La réunion débute à 16 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission auditionne M. Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur.
Mes chers collègues, lors de sa réunion du mercredi 19 juin dernier, le bureau de la commission des Lois a souhaité que nous puissions entendre, avant l'interruption des travaux, les ministres de l'Intérieur et de la Justice afin de faire le point sur les actions menées jusqu'à présent et définir des priorités pour la suite. L'engagement est tenu : vous êtes devant nous, monsieur le ministre de l'Intérieur, et je vous en remercie ; Mme la garde des Sceaux sera à votre place la semaine prochaine.
Les sujets à aborder, qui marqueront de leur empreinte l'acte II du quinquennat, sont nombreux.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé que vous engageriez, dès cet été, la rédaction d'un Livre blanc sur la sécurité intérieure ainsi que celle d'une loi de programmation. Cette dernière est très attendue par nos forces de sécurité intérieure. Vous nous direz, je pense, où en est ce chantier, et quelle méthodologie vous avez retenue pour avancer.
Sans doute traiterez-vous, dans ce cadre, la question des moyens de la police et de la gendarmerie, que la commission d'enquête sur les forces de sécurité, excellemment présidée par notre collègue Jean-Michel Fauvergue et à laquelle ont participé des députés de toutes les commissions – celle des lois étant représentée par Alice Thourot, Ugo Bernalicis, Jean-François Eliaou, Jean-Michel Mis, Stéphane Peu, Bruno Questel et Marietta Karamanli –, a attentivement examinée.
S'agissant de la lutte contre le terrorisme, nous n'oublions pas qu'à la fin de l'année prochaine se posera la question du renouvellement des outils mis en place par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017, dite SILT, outils dont, avec Raphaël Gauvain et Éric Ciotti, nous contrôlons la mise en oeuvre – nous nous sommes encore réunis à ce propos la semaine dernière.
S'agissant du renseignement, la loi du 24 juillet 2015 a permis de mieux encadrer le recours aux techniques mises en oeuvre et de mieux contrôler les activités des services. Vous pourrez nous en dire plus sur les évolutions législatives envisagées quatre ans après l'adoption de cette loi.
En ce qui concerne la gestion des flux migratoires, nous avons rendez-vous à la rentrée puisque les orientations de la politique d'asile et d'immigration donneront lieu à un débat au mois de septembre.
La question de la laïcité, celle du respect des cultes de manière générale, est également susceptible de susciter des questions.
Ainsi, les sujets sont nombreux. Mme Annie Genevard, qui nous a saisis d'une demande de mission d'information, vous interrogera sans doute aussi sur les actes antichrétiens.
Je vous invite à prendre la parole pour un propos liminaire, après quoi les commissaires aux lois vous interrogerons.
En principe, une telle rencontre est l'occasion d'un bilan, mais je note que vous envisagez la suite de la législature jusqu'au terme de celle-ci. Il me sera difficile de m'engager sur la totalité des points que vous avez évoqués, mais je pourrai toujours vous livrer l'état de la réflexion du Gouvernement, et nous pourrons ensuite revenir devant vous en fonction de l'avancement de nos travaux.
Permettez-moi, tout d'abord, de dresser le bilan des deux années écoulées.
Ce gouvernement est donc aux responsabilités depuis deux ans et j'ai moi-même l'honneur d'être ministre de l'Intérieur depuis neuf mois, avec M. le secrétaire d'État Laurent Nunez à mes côtés – mais aujourd'hui en déplacement en Provence.
C'est un moment approprié pour faire un bilan de l'action du Gouvernement au sujet des protections – je préfère cette expression à celle de sécurités, le champ de compétences du ministère comportant aussi des questions de citoyenneté et de sécurité civile. Nous savons de quelle actualité sont les enjeux de la gestion des incendies. Hier, dans trois départements de l'ancienne région Languedoc-Roussillon, ce sont quatorze feux qui ont été combattus par vingt avions, qui ont volé 130 heures ; cela montre l'importance d'une sécurité civile que l'on oublie trop souvent. J'ai eu l'honneur, vendredi dernier, d'être présent au baptême du premier avion Dash livré, qui a défilé le 14 juillet au-dessus des Champs-Élysées, le premier d'une série de six. Nous mesurons l'importance de nos soldats du feu aériens, qui mènent un combat dans des territoires aujourd'hui trop secs et venteux.
Le premier défi auquel est confronté le ministère, c'est le défi des moyens – en particulier ceux de nos forces de police et de gendarmerie.
La période 2007-2012 a été marquée, chacun le conserve à l'esprit, par la suppression de 12 519 postes de policiers et de gendarmes. Cela a laissé des traces, même si la précédente majorité a essayé d'y remédier à partir de 2015, avec un plan de recrutement, mouvement que le Gouvernement, en lien avec la majorité actuelle, a amplifié. Dès le début du mandat, et conformément aux engagements pris par le candidat devenu Président de la République, le Gouvernement a entamé une montée en puissance du ministère de l'Intérieur et de nos forces de l'ordre. Notre but est clair : mettre derrière nous l'inconséquence de certains et rendre à nos policiers et nos gendarmes les moyens d'agir.
Le budget 2018 a été la première illustration significative de cet engagement du Président de la République, avec une augmentation nette des crédits de la mission « Sécurités », de 1,5 % par rapport à 2017 ; cela représente tout de même 206 millions d'euros. Cette augmentation fut encore accentuée en loi de finances pour l'année 2019, avec une croissance de 344 millions d'euros des crédits, soit une hausse de 2,6 %.
Parallèlement, nous avons lancé le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes ; 2 000 postes ont été créés, comme prévu, en 2018, et 2 500 le sont cette année – je parle bien de créations nettes d'emplois, pas simplement de recrutements pour compenser les départs à la retraite, bien plus nombreux.
Pour ces forces de l'ordre, il fallait aussi des équipements à la hauteur. C'était l'une des carences du plan de 2015, qui n'avait pas lié recrutements et équipements. Aujourd'hui, des équipements sont systématiquement votés en crédits budgétaires et cela se traduit concrètement. Des protections nouvelles, des tablettes NEO, des caméras-piétons ont été livrées. Si je ne dois vous donner qu'un exemple, ce sera celui des 6 000 véhicules neufs commandés en 2018 et des 5 800 véhicules programmés et budgétés en 2019. C'est le double des achats de 2012, pourtant déjà supérieurs à ceux des années antérieures.
Les moyens supplémentaires sont importants – et le rôle du Parlement est aussi d'en contrôler l'usage et la bonne affectation –, mais, ce qui compte, c'est le cap, que je définis ainsi : forger la sécurité du XXIe siècle, une sécurité adaptée aux nouveaux usages comme aux menaces persistantes.
Parmi les menaces figure, évidemment, la menace terroriste, que vous avez évoquée, madame la présidente. Depuis 2015, personne n'a baissé les bras. Le Gouvernement s'est emparé de la question dès le début de la législature. La loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a amélioré le suivi des individus dangereux et les capacités d'enquêtes, elle permet également de fermer les lieux de cultes qui se transformeraient en incubateurs de haine. Notre vigilance est permanente.
Il me paraît également important de souligner la volonté du Président de la République de renforcer le renseignement et d'affirmer – petite révolution d'une grande efficacité – le rôle de chef de file de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) dans la lutte contre le terrorisme. Rappelons aussi la création que vous avez votée, mesdames et messieurs les députés, de 1 900 postes dans le renseignement avant la fin du mandat.
En amont, nous menons une lutte renforcée contre la radicalisation, en lui consacrant 29 millions d'euros par an et en améliorant notre partenariat avec les maires.
Notre vigilance est totale. La propagande de Daech continue à susurrer la haine. Ne croyons pas que le risque est derrière nous : il demeure présent. Certes, il est devenu moins exogène et plus endogène qu'au cours des années précédentes, mais, l'attentat de Lyon nous l'a rappelé, le terrorisme peut encore frapper. Il est donc hors de question de baisser la garde et nos moyens sont pleinement mobilisés.
Nous nous sommes saisis également de la question de la sécurité de tous les jours pour les Français. Nous avons lancé, au mois de février 2018, la police de sécurité du quotidien, dont je résumerai ainsi l'objet : une sécurité sur mesure et une sécurité du lien. Le sur-mesure, c'est affirmer qu'il faut bâtir une sécurité qui s'adapte à chaque territoire et chaque type de criminalité. C'est laisser des marges de manoeuvre au terrain, c'est bâtir des stratégies locales de sécurité adaptée. Quant au lien, c'est le lien avec les habitants, c'est permettre aux policiers et aux gendarmes de renouer pleinement avec l'essence de leur engagement : le terrain, le contact avec les populations. C'est aussi le lien avec tous les acteurs de la sécurité. Je pense évidemment aux polices municipales – j'ai réuni, mardi dernier, avec son président Christian Estrosi, la commission nationale des polices municipales – et aux acteurs privés, dont le rôle est réel. Plus largement encore, je pense aux bailleurs sociaux, aux services sociaux, à la justice, à l'éducation nationale, aux associations de quartier, nos associations culturelles et sportives, avec lesquelles nous devons renforcer des partenariats, bâtir des liens réels et solides – ce que vos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot appellent le « continuum de sécurité ».
Depuis un an et demi, cette police de sécurité du quotidien se met en place. Les initiatives sont multiples et diverses. Chacun de mes déplacements dans les territoires me permet de constater cette capacité d'adaptation et d'invention, qui est essentielle. Il faut sortir de la logique selon laquelle il faudrait toujours plus d'effectifs et viser à des réponses adaptées, par exemple avec des modifications d'horaires et de modes de transports. Il faut aller au contact des difficultés mais aussi au contact des gens, dans tous les moments de la vie, pas simplement les moments de difficulté.
