Les Français, et pas seulement les Parisiens, doivent être, non pas spectateurs, mais acteurs d'un projet qui sera une réussite collective à la seule condition qu'ils y adhèrent et y participent. Celle qui vous a précédée, madame la ministre, partageait cette vision. L'Oise, par exemple, nourrit l'espoir d'accueillir des délégations étrangères lors des Jeux. Aussi le conseil départemental s'est-il engagé à participer, à hauteur de 20 millions d'euros, à la transformation de ses infrastructures sportives. Tony Estanguet, reçu aujourd'hui à Beauvais et à Cauffry, dans ma circonscription, peut en témoigner.
C'est l'effort de tous qui rendra les victoires plus belles encore. Rappelez-vous les explosions de bonheur aux quatre coins de la France, l'euphorie et la liesse populaire, les retrouvailles magnifiques d'un pays avec ses athlètes. Le sport ne doit jamais être la propriété exclusive d'une ville, mais une fête pour tous et partout. Sur les places de village, sur les boulevards des villes, à l'unisson et en choeur, on célèbre l'unité d'un peuple que quelques illustres ont triomphalement réveillée.
Enfin, quid de la déclinaison territoriale de l'Agence ? Le choix du préfet de région comme délégué territorial apparaît contradictoire. En effet, cette mesure recentralise, en quelque sorte, le dispositif de l'Agence, ce qui va à l'encontre de la gouvernance partagée instaurée au niveau national.
Les différentes parties prenantes doivent, au contraire, avoir la garantie que la gouvernance sera réellement partagée, tant au niveau national que territorial. Sur ce point, le texte du Sénat apparaît équilibré. Le remettre en cause serait contraire aux attentes de proximité de tous les acteurs et des Français.
Le double discours que le Gouvernement a parfois pu tenir, par exemple sur les CTS – dont vous avez parlé dans votre propos liminaire, madame la ministre – , parlant d'instaurer une plus grande proximité avec des acteurs qu'il refuse par ailleurs d'écouter, ne serait plus acceptable ici qu'ailleurs. Sur ce point, les conférences territoriales, auxquelles les collectivités doivent être étroitement associées, seront donc scrutées avec attention.
En ce qui concerne les CTS, d'ailleurs, les dispositions relatives à l'ANS restent bien silencieuses, alors que la réforme du Gouvernement est critiquée de toute part. Je propose donc de réintroduire la mention des CTS dans le texte, comme l'avait souhaité le Sénat, et j'ai déposé un amendement en ce sens que j'espère voir adopté.
Le deuxième motif d'inquiétude est le flou qui entoure l'article 3, relatif à la création de l'Agence nationale du sport. Cette disposition soulève de nombreuses questions ; aussi espérons-nous que nos débats permettront d'y répondre, au moins en partie, afin de rassurer le mouvement sportif.
Sur ce sujet, deux points doivent à mes yeux être clarifiés pour ne pas faire de l'ANS une entité aux rouages imparfaits et aux allures d'effrayante nébuleuse. D'une part, le financement risque de créer, en interne, un rapport de force déséquilibré. L'État, seul financeur de l'ANS – à hauteur de 350 millions d'euros – , détient 60 % des droits de vote au sein du conseil d'administration, contre seulement 30 % pour le mouvement sportif et les collectivités, financeurs du sport en France à hauteur de près de 13 milliards d'euros chaque année, et 10 % pour le collège des représentants des acteurs économiques et sociaux.
D'autre part, le statut retenu, celui de groupement d'intérêt public, fait l'objet d'un recours de la part de nombreux syndicats, et il va à l'encontre des recommandations du Conseil d'État, lequel préconise plutôt celui d'établissement public administratif. Une telle précarité, dénoncée par le juge administratif, paraît contraire à l'objectif annoncé et fragilise organiquement l'Agence, y compris dans l'exercice de ses missions.
La troisième inquiétude, la plus forte sans doute, tient à la précipitation. Bien qu'une évolution de notre modèle sportif soit louable et attendue, elle ne peut se faire à la hâte. Nous craignons que le Gouvernement, ici, n'ait d'autre intention que de réformer pour réformer, en réaction et dans l'urgence, comme il l'a fait à de nombreuses reprises.