Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 16h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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– Audition, ouverte à la presse, de Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé 2

La séance est ouverte à 16 heures 35.

Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.

La Délégation procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé.

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Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. L'audition sera l'occasion de faire un point sur les chantiers que vous conduisez au sein du Gouvernement et qui intéressent très directement les droits des femmes et l'égalité des chances ; ce sera également l'occasion pour que vous puissiez réagir aux récents travaux de la Délégation ou ouvrir des pistes sur les missions actuellement en cours.

Ainsi que nous le constatons, hélas, tous les jours, l'accès des femmes à leurs droits sexuels et reproductifs fait l'objet de remises en cause insupportables et d'attaques de plus en plus violentes. Je veux ici dénoncer avec la plus grande force l'expression de plus en plus violente d'opinions extrémistes, populistes et réactionnaires qui envisagent de revenir sur des droits acquis. Ces propos portent atteinte à des principes fondamentaux de notre droit, à nos valeurs et à l'idée même d'égalité entre les femmes et les hommes.

Les remises en cause se concentrent souvent sur l'interruption volontaire de grossesse et il est très inquiétant de constater que ces attaques ont désormais lieu en Europe mais également en France ! La Délégation a toujours veillé à conserver une grande vigilance sur ces sujets, ses membres étant parfaitement conscients de leur « réversibilité », pour reprendre l'expression de Geneviève Fraisse.

Alors que la Délégation fête ses vingt ans, vingt ans d'engagements en faveur des droits des femmes, nous nous inscrivons dans la continuité des actions de nos prédécesseures. Je pense ici, notamment, à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la gratuité du parcours d'accès à l'IVG, sous l'impulsion de Catherine Coutelle, ou encore à l'allongement de dix à douze semaines de grossesse du délai légal de recours à l'IVG et à l'aménagement du droit d'accès des mineures, sous l'impulsion de Martine Lignières-Cassou.

Aujourd'hui encore, nous réaffirmons avec la plus grande solennité et la plus grande force notre attachement indéfectible au droit des femmes à disposer de leur corps.

Notre Délégation a décidé de constituer une mission d'information sur l'accès à l'IVG et je suis certaine que les travaux de nos deux co-rapporteures, Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, pourront permettre d'éclairer le débat et d'ouvrir des pistes pour garantir l'effectivité de l'accès de toutes les femmes à l'IVG sur l'ensemble du territoire, assurer la liberté du choix de la méthode, mais aussi pour interroger la pertinence de la double clause de conscience, voire pour envisager d'allonger le délai de douze à quatorze semaines. Nous allons prendre le temps d'examiner tous ces sujets pour formuler des propositions d'évolution et nous ne doutons pas de l'attention que vous porterez à ces recommandations.

La promotion et la défense des droits sexuels et reproductifs passent aussi par des actions en amont. Je pense ici aux enjeux d'éducation : il nous revient de nous assurer que toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons aient accès à une information fiable et de qualité sur les questions de sexualité en général et de consentement en particulier. Lors de nos déplacements de la semaine dernière dans le Morbihan, les Vosges et l'Isère, nous avons pu mesurer l'impact positif d'une politique active de prévention et, surtout, lorsque l'effort de prévention et d'information se relâche auprès des plus jeunes, les conséquences terribles que cela peut entraîner.

Nous devons aussi veiller aux enjeux de santé publique. La mission d'information que nous avons constituée sur les menstruations fait apparaître par exemple des enjeux en termes de composition des produits hygiéniques, des questions sur la connaissance par toutes les femmes des règles d'utilisation – un mauvais usage des protections pouvant conduire par exemple à un choc toxique. Et notre collègue Laëtitia Romeiro Dias, une des deux co-rapporteures, reviendra sans doute sur ces points.

Toutes ces questions, si elles constituent des questions de santé – individuelles ou publiques – représentent aussi et souvent surtout des enjeux de solidarité. En votre qualité de ministre des Solidarités, nous savons l'attention que vous portez à l'articulation de ces différentes problématiques.

J'évoquais à l'instant les menstruations ; comment ne pas aussi poser le problème de la précarité menstruelle ? Nos premières auditions ont en effet montré que les femmes sans abri ou en prison peuvent avoir des difficultés d'accès à ces protections.

Je pense que nous avons une parfaite illustration de la dimension systémique des sujets traités par la Délégation avec le rapport que nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle vous ont remis sur la séniorité, « le tiers invisible de la vie des femmes ? ». Il faut répondre aux difficultés de santé liées à la ménopause, au vieillissement ou à la dépendance, enjeux économiques mais également sociaux, sur lesquels nous devons porter une attention toute particulière.

Plusieurs textes que vous défendez, Madame la ministre, ont ou vont répondre à ces différents besoins ; je pense évidemment à « Ma santé 2022 » mais aussi au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à la réforme à venir des retraites, voire, pour certains éléments, à la loi bioéthique. Nous serons toutes et tous mobilisés sur tous ces dossiers et nous savons que nous pourrons compter sur votre particulière bienveillance pour faire progresser les droits des femmes, de toutes les femmes quels que soient leur âge ou leur situation géographique, mais surtout pour construire une société d'égalité réelle.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Je suis très heureuse d'avoir l'occasion d'échanger avec vous sur ce sujet de l'égalité des chances et de l'égalité des droits et d'évoquer avec vous les travaux conduits par le ministère des Solidarités et de la Santé. C'est donc un moment d'échange auquel je suis très attachée. J'en profite pour vous remercier de la qualité des rapports que vous avez produits sur ces questions.

Vous avez célébré la semaine dernière les vingt ans d'existence de cette Délégation – vingt années de regard vigilant, d'études très utiles, d'éclairages précieux. Vous avez raison, madame la présidente, je pense qu'il faut poursuivre cet engagement parce que, l'actualité en témoigne chaque jour, ces droits ne sont jamais acquis.

Le champ du ministère des Solidarités et de la Santé est vaste et j'ai récemment accompagné plusieurs chantiers qui ont une résonance particulière pour votre Délégation. De la même manière, vous avez récemment produit des rapports qui complètent utilement notre réflexion – je pense notamment à la séniorité des femmes ou aux travaux en cours sur les menstruations et sur l'accès à l'IVG.

Pour ouvrir les débats, je souhaiterais revenir sur quelques-unes des dispositions récentes que j'ai eu l'honneur de défendre.

Plusieurs mesures ont été prises ces dernières semaines pour améliorer le congé maternité : je pense à la publication des décrets d'application afin de procéder à l'alignement du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celui des travailleuses salariées, le même décret portant d'ailleurs sur l'amélioration du congé maternité des agricultrices. Ces textes sont notamment le fruit de votre travail, madame la présidente, puisqu'ils sont le fruit de votre rapport. Ils permettent de faire converger les règles relatives au congé maternité entre les différents régimes et d'harmoniser par le haut la protection sociale liée à la maternité pour toutes les femmes actives.

Nous travaillons aussi avec Christelle Dubos sur les pensions alimentaires : les difficultés vécues par les familles monoparentales ont été au coeur du Grand débat national. En réponse, nous avons défendu un mécanisme qui confiera aux caisses d'allocations familiales un véritable rôle d'intermédiaire du versement entre les deux parents. Ce mécanisme sera opérationnel dès le mois de juin 2020, soit à la demande du juge soit à la suite d'un impayé.