La police de sécurité du quotidien, enfin, c'est un outil de reconquête républicaine. Ce sont, évidemment, des effectifs où il en faut, là où la République est parfois concurrencée par les trafics ou la radicalisation – car, appelons un chat un chat, c'est ce qui se passe effectivement dans certains quartiers. C'est la raison pour laquelle mon prédécesseur avait identifié quinze quartiers de reconquête républicaine (QRR) l'année dernière. Des premiers résultats sont constatés, nous voulons les amplifier, en déterminant trente-deux QRR supplémentaires, moyennant une accélération du processus, l'objectif étant de parvenir à soixante quartiers au terme de la législature. Du sur-mesure, de la proximité, des moyens localisés sur le territoire… Lorsque l'on augmente de 10 à 30 les effectifs de police sur le terrain, cela se voit ; dans tous les quartiers où j'ai eu l'occasion d'aller, les élus, de toutes sensibilités politiques, sont les premiers à le souligner.
Ensuite, pour protéger les Français face aux menaces de demain, j'ai fixé des priorités : la lutte contre les stupéfiants et la lutte contre toutes les violences.
Les trafics de stupéfiants sont un mal de la décennie. Ils continuent à augmenter, à se diversifier. Ils représentent entre 3,2 et 3,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires, mais ils irriguent aussi toutes les autres formes de délinquance. Ils peuvent briser des familles et détourner durablement des jeunes de la société française où ils ont leur place.
Entre 2000 et 2017, le nombre de trafics constatés par les forces de sécurité intérieure a plus que doublé et les méthodes des dealers se sont adaptées à vitesse grand V. Je ne veux pas vous donner trop de chiffres, mais nous sommes passés de 4 500 trafics et 7 600 mis en cause en 2000 à 10 600 trafics et 14 600 mis en cause en 2017. Il faut donc nous organiser mieux pour frapper fort, pour démanteler les réseaux des pieds à la tête.
C'est pourquoi, comme l'a évoqué le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, je dévoilerai bientôt, avec Nicole Belloubet et Gérald Darmanin, un « plan stup » articulé autour de trois priorités.
La première est de réorganiser les services de lutte antidrogue pour plus de coordination et d'efficacité, car il est insupportable que tous les acteurs, alors qu'ils font un travail formidable, oeuvrent « en silo », ne se parlent pas. Le premier enjeu était de rassembler au sein du ministère de l'Intérieur les acteurs de la lutte contre le trafic de stupéfiants ; cela n'a pas été simple, mais c'est fait. Le deuxième enjeu, c'est de considérer que tous les acteurs ont une responsabilité et peuvent contribuer à une enquête globale, rompant avec notre tropisme antérieur. Il fallait saisir du volume, faire du chiffre, ce qui, selon moi, n'a pas d'intérêt. Certes, c'est spectaculaire, mais ce n'est pas forcément efficace ; c'est la filière dans sa globalité qu'il faut frapper. C'est la raison pour laquelle, sous l'autorité des procureurs, les enquêtes doivent associer l'ensemble des acteurs : douaniers, policiers, gendarmes, services de Bercy – nous devons travailler sur le front financier. Il n'est pas normal que 10 % des saisies seulement soient liées au trafic de stupéfiants. On sait bien que les montants n'ont pas de rapport. Il faut frapper au portefeuille, il faut que Bercy – le ministère de l'économie et des finances, Tracfin et d'autres acteurs – ait toute sa place dans le dispositif. Voilà pour la coordination et l'efficacité.
La deuxième priorité est de mener des actions plus ciblées et plus fortes dans les territoires les plus touchés. De grandes plateformes métropolitaines organisaient le trafic. Aujourd'hui, il est présent dans des villes intermédiaires, avec des fonctions spécifiques, et dans les petites communes, avec les dealers. Il faut vraiment travailler sur les différents niveaux territoriaux, de la cage d'escalier à l'international. Cela implique de changer notre façon de procéder.
La troisième priorité est de traduire en justice plus efficacement ceux qui vivent des trafics de drogues, en recourant à toute la panoplie des sanctions, y compris les saisies immobilières et les saisies financières.
Ensuite, je veux mettre l'accent sur la lutte contre les violences.
Il y a, évidemment, les violences organisées, qui traumatisent des quartiers entiers, comme les règlements de comptes ou les rixes ultraviolentes entre bandes rivales – l'automne dernier, deux mineurs ont perdu la vie, dans le nord-est de Paris. Il y a aussi des violences qui n'ont même plus une once de fondement. Je refuse qu'en France on puisse être « passé à tabac » pour un regard ; or c'est ce qui arrive. Il nous faut donc agir. Il n'est pas nécessaire de dramatiser ni d'hystériser, il faut simplement se battre. Ces constats nous ont amenés, dès le mois d'octobre dernier, à réactualiser le plan de lutte contre les bandes. Nous allons continuer à mener une lutte contre les bandes, et établir un plan d'action, comme l'a annoncé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, contre toutes les violences gratuites. La doctrine a déjà changé, et porte ses fruits. Nous sommes passés d'une observation des bandes, dans le cadre d'un plan élaboré en 2010, à une observation individuelle de celles et ceux qui les composent. L'objectif est un surcroît d'efficacité. Ainsi, il a été procédé à dix-sept interpellations à la suite des bagarres survenues le jour de l'inauguration de la Fête des loges, à Saint-Germain-en-Laye,
Enfin, il y a ces violences inacceptables, révoltantes, à l'encontre des femmes, en particulier les violences au sein des couples. Beaucoup a déjà été fait : plus d'un millier de policiers ont été spécialement formés et chaque groupement de gendarmerie dispose d'une brigade de protection des familles. Nous avons développé des dispositifs d'accompagnement pour les victimes et formé policiers et gendarmes pour préparer leur accueil. Nous avons lancé un plan de recrutement, notamment, de psychologues. Nous devons cependant aller encore plus loin. Certes, le nombre de femmes mortes sous les coups de leur mari a pu baisser au cours des dernières années, mais il reste beaucoup trop élevé. Un « Grenelle des violences conjugales » sera donc organisé, sous l'autorité du Premier ministre, au mois de septembre, avec des objectifs clairs et évidents. La parole doit se libérer ; c'est fait, mais cela ne suffit pas. Les victimes doivent être mieux prises en charge et séparées de leurs agresseurs. Les responsables doivent être traduits devant la justice.
Enfin, quand je parle de sécurité des Français, je parle, bien sûr, de maintenir l'ordre républicain. Nous venons de traverser, vous le savez, une crise d'une très rare intensité. N'ayons cependant pas la mémoire courte. Je relisais, il y a quelques heures, pour préparer une réunion, la lettre que le candidat Emmanuel Macron avait envoyée aux policiers de France pendant la campagne pour l'élection présidentielle. Elle commençait par ces mots : « Nous venons de traverser, vous le savez mieux que quiconque, une crise d'une rare intensité. » Je m'aperçois que j'emploie les mêmes mots devant vous, mesdames, messieurs les députés, car, depuis une dizaine d'années, les atteintes à l'ordre public s'expriment sous une forme plus radicale. Que l'on songe au sommet de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN) de Strasbourg, aux manifestations contre la loi dite El Khomri, au moment desquelles près de 200 parlementaires de la majorité avaient été victimes de différentes formes d'agression… On parle des gilets jaunes, mais des précédents restent en tête, comme certains 1er mai, ou de grands événements sportifs émaillés de violences de rue, devenues trop banales et face auxquelles nous devons nous préparer, agir, nous mobiliser.
Nous avons changé notre doctrine au mois de décembre dernier, changement amplifié, notamment, par une loi que vous avez adoptée à la suite des événements du mois de mars. Nos forces sont désormais plus mobiles, plus autonomes, plus réactives. Elles obéissent à une consigne claire : stopper immédiatement les violences et en interpeller sur-le-champ les auteurs.
Ce que je retiens de cette période, c'est que jamais la violence n'a été aussi forte, même si elle s'est banalisée au fil du temps, et jamais les institutions aussi menacées. Nous n'avions pas connu cela, des personnes, des parlementaires menacés. Les violences et les menaces se sont aggravées, les institutions ont été visées. Chacun se souvient de l'incendie de la préfecture du Puy-en-Velay, lors duquel les pompiers ont été empêchés d'intervenir, alors même que des agents de la préfecture s'y trouvaient encore. Et ce n'est malheureusement qu'un exemple parmi de nombreux autres. Tout à l'heure, en conversation téléphonique avec le préfet de l'Aude pour évoquer la lutte contre les feux qui se sont déclarés, j'avais à l'esprit ce qui s'est passé tant à la préfecture de Carcassonne qu'à la sous-préfecture de Narbonne.
En tout cas, celles et ceux qui voulaient faire tomber les institutions, celles et ceux qui voulaient faire tomber la République ont pu constater, depuis le mois de novembre dernier, que leurs efforts étaient vains. Nos forces de l'ordre ont tenu bon et, je n'ai pas peur de le dire, c'est grâce à elles que la République n'a pas plié. Je le dis avec une certaine solennité. Cela a pu échapper à certains incendiaires verbaux, et trop souvent verbeux, mais une chose est sûre : nos forces de l'ordre ont été là, et la République n'a pas plié.
