Intervention de Sophie Pierroux

Réunion du lundi 6 mai 2019 à 15h15
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Sophie Pierroux :

Ma fille, Marie Hébert, est née le 21 janvier 2005, année de la création de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). À dix mois et demi, Marie a fait une crise d'épilepsie complexe et a été orientée vers un spécialiste.

En 2008, Marie est scolarisée en maternelle. La veille de la rentrée, nous avions rencontré les instits pour leur expliquer rapidement la situation et la conduite à tenir en cas de crise. Le lendemain, jour de la rentrée des classes, aucun problème du côté des instits mais, l'émotion ayant entraîné une crise, l'accompagnatrice du car nous a jetées en disant devant ma fille : « Je n'en veux pas dans mon car ! » Il a fallu batailler longuement, alors que nous souhaitions juste une intégration dans le car pour lui faire parcourir une fois par semaine les quatre kilomètres séparant l'école de la garderie. Les ambulanciers n'ont pas accepté la prise en charge faute de rentabilité pour une heure par-ci, par-là.

Je parlerai de l'épilepsie puisque nous sommes directement concernés par cette pathologie. Elle fait l'objet d'un rejet : c'est très compliqué, cela fait peur à tout le monde, personne ne cherche à savoir. En 2019, nous avons même entendu parler de la « maladie des fous ». Quand une crise survenait à l'école – et Marie en avait régulièrement –, il fallait toujours venir la chercher. Il n'y a aucune prise en charge à l'école, ce qui signifie qu'actuellement, tous les enfants ne sont pas scolarisables. Il fallait que nous soyons là tout le temps, donc qu'un des deux ne travaille pas, car nous devions attendre le coup de téléphone éventuel. Il fallait récupérer les devoirs et les cours, faire faire les devoirs et donner des cours pour que notre enfant ne soit pas largué. C'est un vrai sport. Il faut être parents, infirmiers, instits.

Ce fut ainsi jusqu'en CM1. En 2009, on a diagnostiqué à Marie un syndrome de Dravet, qualification très large. Il n'y a eu aucune prise en charge financière. À l'époque, je ne travaillais pas. En 2011, la MDPH nous a fait savoir par courrier que le handicap de ma fille étant inférieur à 50 %, nous n'aurions droit à rien.

En 2016, elle est en CM2. Dans les campagnes, on fait la maternelle dans tel village, le primaire dans tel autre, en l'occurrence à Étaimpuis, puis à Grigneuseville et la dernière année à Bracquetuit où il y a une classe dont l'instit est en même temps directrice, avec une AVS. Clairement, Marie était malvenue. Nous avons attendu la fin des vacances de Noël pour déscolariser Marie. C'est alors que la MDPH et l'Éducation nationale se sont affolées, alors que nous avions déjà demandé et alerté. À partir du moment où on déscolarise un gamin, tout le monde s'aperçoit que vous avez peut-être besoin de quelque chose. À partir de 2015, nous avons obtenu l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), soit environ 127 euros. Nous avons eu une proposition de complément et de prestation de compensation du handicap (PCH) à partir de 2016.

Par conséquent, si vous souhaitez voir scolarisés tous les enfants, y compris ceux porteurs de handicap, il faudra prévoir d'intervenir sur la partie médicalisée, sinon cela ne sera absolument pas possible.

Nous avons déscolarisé ma fille, nous nous sommes débrouillés pour trouver des intervenants. Nous avons affaire à l'association Votre école chez vous (VECV), qui a beaucoup de profs dans la région parisienne mais à Rouen, c'est une catastrophe. Il doit n'y avoir qu'une poignée d'élèves ainsi scolarisés, faute de budget, parce que, comme d'habitude, tout se passe à Paris. En province, il ne se passe pas grand-chose, en milieu rural encore moins. Marie doit avoir quatre heures et demie de cours par semaine. Nous complétons par un intervenant que nous finançons. Nous avons obtenu récemment un accord de la MDPH permettant de financer une partie des cours.

C'est un chemin de croix, et la dernière rentrée scolaire a été un véritable fiasco au regard des AVS. En sixième, l'année dernière, il y a eu intégration pour ma fille au collège d'Auffay. Mais dans son cas, venir une heure ou deux ne ressemble à rien. Les groupes de copains sont déjà constitués. Ma fille, extrêmement timide, a perdu tout lien avec les autres enfants et se trouve dans un isolement complet. Elle ne parle presque plus. On a l'impression que la MDPH se secoue à partir du moment où il y a le feu. Il serait bien qu'elle se secoue avant qu'il y ait le feu. Quand le feu a pris, il est compliqué de l'éteindre. Pour un gamin isolé, seul au monde, qui ne vit qu'avec des adultes, il est compliqué d'établir un lien social.

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