Dans le champ de la santé, j'ai été sensible aux témoignages de nombreuses femmes face aux retards de diagnostic et aux mauvaises prises en charge de l'endométriose. J'ai annoncé le 8 mars dernier un plan d'action sur l'endométriose, qui repose sur quatre axes.

Le premier est une meilleure information du public, des femmes et des professionnels de santé, en particulier via le service sanitaire.

Nous voulons ensuite approfondir la recherche, car sur ce sujet nous avons assez peu d'équipes et assez peu de publications. Nous souhaitons mieux informer les chercheurs sur les aides dont ils peuvent bénéficier.

Troisième axe : améliorer le diagnostic de l'endométriose, notamment grâce aux nouvelles consultations obligatoires. Je vous rappelle que nous avons étalé les consultations obligatoires tout au long de l'enfance et de l'adolescence. Et nous prévoyons deux consultations obligatoires nouvelles : celles de 11-13 ans et de 15-16 ans. Ce sera un moment intéressant pour les médecins généralistes afin qu'ils s'interrogent sur les douleurs qui pourraient être un premier signe d'endométriose qui peut se révéler dès l'âge de 13 ans. La consultation dédiée à la contraception et aux infections sexuellement transmissibles (IST) pour les jeunes filles de 15-18 ans doit être étendue à la santé sexuelle et comprendra la recherche systématique de signes d'endométriose. La formation initiale et continue des professionnels intégrera spécifiquement l'endométriose.

Enfin la création d'une filière d'expertise dans chaque région permettra de répertorier l'ensemble des professionnels et associations de patients capables de les accompagner.

Je souhaiterais en dernier lieu profiter de ma présence devant vous pour évoquer la loi bioéthique à venir : chacun le sait, il est prévu d'élargir l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Le critère médical d'infertilité, qui aujourd'hui conditionne cet accès, sera supprimé. Nous prévoyons en outre une prise en charge par l'assurance maladie. Le texte ouvrira également la possibilité d'une autoconservation de gamètes pour les femmes comme pour les hommes. Un des articles prévoit enfin la suppression de la proposition systématique d'un délai de réflexion en cas d'interruption de grossesse pour raison médicale.

Ces quelques mots en préambule illustrent la diversité des sujets.

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Merci pour ce tour d'horizon qui revient sur les avancées engagées depuis deux ans et ouvre des perspectives très positives. Je vais donner la parole aux différents rapporteurs de la Délégation sur les travaux en cours ou qui viennent de se terminer, en commençant par les co-rapporteures de la mission d'information sur la séniorité des femmes, Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle. Nous entendrons ensuite Laëtitia Romeiro Dias, co-rapporteure de la mission d'information sur les menstruations.

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Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux recommandations de notre rapport.

Notre société véhicule de nombreux stéréotypes : les personnes âgées seraient nécessairement fragiles, en mauvaise santé, souvent dépendantes ou atteintes d'une maladie chronique, n'ayant souvent plus toute leur tête… C'est ce que l'on dit, c'est ce que l'on entend : elles seraient devenues des personnes à charge, inutiles pour la société et improductives pour l'économie. Ces stéréotypes peuvent empêcher les personnes âgées de participer pleinement aux activités sociales, politiques ou encore culturelles ; ils contribuent ainsi à les exclure progressivement de la cité. À l'extrême opposé de ces stéréotypes, la filière de la Silver économie dépeint des personnes âgées actives, en bonne santé, épanouies, souhaitant uniquement voyager et profiter d'un maximum de loisirs. Cet autre stéréotype ne correspond pas non plus à la réalité.

Marie-Noëlle Battistel et moi-même considérons qu'il est aujourd'hui impératif de changer de regard sur les personnes âgées si notre société veut être en mesure d'améliorer la place qui leur revient. Nous avons donc fait un certain nombre de propositions : la 21e propose de développer des initiatives intergénérationnelles, transgénérationnelles, en valorisant d'avantage le rôle et la place dans la société des personnes âgées, en les incluant, par exemple au moyen de budgets participatifs, dans la vie de la cité et dans les politiques publiques qui touchent au cadre de vie.

Une définition officielle des proches aidants a par ailleurs été inscrite dans la loi de 2015 relatives à l'adaptation de la société au vieillissement. Cette définition n'établit cependant pas encore un réel statut de l'aidant. La loi a institué un droit au répit qui permet à l'aidant d'un proche en perte d'autonomie, de bénéficier d'une somme pouvant aller jusqu'à 500 euros par an pour financer une période de répit. Il me semble important aujourd'hui d'améliorer les connaissances statistiques sur les aidants et nous proposons de diligenter une étude statistique nationale pour mieux appréhender la réalité et les besoins des proches aidants. Tel est l'objet de notre proposition n° 11. On pourrait également envisager la création d'un statut des aidants qui permettrait peut-être de leur assurer, entre autres, une formation minimum.

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À l'issue de la mission d'information sur la séniorité des femmes qui nous a été confiée, il apparaît que plusieurs véhicules législatifs peuvent être l'occasion de décliner nos réflexions et nos recommandations.

En premier lieu, la perspective de la grande réforme des systèmes de retraite nous conduit à nous interroger sur la manière de mieux prendre en compte, et de mieux corriger surtout, les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes. Vous savez, madame la ministre, que ces inégalités résultent d'une somme d'inégalités tout au long de la vie, accentuées au moment de la retraite. Ce sont les arrêts maternité, mais pas seulement, qui interrompent les progressions de carrière. C'est aussi le temps pris pour être aidant dans sa famille. Ces sont tous les trimestres « perdus » pour l'aidante et qui se payent au prix fort au moment de la retraite. Nous souhaitons que, dans le cadre de cette réforme, on puisse intégrer des dispositifs de correction de ces inégalités entre les femmes et les hommes. La présidente de la Délégation avait organisée un petit-déjeuner sur la question du congé de parentalité, dont il ressortait la nécessité de repenser la répartition des interruptions de carrière entre les mères et les pères. Il y a beaucoup d'autres choses à faire et nous aimerions connaître votre regard sur ce qui pourrait être possible.

Le défi démographique que représente le vieillissement de la population implique tout particulièrement les femmes qui représentent la majeure partie des personnes âgées. Or nous constatons que les politiques publiques dans ce domaine ne ciblent que rarement les femmes comme un public spécifique. Ce qui nous a beaucoup frappées, c'est que nous n'avons pas pu recueillir que très peu de statistiques genrées ou sexuées dans les différentes instances parce qu'elles n'existent pas : il y a des tableaux avec des âges, mais il n'y a pas de statistiques genrées. Est-ce que c'est parce qu'on considère qu'il n'y a pas de spécificité féminine – ce qui à mon avis est faux – ou alors est-ce parce qu'on n'en a pas encore eu l'idée ? Il serait temps de l'avoir car nous pensons que ce serait une véritable avancée.

Enfin, nous avons conclu nos travaux par une audition très intéressante sur la ménopause qui a souligné ce phénomène d'invisibilité des femmes séniores dans la société : elles subissent une sorte d'effacement social. Cette forme ultime de sexisme – qui consisterait à ignorer toute femme ayant dépassé l'âge de la ménopause et ne pouvant dès lors plus assurer une fonction reproductrice – ne devrait-elle pas être mieux prise en compte dans la lutte contre les stéréotypes sexistes ?