Ce mouvement est une preuve supplémentaire de la nécessité d'une réponse adaptée. C'est la raison pour laquelle, après une gestion « à chaud » de la crise, nous avons lancé une révision du schéma national du maintien de l'ordre. Nous devons revoir nos méthodes de gestion, y compris la gestion du matériel. Par exemple, les engins lanceurs d'eau sont très présents en Allemagne, peu en France. Cela fait partie des questions ouvertes, et nos choix devront se traduire dans le budget que j'aurai l'honneur de vous présenter dans quelques semaines.
Cette réflexion sur le schéma national d'ordre public a été lancée et progresse bien. Vous avez, madame la présidente, désigné un parlementaire pour siéger au cours d'une journée de travaux qui y sont consacrés. Je pense qu'il serait bon, le moment venu, que je puisse, avec Laurent Nunez, venir vous présenter ce schéma.
Je veux aussi parler des conditions de travail, et des moyens nécessaires pour qu'elles soient bonnes. Le ministère de l'Intérieur doit relever de nombreux défis humains et structurels. Je pense aux enjeux d'organisation, aux heures supplémentaires, au temps de travail, à la fidélisation dans les missions et dans les régions ; rien ne serait plus dangereux que de traiter ces questions avec des solutions toutes faites et qui n'auraient pas fait l'objet d'une concertation. C'est pourquoi j'ai pris mes responsabilités et, avec Laurent Nunez, nous menons un dialogue riche avec les organisations syndicales mais aussi avec les représentants des gendarmes, qui, sous des statuts différents, sont aussi des acteurs de ce dialogue social que nous devons organiser.
Quand je parle de question humaine, je veux dire aussi un mot de la question des suicides parmi les forces de l'ordre. Chaque suicide est un drame collectif, un échec collectif. Le suicide est une question qui nous tient tous à coeur, qui me tient tout particulièrement à coeur. J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet dès ma première rencontre avec les gendarmes, lors des voeux de début d'année. J'ai annoncé l'ouverture de ce chantier important, et, au mois d'avril dernier, des mesures supplémentaires telles la création d'un numéro de téléphone disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et une vaste campagne de formation et de sensibilisation. J'ai annoncé aussi, et installé le 29 avril, une nouvelle entité : la cellule alerte prévention suicide. Son rôle n'est pas de répondre au téléphone, il est d'animer le ministère pour que, partout, on parle de la prévention du suicide. Ses membres se projettent sur les territoires, travaillent sur la question de la formation des agents, ils incarnent une pression constante de l'autorité – la mienne – pour que ce sujet ne soit jamais mis de côté.
Mesdames, messieurs les députés, tous ces défis que je viens d'évoquer montrent une menace aux mille visages et aux mille évolutions, dont nous pourrions parler pendant des heures. Nous devons y parer.
C'est parce que nous avons besoin d'un état de la menace et d'une capacité d'anticipation forte que nous allons bâtir, dès cet été, un Livre blanc de la sécurité intérieure. Il visera à poser les bonnes questions : demain, quels moyens pour quelles menaces ? Les réponses sont nettement plus compliquées que les questions… Après cette analyse en profondeur, nous pourrons construire une nouvelle loi de programmation de la sécurité intérieure définissant des orientations et les moyens adaptés. Ce texte aura pour but de graver dans le marbre de la loi la montée en puissance du ministère, dans les objectifs et les moyens financiers, et les nouveaux dispositifs nécessaires pour la protection de tous les Français. Je rappelle que les crédits du ministère ont augmenté de 1 milliard d'euros sur les deux exercices précédents, un effort qu'il faudra maintenir, je le sais, pour le budget 2020 – mais nous en reparlerons.
J'aimerais dire un mot de la sécurité routière, car nous avons agi fortement dans ce domaine ; chacun l'a évidemment en tête. Le 9 janvier 2018, à l'occasion du comité interministériel de la sécurité routière, le Premier ministre avait dévoilé dix-huit mesures pour sauver plus de vies sur la route – j'insiste sur leur nombre. Beaucoup d'entre elles sont déjà appliquées, d'autres le seront une fois le projet de loi d'orientation des mobilités promulgué. Certaines évolueront aussi à la suite de cette promulgation.
Je ne me lancerai pas dans un catalogue de ces mesures. Notre stratégie est simple : travailler en commun, accentuer notre effort pour la prévention et l'éducation, notamment des plus jeunes, et mieux sanctionner les comportements dangereux, en particulier l'alcool et le téléphone au volant.
Chacun songe à la limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure sur certaines routes. Si l'on considère ce qui s'est passé sur nos routes ces cinq dernières années, cette mesure a permis de sauver 206 vies. On peut toujours contester ces chiffres, mais alors on peut contester tous les chiffres. Pour ma part, je fais confiance à ceux qui établissent ces statistiques. Ce sont des professionnels de la route, qui n'ont qu'une ambition : non pas faire des coups de communication ni des déclarations à l'emporte-pièce, mais faire un état des lieux de l'efficacité d'un dispositif. Ce nombre de 206 vies sauvées est loin d'être négligeable. Et, sans cette vague inacceptable de dégradations et de destruction des radars, il aurait été supérieur.
Néanmoins, nous avons été sensibles à la demande de modulation de cette mesure sur le territoire et, comme vous, mesdames, messieurs les députés, nous avons décidé de ne pas remettre en cause une disposition d'initiative sénatoriale qui permettra, après différentes études, aux présidents des collectivités locales compétentes de remonter la limitation de vitesse sur certaines voies. Ils en assumeront toute la responsabilité.
Nous consacrons désormais un budget exceptionnel à la sécurité civile, à la hauteur des risques et des besoins, un budget qui nous permet notamment des livraisons de matériel importantes. J'évoquai notamment le Dash, intervenu pour la première fois hier. Ce sont six avions Dash qui permettront une montée en puissance dans la lutte contre le feu. Le Dash est le couteau suisse en la matière. Sa capacité de projection est essentielle pour préparer l'avenir : si la zone de feu est aujourd'hui le sud de la France, ce sera, en 2030, toute la France au sud de la Loire. Il nous faut donc des avions dotés d'une capacité de projection. C'est le cas du Dash, qui vole à 760 kilomètres-heure, et peut déverser du produit retardant sur une surface de 100 mètres de large sur 700 mètres de long. Or, vous le savez, une intervention au cours des dix premières minutes d'un incendie permet de le neutraliser. C'est donc à ce moment-là qu'il faut intervenir. Ces six Dash représentent un effort financier important de 380 millions d'euros, que vous avez autorisé et que nous poursuivrons. Un Dash sera livré au début de l'année prochaine, et un autre au cours de cette même année. Leur fabrication par le prestataire auquel nous les avons commandés, au Canada, a déjà commencé. Je pense que c'est aussi la meilleure façon de montrer notre soutien aux collectivités locales, à tous ces acteurs qui façonnent les paysages et qui détestent ce qui se passe aujourd'hui. Je vous rappelle qu'à cette date, la superficie brûlée depuis le début de l'année est très nettement supérieure à la totalité de la superficie brûlée au cours de toute l'année dernière, durant laquelle les feux de forêt ont été moindres : cette année, ce sont 3 300 hectares qui ont déjà brûlé.
La question de l'immigration est coeur des priorités de ce gouvernement depuis dix-huit mois, au coeur des priorités de Laurent Nunez et moi-même.
Cela se traduit par une augmentation très nette des crédits consacrés à la mission « Immigration, asile et intégration », qui, représentaient, pour l'année 2018, 1,383 milliard d'euros, en augmentation de 26 % par rapport à 2017, augmentation confirmée en loi de finances initiale 2019, avec, cette fois, une hausse de près de 25 %, soit 311 millions d'euros supplémentaires. Il importe de l'avoir à l'esprit avant de débattre de la qualité de l'accueil, de la qualité de l'intégration ou d'autres sujets.
Les enjeux financiers sont donc considérables mais paradoxaux compte tenu de la situation en Europe : alors que le phénomène de migration diminue très fortement partout sur le continent, et avec lui le nombre de réfugiés et de demandes de protection, il augmente en France. Cet élément mérite aussi d'être intégré. Les engagements financiers extrêmement lourds qu'il implique pourraient être mobilisés pour la sécurité civile, la police ou la gendarmerie, compte tenu des trois premiers points que j'ai abordés.
C'est un choix politique que nous faisons, mais que nous subissons lorsque les demandes de protection sont en très forte augmentation, alors même qu'elles ne sont pas forcément organisées comme peuvent l'être les relocalisations. Ces dernières emportent systématiquement notre choix, par exemple pour les bateaux qui accostent en Europe. Peu m'importent les commentaires politiques que l'on entend à ce propos : la France répond systématiquement présente, aide les autres pays, notamment Malte, à accueillir des demandeurs d'asile et les relocalise. Quand nous le décidons, nous savons répondre de façon généreuse ; c'est la générosité que nous devons à ceux que nous protégeons. Toutefois, nous devons garder en tête que ceux qui utilisent le chemin de la demande d'asile et de la protection alors même qu'ils savent ne pas y avoir droit commettent un détournement de fait, contre lequel il faut lutter.
Contre l'immigration irrégulière, nous devons mener le combat sur tous les fronts. Nous le faisons, d'abord, contre les filières de passeurs. En 2018, 321 de ces filières ont été démantelées, ce qui représente une augmentation significative par rapport à 2017. Près d'un millier de personnes ont été déférées et frappées de peines généralement significatives.
