Cela dit, le budget européen repose sur un cadre pluriannuel qui couvre la période 2014-2020. Les programmes structurels et d'investissement de l'Union européenne atteindront leur vitesse de croisière en 2018. L'annualité du prélèvement sur recettes donne l'impression d'une baisse en début de période du cadre financier pluriannuel et d'une hausse en fin de période. En réalité, le montant du prélèvement sur recettes en 2018 sera proche de la moyenne des dix dernières années, qui est de l'ordre de 19,4 milliards d'euros. Ce dont il faut débattre, ce n'est pas le prélèvement sur recettes d'une année, mais le montant moyen du prélèvement sur recettes sur l'ensemble du cadre financier pluriannuel. C'est d'autant plus vrai que le prélèvement sur recettes est évaluatif et fait l'objet de plusieurs révisions en cours d'année, au gré des budgets rectificatifs de l'Union européenne.
Pour remédier à cela, on pourrait imaginer que la contribution de la France au budget de l'Union européenne soit financée par un compte d'affectation spéciale, qui serait alimenté chaque année par un versement fixe correspondant au montant annuel moyen du prélèvement sur l'ensemble du cadre financier pluriannuel. Une telle innovation pourrait intervenir dans le cadre de la réforme plus globale de la procédure budgétaire, à laquelle réfléchit un groupe de travail de la commission des finances. Elle éviterait ce faux débat sur la prétendue augmentation du prélèvement sur recettes.
Aussi voudrais-je évoquer le calendrier de la discussion, qui n'est pas efficient : nous discutons du prélèvement sur recettes à un moment où la procédure d'adoption du budget de l'Union européenne n'est pas achevée. L'annexe au projet de loi de finances sur les relations financières avec l'Union européenne est souvent publiée quelques jours ou quelques heures avant ce débat. Dès lors, je suggère que l'on réfléchisse à une meilleure articulation du calendrier européen et national, dans le cadre de la réforme de la procédure budgétaire.
Il nous faudra également remettre le projet européen au coeur du débat. Le budget doit apparaître comme la conséquence de ce projet, et non l'inverse. Pour cela, le budget doit être clair et compréhensible, et ce pour tous les citoyens. À l'instar de mes collègues parlementaires, fussent-ils nationaux ou européens, je déplore le fait que les finances publiques européennes soient devenues illisibles, à force d'égoïsmes nationaux qui n'ont pas su être dépassés par une ambition commune.
Du côté des recettes, les contributions des États membres sont calculées sur des bases qui varient d'un État à l'autre, puis sont corrigées par des « rabais » divers – le plus connu étant le rabais britannique – que financent les autres États membres selon des règles de calcul elles-mêmes différentes pour chacun d'entre eux. Du côté des dépenses, il existe une panoplie d'instruments hors budget qui font l'objet de financements complémentaires par les États membres ou par la Banque européenne d'investissement.
Il est urgent de tout remettre à plat. Il ne peut y avoir de véritable démocratie européenne, et donc de souveraineté européenne, tant que cette situation perdurera.
Il est urgent, aussi, de revoir la taille du budget européen, qui n'est pas à la mesure de nos ambitions pour l'Europe : 160 milliards d'euros en crédits d'engagements – c'est le montant du projet de budget présenté par la Commission européenne. Cela peut paraître beaucoup, mais c'est en réalité très peu, puisque ce budget, à l'échelle de l'Europe, ne représente qu'environ 1 % du PIB, autrement dit pas grand-chose. En effet, refonder l'Europe nous incite à repenser le budget qui lui est attribué, et nous ne ferons pas l'Europe avec des budgets qui ressemblent à s'y méprendre à des pourboires.
Je suis convaincu que notre responsabilité historique est de progresser vers une souveraineté européenne, complémentaire de la souveraineté nationale, et qui protège. Oui, je crois en cette Europe qui protège, qui donne les moyens d'agir, qui défend. Je crois en une Europe démocratique, souveraine et unie. Voilà pourquoi je milite pour des finances européennes plus lisibles, mais aussi pour un budget européen restructuré. Nous avons l'occasion historique de le faire. Le Président de la République a prononcé, le 26 septembre dernier à la Sorbonne, un discours fondateur, qui ouvre la perspective d'un nouveau traité.
En tant que rapporteur spécial, je suivrai de près les aspects financiers et budgétaires des négociations à venir, et en rendrai compte. Il va sans dire que je défendrai avec force, largesse, engouement, et avec quelle conviction, l'idée qu'il ne peut y avoir de réelle ambition européenne sans un budget redimensionné.