Intervention de Virginie Magnant

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 18h35
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) :

Je vais centrer mon propos liminaire sur des données chiffrées relatives à l'activité des maisons départementales des personnes handicapées. Cela me donnera aussi l'occasion d'expliquer la manière dont la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui a été créée par la loi de 2005, rassemble ces données et ces informations, dans quel but elle le fait et comment elle les met à la disposition du public.

Vous l'avez rappelé, la CNSA anime le réseau des maisons départementales des personnes handicapées. Vous avez déjà eu l'occasion d'auditionner des représentants de l'Association des directeurs de MDPH, qui vous ont rappelé le fonctionnement très singulier de ces groupements d'intérêt public, qui rassemblent les parties prenantes de la politique du handicap, à savoir l'État, les départements et les acteurs associatifs. L'État intervient par l'intermédiaire des services de l'éducation nationale, des services des ministères sociaux, des agences régionales de santé (ARS) et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

La CNSA anime le réseau des MDPH et leur alloue des moyens financiers : elle a une dotation qui lui est propre et elle répartit aussi, depuis quelques années, des moyens issus de l'État. Elle a également pour mission d'outiller les MDPH. En effet, on a considéré d'emblée qu'il importait, pour assurer l'équité de traitement des personnes en situation de handicap, que les MDPH, qui sont le guichet unique où elles peuvent obtenir à la fois des informations, une orientation, un soutien, des conseils et de l'aide – et qui sont autonomes juridiquement – disposent d'outils communs. C'était une demande des parties prenantes, notamment des associations représentatives des personnes handicapées.

La CNSA alloue donc des moyens aux MDPH et elle leur demande, chaque année, un rapport d'activité, dont elle fait la synthèse. Nous avons apporté la synthèse des rapports d'activité des MDPH de 2018. Celle de 2019 est en cours de réalisation et elle sera prête pour le conseil de la CNSA, qui se réunit en juillet : nous pourrons vous la transmettre à ce moment-là.

D'une manière générale, on constate que les MDPH ont continué d'avoir une activité soutenue en 2017, puisqu'elles ont reçu près de 4,5 millions de demandes, émises par un peu plus de 1,7 million de personnes. Les MDPH ont vu leur activité augmenter depuis leur création. Au cours des premières années, cette croissance a pu atteindre 10 % par an. Ce taux a eu tendance à baisser au cours des dernières années et, en 2017, il s'établissait à 1,9 %. Nous vous transmettrons l'ensemble de ces données chiffrées par écrit : nous avons effectivement omis de vous les envoyer préalablement et je vous prie de nous en excuser.

La CNSA a pour habitude de classer les demandes en deux grandes catégories : celles qui relèvent de l'enfance et celles qui concernent les personnes adultes. En 2017, les demandes d'aide humaine à la scolarisation ont représenté 3,5 % des 4,5 millions de demandes adressées aux MDPH. Les demandes d'orientation en établissements médico-sociaux ont représenté 5,3 % de ces demandes. Enfin, les demandes d'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui peut être mobilisée par les parents pour financer des soins ou des prestations complémentaires, y compris, le cas échéant, un accompagnement à la scolarisation, ont représenté 5,9 % des demandes adressées aux MDPH. Au total, les demandes d'aides aux enfants et à leurs familles ont représenté près de 15 % des demandes enregistrées.

Vous nous avez interrogés sur le délai moyen de traitement de ces demandes. Je veux préciser d'emblée que ces délais sont calculés à partir du moment où une demande a été jugée recevable. Après qu'une famille a déposé un dossier, il est fréquent que la MDPH lui demande de le compléter et de fournir des pièces complémentaires, nécessaires à l'équipe pluridisciplinaire pour procéder à une évaluation précise des besoins de l'enfant. Les délais sont calculés à partir du moment où le dossier est complet et où l'équipe pluridisciplinaire a toutes les cartes en main pour commencer à travailler. Le délai de traitement des demandes s'établit, en moyenne, aux alentours de trois mois, et il est rarement supérieur à quatre mois. Ce délai moyen ne doit évidemment pas faire oublier qu'il existe de grandes disparités territoriales. Pour les aides humaines à la scolarisation, le délai moyen de traitement est de trois mois et vingt-huit jours : c'est l'un des délais les plus longs.

La CNSA mesure depuis deux ans, avec l'ensemble des MDPH, le niveau de satisfaction des usagers et elle vient de faire une synthèse des résultats. Il en ressort clairement que les délais de traitement sont l'un des points d'insatisfaction majeurs des usagers, particulièrement des aidants d'enfants. Les demandes relatives à l'enfance et à la scolarisation sont celles qui ont le taux d'insatisfaction le plus fort, sachant que, globalement, 70 % des usagers sont satisfaits ou moyennement satisfaits du service rendu par les MDPH, et 30 % plutôt insatisfaits. Parmi les points positifs, les usagers mettent en avant la qualité d'accueil, en particulier la qualité d'écoute, et l'accueil physique assuré par les agents des MDPH. Ils saluent également la compétence des équipes pluridisciplinaires et des professionnels auxquels ils peuvent avoir affaire. En revanche, ils se plaignent des délais et peuvent ne pas être satisfaits des réponses qui leur sont apportées.

J'en viens aux taux d'accord. Les demandes de matériel pédagogique adapté reçoivent une réponse favorable de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) dans presque 80 % des cas ; les demandes d'aide humaine à la scolarisation reçoivent une réponse favorable dans 80,2 % des cas, les demandes relatives au transport scolaire dans 86 % des cas, celles relatives à l'orientation scolaire dans 90 % des cas.