Ensuite, nous assumons une politique d'éloignement ferme et efficace. Cette politique fait débat, elle peut être critiquée : c'est le propre du débat politique. La loi relative à l'asile et à l'immigration a permis de raccourcir les délais d'instruction des demandes d'asile et d'allonger la durée maximale possible de la rétention, afin de rendre effective la mise en oeuvre des décisions d'éloignement. À cet égard, nous devons améliorer encore tant la rapidité de l'instruction que l'efficacité des décisions d'éloignement. Dans le même temps, les moyens consacrés aux éloignements ont été renforcés, avec 480 places supplémentaires dans les centres de rétention administrative (CRA) entre 2018 et 2020, et 2,6 millions d'euros de plus entre cette année et l'année prochaine affectés à la réfection des CRA, car ces derniers font l'objet de nombreuses dégradations, qu'il faut réparer. Quand une personne n'a pas le droit de rester en France, la placer dans un CRA est la meilleure façon d'assurer sa reconduite à la frontière ou son retour dans son pays.
Les effets de ces mesures sont visibles : en 2018, elles ont permis une augmentation du nombre d'éloignements de 13,6 % et une hausse de 10 % de celui des éloignements forcés. Au total, entre ces éloignements, les départs volontaires et les départs spontanés, ce sont plus de 30 000 étrangers en situation irrégulière qui ont quitté le territoire national en 2018, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2016.
Toutefois, comme je vous le disais, la France doit être exemplaire aussi en matière d'intégration. Nous avons renforcé le parcours civique, doublé le nombre d'heures d'enseignement de français et, cette année, augmenté de près de 50 % les crédits du ministère pour l'intégration. Nous avons aussi fortement augmenté les capacités d'accueil pour les demandeurs d'asile. Le parc est passé, depuis 2015, de 50 000 à 100 000 places. Autrement dit, il a doublé. Chacun doit avoir en tête cette réalité physique et budgétaire.
Le débat sur notre politique migratoire appartient à tous. C'est donc une bonne chose qu'un débat spécifique sur cette question se tienne à l'Assemblée nationale, fin septembre, la date exacte restant à arrêter. Il est important que nous avancions sur le sujet. Je me tiendrai à la disposition des parlementaires, et de la commission des Lois en particulier, pour le préparer. Je prendrai également l'initiative de réunir, s'ils le souhaitent, tous les présidents de groupe des deux chambres pour étudier avec eux la meilleure façon d'éviter de tomber dans certaines caricatures que le sujet est de nature à susciter.
Relever le défi des migrations nécessite de mener une campagne commune à l'échelle des États européens. C'est la raison pour laquelle je suis pleinement investi auprès de nos partenaires pour remettre à plat le système Schengen, conformément aux engagements du Président de la République. J'ouvrirai le débat sur cette question avec mes partenaires et collègues ministres de l'Intérieur européens dès demain soir, à Helsinki, pour que nous allions vite. Nous voulons à la fois plus de solidarité et des règles communes en matière d'asile, ce qui n'est pas le cas à présent : il y a de véritables anomalies d'un pays à l'autre en Europe. Nous voulons une gouvernance rénovée, un Conseil européen de l'asile et de l'immigration et une montée en puissance de FRONTEX plus rapide que celle qui a été envisagée.
J'en termine en évoquant la nouvelle organisation territoriale de l'État et une nouvelle étape dans la décentralisation, que le Président de la République a souhaitées, comme vous le savez. Le Premier ministre commence à mettre en oeuvre ces orientations, notamment en ce qui concerne l'organisation territoriale de l'État. Notre objectif est simple : assurer un meilleur service public aux citoyens et une meilleure présence de l'État partout sur le territoire. Notre méthode l'est tout autant : conforter l'échelon départemental, alors que, il y a quelques années, c'est l'échelon régional qui était monté en puissance, sous l'autorité de Bernard Cazeneuve. Nous revenons en arrière aujourd'hui, car l'approche départementale permet une proximité que nous n'avons plus. Nous entendons aussi conforter le rôle des préfets comme « assembliers » de l'ensemble des missions interministérielles, de manière à avoir un interlocuteur unique, notamment pour les élus.
Voilà, mesdames, messieurs, un panorama de l'action, depuis deux ans, du Gouvernement, dans laquelle le ministère de l'Intérieur a pris sa part. C'est un bilan dont je pense que nous pouvons être fiers. Nous avons tendu vers deux objectifs : rendre aux agents du ministère de l'Intérieur les moyens de leur action et mieux protéger les Français.
Je me tiens maintenant à votre disposition pour tenter de répondre à vos questions.
Merci, monsieur le ministre, pour ce bilan qui est, en effet, extrêmement conséquent. Vous avez aussi eu l'amabilité de tracer de nombreuses perspectives pour l'avenir, vous conformant ainsi parfaitement à ce qui était attendu de l'exercice.
Nous en venons aux questions des porte-parole des groupes.
Merci, monsieur le ministre, pour cet exposé.
Une commission d'enquête, formée à l'initiative du groupe UDI et Indépendants et que j'ai présidée, s'est penchée sur les moyens de la police et de la gendarmerie nationales. Ces moyens, c'est peu de le dire, suscitaient une forte préoccupation. Ayant été, ces deux dernières années, rapporteur pour avis des budgets de la police et de la gendarmerie, je peux témoigner que les crédits pour financer les bâtiments et les véhicules ont augmenté dans des proportions importantes. Ce qu'il faut savoir, néanmoins, c'est que 87 % du budget de la police et 83 % de celui de la gendarmerie sont consacrés au titre 2, c'est-à-dire à la rémunération respectivement des fonctionnaires et des militaires. En réalité, il ne reste pas grand-chose pour les dépenses d'équipement ou l'investissement dans les technologies du futur. Compte tenu du retard accumulé depuis plusieurs décennies, il fallait d'évidence une loi de programmation, précédée d'un Livre blanc. L'annonce en est intervenue pendant les travaux de notre commission d'enquête. C'est une bonne chose.
S'agissant du Livre blanc, abordera-t-il uniquement les problématiques de la police et de la gendarmerie, ou bien sera-t-il étendu à tous les moyens qui contribuent à la sécurité des Français depuis quelque temps ? Les polices municipales, notamment, constituent la troisième force de sécurité ; elles emploient 24 000 personnes environ, soit 10 % des effectifs de sécurité. Les forces de sécurité privée contribuent, chacune dans son domaine, à sécuriser les lieux où elles sont employées. Les citoyens aussi jouent un rôle dans leur propre sécurité, à travers des initiatives comme « citoyens vigilants » ou la participation citoyenne.
Quelle forme prendra la discussion que vous avez annoncée en prélude à ce Livre blanc ? Il a été question de dialogue dans les commissariats et dans les brigades ; le confirmez-vous ? Les parlementaires y seront-ils directement associés ?
Les actes anti-chrétiens se multiplient dans notre pays, essentiellement sous forme de dégradations ou de profanations de lieux de culte et de sépultures. En quatre ans, leur nombre a explosé, puisqu'il a augmenté de 366 %. Ainsi, 1 063 actes anti-chrétiens ont été recensés en 2018, selon un rapport publié par vos services en février 2019. Chaque semaine, on apprend une nouvelle atteinte aux lieux de culte chrétiens. Cela inquiète et interroge.
C'est ce qui a motivé une demande de mission d'information, initiée par Philippe Gosselin et moi-même, à laquelle la commission des Lois n'a pas souhaité donner suite, au motif que nous allions vous auditionner – nous y voilà. Pourtant, une telle mission d'information nous paraît des plus utiles pour dénombrer précisément les faits, pour les analyser, connaître leurs auteurs et les motivations qui les ont guidés, mais surtout pour réfléchir aux réponses qui pourraient être apportées.
Nous ne comprenons pas la gêne manifeste que suscite cette démarche. On nous demande si une mission d'information est véritablement utile, s'il ne faudrait pas y associer d'autres actes concernant d'autres confessions, comme si le fait que les actes anti-chrétiens soient les plus nombreux ne justifiait pas à lui seul un traitement spécifique ; mais après tout, pourquoi pas ?
Aussi, monsieur le ministre, sommes-nous intéressés par votre avis sur le phénomène. Quelle connaissance en avez-vous ? Fait-il l'objet d'un rapport ou d'un travail de recherche spécifique de vos services ? Pouvez-vous nous donner davantage d'éléments, en particulier de ceux qui pourraient justifier un infléchissement, que j'appelle de mes voeux, de la position de la commission des Lois ?
Monsieur le ministre, merci pour cette annonce d'un Livre blanc et d'une loi de programmation. Jean-Michel Fauvergue a évoqué l'association des parlementaires à la réflexion, demandant si elle aurait lieu ; pour ma part, j'en formule directement le souhait.
Pour avoir visité plusieurs commissariats et gendarmeries, je puis témoigner que les effectifs sont désormais stables. Dans nos campagnes et dans nos villes moyennes, le sentiment prévaut qu'ils ne vont pas augmenter de manière très sensible. On constate que les écoles de formation sont pleines et que les lauréats de concours doivent attendre un an avant d'y entrer. Je voulais connaître votre sentiment sur ce point.
Toujours en matière de formation, je souhaite vous interroger sur celle dédiée au maintien de l'ordre. Beaucoup de sous-officiers m'ont fait part de leur souhait d'en bénéficier.
