Je voudrais adresser des remerciements aux orateurs car le travail a été très approfondi dans chacun des groupes.
Je répondrai d'abord à Mme Buffet, car ses propos sont extrêmement importants. Nous avons eu l'occasion d'évoquer ces sujets en première lecture et nous devons nous interroger sur l'esprit et la lettre du texte. Pour ce qui est de la rémunération au clic, le texte prévoit clairement que l'audience n'est pas le seul critère d'attribution des droits voisins. Pour ce qui est de la future négociation entre la presse et les GAFA, le législateur avait à l'esprit la justice plus que la technique. Une négociation globale qui, partant de toutes les sources de rémunération des GAFA dans l'exploitation du travail de la presse, aboutirait à une répartition des droits voisins sous la forme d'un montant forfaitaire qui pourrait être un pourcentage des revenus issus de l'exploitation de la presse, serait largement préférable à une sorte d'énorme moteur technique par lequel la rémunération serait définie clic après clic. Cela correspond à la lettre du texte et à l'esprit du législateur ; il est utile de le rappeler, compte tenu de la force des travaux parlementaires dans une interprétation, en cas de contentieux ultérieurs.
La valeur ne tient pas seulement au clic et à la consultation. Lorsque les journalistes écrivent, que les articles de presse sont médiatisés par le biais de plateformes ou d'agrégateurs, la valeur est créée par l'article lui-même, mais aussi par son exploitation et le profilage des consommateurs dont sont friands les GAFA, car ils peuvent ainsi mieux vendre une publicité mieux ciblée.
Ce point est fondamental pour protéger certains opérateurs du monde de la presse qui sont petits mais néanmoins importants. Surtout, ne travailler qu'au clic serait donner raison à tous les représentants des intérêts des GAFA qui voudraient réduire la définition du droit voisin au seul critère de l'audience. Le législateur ne s'arrête pas à l'audience ; il tient compte de l'exploitation des contenus par les GAFA, à laquelle il conviendra d'ailleurs de continuer à poser des limites au cours des années à venir. Voilà ce que je voulais dire pour répondre à notre collègue Marie-George Buffet et pour préciser ce que doit être notre démarche. J'espère que nous pourrons nous retrouver en séance pour approuver le texte dans cet esprit.
Je remercie Béatrice Descamps d'avoir rappelé le libre choix de la gestion collective, ce qui répond en partie à une des réticences de Marie-George Buffet. Nous avons laissé cette possibilité. Précisons que plus la presse sera unie, et mieux elle pourra négocier. C'est valable aussi pour de petits opérateurs qui craignent d'être écrasés par les gros. Au moins dans un premier temps, il faut que tous les opérateurs de presse se mettent ensemble pour pouvoir résister à la puissance des GAFA.
Je remercie Sylvie Tolmont dont je partage tout à fait l'analyse sur la photographie et l'audiovisuel, tout en maintenant que nous prendrions un risque juridique en faisant figurer un délai de cinquante ans dans une transposition de directive qui prévoit une période de deux ans… Cela étant, comme je le lui ai dit en première lecture, je pense que nous y reviendrons au cours des années à venir.
Je remercie Laurent Garcia d'avoir parlé de concorde. C'est bien l'état d'esprit qui a prévalu dans tous les groupes car nous devons, nous aussi, afficher le visage le plus uni possible pour montrer que nous défendons la presse dans cette époque de bouleversement numérique. Virginie Duby-Muller, que je remercie également, a d'ailleurs utilisé ces mêmes mots. Nous devons absolument défendre la place, prépondérante, de la presse dans notre démocratie.
Je remercie Fannette Charvier pour tout le travail qu'elle avait déjà réalisé sur ce très lourd dossier et pour avoir rappelé aujourd'hui que le texte est attendu et désormais solide. Un texte solide parce que notre objectif principal était d'éviter qu'il ne crée de lourds contentieux à l'avenir – d'aucuns pourraient s'insinuer dans n'importe quel pli incertain de la loi ; un texte attendu, ce qui doit tous nous conduire à nous sentir honorés que la France puisse devenir le premier pays à transposer la directive européenne.
Pour terminer, je formerai un voeu. La semaine prochaine, nous aurons l'occasion de voter sur ce texte dans l'hémicycle, dans le cadre d'une procédure simplifiée que nous avons sollicitée ; mon voeu serait que le monde de la presse et celui des GAFA, sans attendre la fin de l'été, ouvrent des négociations et se retrouvent autour de la table pour un premier « round » non pas d'observation mais de négociation. Ce serait un signe très positif du côté de la presse qui montrerait ainsi qu'elle sait s'organiser. Elle a d'ailleurs commencé à le faire dans le respect des différences et dans le pluralisme : presse nationale ou régionale, presse généraliste ou spécialisée. Ce serait également un signe positif du côté des GAFA qui pourraient ainsi montrer qu'ils ont compris qu'en démocratie, la presse n'est pas un produit comme les autres.