Le vrai débat est en effet ailleurs. Il est dans la notion même de libre-échange que l'on veut nous imposer. Le libre-échange doit se faire sans distorsion d'exigence et de concurrence entre les parties. Ne serait-ce qu'à cet égard, l'accord suscite de nombreuses inquiétudes, notamment pour le secteur de l'agriculture. Si nous devons, en effet, rechercher le développement économique pour nos entrepreneurs et pour notre pays, cela doit se faire au juste prix. Or, malheureusement, le prix demandé équivaut à mettre à mal une partie de notre modèle d'agriculture. Il est bien trop élevé !
Mes chers collègues, il n'y a pas, d'un côté, les protectionnistes et, de l'autre, les libéraux. Il n'y a que des visions politiques différentes en réponse à cette question simple : à quoi voulons-nous que ressemble l'agriculture française ? Si vous voulez privilégier un modèle agricole à la chaîne, avec des fermes-usines, telles qu'on peut en trouver dans l'Alberta, alors ratifiez l'accord ! En revanche, si nous voulons préserver notre modèle agricole familial, tel que nous le connaissons dans les Vosges et dans la majeure partie de notre territoire, un modèle qui a fait ses preuves et qui est l'un des fondements de notre pays, alors il faut attendre pour ratifier cet accord.
Celui-ci est en effet émaillé de défauts, lesquels touchent plus particulièrement, on le sait, la filière bovine. Il s'agit pour notre groupe d'un casus belli.
Vous notez que le Canada n'a pas encore pleinement utilisé ses quotas de carcasses de viande bovine, mais cela sera-t-il éternellement le cas ? Vous invitez les acteurs de la filière à ne pas avoir de mauvais réflexes face au commerce, voire à structurer davantage les filières afin d'améliorer les exportations. Jean-Pierre Claris de Florian, un fabuliste contemporain de La Fontaine, écrivait : « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées ». Pour ma part, je trouve déplacé le fait de donner des leçons, et de vouloir expliquer aux agriculteurs comment ils doivent envisager leur métier.
En outre, que se passerait-il si 65 000 tonnes de viande bovine canadienne entraient, un matin, sur le marché européen ? Vu qu'une partie était destinée au Royaume-Uni, en cas de Brexit, il nous faudrait en outre absorber le surplus à vingt-sept.