L'insuffisance des effectifs et de la ressource humaine peut être en partie compensée par la rationalisation des actions. Je voudrais, à cet égard, vous faire part de trois axes de réflexion qui m'ont été proposés. Le premier concerne la garde des détenus à l'hôpital, le week-end, qui se traduit concrètement par la diminution du nombre de patrouilles sur le terrain, à un moment où il en faudrait davantage. Ce n'est sans doute pas sur les surveillants qu'il faut reporter la charge ; les centres pénitentiaires devraient posséder des centres médicaux où hospitaliser les détenus. Le deuxième axe concerne la pose des scellés, qui incombe aux policiers et entraîne, selon certains chiffres, la perte de deux heures de présence des fonctionnaires chaque jour sur le terrain. Le troisième axe concerne les procurations, qui sont chronophages pour les fonctionnaires dans les gendarmeries et les commissariats. On en compte 3 000 à 4 000 dans une ville de 40 000 habitants.
S'agissant de la police de sécurité du quotidien (PSQ), de ce que j'ai pu en voir, il s'agit bien d'une sectorisation du territoire à effectifs constants, avec un partenariat développé dans chacun des secteurs et des référents. Je n'ai rien à redire concernant cette méthode de travail dont j'ai toujours considéré qu'elle constituait une bonne approche. Néanmoins, dans la mesure où la PSQ opère à moyens constants, il importe que les tâches administratives alourdissant le travail des policiers et des gendarmes soient, autant que possible, supprimées.
Enfin, j'ai apprécié vos propos concernant les violences faites aux femmes. J'ai constaté que l'on trouve désormais, dans les gendarmeries et les commissariats, des travailleurs sociaux mis à disposition par les villes ou par les départements. Il me semble que c'est une pratique que nous devons développer, parce que nous ne pouvons pas tout attendre des policiers et des gendarmes. Un travail social connexe doit être accompli par un personnel spécialisé.
En répondant à Cécile Untermaier, je répondrai aussi, en partie, à Jean-Michel Fauvergue. Même si le débat n'est pas organisé territorialement, les préfets seront invités à veiller à ce que les parlementaires soient systématiquement conviés. Ceux d'entre vous qui sont plus spécialisés sur ces sujets, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, pourraient même être des ambassadeurs dans les débats. Je le dis d'autant plus que le risque existe que le débat se cantonne à l'entre-soi. J'ai un très grand respect pour les organisations syndicales, mais je pense que la question du Livre blanc et de son élaboration doit dépasser le cadre du ministère de l'Intérieur.
J'en viens ainsi au continuum de sécurité, évoqué par Jean-Michel Fauvergue : il nécessite de commencer par parler aux Français, aux citoyens qui subissent l'insécurité ou ont un sentiment d'insécurité, ce qui, pour moi, est la même chose. Ils doivent pouvoir être acteurs du débat, y participer. C'est pourquoi j'ai proposé que, dans chaque commissariat et gendarmerie de France, un espace soit ouvert d'office pour organiser un débat public. Inutile de vous dire que cela crée de grandes perturbations au sein du ministère de l'Intérieur, car on n'a pas l'habitude d'accueillir du public dans ces lieux-là. C'est un défi, mais il est à notre portée et la réussite renforcera le lien entre la population et nos forces de l'ordre. En tout cas, les parlementaires auront un rôle tout particulier à jouer.
Votre question relative au plan de recrutement comporte deux aspects. D'abord, les capacités de formation. Nous les avons, nous savons faire face. Toutefois, vous avez raison, si le débat sur les retraites et les orientations préconisées par le Haut-commissaire devaient donner lieu à des départs à la retraite massifs de policiers ou de gendarmes ayant un âge charnière, nous aurions une difficulté importante pour les remplacer en sus des 2 000 à 2 500 personnes que nous recrutons chaque année. Mais je ne crois pas que ce sera le cas.
Ensuite, la question de la formation permanente, en particulier au maintien de l'ordre public. Vous avez raison – et ce sujet devra être traité dans le cadre de l'élaboration du schéma national –, on avait l'habitude d'en charger les professionnels spécifiquement formés, tels les escadrons de gendarmerie et les CRS. Or, face aux gilets jaunes, c'est l'ensemble de nos forces de sécurité intérieure qui a été mobilisé. Confrontés à des agissements violents, tous ceux qui sont intervenus n'étaient pas équipés. Les images que l'on a vues de policiers qui avaient eux-mêmes acheté un casque chez Decathlon montraient la réalité. Les gendarmes ont pu équiper et protéger un peu plus ceux d'entre eux qui n'appartenaient pas à des escadrons parce qu'ils avaient du stock. C'est donc un vrai problème auquel nous devons remédier.
Quant à la formation à la gestion de l'ordre public, il faut effectivement qu'elle devienne systématique pour tous les responsables de police comme de gendarmerie. Nous avons des modèles : Saint-Astier, pour la gendarmerie nationale, est un modèle d'école de gestion de l'ordre public. Nous y envoyons d'ailleurs les préfets en formation. C'est ce modèle de formation que nous devons développer pour tous les responsables de nos forces de sécurité intérieure, parce qu'ils seront confrontés à l'exercice de gestion de l'ordre public.
Vous avez fait trois suggestions de rationalisation à creuser. Deux types d'activités consomment énormément de temps : les tâches indues et les tâches périphériques – celles que vous avez évoquées appartiennent à la seconde catégorie. Tout le problème est de trouver des solutions qui soient meilleures que l'existant. Pour les procurations, par exemple, les policiers et les gendarmes que je rencontre me parlent évidemment, surtout à l'approche des périodes électorales, du temps qu'ils doivent y consacrer. Quel moyen aussi sécurisé pourrions-nous mettre en place pour y remédier ? Ce n'est pas simple. Faut-il confier aux maires le soin d'organiser les procurations ? J'ai été maire pendant dix-sept ans ; je pense que j'aurais trouvé cela formidable, mais peut-être que mon opposition n'aurait pas été très confiante. On voit bien les petites difficultés que cela peut poser, mais je suis ouvert à toute proposition. Tout ce qui peut permettre de recentrer les policiers sur leurs fonctions et de les mettre dans la rue – pour gérer la sécurité, pas pour manifester – va dans le bon sens.
Vous avez abordé la question des travailleurs sociaux et, plus globalement, du partenariat qu'il faut construire dans les territoires, dans le cadre de la PSQ. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, cela me paraît absolument indispensable, en effet.
En ce qui concerne les actes anti-chrétiens, madame Genevard, il ne m'appartient pas de me prononcer sur l'opportunité de mettre en place un dispositif, quel qu'il soit, au sein de cette commission. En revanche, ce que je sais, c'est qu'en 2018, 973 atteintes aux lieux de culte et aux cimetières chrétiens ont été recensées en France. Ce nombre est en diminution de 0,5 % par rapport à 2017. Certes, la baisse n'est pas très importante, mais c'en est une, contrairement à la tendance que l'on observe pour d'autres cultes. Dans la plupart des cas, ces agressions ne sont pas volontairement dirigées contre Dieu ou l'Église ; ce sont plutôt des actes de vandalisme ou des vols. À Saint-Sulpice, par exemple, c'est un SDF qui semble avoir provoqué un départ d'incendie – mais l'enquête est encore en cours.
On observe donc clairement une stabilisation, voire une légère baisse du nombre d'actes anti-chrétiens, quand les actes anti-musulmans ont connu une augmentation de 37,5 % et les actes contre la communauté juive une hausse de 67,8 %. Si le nombre d'actes en lui-même est plus important, c'est tout simplement parce qu'il y a beaucoup plus de lieux chrétiens : statistiquement, toutes les communes de France en comptent un, parfois plusieurs. Ramené au nombre de lieux de culte, le nombre d'actes anti-chrétiens est proportionnellement bien en dessous de ce que subissent les synagogues, par exemple. Le phénomène n'est donc pas en train de s'aggraver ; il a même légèrement baissé en 2018, et je n'ai pas d'information tendant à infirmer cette tendance pour le début de l'année 2019. Toutefois, je suis prêt à faire le point avec vous au fur et à mesure.
Néanmoins, et même si cela est moins dans notre culture, on voit bien qu'il nous faut renforcer la sécurité des lieux chrétiens. Le budget du ministère de l'Intérieur consacré à la communauté chrétienne a d'ores et déjà augmenté : les aides à l'investissement pour des mises en sécurité sont passées de 492 000 euros en 2017 à 1,5 million d'euros en 2018, autrement dit, elles ont été multipliées par trois. Je serai évidemment attentif aux sollicitations qui viendraient notamment des communes gestionnaires de ces sites pour renforcer encore les moyens de protection. Je pense que c'est là la bonne façon de faire.
Je voudrais vous rassurer. Comme vous, je suis touché chaque fois qu'un lieu de culte, quel qu'il soit et quel que soit le culte, est attaqué. La laïcité, que nous devons tous défendre au-delà de nos convictions personnelles, c'est la garantie de croire ou de ne pas croire, et il est inacceptable qu'on puisse être menacé parce qu'on a fait le choix d'une religion. Il est encore plus insupportable de voir attaquer les lieux symboliques, qui font partie des communs, qui appartiennent à tous – tel est le cas d'une église, que l'on soit catholique pratiquant ou pas. J'ai moi-même partagé l'émotion collective qu'avait suscitée la destruction par la foudre d'une partie du clocher de la cathédrale de Forcalquier, je comprends donc votre émotion quand il s'agit d'attaques. Reste que le phénomène est plutôt stable, la diminution observée en 2018 par rapport à 2017, de 0,3 %, n'étant pas significative.
