Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 16h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé :

Je serai très attentive aux conclusions de la mission sur le régime des pensions alimentaires.

S'agissant de l'impact fiscal des pensions alimentaires, vous le savez, le débiteur les déduits de ses revenus et le créancier, c'est-à-dire la femme en général, doit les déclarer. Ce système est a priori justifié, parce que cela correspond à notre système fiscal, qui veut que les ressources d'un foyer soient imposées au niveau du foyer. À défaut, il y aurait inégalité de traitement entre les foyers. Par exemple une famille recomposée et une famille non recomposée, disposant du même niveau de ressources, pourraient avoir des niveaux d'imposition différents du fait du traitement dérogatoire des pensions alimentaires.

Certes, il nous faut résorber les inégalités de pouvoir d'achat, mais nous ne pensons pas que la piste fiscale soit la bonne car elle aurait trop d'effets de bord. Mais nous attendons évidemment les conclusions de la mission.

Nous avons travaillé à augmenter les revenus des familles monoparentales, notamment les plus en difficultés. C'est ce que j'ai proposé et que vous avez voté, dans le PLFSS 2018, puisque j'ai augmenté de 30 % l'allocation de soutien familial (ASF) et de 30 % le complément du mode de garde pour les familles monoparentales. Nous avons également mis en place l'équivalent d'un tiers payant pour l'aide à la garde d'enfants, ce qui évite aux familles d'avancer les frais et de manquer ainsi de trésorerie. Ces mesures financières d'accompagnement des familles monoparentales ont été la première action que j'ai menée en arrivant au ministère. Maintenant, j'attends le travail qui est en cours avec Marlène Schiappa et Christelle Dubos pour voir comment nous pourrions aider ces familles tout au long de leur trajectoire, notamment au moment de la séparation souvent très difficile à surmonter et qui entraîne un déclassement extrêmement brutal.

S'agissant du dispositif relatif à la garantie des pensions alimentaires, nous faisons tout pour que les CAF soient opérationnelles au 1er juin 2020. Nous avons prévu un dispositif simple, soit en cas d'impayés après un signalement à la CAF – le dossier partira alors immédiatement dans la structure – ; soit au moment du divorce, si la femme déclare craindre des impayés. Cela ne passera donc pas forcément par une saisine du juge, mais cela pourra prendre la forme d'une simple demande faite au moment du divorce, parce que l'on préjuge de difficultés à venir.

La question qui se pose, et qui se posera à l'avenir, c'est d'élargir ce dispositif à toutes les pensions alimentaires. Cela supposerait que les CAF disposent de moyens substantiels pour être en position d'intermédiaire pour la totalité des pensions alimentaires. Elles devront recruter et former du personnel. C'est la raison pour laquelle il nous faut attendre juin 2020.

Les effets de bord et les pertes d'aides sociales ont été plusieurs fois signalés. Normalement, la pension est prise en compte dans les ressources pour les aides au logement par exemple, mais tout dépend des aides. Cela pourra être revu dans le cadre de la réflexion et de la concertation sur le revenu universel d'activité. Il faudra notamment s'intéresser à l'assiette de calcul et voir comment promouvoir une redistribution évitant des différentiels de traitement entre les hommes et les femmes.

Vous m'interrogez aussi sur les violences faites aux femmes. Le CAUVA est un très bon dispositif. J'entends votre remarque sur le fait qu'on n'a pas protégé les femmes alors qu'on les a engagées à témoigner. Je pense que ce constat est très récent : on ne l'avait pas posé il y a six mois. Il faudra se reposer toutes ces questions dans le cadre du Grenelle qu'organise Marlène Schiappa avec qui nous travaillons. Il faudra notamment proposer des actions correctives à ce qui a été fait en matière de déclarations, du fait qu'on a libéré la parole des femmes. Ce que j'ai fait dans mon ministère, ne s'apparente pas exactement au CAUVA. Je m'étais engagée – lors de la réunion sur la lutte contre les violences faites aux femmes que le Président de la République a présidée à l'Élysée, en 2017 – à créer des centres d'accompagnement du psycho-traumatisme. J'ai travaillé sur les psycho-traumas post-attentats, post-événements accidentels, mais également liés à des violences conjugales, psycho-traumas des enfants… J'ai totalement tenu la feuille de route qui m'était assignée fin 2017 : nous avons créé, à Lille, un centre de ressources national qui a été financé à la suite d'un appel à projets, avec une équipe médico-judiciaire qui met en place les bonnes pratiques de recueil de la parole, qui instruit les cas et qui prend en charge les femmes pour leur suivi psychologique post-traumatique. Nous avons en outre créé, suite également à un appel à projets, dix centres de psycho-traumatisme dont la mission est de créer des réseaux dans tous les hôpitaux, dans tous les services d'urgence, de travailler sur les bonnes pratiques et de les diffuser dans leur réseau. On ne pourra pas financer une structure de psycho-traumatisme médico-judiciaire dans chacun des six cents services d'urgence de France aujourd'hui. En revanche, il est nécessaire que les médecins urgentistes soient formés à la fois au recueil de la parole, aux bonnes pratiques, à l'accompagnement, qu'ils connaissent les lieux d'orientation des femmes, les lieux d'hébergement, etc. Ces dix centres travaillent à la création d'un réseau régional et le centre de ressources nationales fournira le guide des bonnes. Tout ça se met en place : les dix centres ont été créés et financés pour une dizaine de millions d'euros à la fin de l'année 2018 ; on pourra en faire un premier bilan à la fin de l'année 2019.

Une mission conjointe de l'Inspection générale des services judiciaires, de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'administration a par ailleurs été lancée au début du mois de juin par ces trois ministères et celui de Marlène Schiappa pour régler la question de la procédure judiciaire de déclaration. Il nous a semblé qu'il n'appartenait pas au ministère de la Santé de réfléchir seul à la charge d'une déclaration pour la justice. Pour autant, comme cela se fait souvent à l'hôpital, la conclusion de cette triple mission va nous aider à proposer un schéma cible, qui sera repris lors du Grenelle qu'organise qu'organisera Marlène Schiappa en septembre.

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