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La mission que nous a confiée la Délégation a pour mérite de sortir des lieux communs. Les règles sont un sujet dont on parle peu, mais petit à petit, au fil des auditions, nous mettons des mots sur ces tabous et sur les problématiques que rencontrent les femmes. En juin 2018, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a rendu sur la sécurité des produits de protection hygiénique un avis qui soulignait la présence de composés toxiques dans leur composition. Comment le Gouvernement pourrait-il obtenir un meilleur contrôle de la composition des produits de protection intime ? Et, compte tenu des conséquences sur la santé des femmes, ces produits ne devraient-ils pas être autant contrôlés que des dispositifs médicaux ?

Par ailleurs quelles mesures envisagez-vous pour lutter contre la précarité menstruelle, autre problématique que nous avons identifiée ? Pensez-vous qu'il faille développer la gratuité des protections intimes ? D'autres mesures seraient-elles envisageables ?

Enfin, comme vous l'indiquiez dans votre propos liminaire vous avez lancé en mars dernier, un plan d'action pour renforcer la prise en charge de l'endométriose. Maladie complexe et inexplorée, l'endométriose n'en touche pas moins une femme sur dix, et peut-être même plus. Il était donc temps de s'emparer de ce sujet et nous ne pouvons que vous en féliciter. Vous avez développé les axes de ce plan : pourriez-vous nous présenter son état d'avancement et nous dire ce qu'en seront les suites ?

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Concernant les femmes âgées et la réforme du grand âge, un travail est en cours afin d'élaborer, pour la fin de l'année, un projet de loi dans lequel cette question de l'intergénérationnel sera posée. Elle abordera notamment la question de la diversification des lieux d'hébergement, car nous souhaitons sortir du « tout EHPAD » (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). Même si le maintien à domicile reste clairement la priorité, nous voulons développer nombre d'offres intermédiaires dans lesquelles l'hébergement inclusif, donc intergénérationnel, trouvera toute sa place, permettant de changer de regard sur les personnes âgées et les femmes âgées. Par ailleurs, le Premier ministre a confié à la députée Audrey Dufeu Schubert, une mission sur l'âgisme dont j'attends les conclusions pour voir comment ce changement de regard pourrait s'opérer ; l'inclusion et l'intergénérationnel permettent un vrai changement de regard, cela ne se décrète pas mais se met en oeuvre dans la vie quotidienne. Nous verrons si nous pouvons nous emparer des conclusions de cette mission pour promouvoir des mesures spécifiques dans le projet de loi Grand âge et perte d'autonomie.

Dans ce projet de loi, un axe sera dédié à la question des proches aidants. Il comportera des mesures auxquelles nous travaillons avec Sophie Cluzel car il ne s'agit pas seulement des aidants des personnes âgées, mais aussi des aidants familiaux ou proches de personnes handicapées ou malades. Nous présenterons une feuille de route en septembre sur cette question. J'ai déjà dit qu'avant même le projet de loi, des mesures figureront dans le prochain PLFSS, dont l'une relative à un congé proche aidant, pris en charge par la sécurité sociale. La question du répit des aidants sera traitée dans la feuille de route et dans le projet de loi grand âge.

Comment prendre en compte, dans la réforme des retraites, les inégalités en termes de pension qui sont souvent le reflet des inégalités de carrière ? Il est clair que notre système actuel favorise les carrières longues, homogènes, ascendantes, et essentiellement masculines, et défavorise les carrières hachées, plates, c'est-à-dire souvent celles de femmes avec enfants. Tout le projet de loi que prépare le Haut commissaire à la réforme des retraites vise à gommer ces inégalités de carrière et à rendre à l'avenir notre système de retraite plus juste, plus équitable, donc à gommer ce différentiel. Cela correspond aussi aux nouveaux défis de la société de demain : nous savons que les carrières seront moins linéaires et nous avons besoin d'adapter notre système de retraite par répartition aux profils de carrière des futures générations. Il gommera ces inégalités en tenant compte des congés rémunérés dus aux grossesses et il revisitera aussi les droits familiaux. Les droits familiaux sont aujourd'hui multiples ; l'un d'entre eux, notamment, accorde une surrémunération de 10 % dès le troisième enfant. Les pensions de retraite des hommes étant souvent plus importantes, ce sont en pratique les hommes qui bénéficient de ces 10 %. Tout un travail a été effectué dans le champ de la solidarité de notre futur régime de retraite pour requestionner ces droits familiaux et les adapter aux réalités du XXIe siècle. Le Haut commissaire présentera sa réforme et son système cible aux partenaires sociaux le 18 juillet prochain. Je le laisse dévoiler ses pistes, mais elles répondent à vos préoccupations concernant la retraite des femmes.

Nous sommes de plus en plus attentifs à la question des statistiques genrées et à la place des femmes dans les politiques publiques. Il est vrai que l'on dispose souvent de statistiques datant d'une période où la question du genre était moins prégnante, mais dans les travaux de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), nous sommes désormais très attentifs à disposer de ce type d'indicateurs. Cela bénéficiera aux travaux qui seront publiés à l'avenir.

En ce qui concerne l'invisibilité des femmes ménopausées et la lutte contre les stéréotypes, je vais prendre connaissance de votre rapport pour voir comment nous pouvons intégrer les recommandations que vous avez faites, mais je comprends bien la problématique que vous pointez du doigt.

S'agissant des composés toxiques dans les protections hygiéniques des femmes, il y a deux sujets qu'il faut séparer : celui de la sécurité sanitaire concerne les chocs toxiques qui ont été clairement identifiés dans des cas d'endotoxines bactériennes avec des tampons contaminés. Des mesures correctives ont été prises lors de la production des produits. Mais on a aussi souvent observé que ces chocs étaient liés à une mauvaise utilisation des protections et il convient donc de mieux informer les femmes sur les règles d'utilisation de ces produits.

Le deuxième sujet concerne les contaminations par des composés chimiques ou toxiques dans les protections hygiéniques. À la suite d'une saisine, l'ANSES a pu constater la présence de produits toxiques, mais à des doses faibles. Eu égard à notre connaissance de la contamination par la peau, l'Anses considère qu'il n'y a pas de risque sanitaire identifié. En fait, les doses toxiques le sont en cas d'ingestion. Il n'y a donc pas de risque sanitaire identifié, même si nous souhaitons tous, à l'avenir, voir diminuer la présence de produits chimiques dans les produits que nous utilisons, à condition, bien sûr, qu'on n'expose pas, à l'inverse, ces protections hygiéniques à un risque de prolifération bactérienne, parce qu'il n'y aurait plus les produits qui empêchent justement cette prolifération. Aujourd'hui, les taux de substances retrouvées sont faibles et il n'y a pas d'alerte spécifique même si leur impact sur les muqueuses vaginales nécessite des travaux complémentaires.