Je n'ai pas ces statistiques-là, mais il est vrai que je ne rends compte, devant votre commission, que des deux dernières années au cours desquelles nous avons été « aux responsabilités ». Je ne crois pas qu'il y ait une aggravation du phénomène, mais je suis prêt à vous communiquer tous les éléments complémentaires que je pourrais avoir. Nous ne négligeons pas ces 1 000 atteintes – je ne les qualifierai pas plus avant – aux symboles ; sur 40 000 églises en France, ce sont 1 000 de trop. Encore une fois, nous sommes attentifs puisque nous avons multiplié par trois en deux ans l'aide aux communes pour sécuriser les lieux, et si certains d'entre vous ont en tête des dossiers qui sont au point mort, nous pouvons faciliter leur instruction.
Je rejoins l'analyse de Jean-Michel Fauvergue s'agissant du déséquilibre entre les dépenses d'équipement et celles qui sont liées aux moyens humains. C'est le reflet d'un choix : dès lors que l'on recrute des gens ayant le statut de fonctionnaire, quand on opère des baisses budgétaires – et le ministère en a connu –, celles-ci portent systématiquement sur les dépenses hors titre 2. Il n'en demeure pas moins que c'est une véritable anomalie. Je l'ai dit dans mon propos liminaire, on a lancé, en 2015, un plan de recrutement de policiers et de gendarmes supplémentaires, mais sans prévoir de les équiper. La nouveauté, essentielle, c'est que vous votez systématiquement, en lien avec le recrutement, les moyens matériels et de sécurité des policiers que nous recrutons grâce au budget que vous nous accordez. L'un des objectifs de la loi de programmation doit être de travailler sur cet équilibre. J'entends donc parfaitement votre remarque, qui me paraît justifiée : le niveau de dépenses figées – de « dépenses rigides », comme on dit en termes budgétaires – est trop élevé, nous en sommes conscients.
En ce qui concerne le continuum de sécurité, je pense qu'il faut l'aborder dans sa plénitude : tous les acteurs de la sécurité y ont leur place. Vous étiez à mes côtés, monsieur Fauvergue, lorsque j'ai rencontré les partenaires sociaux et les collectivités locales s'agissant de la police municipale, et j'ai posé le principe de sa place dans la discussion, ce qui me semble absolument indispensable. Il en va de même pour les sociétés privées. À l'avenir, le continuum de sécurité devra être envisagé de manière différente. Mon sentiment profond est que le ministère de l'Intérieur ne pourra pas, dans les années qui viennent et face à tous les nouveaux risques, assumer et assurer seul la sécurité de tous les Français. D'autres acteurs devront intervenir à ses côtés, notamment, compte tenu de la provenance de plus en plus internationale des menaces, l'armée puisqu'elle est compétente pour les menaces extérieures. Les autres ministères auront, eux aussi, un rôle à jouer. J'ai parlé tout à l'heure du « plan stup », mais d'autres acteurs institutionnels, notamment les collectivités locales, devront aussi contribuer. Les citoyens ont également un rôle majeur à jouer : à la fois demandeurs et acteurs, ils ne doivent plus seulement être en attente de sécurité, mais participer à la construction de la sécurité globale.
Je souhaite que le débat sur le Livre blanc soit aussi territorial que possible et que les parlementaires jouent, évidemment, un rôle actif dans son élaboration. Qu'ils soient spécialistes, comme Jean-Michel Fauvergue, ou pas, il est essentiel que chacun s'empare de la question. Aucun autre sujet aujourd'hui ne touche autant tous les Français, où qu'ils se trouvent, que la sécurité. Alors que l'éducation est un sujet moins présent dans certains villages vieillissants de la ruralité, par exemple, la sécurité, elle, concerne tout le monde, partout. Je sais qu'aucun député ne considère que ce n'est pas là un sujet pour lui.
Je voudrais apporter un témoignage concernant la police de sécurité du quotidien. Ma circonscription est en secteur de gendarmerie et, effectivement, les choses se passent plutôt bien avec les référents, qui sont souvent des conseillers municipaux. Dans l'ensemble, l'entente est bonne entre les élus et la gendarmerie.
L'augmentation des effectifs n'est pas nouvelle ; elle a été amorcée sous François Hollande, et s'est poursuivie progressivement. Un rapide historique des moyens d'action de la police montre qu'on lui en a donné beaucoup, y compris au niveau législatif, puisque certains modes d'investigation qui étaient réservés à l'antiterrorisme sont désormais devenus pour ainsi dire monnaie courante – j'avais d'ailleurs émis des réserves à ce sujet. Nous sommes allés jusqu'à introduire l'interdiction administrative de manifester, qui a pu donner lieu à des arrestations pour le moins surprenantes. Le Monde a ainsi relaté que des personnes arrêtées à un péage ont été soupçonnées de vouloir se servir d'une biellette de direction qu'elles avaient dans leur voiture comme d'une arme de quatrième catégorie. Or elles se rendaient, non pas à Paris dans l'intention de manifester, mais à Lille. À Nantes, une charge de police a provoqué la fuite de onze personnes dans la Loire, dont une a disparu et est toujours recherchée. Je sais que vous avez diligenté une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). La justice a également lancé une enquête, et le Défenseur des droits a été saisi.
Je souhaite donc vous faire part de mon trouble de voir combien la cohésion sociale se trouve mise à mal dans notre pays, depuis un certain temps. En témoigne la durée du mouvement des gilets jaunes. Je me demande si, en matière de doctrine du maintien de l'ordre, nous n'avons pas raté une étape. La répression est une chose mais, en amont et en aval de la manifestation, n'y aurait-il pas des choses à revoir ? L'acrimonie que l'on ressent chez un certain nombre de nos concitoyens n'est pas bonne pour la cohésion sociale et pour notre pays.
Monsieur le ministre, je ne vais pas demander votre démission. Comme je l'avais dit à votre collègue François de Rugy, quand je la demande, les ministres ne s'en vont pas, ils restent. J'en tire les conclusions !
Celle-là, vous l'avez déjà faite dans un tweet !
Où est Steve et, avec lui, où sont nos libertés publiques ? Je ne vais pas dresser le bilan des deux dernières années, mais seulement le vôtre – ce sera amplement suffisant. L'IGPN a été saisie de cette affaire, survenue à Nantes, le Défenseur des droits s'est auto-saisi et une information judiciaire a été ouverte pour disparition inquiétante.
Votre bilan, c'est aussi une trentaine de personnes qui ont perdu un oeil lors des manifestations des gilets jaunes et cinq personnes, dont un policier, une main. Les événements autour des gilets jaunes comportent également quelques éléments perturbants : l'affaire Zineb Redouane – cette femme algérienne, morte à l'âge de quatre-vingts ans, alors qu'elle était à sa fenêtre, à Marseille – revient sur le devant de la scène ; Geneviève Legay, militante de l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (ATTAC), avait prétendument été bousculée par d'autres manifestants lors d'un mouvement de foule. Chaque fois, une série de mensonges précède la reconnaissance de la vérité.
Évitez de prononcer le mot de « mensonge » ! À aucun moment, je n'ai prononcé de telles affirmations. Je vous mets au défi de trouver, dans mes déclarations, un mot conforme aux propos que vous me prêtez. Évitez de parler de mensonge quand vous en commettez vous-même !
Prenons l'hôpital de la Pitié Salpêtrière – un autre mensonge. Une histoire assez étrange avait été racontée aux médias, que vous avez ensuite dû démentir ou, à tout le moins, édulcorer.
J'y ajouterai les étranges arrestations arbitraires de MM. Rodriguez, Drouet et Nicole, le 14 juillet, alors qu'ils n'étaient pas en train de manifester. Mais j'imagine que vous avez saisi l'IGPN.
En matière d'immigration, c'est aussi un fiasco : multiplication des mutilations dans les centres de rétention administrative, utilisation de drones pour surveiller les personnes retenues, retrait très récent de La Cimade au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, alors que les associations y ont un statut institutionnel. De concert avec le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, et d'autres, vous aviez préalablement affirmé que les organisations non gouvernementales (ONG) étaient les complices des passeurs. N'oublions pas non plus les enfants en rétention. Et puis, il y a eu l'évacuation ultra violente des « gilets noirs », alors qu'ils occupaient le Panthéon pacifiquement, sans le dégrader. J'imagine que, là encore, il y aura une enquête de l'IGPN.
En matière climatique, la répression la plus féroce s'abat : à Bure, combat de longue date, mais également sur les jeunes d'Extinction Rebellion. Il y a probablement aussi une enquête de l'IGPN, donc tout va bien ! De même, le bureau antiterroriste de la gendarmerie supervise les opérations concernant l'association Action non-violente COP21, qui organise le décrochage des portraits d'Emmanuel Macron.
Vous parlez depuis trois minutes quarante. Venez-en à votre question, monsieur Bernalicis.
Je connais la méthode, je commence à être habitué...
Quand y aura-t-il un magistrat à la tête de l'IGPN afin qu'elle soit enfin indépendante ?
Le rapport de la commission d'enquête sur les moyens des forces de sécurité vient d'être rendu par nos collègues Fauvergue et Naegelen. Il pointe ce que nous avions déjà souligné à plusieurs reprises : le manque de moyens. L'an passé, je vous avais posé des questions sur les crédits hors titre 2 et les circulaires de budgétisation. Vous m'aviez ri au nez, affirmant que je disais n'importe quoi. Tirez-en désormais les conclusions avec les suicides dans la police ou la répression du syndicaliste policier Alexandre Langlois.
