J'ai une expérience d'enseignante chercheur à l'université de Strasbourg et de responsable de formation – j'ai été responsable d'une licence, pendant quelques années. Je suis enseignante en sciences du sport, dans une section « activité physique adaptée et santé » (APAS), où l'on forme des éducateurs sportifs qui prennent en charge des personnes en situation de handicap en utilisant l'activité physique comme outil éducatif, rééducatif et thérapeutique. Dans ce type de formation, on connaît bien la question du handicap. Moi-même issue de cette filière, je commence à avoir une expérience dans ce domaine.
Pendant de nombreuses années, j'ai aussi été référente handicap dans mon université, où je travaillais étroitement avec la mission « handicap ». Enseignante chercheur, je mène des travaux sur la mobilité des personnes handicapées, en particulier des déficients visuels pour lesquels est développée à l'université de Strasbourg une application numérique permettant aux étudiants de trouver leur bâtiment, qu'ils soient déficients visuels ou primo-entrants. J'aime à dire à mon vice-président patrimoine : « Il est bien que ton bâtiment soit accessible, encore faut-il le trouver sur le campus ». Le campus de Strasbourg, c'est un peu comme les hôpitaux parisiens : avec des bâtiments partout, il n'est pas facile de trouver le sien et surtout sa salle de cours. C'est parfois un vrai combat de trouver à chaque rentrée pour trouver sa salle de cours. L'université de Strasbourg présente aussi la particularité d'accueillir beaucoup d'étudiants étrangers. Quand on vient d'un pays étranger, comprendre la langue et la signalétique peut représenter un vrai handicap. Cette application dénommée Navi-Campus devrait être déployée d'ici à 2020 sur le campus.
Nous avons également constaté que si, grâce aux agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP), un travail de diagnostic a été réalisé sur l'accessibilité du cadre bâti, les enseignants et les étudiants en situation de handicap restent quotidiennement confrontés aux difficultés d'accessibilité des contenus de formation, des cours et des documents supports. On fait beaucoup d'efforts pour aménager les conditions d'examen. C'est parfois compliqué : il y a des tiers-temps qui ne le sont pas vraiment – l'étudiant commence avant la promo, puis la promo arrive, ou bien le tiers-temps aura lieu à la fin de l'examen, pendant que sortent les étudiants de la promo – mais qui sont quand même mis en place, en sorte que l'on ne peut rien reprocher à l'institution. Dans les faits, cela sur-handicape les étudiants, notamment les étudiants dyslexiques, qui ont besoin de concentration et auxquels la moindre petite perturbation peut faire perdre le fil de leur examen.
J'enseigne l'anatomie et la physiologie et je fais de jolis diaporamas. Mais un jour, un étudiant est venu me dire à la fin d'un cours : « Vos diapos, avec la couleur orange, je ne les vois pas ». Comme je suis sensibilisée à la question, j'ai modifié mon diaporama et choisissant d'autres couleurs. Quand j'étais référente handicap, j'ai vu beaucoup d'enseignants désemparés face tel étudiant « dys » ou à tel autre ayant un besoin spécifique qui nécessitait d'adapter leur cours ou leurs présentations. Pourtant les solutions existent. Elles sont dans les missions handicap un peu partout en France. En 2017, grâce à un reliquat de financement du ministère, nous avons pu réaliser un état des lieux. Nombre de solutions techniques, numériques, trucs et astuces ont été développés dans les missions handicap. Les étudiants apportent aussi leurs propres solutions, leurs trucs et astuces, mais ils restent confidentiels, confinés dans la mission handicap et, quand un étudiant s'en va, la solution part avec lui. On ne partage pas les solutions. D'où cette étude dont je vous remettrai les résultats, qui propose la création d'une plateforme « Numérique et handicap » destinée à collecter les bonnes pratiques, les trucs et astuces et à les diffuser à la communauté étudiante, aux associations, aux lycéens et futurs étudiants, et même plus largement. Ce document propose aussi une prévision de coût à trois ans et ce qu'il faudrait faire pour faire émerger cette plateforme.