La précarité menstruelle des femmes précaires est un sujet plus spécifiquement suivi par Christelle Dubos. Nous nous sommes engagées sur cette question parce que c'est évidemment le coeur des préoccupations de ce ministère et nous travaillons avec les partenaires associatifs qui nous alertent en permanence. Nous attendons les résultats de votre mission pour savoir comment nous pouvons faire mieux pour ces femmes. Une mission a également été confiée à la sénatrice Patricia Schillinger, qui va nous permettre de travailler sur les questions d'accès matériel aux protections hygiéniques pour faire évoluer les mentalités. Nous travaillons également avec Julien Denormandie, qui est en charge de l'hébergement d'urgence – c'est dans ces lieux qu'on peut aussi apporter une solution –, et avec toutes les associations de terrain auprès des personnes précaires pour faciliter la collecte et la distribution de protections hygiéniques. Nous travaillons aussi aux moyens de les soutenir financièrement. Agnès Pannier-Runacher est aussi très sensibilisée : elle étudie comment mobiliser les industries qui produisent ces protections.

Sur l'endométriose, nous sommes en train de décliner la feuille de route. Dès cette année, des modules de formation figureront dans le développement personnel continu des professionnels. Cela apparaîtra dans la nouvelle maquette, dans le cadre de la réforme des 2e et 3e cycles des études de médecine. C'est un engagement des enseignants et des doyens. Et nous faisons le même travail pour les formations des sages-femmes.

En termes de détection, il y a la consultation obligatoire des 11-13 ans, celle des 15-16 ans, et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a d'ores et déjà complété son site internet avec un volet sur l'endométriose qui figure dans le volet professionnel des référentiels qui correspondent à ces consultations. Elle a également ajouté le mot « endométriose » dans le mèl qui est adressé aux assurés. Et une consultation santé sexuelle est en train de se mettre en place à l'âge de 16-17 ans.

En termes de recherche, une journée de mise au point scientifique a été organisée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Nous avons, grâce au travail des chercheurs, un bilan des axes de recherche à promouvoir sur ce thème. Un projet hospitalier de recherche clinique a été sélectionné cette année sur le thème de l'endométriose. Un numéro spécial de la revue Médecinesciences sur ce thème est également prévu.

S'agissant enfin de l'information, nous travaillons avec les associations afin de les rendre plus visibles.

Je suis ce dossier de très près parce que je veux des résultats clairement identifiés au bout d'un an.

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Je donne la parole aux co-rapporteures de la mission d'information sur l'accès à l'IVG, Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti.

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Ma première question concerne les chantages qu'avait opérés le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France. À ce moment, le Gouvernement avait indiqué vouloir dresser un état des lieux de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse en lien avec les agences régionales de santé. Quel est aujourd'hui l'état d'avancement de ce travail ? Sans préjuger des travaux de notre mission d'information, considérez-vous qu'il faille supprimer la double clause de conscience ? La clause de conscience générale ne vous semble-t-elle pas suffisante ?

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Nous avons été désignées pour conduire une mission d'information sur l'accès à l'IVG, et nous allons nous attacher à l'ensemble des enjeux liés aux spécificités territoriales. Nous n'avons procédé pour l'heure qu'à une audition et à quelques visites dans les départements. Cela nous a déjà conduites à noter des différences entre les départements, dans l'approche des professionnels et les moyens qui leur sont alloués. Nous veillerons évidemment à déterminer comment assurer un accès identique et de qualité sur l'ensemble du territoire.

Une autre question fait quelquefois débat, c'est l'éventuel allongement de douze à quatorze semaines du délai d'accès à l'IVG. Qu'il n'y ait pas de confusion : on parle bien de semaines de grossesse et non de semaines d'aménorrhée. Un certain nombre de pays vont très loin dans cette démarche. Votre ministère a-t-il déjà travaillé sur ce sujet et quelle en est votre approche à titre personnel ? Que pensez-vous faire pour garantir ce droit fondamental ?

Entre pratique médicamenteuse et pratique chirurgicale, le choix n'est par ailleurs pas toujours proposé aux femmes : en raison de fortes réticences ou faute de médecins, dans certains territoires on ne propose que la solution médicamenteuse. Nous avons recueilli des témoignages de personnels d'un hôpital dont les trois médecins qui acceptaient de procéder aux IVG partent à la retraite, et aucun des trois médecins qui arrivent ne souhaite les pratiquer… Comment répondre à cette difficulté ?

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Je me permets de compléter les questions de nos deux collègues vous alertant notamment sur une pratique que l'on a découverte la semaine dernière. Nous nous en doutions un peu, mais elle nous a été clairement indiquée, notamment dans le département des Vosges où, faute de médecins, n'est proposée aux femmes que la solution médicamenteuse, parfois dans des délais non conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé, et dans des souffrances psychologiques et physiques que l'on peut imaginer.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Ce sont des questions extrêmement importantes, puisque nous savons que ce droit est sans arrêt remis en question. C'est sans doute moins le cas dans notre pays que dans d'autres, mais nous constatons chez nous des difficultés d'accès, tout simplement, faute de médecins. Notre pays manque de façon criante de médecins, ou plutôt de temps médical disponible : le nombre de médecins est constant mais, par rapport aux besoins de la population, nous sommes bien en déficit de temps médical. Ce déficit est en fait observé partout en Europe et partout dans le monde ; c'est un problème international. Et nous n'avons donc pas moyen d'aller chercher des médecins dans d'autres pays, sauf à déposséder ces derniers d'encore plus de temps médical…

Ce déficit va durer encore quelques années parce que les nombreux médecins formés après-guerre, après le Baby-boom sont en train de partir à la retraite… Le numerus clausus a été extrêmement serré pendant une vingtaine d'années et il n'a été rouvert qu'en 2005. Nous sommes dans une période de « creux », où les médecins partent à la retraite et ceux qui ont commencé à être formés après 2005, ne sont pas encore opérationnels. Donc, pendant encore six à huit ans, nous allons avoir un déficit car il faut dix ans pour former un médecin. Il faut donc appliquer un principe de réalité. C'est dans cette optique que j'aborde les enjeux concernant l'IVG, de la même manière que tous les sujets liés à notre système de santé.

Nous avons besoin de nous reposer sur des délégations de tâches ; de partager les soins entre différentes professions de santé. C'est ce que nous faisons déjà avec les sages-femmes, notamment concernant certains IVG.

Vous m'avez posé la question de l'état des lieux que j'ai demandé aux ARS : j'attends le rapport pour l'été. Nous verrons s'il y a des disparités territoriales. Énormément de médecins partent à la retraite : c'est vrai des gynécologues comme des généralistes, comme de tous les médecins. C'est en raison de cette vague de départs, que, dans la loi Santé, j'ai fait augmenter le plafond du cumul emploi-retraite de façon très notable, afin qu'il soit très incitatif de continuer à exercer pendant deux à cinq ans : cela ralentira le rythme des départs.

Concernant la double clause de conscience, j'ai envie de vous demander s'il faut s'attacher au droit réel ou au droit formel. Veut-on travailler sur les principes ou sur la réalité du parcours des femmes ? Je comprends parfaitement les arguments en faveur de la fin de la double cause de conscience. Pourquoi cette spécificité relative à l'IVG ? Pourquoi cette forme de discrimination ? Pourquoi un droit spécifique pour l'IVG ?

Mais, à mon avis, la double clause de conscience est en réalité bénéfique aux femmes. D'abord, la suppression ne conduira pas à ce que plus de médecins pratiquent l'IVG : on n'obligera jamais un médecin qui ne le veut pas à pratiquer des IVG. Et si on le faisait, ce serait au détriment des femmes, parce qu'il faut un accompagnement dans cette période. Donc, la suppression de la clause de conscience ne réglerait pas le problème de l'accès.