Quant à Steve, il n'était ni gilet jaune, ni gilet noir, ni voleur de tableaux d'Emmanuel Macron, ni syndicaliste policier. Il participait simplement à la fête de la musique à Nantes. Monsieur le ministre, je vous repose donc la question : où est Steve, puisque vous, vous êtes visiblement toujours en poste ?
Ma première remarque concerne le fonctionnement de notre assemblée. J'ai déposé dernièrement deux demandes de commission d'enquête : l'une relative aux stratégies de maintien de l'ordre, dont plusieurs événements récents donnent à penser qu'il y a lieu de les améliorer, l'autre relative aux conditions de travail dans la police, eu égard à l'augmentation du nombre de suicides de policiers. Je sais que les droits de tirage des groupes sont contingentés mais ces sujets justifieraient que l'on passe outre.
Monsieur le ministre, ai-je bien compris que le Livre blanc abordera à la fois la doctrine de maintien de l'ordre, les conditions de travail et, plus largement, les missions confiées à la police nationale ? Si tel est le cas, je serai extrêmement volontaire pour participer à son élaboration dans mon département de la Seine-Saint-Denis.
J'ai bien conscience d'être un député de la nation, mais je suis aussi un député de Seine-Saint-Denis. Je ne peux donc pas conclure mon intervention sans une question en rapport avec ce département, qui a fait l'objet du rapport de M. Cornut-Gentille et M. Kokouendo évaluant l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, de rencontres organisées par le Premier ministre et d'un rapport remis par le préfet au Premier ministre, contenant des propositions qui vont être soumises à l'arbitrage du Gouvernement. Le préfet nous a indiqué vendredi que son rapport confirmait en tout point les conclusions de celui des parlementaires : les ruptures d'égalité républicaine sont avérées, en Seine-Saint-Denis, dans les trois missions régaliennes de l'État que sont la justice, la police et l'éducation.
Le 1er janvier dernier, j'ai noté avec satisfaction l'intégration de la Seine-Saint-Denis dans le dispositif de police de proximité, mais un chiffre fourni par le préfet vendredi dernier m'interpelle : un officier de police judiciaire instruit en moyenne trois cents dossiers en Seine-Saint-Denis, quand la moyenne nationale est de quatre-vingt ! Le travail de la police judiciaire n'est donc pas réalisé dans les mêmes conditions. On peut reprendre cet exemple dans beaucoup d'autres situations liées aux missions de sécurité, alors que le département est l'un des plus criminogènes de France. Quelles sont les perspectives rapides d'amélioration ?
Monsieur Peu, j'avais dans l'idée de revenir présenter la doctrine de maintien de l'ordre public devant la commission avant l'élaboration du Livre blanc, mais une fois réalisés les travaux en cours.
Je partage votre constat en Seine-Saint-Denis. Je ne le conteste pas, car il est réel. Nous n'avons reçu le rapport du préfet que la semaine dernière, je ne peux donc me prononcer pour le moment. Je peux, cependant, vous dire que les plafonds d'emplois du ministère de l'Intérieur ne sont pas pourvus. Nous avons pourtant aligné le niveau des primes dans ce territoire sur les primes versées en administration centrale. Nous sommes le seul ministère à l'avoir fait. Une des préconisations du préfet consiste d'ailleurs à demander à tous les ministères de faire de même. Je ne suis pas sûr que notre jurisprudence soit suivie par tous avec enthousiasme…
Malgré tout, le taux d'emplois non occupés reste trop élevé dans votre département. Nous devons donc trouver d'autres solutions. L'une d'entre elles pourrait consister en la mutation directive sur les départements en carence. Le débat existe pour les médecins ; il pourrait être ouvert pour les fonctionnaires même si je ne le souhaite pas – ce serait l'aveu d'un échec. Mais il n'est pas non plus envisageable de ne pas être en mesure de maintenir le bon niveau de sécurité.
Je confirme également vos propos concernant la police judiciaire, qui connaît une crise nationale. Elle a perdu son attractivité car elle est devenue trop complexe. J'invite d'ailleurs les parlementaires à intégrer dans leur réflexion le fait que, souvent, nos divergences de vues nous conduisent à insérer des cliquets, qui sont à l'origine de cette complexité et de cette moindre attractivité. En conséquence, les officiers de police judiciaire sont trop peu nombreux, et donc surchargés. C'est le cas dans votre département, mais aussi sur toute la plaque parisienne. Qui plus est, à Paris, le coût de l'immobilier a également une part de responsabilité. En raison des prix, 70 à 75 % des personnels du ministère travaillant à Paris habitent en banlieue, parfois même en lointaine banlieue. Cela conduit souvent nos agents à demander leur mutation dès qu'ils en ont l'occasion.
Monsieur Bernalicis, il n'y avait pas de question dans votre propos.
Nous sommes habitués à vos tirades d'accusateur public, à la Fouquier-Tinville. Mais monsieur l'accusateur public, veillez à l'exactitude de vos propos et évitez les amalgames. Votre leader avait traité Bernard Cazeneuve d'assassin, avant de s'en excuser ; je n'ai toujours pas entendu vos excuses.
Les forces de l'ordre et les manifestants ne sont pas deux bandes rivales, entre lesquelles il faudrait choisir. Vous estimez que l'envahissement du Panthéon est une bonne chose et qu'il ne faut pas que les forces de l'ordre interviennent pour évacuer sans brutalité ceux qui l'occupent, c'est votre choix. C'est aussi votre choix de penser que les manifestants présents sur le site de Bure de façon illégale doivent être protégés et ne doivent pas être surveillés ; que les leaders des gilets jaunes puissent revenir sur les Champs-Élysées dès 14 heures pour brûler deux poubelles et des sanisettes ; que des policiers et des gendarmes soient sifflés pendant le défilé de nos forces dimanche matin. Et vos propos constituent un encouragement.
Mais, monsieur le député, vous et moi sommes fondamentalement différents. Je n'ai jamais cherché à poser avec une tenue de gendarme et des armes. Je suis juste ministre de l'Intérieur ; je ne fais pas semblant. Je tourne avec la Brigade anticriminalité (BAC), avec police secours, avec les pompiers, sans gilet ni signe distinctif, car il est important qu'un ministre de l'Intérieur passe du temps avec les hommes qui travaillent pour son ministère. Contrairement à vous, je n'ai pas besoin de les dénoncer et de les stigmatiser systématiquement !
Monsieur Molac, vous avez d'abord salué la police de sécurité du quotidien. Vous avez raison, c'est la police du lien. C'est particulièrement vrai dans les zones gérées par la gendarmerie, qui a cette culture du lien dans son ADN. Les élus ruraux connaissent sa capacité à bien travailler avec eux – la gendarmerie est maligne – et à faire vivre la relation comme une évidence.
Vous avez salué la hausse des effectifs sous François Hollande. Je l'ai dit dans mon propos liminaire, c'est vrai après 2015. Reste que les arbitrages sont toujours difficiles et qu'il faudra s'interroger sur le renforcement des forces mobiles. Nous ne l'avons fait ni pendant cette législature, ni pendant la précédente – nous étions ensemble dans la majorité –, alors même que les forces mobiles avaient perdu 2 000 emplois au cours de l'antépénultième législature.
Vous m'interrogez sur des « erreurs d'interprétation » et le rôle du maintien de l'ordre dans les tensions avec les gilets jaunes. Je ne crois pas que la cause se trouve là. Je me souviens, sans doute comme vous, comment le mouvement de la Manif pour tous a duré, et que les déplacements de ministres ont longtemps été perturbés. Il y a des phénomènes d'enkystement autour d'un petit noyau – 3 500 personnes manifestaient encore en France samedi dernier, ce qui est extrêmement faible. Mais le mouvement social, la contestation, la grogne peuvent s'exprimer sous d'autres formes. Quoi qu'il en soit, quand le maintien de l'ordre intervient, c'est déjà un échec. Son rôle n'est pas d'intervenir dans une émeute urbaine – dans cette phase, le maintien de l'ordre intervient après sommation, comme cela a été le cas dimanche encore sur les Champs-Élysées, en début d'après-midi. À Paris, nous avons tous connu des manifestations regroupant un million de personnes qui se passaient bien. En ce moment, tous les samedis, avant même le début de la manifestation et alors que 100 à 200 personnes seulement sont arrivées, des violences sont lancées contre les policiers. Telle est la réalité. Ce n'est pas l'affaire d'une bande contre une autre bande !
Je souhaite que chaque suspicion de violence ou de manquement soit soumise à une enquête – c'est presque toujours une enquête judiciaire. C'est une garantie citoyenne et une responsabilité pour nos policiers et nos gendarmes. Ils savent que cela pèse sur eux. Quant aux parlementaires qui vont devant le Panthéon soutenir ceux qui l'occupent, ils savent qu'ils seront toujours protégés par l'immunité parlementaire !
En août 2017, le procureur de la République de Grenoble déclarait qu'il n'avait jamais vu « une ville de cette taille aussi pourrie et gangrenée par le trafic de drogue ». Il est vrai que Grenoble est régulièrement touchée par des règlements de comptes ou des violences graves liés au trafic de drogue. Ce n'est malheureusement pas la seule ville dans ce cas. Le trafic de stupéfiants est un fléau partout, tout particulièrement dans les quartiers où la population est la plus vulnérable.