Pour résumer, de nombreuses demandes sont formulées dans le champ du soutien aux familles et de l'aide à la scolarisation. Elles sont instruites dans un délai de trois à quatre mois en moyenne, avec des disparités fortes selon les départements. Le taux d'accord des équipes pluridisciplinaires et des CDAPH est relativement important. Cela signifie que, dans la grande majorité des cas, lorsque les familles se tournent vers les MDPH – souvent avec le soutien des équipes éducatives – pour demander un outil de compensation du handicap de l'élève et un soutien à la scolarité, les MDPH répondent favorablement à leurs demandes et notifient ces besoins de compensation.

Je précise que les équipes pluridisciplinaires des MDPH interviennent en phase de validation des projets personnalisés de scolarisation (PPS). Lorsqu'un enfant en situation de handicap rencontre des difficultés scolaires, l'équipe éducative peut mettre en oeuvre, par elle-même, un certain nombre d'adaptations. Mais s'il s'avère que les moyens de l'éducation nationale ne suffisent pas, la famille peut se tourner vers la MDPH pour obtenir des moyens complémentaires : matériel technique et pédagogique, aide humaine ou appui de services médico-sociaux. Le PPS décrit ces besoins de compensation et c'est ensuite à l'éducation nationale de les mettre en oeuvre, en acquérant du matériel adapté ou en recrutant l'aide humaine qui va assister l'élève dans sa scolarité.

Vous nous avez également interrogés, dans votre questionnaire, sur le suivi des décisions par les MDPH. Dans l'état actuel des choses, les MDPH ne sont pas dotées des outils qui leur permettraient de suivre la mise en oeuvre de leurs décisions. Elles commencent à l'être, grâce à ViaTrajectoire Handicap, un logiciel qui permet de suivre les orientations médico-sociales qui sont prononcées. Il permet notamment de vérifier qu'une personne dont l'admission dans un établissement ou un service médico-social a été prononcée y est effectivement accueillie. Cet outil est en train d'être déployé ; il le sera totalement d'ici la fin de l'année 2019 et il sera raccordé au système d'information des MDPH à partir de 2020.

Ce logiciel ne permet pas d'assurer le suivi des aides humaines, car il a été conçu pour suivre les orientations médico-sociales. Toutefois, les demandes de compensation doivent être renouvelées régulièrement et l'examen du dossier qui a lieu à cette occasion permet de faire le point sur l'effectivité des décisions qui ont été prises. Le guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées en matière de scolarisation (GEVA-Sco) précise en effet que les familles sont invitées, avec les équipes éducatives, à détailler les adaptations qui ont été introduites et l'impact qu'elles ont eu sur la scolarisation de l'enfant.

Je veux préciser qu'au-delà des aides humaines et techniques qui peuvent être notifiées par le truchement des MDPH, celles-ci ont également la capacité de se prononcer sur l'admission au sein d'un service médico-social ou sur une mesure d'accompagnement par l'un de ces services.

Je veux souligner aussi que l'accompagnement des enfants en milieu ordinaire par des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) s'est intensifié au cours des dernières années : on parle souvent de l'accompagnement par les moyens de l'éducation nationale, à savoir les AVS et les AEHS, mais il faut savoir que le nombre de places en SESSAD a fortement augmenté au cours des dix dernières années.

Enfin, sans vouloir faire de la publicité pour la caisse que je dirige, je veux dire que la CNSA ne se contente pas de collecter de la donnée, de l'exploiter et de la rendre disponible, mais qu'elle s'emploie également à doter les MDPH d'outils essentiels à la scolarisation. Le premier est le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-Sco), formalisé avec la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) ; cet outil est le coeur de métier et le socle de travail des équipes pluridisciplinaires pour évaluer les besoins des enfants. Le second est le projet personnalisé de scolarisation (PPS), même si on peut regretter que, plusieurs années après sa formalisation, cet outil soit encore insuffisamment mis en oeuvre.

La CNSA travaille avec les MDPH à leur informatisation. Nous sommes actuellement en plein déploiement du système d'information commun des MDPH, qui vise à outiller toutes les maisons départementales à l'identique, suivant un cahier des charges fixé par arrêté et auquel les systèmes d'information des éditeurs équipant les MDPH doivent se conformer, au moyen de solutions labellisées par l'ASIP Santé. Après avoir contribué à fixer le cahier des charges du système d'information métier et avoir travaillé avec l'ASIP Santé et les éditeurs afin de permettre la labellisation de ces solutions, la CNSA soutient aujourd'hui chacune des 101 MDPH dans leur opération de déploiement de ce système d'information, qui a vocation à tracer l'intégralité de la demande d'une famille ou d'une personne en situation de handicap, à recueillir des éléments permettant de caractériser les besoins des personnes, notamment en intégrant les grands éléments de référence du GEVA ou du GEVA-Sco, et à conduire à la notification de la décision, suivant des modèles de notification harmonisés, simplifiés et relus par des comités des usagers à l'occasion de la préparation de ce cahier des charges.

Au terme du déploiement, 100 % des MDPH utiliseront un système d'information qui recueillera des données homogènes, qui pourront être synthétisées par la CNSA. Nous aurons donc, à partir de l'année 2020 et au niveau national, une connaissance beaucoup plus précise du profil des personnes concernées, qui nous fait défaut aujourd'hui – ce qui m'empêche, par exemple, de répondre à votre question sur l'âge à partir duquel le handicap des enfants est reconnu et donne lieu à une aide ou une compensation particulière.

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