Intervention de Dorothée Goy

Réunion du lundi 6 mai 2019 à 16h15
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Dorothée Goy, présidente du Groupe de parole et de soutien pour les parents d'enfants dys de Dieppe :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames les députées, nous vous remercions de nous avoir conviées à témoigner ici. Notre association, créée et portée par des parents d'élèves « dys », s'est donné pour mission le soutien et l'information sur les troubles des apprentissages.

Nous proposons ici un état de lieux établi sur la base de nos parcours personnels et des nombreux témoignages que nous avons reçus lors de nos échanges avec les parents, les enseignants et les professionnels de santé.

Nous rappelons que les enfants « dys » sont des enfants en situation de handicap qui représentent 8 % à 10 % d'une classe d'âge. La prise en compte des besoins éducatifs de ces enfants est donc un enjeu majeur. Ils doivent pouvoir accéder aux apprentissages et exprimer leur potentiel comme les autres enfants. Ce sont des enfants qui, bien accompagnés, peuvent mener une scolarité réussie. A contrario, s'ils ne sont pas ou mal accompagnés, leurs capacités peuvent être gâchées et leur parcours scolaire peut se transformer en échec.

La loi de 2005 a été une grande étape pour nos enfants « dys », mais nous sommes encore dans un schéma d'intégration – où l'enfant doit s'adapter au système – alors que l'inclusion veut que ce soit le système qui s'adapte à l'enfant. Il faut partir des besoins de l'enfant « dys » et non des contraintes de l'adulte.

Notre mission de terrain nous amène à constater beaucoup de souffrance des familles et des enfants, mais aussi du désarroi chez les enseignants, qui se sentent démunis. On nous parle classiquement de « parcours du combattant ».

Nous ne voulons pas tomber dans l'écueil des généralités : il existe de plus en plus d'initiatives autour des troubles « dys », mais elle dépendent de la bonne volonté individuelle et la mise en oeuvre de la loi de 2005 souffre cependant de nombreux dysfonctionnements.

Nous constatons de nombreuses disparités dans l'accompagnement de ces enfants à tous les échelons, d'un enseignant à l'autre, d'un établissement à l'autre, d'un territoire à l'autre, d'une année sur l'autre. Nous insistons sur ce point : la situation est totalement inégalitaire. Elle dépend des « convictions » de l'enseignant et de son investissement sur le sujet des « dys », de l'organisation de l'établissement, de l'effort de formation, de la demande en accompagnement du handicap dans le département, du niveau d'information de la famille, de ses ressources financières et de sa capacité à défendre les droits de son enfant.

La présence d'enfants « dys » dans une classe est souvent vécue comme une contrainte supplémentaire, une charge imposée, une entrave au bon fonctionnement de la classe. Or celle-ci fait partie du schéma standard d'une classe. Accueillir nos enfants « dys » ne doit pas être considéré comme une faveur qu'on leur accorde mais comme un droit à respecter.

Une sorte de renoncement préalable à la réussite de l'enfant en situation de handicap peut conduire à un renoncement à mettre en oeuvre les aménagements et à respecter la loi. C'est cette perception culturelle qui doit changer radicalement.

Tout enfant « dys » est en situation de handicap. Or le système actuel génère une hiérarchie des situations à l'école et des prises en charge qui conduit à une situation inégalitaire selon que l'enfant « dys » est diagnostiqué ou non. Par exemple, un enfant « dys » avec plan d'accompagnement personnalisé (PAP) est en situation de handicap mais n'est pas forcément reconnu comme tel car le PAP n'a pas assez de poids comparé à un projet personnalisé de scolarisation (PPS) avec reconnaissance de la MDPH.

D'après notre expérience de terrain, l'établissement du diagnostic est très difficile pour les enfants non diagnostiqués ou en cours de diagnostic, à cause du délai trop long résultant de la pénurie de professionnels, du non-remboursement de certains soins, de la complexité du parcours de soins, de médecins généralistes qui ne se sentent pas compétents pour poser un diagnostic et de la pénurie de médecins, infirmières et psychologues scolaires. Cela peut conduire à un renoncement aux soins pour cause de délai ou de manque de moyens financiers, et à l'arrêt de l'activité professionnelle pour l'un des parents.

L'absence de diagnostic génère de l'angoisse pour les parents, qui voient le temps filer sans que les difficultés de l'enfant soient prises en compte dans un cadre officiel, du désarroi chez les enseignants qui se sentent démunis, de la détresse chez l'enfant qui ne comprend pas pourquoi il n'y arrive pas. Il peut en résulter une baisse de l'estime de soi, de la confiance en soi, des maladresses, des appréciations inappropriées si l'enfant n'est pas dans un environnement bien-traitant, avec une risque d'échec, de déprime, voire de phobie scolaire.

Pour les enfants diagnostiqués avec PAP, on constate les difficultés suivantes : méconnaissance du PAP, voire obstruction à son établissement ; pénurie de médecins scolaires entraînant des retards de validation ; rédaction du PAP sans l'aval du médecin scolaire, avec le risque de ne pas respecter les préconisations des professionnels de santé ; consigne de la Fédération nationale des orthophonistes (FNO) à ses membres de ne plus faire de recommandations d'aménagements sur les bilans ; reconduction non systématique ou tardive du PAP d'une année sur l'autre.

La mise en oeuvre du PAP voit plusieurs difficultés : application du PAP selon le bon vouloir de l'enseignant ou de l'établissement ; frein psychologique – le PAP n'est pas considéré comme une exigence, un droit de l'enfant en situation de handicap, il est perçu comme trop contraignant – ; réticence liée à la méconnaissance des outils pédagogiques et de leur intérêt ; difficulté à différencier dans des classes à effectif élevé ; tiers-temps difficile à organiser lors des évaluations habituelles ; recours laborieux du parent pour faire respecter le PAP.

Lorsque les troubles des enfants diagnostiqués ont été reconnus par la MDPH, on observe les difficultés suivantes : disparités de traitement des dossiers selon les départements, délais et réponses apportés très variables ; pas d'aide de l'enseignant référent pour les primo-demandes ; délai de traitement des demandes excessivement long ; obligation de renouveler les demandes trop fréquemment ; pas de PPS rédigé dans certains départements – c'est le cas en Seine-Maritime – ; outil informatique privilégié au détriment de l'aide humaine – l'aide humaine est de moins en moins proposée, censée être remplaçable par les aménagements pédagogiques et, lorsqu'elle est proposée, on constate des difficultés d'anticipation sur le recrutement, la formation des AVS ou AESH et leur information sur le trouble de l'enfant accompagné – ; l'institution ne recommande pas de communication directe entre les AVS et AESH et les parents ; la précarité des contrats AVS conduit à une discontinuité de l'accompagnement de l'enfant ; le principe des AVS mutualisés se généralise, avec un risque de dérive : répondre plus au besoin de l'institution qu'à celui de l'enfant ; création des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) encore floue dans sa pratique de mise en oeuvre.

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