sully entreprit la construction de la cathédrale en 1163, ce sont les Parisiens qui se prirent de passion pour le monument. Aujourd'hui, c'est le pays entier qui lui exprime son profond attachement. Notre-Dame fait partie de notre histoire, une histoire humanisée par l'importance de l'intervention renouvelée de l'homme dans ce gigantisme architectural, artistique, religieux.

Nous sommes, en effet, contraints d'intervenir pour que ce chef-d'oeuvre retrouve toute sa splendeur. Nous souhaitons tous une action efficace et respectueuse du monument comme des textes qui nous obligent, et c'est grâce à un travail et des échanges constructifs entre le Parlement et le Gouvernement que celle-ci pourra désormais être menée dans de bonnes conditions.

Ce texte a pu pâtir dans un premier temps de l'urgence imposée par l'incendie, mais il a été considérablement amélioré. Les craintes ont été entendues, les propositions attendues ont été formulées, et nous sommes fiers d'avoir pu contribuer au mûrissement de ce projet de loi.

Ce texte est le lien entre la catastrophe survenue le 15 avril et la reconstruction. Par ce vote, nous donnons son cadre au chantier de Notre-Dame de Paris – le chantier du siècle. Au coeur de celui-ci, l'impression pour chacun d'être en deux âges si différents, entre la volonté de transmettre, de dire l'avant, et l'envie d'imaginer, de créer l'après. Il y a ceux qui ont construit Notre-Dame hier, ceux qui la sauvent aujourd'hui et ceux qui la reconstruiront demain. Car, au-delà de réciter la Nation, cette cathédrale hors du commun l'incarne : à la fois en perpétuelle évolution – ce sont les strates qui ont émaillé sa construction ; et inamovible – c'est l'art d'être français dont elle témoigne depuis huit siècles. Elle est aussi un symbole, celui du collectif : les compagnons qui ont construit l'édifice signaient leur pierre au dos. La face est anonyme, l'oeuvre est celle du peuple. Cette histoire demande de dépasser les clivages pour transformer en une belle histoire cet événement dramatique de notre siècle, pour réconcilier la « ruine austère » de Gérard de Nerval avec la « vaste symphonie en pierre » de Victor Hugo. Je vous invite, chers collègues, par notre vote à écrire ensemble une page de cette histoire.

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