Par ailleurs, si on la supprimait, les médecins entreraient dans le droit commun de la déontologie. C'est-à-dire qu'ils n'auraient pas à orienter les femmes : un médecin qui refuserait de pratiquer un acte le ferait non pas à titre général mais à titre individuel. Il donnerait ainsi son avis sur l'acte dans le cadre de la relation médecin-malade, de l'échange individuel. Et il n'aurait pas d'obligation d'adresser la malade vers un autre professionnel, mais simplement de transférer le dossier lorsque la femme trouverait un praticien d'accord pour accomplir l'acte.

Aujourd'hui, les médecins qui activent la clause de conscience sont bien connus dans les hôpitaux. Cela évite que les femmes prennent rendez-vous avec eux pour une IVG, qu'elles se trouvent en consultation avec quelqu'un qui est contre l'IVG, qui peut leur faire perdre du temps en disant « je vais réfléchir, revenez dans une semaine », qui n'aurait aucune obligation de trouver un autre médecin si la classe spécifique était supprimée… Donc en réalité, je pense qu'on risque de rendre le parcours des femmes beaucoup plus erratique, beaucoup plus aléatoire en revenant sur la double clause.

C'est la raison pour laquelle je suis très opposée à la fin de la double clause de conscience, sauf si on arrive vraiment à me convaincre que les choses ne se passeront pas de la sorte. Mais quand je vois les réactions du président du Syngof, je pense que le risque est élevé et que la double clause de conscience protège les femmes. Je parle bien de la double clause de conscience, puisque la clause de conscience simple consiste juste en un droit, celui du médecin à refuser un acte. Cela n'a rien à voir parce que, je le répète, quand un médecin refuse, ce n'est jamais « en général ». C'est dans la relation médecin-malade, personnelle, qu'un médecin peut, à un moment, refuser de pratiquer un acte. Il n'affiche pas globalement un refus : il dit à chaque fois, dans le colloque singulier qu'il a avec son patient, qu'il manifeste ou non son accord. C'est très différent.

Je crains donc vraiment qu'en supprimant cette double clause de conscience, on fasse courir aux femmes le risque de prendre des rendez-vous sans savoir à qui elles ont affaire ; d'être mal orientées ; de perdre du temps par rapport aux délais – et on sait que plus le délai est tardif, plus cela est pénible. Je pense donc qu'on ne leur rendrait pas service. C'est mon opinion très profonde, parce que je suis une praticienne de la médecine : je sais comment on prend des rendez-vous en consultation, je sais qui répond au téléphone, je sais comment fonctionne Doctolib. En fait, je ne vois pas comment on va protéger les femmes si on supprime la double clause de conscience.

On peut se battre sur les principes : c'est très bien, c'est un combat politique ; mais mon objectif, c'est la sécurité des femmes et la simplicité de leur parcours.

S'agissant de votre deuxième question, je pense qu'on manque de données. La seule donnée dont nous disposons est très macroscopique : elle indique que le nombre d'IVG est totalement stable dans notre pays depuis dix ou quinze ans. Cela peut vouloir dire qu'il n'y a pas de difficultés d'accèsou qu'on n'est pas très bons sur la contraception qu'on n'a pas fait beaucoup de progrès. Cette donnée ne veut rien dire parce qu'elle est tellement macroscopique qu'on ne sait pas si cela tient au fait que les femmes ont moins recours à un moyen de contraception –, ou qu'elles voudraient y recourir plus mais qu'elles n'y ont pas accès.

La question de la durée a été posée, vous le savez, par un amendement parlementaire non anticipé et n'a pas été suffisamment instruite. La seule donnée en ma possession et qui permet de raisonner, c'est que lorsque la durée d'accès à l'IVG a été prolongée de dix à douze semaines de grossesse (c'est-à-dire de douze à quatorze semaines d'aménorrhée), cela n'a abouti, dans ce délai supplémentaire, qu'à 5 % des IVG réalisées. En réalité, la très grande majorité des IVG sont faites avant, et mon objectif est plutôt qu'on intervienne le plus tôt possible. Là aussi, c'est la praticienne qui parle.

Souvent ces 5 % de femmes qui font des IVG tardives sont des femmes qui n'y ont pas accès objectivement, parce que c'est compliqué – les études vont nous le dire –, ou qui hésitent. Les femmes hésiteront autant entre douze et quatorze semaines qu'entre dix et douze. Une partie des femmes qui aujourd'hui partent à l'étranger, ne le font pas forcément à cause des difficultés d'accès, mais plutôt en raison d'hésitations multiples, parce que c'est un acte difficile, compliqué, qu'elles ne sont pas toutes persuadées en permanence de leur capacité à affronter ce moment extrêmement douloureux, et qu'elles sont parfois ambivalentes par rapport à une grossesse.

Je dois dire que je ne disposais pas, au moment où l'amendement parlementaire a été discuté et quand la sénatrice a parlé du délai de douze à quatorze semaines, des données montrant qu'en réalité, nous sommes déjà à quatorze semaines d'aménorrhée, et ainsi totalement alignés avec l'Espagne, la Belgique, etc. En fait, nous sommes dans les délais internationaux. Les Pays-Bas pratiquent des délais excessivement tardifs parce qu'ils ne font pas la distinction entre une interruption pour raisons médicales et une IVG volontaire. C'est, à ma connaissance, l'un des rares pays à avoir des délais aussi longs. Je ne suis donc pas certaine qu'on ait en France des délais d'accès plus défavorables que dans les autres pays ; je suis même sûre du contraire. Nous sommes exactement dans la moyenne des autres pays européens.

Par ailleurs, quand on est passé de douze à quatorze semaines d'aménorrhée, c'est-à-dire de dix à douze semaines de grossesse, on a vu que très peu d'IVG avaient lieu dans ce délai supplémentaire. J'aimerais que nous disposions à ce propos d'un moyen de décryptage : cela tient-il à la difficulté d'accès ou à la difficulté de prendre une décision ? Dans ce dernier cas, on ne ferait que repousser, en sachant que plus on repousse, plus c'est douloureux pour les femmes.

J'aimerais enfinsavoir – j'ai besoin d'en discuter avec des gynécologues – à partir de quel âge on peut détecter les premiers mouvements d'un bébé in utero. En effet, une IVG alors qu'un bébé a commencé à bouger, c'est extrêmement difficile à surmonter psychologiquement. Il faut que l'on prenne tout cela en compte avant de prendre une décision d'allongement de la durée. Je veux des données pour raisonner : je n'ai aucune doctrine sur le sujet, mais je trouve qu'il est complexe et mérite d'être appréhendé avec l'ensemble des éléments.

Mon objectif, à la suite des différents rapports et missions, est de faire en sorte que l'information soit très facile pour les femmes ; que l'offre soit très lisible ; qu'elle soit harmonisée dans l'ensemble du territoire ; qu'on ne fasse pas perdre du temps aux femmes et qu'elles puissent accéder à l'IVG le plus vite possible.

