Intervention de Christophe Castaner

Réunion du mardi 16 juillet 2019 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

Nous le remplaçons par une personne de qualité, même si je sais que vous regrettez le préfet actuel. Nous l'avons nommé pour remettre de l'ordre – et je crois qu'il l'a fait – parce qu'il était nécessaire que l'administration de l'État soit plus performante pour accompagner Mayotte dans toutes les difficultés qu'elle connaît. J'ai commencé ma réponse en évoquant les moyens supplémentaires que d'autres départements pourraient contester, en tout cas s'agissant de l'arbitrage rendu, et vous jalouser, mais la réalité est que nous en avons besoin compte tenu des difficultés de Mayotte.

Je passe à la question de M. Rebeyrotte sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Il y a un combat à mener pour préserver notre modèle de sécurité civile. Nous sommes tous, tous courants politiques confondus, d'accord sur ce sujet. La difficulté est simple : la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, dans son arrêt « Matzak », que l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire devait être considéré comme du temps de travail et que, si cette personne a une activité professionnelle, il faut cumuler les deux temps, ce qui fait que l'on déroge au temps de travail maximal dans notre pays. Nous menons un combat sur deux fronts.

D'abord, nous avons tenté de ne pas faire appliquer la directive européenne. L'actuel président de la Commission européenne a répondu en détail à Gérard Larcher sur ce sujet, et nous savons que nous n'aurons pas nécessairement gain de cause. Nous sommes donc en train d'utiliser la totalité des dérogations que la directive permet. C'est le premier chantier. L'Europe fonctionne souvent de cette manière : elle pose un principe, mais elle offre aussi la possibilité de l'adapter. Je pense que l'on peut régler entre 90 et 95 % des cas de cette manière.

Même si nous attendons l'installation de la nouvelle Commission et du nouveau Parlement, nous menons de front une initiative européenne sur l'engagement, afin que celui-ci soit reconnu. Cela dépasse largement la question des sapeurs-pompiers, mais si nous arrivons à faire valider le principe de l'engagement, on pourra considérer qu'il ne s'agit pas d'un temps de travail, ce qui réglera notre problème. C'est un combat que nous menons avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers volontaires, mais qui n'est pas forcément partagé par les syndicats de sapeurs-pompiers professionnels. Notre modèle de sécurité civile repose sur un équilibre entre ces deux dimensions de l'intervention et il faut absolument le préserver, selon moi. Nous y travaillons.

Il y a eu, madame Moutchou, une inquiétude qui a pu faire naître une polémique. Or je pense qu'il ne faut ni inquiétude ni polémique sur le sujet que vous avez évoqué. Le décret du 23 mai 2018 autorise les traitements de données à caractère personnel dénommés HOPSYWEB, qui sont gérés par les agences régionales de santé (ARS). Il arrive qu'une personne soit inscrite dans deux fichiers : HOPSYWEB, qui concerne les personnes hospitalisées dans un établissement psychiatrique sans leur consentement, et le FSPRT, dans lequel figurent des personnes suivies au titre de la radicalisation. L'objectif est qu'il y ait une information lorsqu'une personne cumule une inscription dans ces deux fichiers, et non d'avoir des échanges sur tous les sujets. Si une personne est à la fois hospitalisée dans un établissement psychiatrique sans son consentement et qu'elle fait l'objet d'un suivi au titre de la radicalisation, nous pensons qu'il est utile de le savoir – mais pas de communiquer sur ce sujet.

Il ne s'agit pas que ceux qui gèrent le FSPRT – le ministère de l'Intérieur, pour faire simple – aient accès au dossier médical, ni que les ARS aient accès au FSPRT, mais que l'autorité préfectorale, qui n'a pas accès à HOPSYWEB et à son contenu, puisse savoir, sans remise en cause du secret professionnel et tout en respectant le secret médical, qu'une personne est à la fois hospitalisée dans les conditions que j'ai décrites et qu'elle figure dans le FSPRT. Le décret que j'ai proposé, avec Agnès Buzyn, prévoit simplement que l'autorité préfectorale soit informée du lieu d'admission de la personne en soins psychiatriques. L'idée est d'avoir un système d'alerte. Je sais que l'on touche à une dimension un peu sacrée, celle du secret médical, et je voudrais donc rassurer ceux qui suivent cette audition. L'objectif n'est en aucun cas que les préfets puissent communiquer sur le fait que la personne concernée est inscrite au FSPRT. Ils n'appelleront pas le maire de la commune ou le directeur de l'établissement pour l'informer, mais on saura ce qu'il en est. Si l'on apprend, par exemple, que la personne s'est enfuie de l'établissement, l'alerte aura alors une dimension différente.

Les enjeux de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme impliquent que l'on garantisse les libertés individuelles mais aussi que l'on donne à celles et ceux qui nous protègent les moyens d'être informés pour agir au mieux. Le ministère de l'Intérieur n'est pas hypersécuritaire et attentatoire aux libertés publiques. Je sais que ceux qui n'ont pas assisté à la totalité de nos échanges, parce qu'ils sont partis juste après avoir posé leurs questions, le pensent. On aurait peut-être pu les rassurer s'ils étaient restés, mais ils n'en ont sans doute pas besoin, puisqu'ils savent… Il ne faut pas penser, ne serait-ce qu'une seconde, qu'il y aurait une menace ou une volonté d'attenter aux libertés. Il y aura simplement une alerte en cas de problème. On peut débattre de cette question, mais s'il y a un attentat et que l'on a laissé passer une alerte, je sais que les Français nous le reprocheront, à juste titre, et que ceux qui nous ont quittés ce soir seront les premiers à nous en faire le procès.

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