Intervention de Saïd Acef

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 18h35
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Saïd Acef :

En premier lieu, je vous adresse les remerciements de toutes les agences régionales de santé pour nous avoir conviés devient cette commission d'enquête parlementaire. Je vous prie d'excuser l'absence des directeurs généraux d'ARS, lesquels m'ont chargé de les représenter. J'ai fait préalablement un « tour de piste » des ARS pour essayer d'avoir un écho. Il ne s'agit pas d'un inventaire exhaustif, mais je tenterai de vous apporter en toute transparence les éléments de progrès, les points de blocage, les difficultés, les enjeux et défis qu'il nous reste à relever pour rendre cette école encore plus inclusive et faire en sorte que les compétences médico-sociales contribuent à de meilleurs parcours de scolarisation des élèves en situation de handicap.

Je suis directeur délégué à l'autonomie à l'ARS Nouvelle-Aquitaine, donc chargé des politiques dites médico-sociales : grand âge et perte d'autonomie liée au handicap. Les ARS ont à leur main un certain nombre de leviers et de moyens. Vous citiez le cadre du conventionnement entre les ARS et les rectorats, ainsi que le projet régional de santé (PRS), qui couvre 10 ans ; il y a aussi sa déclinaison opérationnelle, le schéma régional de santé (SRS), lequel couvre cinq ans. Les SRS, qui ont été arrêtés l'année dernière par les directeurs généraux d'ARS, présentent quelques nouveautés sur les réponses à apporter aux situations de handicap, y compris la transition inclusive.

Les principaux leviers d'une agence régionale de santé dans le cadre des politiques médico-sociales sont le pilotage et la régulation de l'offre, soit l'autorisation des établissements et services, leur contrôle et la planification sur les territoires des prestations médico-sociales au plus près des besoins des personnes et des familles – avec l'objectif de réduire les inégalités et des inéquités historiques – et l'efficience des prestations mises en oeuvre par les établissements et services médico-sociaux.

Un levier très spécifique, celui de la contractualisation, prend toute son importance dans le cadre de la transition inclusive avec les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), d'une durée de cinq ans. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a prévu leur généralisation à l'ensemble du champ médico-social, à quelques exceptions près. Les CPOM doivent être signés par 100 % des gestionnaires d'ici à 2021. Pour la première fois, nous voyons s'y inscrire des objectifs quantifiés et qualitatifs de l'offre médico-sociale, ce que nous connaissons depuis plusieurs années dans le champ sanitaire.

L'un des objectifs consiste à transformer l'offre médico-sociale de façon que, pour les enfants comme pour les adultes, 50 % des prestations offertes le soient par des services. C'est un élément de complexité de la transition inclusive vue sous l'angle de la contribution du secteur médico-social à l'inclusion scolaire. En Nouvelle-Aquitaine, 70 % des places installées dans le secteur médico-social le sont en établissement (semi-internat, accueil de jour, internat séquentiel ou complet) et 30 % le sont en services – les SESSAD.

L'objectif fixé par Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État placée auprès du Premier Ministre chargée des personnes handicapées, est d'atteindre à échéance des SRS et donc des CPOM, soit d'ici à 2022, le seuil de 50 % de ces prestations en services, avec une priorité forte donnée aux compétences médico-sociales « sortant des murs » c'est-à-dire se transportant au domicile des familles pour accompagner les enfants et dans les lieux de socialisation de droit commun, dont, en premier lieu, l'école.

Un autre objectif quantifié des CPOM – qui, de ce fait, génère des difficultés et pose des enjeux de politiques croisées entre les ARS et les rectorats – porte sur le nombre d'élèves en situation de handicap accompagnés par un établissement ou un service médico-social devant bénéficier d'une solution de scolarisation en milieu ordinaire. La cible est ainsi fixée : en 2020, 50 % des enfants bénéficiant actuellement d'un accompagnement médico-social devront bénéficier d'une telle inclusion ; en 2022, ce sera 80 %.

Nous sommes à la croisée des chemins – lors des débats relatifs à la création de la commission d'enquête, vous évoquiez, Madame la présidente, le fait que nous étions au milieu du gué. Du point de vue des ARS, nous sommes dans une équation à quatre dimensions relativement connues, qu'il faudra gérer dans une temporalité qui ne mette pas en risque et en fragilité le parcours des élèves et des familles. Il y a un vrai risque à cet égard, pour ce processus de transition inclusive qui s'accélère.

L'une des dimensions est « l'alignement des planètes » entre les politiques mises en oeuvre par l'Éducation nationale et celles des ARS – les conventions cadres sont quasiment toutes signées entre les ARS et les rectorats – avec des enjeux concrets de mise en oeuvre, au niveau des territoires académiques et de l'infra-départemental, et de cohérence entre l'offre scolaire et une offre médico-sociale venant en appui de l'inclusion scolaire.

La mise en oeuvre des PIAL pose de façon cruciale la question de l'alignement de l'offre et des compétences médico-sociales avec les cartes scolaires et la localisation des enfants en situation de handicap devant bénéficier d'une inclusion ordinaire accompagnée, individuelle ou collective. Les PIAL interrogent la façon dont le secteur médico-social appuie, renforce et facilite les actions d'accompagnement par les AESH et AVS.

Le deuxième enjeu a été largement évoqué par tous les experts, les associations, les autorités indépendantes et les services de l'État que vous avez auditionnés. Il s'agit de l'équilibre entre l'accompagnement individualisé – la compensation individuelle – et l'accessibilité. Il faut identifier la façon de conjuguer un accompagnement individualisé, nécessaire pour un certain nombre d'enfants, et l'accessibilité : au savoir pédagogique, aux services médico-sociaux d'un point de vue territorial, mais également physique. Les enjeux d'accessibilité convoquent la responsabilité des agences régionales de santé dans la mise à disposition des moyens médico-sociaux au service de l'école.

La troisième dimension touche à la meilleure prise en compte de l'expertise des familles dans la construction des réponses et la valorisation de leurs droits. À cet égard, le droit des personnes et le principe d'autodétermination sont le socle des choix de vie des enfants, notamment pour l'expression du projet de vie dans les dossiers déposés en MDPH ; or au-delà même du droit – de son principe et son effectivité –, certaines familles rencontrent des difficultés à construire leur parole et à faire valoir leurs droits, ce qui nécessite une assistance à maîtrise d'ouvrage. Il revient au secteur médico-social d'aider ces familles qui, dans le champ scolaire ou dans d'autres domaines de la vie, connaissent leurs droits mais ne sont pas forcément en capacité de les défendre.

Enfin, la transition inclusive dans le domaine de la scolarisation ne doit laisser personne au bord du chemin. Il nous faut parvenir à construire des solutions combinant de l'inclusion individuelle accompagnée et des dispositifs collectifs – ULIS, UEE, etc. – que l'on puisse combiner utilement. S'agissant d'élèves en situation de polyhandicap dont on sait que l'accès aux apprentissages pose des questions d'adaptation pédagogiques, mais aussi de dispositifs collectifs de scolarisation, le nombre d'unités d'enseignement en institut médicalisé éducatif (IME) ou en école ordinaire demeure faible. Je n'en connais pas le nombre total, mais en Nouvelle-Aquitaine, nous en avons deux.

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