Enfin, vous m'interrogez sur les IVG médicamenteuses. En réalité, vous pointez du doigt le déficit de médecins. Aujourd'hui, on souffre d'un déficit de gynécologues et d'obstétriciens, notamment parce que le DES de gynécologie a été supprimé il y a quelques années : nous n'avons plus que des obstétriciens formés par l'internat. Le DES de gynécologie médicale vient d'être réintégré dans le cursus de l'internat ; on devrait avoir des gynécologues médicaux qui vont prendre en charge plus facilement les femmes, et les obstétriciens pourront se concentrer sur leur travail d'obstétricien ou de chirurgien et faire moins de gynécologie médicale. Ainsi, ce sont de nouveau les gynécologues médicaux qui prendront en charge les contraceptions. Là encore, on est dans une phase très difficile : les gynécologues médicaux sont partis à la retraite et on n'a quasiment plus que des obstétriciens qui manquent de temps et qui ne sont pas harmonieusement répartis dans le territoire.

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Si la Délégation est particulièrement vigilante sur la question de l'interruption volontaire de grossesse, elle partage votre objectif, qui est bien celui de l'effectivité du droit des femmes. Nous souhaitons également sortir des postures des uns et des autres pour garantir cette effectivité du droit. Vous parliez de démographie médicale, notamment des difficultés que cela entraîne pour que les femmes aient le choix de la méthode, choix qui est bien inscrit dans la loi. Si effectivement le nombre d'IVG est stable, en revanche – et j'imagine que la mission d'information permettra de le dire –, la question est bien celle des méthodes utilisées. Compte tenu du déficit médical, seriez-vous favorable à ce que les sages-femmes puissent pratiques des IVG instrumentales ? Nous n'avons pas arrêté de position à ce sujet mais il me semble qu'il faut poser la question.

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Je pense que ce type de question doit être posé à la Haute autorité de santé. Ce n'est clairement pas au législateur de décider quel acte médical peut être fait quel professionnel, parce qu'il faudrait connaître très intimement les risques, les gestes de rattrapage s'il y a une perforation utérine, etc… Je ne suis pas suffisamment spécialiste pour me prononcer. Si l'on doit étendre le droit à l'IVG instrumentale, je pense qu'il faut poser la question aux spécialistes et des groupes de travail pourront se mettre en place à la Haute autorité de santé.

Depuis la loi de 2016, le droit d'effectuer des IVG instrumentales a été élargi aux centres de santé : des médecins généralistes peuvent donc pratiquer ces IVG. La Haute autorité de santé vient de publier ses recommandations, c'est-à-dire le cahier des charges à respecter pour pouvoir pratiquer ces IVG en centre de santé. Cela devrait en faciliter l'accès. Ce dispositif monte en puissance doucement, puisque la Haute autorité de santé n'a rendu son avis que le 17 août 2018. Je pense qu'il vaut mieux accompagner les centres de santé et les médecins pour développer cette offre. Concernant les sages-femmes, seuls les spécialistes peuvent dire si c'est faisable ou non, dangereux ou non. L'objectif reste tout de même aussi la sécurité des femmes.

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Je donne la parole à Sophie Auconie et à Guillaume Gouffier-Cha à propos de leur mission sur la fiscalité des pensions alimentaires.

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Nous allons aborder, avec ma collègue Sophie Auconie, un autre sujet important qui trop longtemps est resté en dehors du débat public et qui, aujourd'hui, est central dans les débats, tant ce public rencontre des difficultés, des injustices et doit faire face à des inégalités ; c'est le sujet des familles monoparentales. On sait que 85 % d'entre elles ont à leur tête des femmes, dont une grande partie sont sous le seuil de pauvreté et sont touchées par des inégalités très fortes. Les études de l'Insee montrent que la séparation entraîne aujourd'hui une perte de pouvoir d'achat de 20 % pour les femmes, quand elle entraîne une hausse de 3 % du pouvoir d'achat pour les hommes.

Depuis deux ans, nous multiplions les travaux à travers les différents textes législatifs sur les familles monoparentales. Suite au Grand débat, suite également aux échanges que nous avions pu avoir sur le projet de loi justice, nous avons décidé de lancer une mission dont les conclusions seront présentées le 23 juillet prochain – sur le régime fiscal des pensions alimentaires, et tout particulièrement celui applicable à la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. La première question concerne la garantie qui va être instaurée et que vous avez évoquée tout à l'heure : quels en seront le calendrier et le périmètre ? Je crois que vous disiez qu'elle jouerait dans les cas où un juge serait saisi ou quand il y aurait un impayé. Faudrait-il une action de la personne lésée ?

Lors de nos premières auditions, des experts nous ont signalé qu'il fallait faire attention aux effets de bord : le fait de réparer l'impayé pourrait entraîner, via les effets de seuil, la perte ou la baisse d'aides sociales pour les familles, pour la femme en situation de monoparentalité, et les exclure d'un certain nombre de dispositifs, au risque de les appauvrir. Avez-vous eu ces réflexions ? Comment limiter ou empêcher ces effets de bord ?

Deuxième question, plus générale : menez-vous des réflexions en vue d'améliorer le quotidien des familles monoparentales, via des dispositifs sociaux et fiscaux ?

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Ma question porte sur cette actualité dramatique que sont les féminicides, plus précisément sur ce qui concerne votre ministère. Marie-Pierre Rixain et moi-même avons eu l'occasion de visiter à Bordeaux le centre d'accueil d'urgence des victimes d'agressions (CAUVA). Visiblement, il correspond aux attentes des victimes de violences sexuelles et sexistes et d'agressions en général. Grâce à l'action de ce centre, on enregistre neuf dépôts de plaintes sur dix cas à Bordeaux, contre un sur dix dans toute la France.

Ce centre se trouve dans l'hôpital. Une convention signée entre les ministères de la Santé, de la Justice et de l'Intérieur permet à un médecin de recueillir la parole et la preuve. Elle autorise aussi le CAUVA à stocker ces preuves et les paroles recueillies pendant trois ans, ce qui laisse à la victime le temps d'organiser l'éloignement de son conjoint sans le sensibiliser au fait qu'elle va porter plainte.

Aujourd'hui, parce que nous avons incité les femmes à parler, à aller dans les commissariats et à porter plainte, sans pour autant assurer leur protection, le nombre de féminicides a doublé par rapport aux années précédentes : quand les femmes rentrent chez elles et que le mari ou le compagnon est appelé au commissariat, les lendemains sont souvent dramatiques. Pour soixante-seize d'entre elles, les lendemains ont été dramatiques. Je pense qu'une meilleure organisation de l'accueil de ces victimes, permettrait d'en protéger quelques-unes… Pour moi, c'est une priorité. Qu'en pensez-vous ?

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Je serai très attentive aux conclusions de la mission sur le régime des pensions alimentaires.

S'agissant de l'impact fiscal des pensions alimentaires, vous le savez, le débiteur les déduits de ses revenus et le créancier, c'est-à-dire la femme en général, doit les déclarer. Ce système est a priori justifié, parce que cela correspond à notre système fiscal, qui veut que les ressources d'un foyer soient imposées au niveau du foyer. À défaut, il y aurait inégalité de traitement entre les foyers. Par exemple une famille recomposée et une famille non recomposée, disposant du même niveau de ressources, pourraient avoir des niveaux d'imposition différents du fait du traitement dérogatoire des pensions alimentaires.

Certes, il nous faut résorber les inégalités de pouvoir d'achat, mais nous ne pensons pas que la piste fiscale soit la bonne car elle aurait trop d'effets de bord. Mais nous attendons évidemment les conclusions de la mission.

Nous avons travaillé à augmenter les revenus des familles monoparentales, notamment les plus en difficultés. C'est ce que j'ai proposé et que vous avez voté, dans le PLFSS 2018, puisque j'ai augmenté de 30 % l'allocation de soutien familial (ASF) et de 30 % le complément du mode de garde pour les familles monoparentales. Nous avons également mis en place l'équivalent d'un tiers payant pour l'aide à la garde d'enfants, ce qui évite aux familles d'avancer les frais et de manquer ainsi de trésorerie. Ces mesures financières d'accompagnement des familles monoparentales ont été la première action que j'ai menée en arrivant au ministère. Maintenant, j'attends le travail qui est en cours avec Marlène Schiappa et Christelle Dubos pour voir comment nous pourrions aider ces familles tout au long de leur trajectoire, notamment au moment de la séparation souvent très difficile à surmonter et qui entraîne un déclassement extrêmement brutal.

S'agissant du dispositif relatif à la garantie des pensions alimentaires, nous faisons tout pour que les CAF soient opérationnelles au 1er juin 2020. Nous avons prévu un dispositif simple, soit en cas d'impayés après un signalement à la CAF – le dossier partira alors immédiatement dans la structure – ; soit au moment du divorce, si la femme déclare craindre des impayés. Cela ne passera donc pas forcément par une saisine du juge, mais cela pourra prendre la forme d'une simple demande faite au moment du divorce, parce que l'on préjuge de difficultés à venir.

La question qui se pose, et qui se posera à l'avenir, c'est d'élargir ce dispositif à toutes les pensions alimentaires. Cela supposerait que les CAF disposent de moyens substantiels pour être en position d'intermédiaire pour la totalité des pensions alimentaires. Elles devront recruter et former du personnel. C'est la raison pour laquelle il nous faut attendre juin 2020.

Les effets de bord et les pertes d'aides sociales ont été plusieurs fois signalés. Normalement, la pension est prise en compte dans les ressources pour les aides au logement par exemple, mais tout dépend des aides. Cela pourra être revu dans le cadre de la réflexion et de la concertation sur le revenu universel d'activité. Il faudra notamment s'intéresser à l'assiette de calcul et voir comment promouvoir une redistribution évitant des différentiels de traitement entre les hommes et les femmes.

Vous m'interrogez aussi sur les violences faites aux femmes. Le CAUVA est un très bon dispositif. J'entends votre remarque sur le fait qu'on n'a pas protégé les femmes alors qu'on les a engagées à témoigner. Je pense que ce constat est très récent : on ne l'avait pas posé il y a six mois. Il faudra se reposer toutes ces questions dans le cadre du Grenelle qu'organise Marlène Schiappa avec qui nous travaillons. Il faudra notamment proposer des actions correctives à ce qui a été fait en matière de déclarations, du fait qu'on a libéré la parole des femmes. Ce que j'ai fait dans mon ministère, ne s'apparente pas exactement au CAUVA. Je m'étais engagée – lors de la réunion sur la lutte contre les violences faites aux femmes que le Président de la République a présidée à l'Élysée, en 2017 – à créer des centres d'accompagnement du psycho-traumatisme. J'ai travaillé sur les psycho-traumas post-attentats, post-événements accidentels, mais également liés à des violences conjugales, psycho-traumas des enfants… J'ai totalement tenu la feuille de route qui m'était assignée fin 2017 : nous avons créé, à Lille, un centre de ressources national qui a été financé à la suite d'un appel à projets, avec une équipe médico-judiciaire qui met en place les bonnes pratiques de recueil de la parole, qui instruit les cas et qui prend en charge les femmes pour leur suivi psychologique post-traumatique. Nous avons en outre créé, suite également à un appel à projets, dix centres de psycho-traumatisme dont la mission est de créer des réseaux dans tous les hôpitaux, dans tous les services d'urgence, de travailler sur les bonnes pratiques et de les diffuser dans leur réseau. On ne pourra pas financer une structure de psycho-traumatisme médico-judiciaire dans chacun des six cents services d'urgence de France aujourd'hui. En revanche, il est nécessaire que les médecins urgentistes soient formés à la fois au recueil de la parole, aux bonnes pratiques, à l'accompagnement, qu'ils connaissent les lieux d'orientation des femmes, les lieux d'hébergement, etc. Ces dix centres travaillent à la création d'un réseau régional et le centre de ressources nationales fournira le guide des bonnes. Tout ça se met en place : les dix centres ont été créés et financés pour une dizaine de millions d'euros à la fin de l'année 2018 ; on pourra en faire un premier bilan à la fin de l'année 2019.

Une mission conjointe de l'Inspection générale des services judiciaires, de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'administration a par ailleurs été lancée au début du mois de juin par ces trois ministères et celui de Marlène Schiappa pour régler la question de la procédure judiciaire de déclaration. Il nous a semblé qu'il n'appartenait pas au ministère de la Santé de réfléchir seul à la charge d'une déclaration pour la justice. Pour autant, comme cela se fait souvent à l'hôpital, la conclusion de cette triple mission va nous aider à proposer un schéma cible, qui sera repris lors du Grenelle qu'organise qu'organisera Marlène Schiappa en septembre.

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Je souhaitais également aborder la question des féminicides et plus particulièrement l'alerte lancée par un collectif de féministes la semaine dernière dans une tribune qui évoquait, à votre destination, l'idée de mener, à l'hôpital, un plan de détection systématique pour que les femmes victimes de violences au sein du couple soient mieux prises en charge. Vous venez d'apporter un certain nombre de réponses à cette question très précise et le Grenelle sera l'occasion d'avancer plus en détail. Je pense qu'il y a une prise de conscience générale et qu'il faut véritablement qu'on se mobilise tous pour lutter contre les féminicides.

Par ailleurs, les annonces qui ont été faites à l'issue du Grand débat sont très positives, très ambitieuses, et je crois qu'elles vont apporter véritablement des solutions concrètes pour les femmes qui aujourd'hui encore ont des difficultés à percevoir les pensions alimentaires. J'étais présente la semaine dernière dans la CAF de ma circonscription pour évoquer ce sujet ainsi que cette grande avancée qu'est la prime d'activité. J'ai compris à cette occasion que toutes les antennes CAF ne disposaient pas de personnes formées spécifiquement à l'accueil des familles monoparentales et aux dispositifs à leur attention. Une formation sera-t-elle dispensée aux agents ? Un dispositif sera-t-il déployé dans les maisons France services annoncées par le Président de la République ?

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Le 19 mars dernier, un article paru dans Le Nouvel Observateur a mis en lumière la situation inquiétante des femmes en prison qui ont recours à des moyens de fortune, parfois au péril de leur santé, pour pallier l'accès restreint aux protections hygiéniques, souvent trop onéreuses ou de mauvaise qualité. Certes, depuis 1985, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place pour les personnes arrivant en détention un kit comprenant des produits d'hygiène, dont des serviettes hygiéniques pour les femmes. Cependant, l'enquête du magazine a montré que les modalités d'accès à ces protections hygiéniques sont extrêmement variables d'un établissement à un autre. Par exemple, la prison des femmes de Rennes, dans mon département, et la maison d'arrêt de Lille-Seclin revendent les produits d'hygiène au prix d'achat tandis que la maison d'arrêt de Nice pratique des prix 30 à 60 % plus élevés, invoquant des coûts de livraison ou des frais de gestion.

Je rappelle que la France a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'Homme et par la justice française pour atteinte à la dignité humaine. En matière de protection hygiénique, cette exigence de dignité représente un coût infime pour les pouvoirs publics. En effet, au 1er janvier 2016, d'après le ministère de la Justice, les femmes représentaient 3,5 % des détenus, soit une population de 3 000 femmes. Le coût annuel de ces protections est donc estimé, au total, autour de 200 000 euros. La direction de l'administration pénitentiaire doit prochainement rendre le rapport du groupe de travail qui s'interroge, depuis en mai dernier, sur la pertinence du choix et de la liste des produits des produits de « cantine » pour l'ensemble des femmes détenues.

Si le sujet concerne au premier chef le ministère de la Justice, il semble nécessaire que les services de votre ministère apportent aussi leur expertise, notamment pour promouvoir plusieurs pistes de travail, telles que l'ajout de coupes menstruelles à la liste des produits en milieux pénitentiaires ou la mise à disposition gratuite de serviettes et de tampons hygiéniques bios. Les protections hygiéniques en milieu pénitentiaire ne sont pas du luxe : c'est une question de dignité. Albert Camus disait qu'» une société se juge à l'état de ses prisons ». Allez-vous vous engager pour assurer aux femmes détenues la dignité à laquelle elles ont droit ? Un tel engagement grandirait notre pays.

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En mars 2018, le Sénat a examiné la proposition de loi pour une revalorisation à 85 % du smic des retraites agricoles, de nos collègues André Chassaigne et Huguette Bello, qui avait été votée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale en 2017. Le Gouvernement a demandé au Sénat un vote bloqué. Lors de la discussion générale, vous aviez déclaré que « le Gouvernement ne refuse pas de prendre en compte la situation particulière des retraités agricoles, mais il considère que les conditions qui le permettraient ne sont pas réunies et que légiférer aujourd'hui serait prématuré. Il s'agit d'examiner ce coup de pouce dans la réforme globale des retraites qui doit être finalisée à l'été 2019. » Vous connaissez pourtant la situation de certaines femmes agricultrices ou conjointes d'exploitants qui, faute d'avoir bénéficié d'un statut protecteur, perçoivent des revenus dérisoires à la retraite et dépendent parfois totalement des revenus de leur mari.

Avec ma collègue Jacqueline Dubois, nous souhaitons que la situation financière parfois dramatique de ces femmes soit enfin prise en compte. Nous avons rencontré M. Jean-Paul Delevoye, qui a fait preuve d'une grande écoute, tout en soulignant la difficulté à traiter, dans la future réforme de la situation des femmes déjà en retraite. Il serait toutefois difficilement compréhensible que nous ne tenions pas nos engagements. Je rappelle que sont concernées des femmes déjà en retraite ou en fin de vie professionnelle, tandis que les jeunes générations d'agricultrices exercent sous des statuts protecteurs – c'est mon cas, puisque je détiens à moitié avec mon mari une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) –, même si nous devons continuer à faire de la pédagogie pour qu'elles s'associent le plus possible à parts égales.

Confirmez-vous que la future réforme ne permettra pas d'apporter une réponse à ces femmes ? Quels pourraient être dès lors les leviers d'action afin de garantir à ces femmes un revenu décent pour leur retraite ?

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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

À propos des violences faites aux femmes, nous avons, dans le cadre de la loi Santé, beaucoup discuté avec les députés et sénateurs de ce qui devait figurer dans l'enseignement des professionnels de santé, notamment des médecins. Un grand nombre d'amendements visaient à rendre tel ou tel sujet prioritaire dans cet enseignement. Plutôt que d'inscrire dans la loi la totalité de sujets comme la formation au handicap, à la vulnérabilité, à la violence faite aux enfants, à la violence faite aux femmes, à l'endométriose, etc., au risque d'en oublier certains, nous avons pris l'engagement, avec Frédérique Vidal, d'écrire aux doyens de médecine en dressant la liste des demandes des parlementaires. Et comme je l'ai indiqué, les violences faites aux femmes font partie de cette liste.

Plusieurs dispositifs visent l'accueil des familles monoparentales. L'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA) sera installée dans quelques CAF – il n'est évidemment pas possible de le faire dans toutes –, afin de professionnaliser les équipes, le recouvrement des pensions alimentaires, en particulier, étant un dispositif très complexe.

Les agents des CAF sont formés pour accompagner les parents en cas de séparation et un parcours spécifique est expérimenté dans certaines caisses. Les travailleurs sociaux des CAF sont en train de se spécialiser sur la question de la séparation. Nous avions bien pointé du doigt, avec Christelle Dubos, que la séparation est un moment crucial devant lequel il faut mieux accompagner les femmes, leur donner plus d'informations sur leurs droits et veiller à ce qu'elles ne « décrochent » pas.

Nicole Belloubet et Christelle Dubos ont travaillé sur le droit des femmes en prison et annoncé, le 2 juillet, une feuille de route sur trois ans, qui vise à améliorer la santé des personnes placées sous main de justice, notamment des femmes, et fixe différentes priorités. Des groupes de travail existent et la question de l'accès aux protections hygiéniques peut être traitée dans le cadre de cette feuille de route sur la santé et l'accès aux soins. Je leur ferai part de votre remarque très justifiée.

S'agissant des retraites agricoles, une première étape a été franchie pour le droit des femmes agricultrices avec le congé de maternité puisqu'un décret a été publié le mois dernier à ce sujet. Le travail doit se poursuivre, avec Jean-Paul Delevoye, dans le cadre de la réforme des retraites, sur les droits des femmes qui prendront leur retraite. Vous avez raison, celles qui sont déjà pensionnées ne seront logiquement pas concernées. Nous avons observé – et nous en avons beaucoup discuté avec les organisations syndicales d'agriculteurs – que très peu d'agriculteurs ont recours à l'Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Il y a une méconnaissance du fait que l'outil professionnel est préservé lors de la reprise sur succession et beaucoup ont peur de perdre leur outil. Or avec l'ASPA, il est clairement spécifié que l'agriculteur ou l'agricultrice peut transmettre l'outil agricole aux générations futures. En réalité, le minimum vieillesse est clairement accessible à ces femmes. Une des voies pour résoudre ces difficultés est donc l'information.

Enfin, je rappelle que dans le cadre de la réforme des retraites, nous nous organisons pour qu'un minimum contributif, à hauteur de 85 % du SMIC, soit accessible à tout le monde : c'était la promesse du Président de la République.

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Merci Mme la ministre pour l'ensemble de vos réponses à la fois très franches et très précises, qui nous permettent également d'avoir une vision sur l'ensemble des chantiers qui sont les vôtres.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu'à l'occasion des 20 ans de la Délégation, deux podcasts seront enregistrés ce vendredi à l'Assemblée nationale. À 17 heures, nous accueillerons Lauren Bastide pour La Poudre et, à 19 heures, Siham Jibril pour Génération XX.

La séance est levée à 17 heures 55.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Sophie Auconie, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Pierre Cabaré, M. Luc Carvounas, Mme Annie Chapelier, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, M. Gaël Le Bohec, Mme Nicole Le Peih, M. Thomas Mesnier, Mme Cécile Muschotti, Mme Sophie Panonacle, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laëtitia Romeiro Dias

Excusés. - Mme Bérangère Couillard, Mme Laurence Trastour-Isnart