Bien sûr, les causes sont multifactorielles et tous les acteurs doivent s'investir à hauteur de leurs compétences, notamment les municipalités. Le Gouvernement a assumé ses responsabilités à Grenoble : grâce au dispositif des quartiers de reconquête républicaine, les effectifs de police nationale ont été augmentés et le caractère difficile de la circonscription de sécurité publique a enfin été reconnu. Mais le nombre ne suffit pas, il faut également la volonté politique.
Une cellule antidrogue est expérimentée, sous la conduite de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP). Ce dispositif peut apporter des pistes de réponses intéressantes. En outre, j'ai bien noté votre appel à la concertation à compter de la rentrée prochaine, afin d'explorer d'autres pistes.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer ce que le Gouvernement envisage concrètement de faire pour lutter plus efficacement contre ce fléau majeur du XXIe siècle ?
Monsieur le ministre, je vous prie par avance de bien vouloir m'excuser, car je suis attendue dans une autre réunion et ne pourrai donc pas entendre en direct vos réponses à mes questions relatives à l'immigration.
Malgré l'effort significatif consenti pour doubler le nombre de places d'hébergement, qui sont passées de 50 000 à 100 000, des personnes sont toujours à la rue partout dans nos communes, et le 115 ne parvient pas à répondre à toutes les demandes. Les structures d'hébergement connaissent un phénomène d'embolisation, car les solutions de sortie de ces structures et les logements manquent. Un réfugié ayant obtenu un titre de séjour ou l'asile rencontre beaucoup de difficultés d'accès à un logement. Comment les résoudre ?
Dans mon département, mais aussi ailleurs, beaucoup de jeunes mineurs non accompagnés devenus adultes ou de jeunes faisant légalement des études en France, notamment en apprentissage chez un employeur, n'obtiennent pas le renouvellement de leur titre de séjour. Personne ne comprend pourquoi. Il s'agit de jeunes motivés, très bons élèves, et les employeurs sont au rendez-vous, dans des secteurs souvent en tension. Comment l'expliquez-vous ?
Ma dernière question concerne les bombardements récents sur les camps en Libye – un drame que nous déplorons tous. Remettent-ils en cause les accords entre l'Union européenne et la Libye ?
Le Président de la République a récemment plaidé pour un droit d'asile refondé, dans lequel la responsabilité va de pair avec la solidarité. Pourriez-vous nous préciser les contours de ce chantier de l'acte II du quinquennat ?
Si une réflexion venait à s'ouvrir sur la refonte de l'espace Schengen, le nombre de pays membres pourrait-il être réduit ? Selon quels critères ? Quelles sont les perspectives ?
Monsieur le ministre, dans quelques semaines, cela fera un an que vous occupez la place Beauvau. Le bilan que vous venez de dresser ne m'a pas convaincu – j'ai d'ailleurs le sentiment qu'il ne vous convainc pas vous-même.
Vous êtes le commentateur de vos propres échecs, notamment en ce qui concerne l'augmentation de la violence. Vous avez raison de le souligner, jamais la situation n'a été aussi dégradée en matière de sécurité et d'immigration dans notre pays, et vous en êtes responsable, monsieur le ministre. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont tous les syndicats de police, dans une tribune. Les indicateurs sont dramatiques : 36 suicides de policiers à la fin du mois de juin, soit autant que pour toute l'année 2018 ; 6 000 policiers et 4 788 gendarmes blessés en mission en 2018. Quant aux chiffres de l'immigration, jamais non plus ils n'ont été aussi élevés : jamais autant de titres de séjour n'ont été légalement délivrés en 2018 et jamais le nombre de demandeurs d'asile n'a été aussi important, + 22 % en 2018 et + 6 %, déjà, depuis le début de l'année. Vous avez rappelé ces chiffres en les commentant, impuissant.
Après Christian Jacob, notre président de groupe, qui vous a interpellé lors des questions au Gouvernement, je souhaite revenir sur les faits préoccupants, inquiétants, tragiques qui ont marqué l'actualité des quatre derniers jours.
Tout d'abord, le Panthéon a été profané par plusieurs centaines d'étrangers en situation illégale sur le territoire de la République. Ces faits sont scandaleux et honteux. Ils demandent une fermeté totale. Combien d'interpellations ont été effectuées ? Combien de procédures d'éloignement du territoire ont été mises en oeuvre ? Combien d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont d'ores et déjà été prononcées ? De telles revendications n'ont pas leur place ; la seule réponse envisageable est l'expulsion immédiate !
Ensuite, des violences inacceptables, intolérables, insupportables ont émaillé la Coupe d'Afrique des nations (CAN). Elles traduisent un défaut d'anticipation et un manque de capacité au commandement. Pourquoi ces événements, malheureusement prévisibles, n'ont-ils pas été anticipés ?
Tout cela résulte d'un manque de moyens lié notamment à votre refus d'adopter la proposition de loi de programmation que le groupe Les Républicains a défendue le 20 juin dernier. Vous avez notamment refusé de payer les heures supplémentaires dues à nos policiers, auxquels nous devons pourtant une infinie reconnaissance.
Monsieur le ministre, votre bilan l'illustre, vous êtes le maillon faible de ce Gouvernement !
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir accueillis, mon collègue Éric Poulliat et moi, pour la remise de notre rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation.
S'agissant de la loi SILT que vous avez évoquée, il devient urgent, même si cela ne dépend pas que de vous, de publier la fameuse circulaire interministérielle qui permettrait de rétrocribler les emplois dits de souveraineté. Cela a pourtant été évoqué dès le mois de novembre lors de nos auditions.
Pouvons-nous espérer, Éric Poulliat et moi-même, que vous accepterez notre clause de revoyure dans six mois puisque certaines de nos préconisations – lesquelles ? – ont retenu votre attention ?
Enfin, je partage les propos de mon collègue Éric Ciotti : quelles mesures supplémentaires allez-vous prendre vendredi pour la finale de la Coupe d'Afrique des nations ? C'est une faillite collective et historique que plus aucun match entre la France et l'Algérie ne soit possible. Rappelez-vous les sifflets contre Jacques Chirac, et comment nous avons retenu notre respiration, lors de la Coupe du monde de 2014, pour qu'il n'y ait pas, après l'élimination de l'Algérie par l'Allemagne, de match France-Algérie. Le mal est ancien et il faudra s'en occuper. Si des Français peuvent soutenir leur pays d'origine ou celui de leurs parents, il n'est pas normal qu'ils haïssent la France. La repentance n'a fait qu'exacerber les colères, d'un côté comme de l'autre. Il faut penser à l'avenir et pouvoir jouer des matchs. Il est important de parler des aspects positifs des relations passées et présentes entre la France et l'Algérie. Il faudrait peut-être également mettre en avant les Français d'origine algérienne qui ont réussi dans notre pays.
Monsieur Diard, effectivement, nous avons eu l'occasion de discuter de votre rapport. Je vous remercie du satisfecit que vous avez accordé au ministère de l'Intérieur concernant son niveau de vigilance – vous avez oublié de le rappeler aujourd'hui, mais me l'aviez dit dans mon bureau. Nous sommes particulièrement actifs dans les secteurs les plus sensibles. Votre rapport souligne clairement les points sur lesquels nous devons être attentifs et les ministères et secteurs les plus fragiles. Il apporte un éclairage qui nous oblige à des réactions appropriées et à des adaptations.
Remettons les choses à leur place concernant la CAN. À vous écouter, il s'agit d'émeutes dignes de ce que nous avons pu connaître à d'autres moments. C'est vrai, l'équipe de football d'Algérie a gagné, et des Français ont fêté sa victoire en demi-finale, comme nous avions pu le faire en 1998 pour la victoire de l'équipe de France.
C'est scandaleux ! Vos propos ne sont pas acceptables ! Nous sommes en France, pas en Algérie !
Monsieur Ciotti, vos aboiements ne font pas une vérité. Il faudra comparer précisément les dégâts qui ont été causés, puisque c'est de cela qu'il est question.
Que ces actes aient été commis par des Français qui soutiennent l'équipe d'Algérie ou par des Français qui soutiennent l'équipe de France ne change rien : ce sont, dans tous les cas, des actes inacceptables.
Contrairement à vous, je ne fais pas de différence entre des Français qui soutiennent l'équipe d'Algérie et des Français qui soutiennent n'importe quelle autre équipe. Il y a eu des dégâts à proximité des Champs-Élysées et sur les Champs-Élysées, dont je vais vous faire la liste, parce qu'il faut savoir de quoi on parle : une sanisette dégradée avenue Mac-Mahon, une poubelle incendiée à l'intersection de l'avenue de Marigny et des Champs-Élysées, une pharmacie cambriolée, la vitrine du bar-tabac La Civette, au 8 de l'avenue de Wagram, fracturée, un scooter incendié et deux véhicules de police caillassés. Voilà le bilan.
Si vous le souhaitez, monsieur Ciotti, je vous transmettrai le bilan de tous les incidents.
On peut s'exprimer, mais ce n'est pas une partie de ping-pong : vous avez posé des questions, le ministre vous répond.
Monsieur Ciotti, ne cherchez pas à refaire un coup de communication.
Je ne suis pas en train de parler des Tarterêts. Vous m'avez interrogé sur la demi-finale de la Coupe d'Afrique des nations…
Les Tarterêts, ce n'est pas en France, peut-être ? Vous n'êtes pas le ministre de toute la France ?
Si vous le souhaitez, monsieur Ciotti, je vous adresserai un bilan exhaustif de tous les dégâts qui ont pu être constatés, y compris à Nice.
On pourrait parler aussi de Lyon, de Vaulx-en-Velin et de Lille.
Ça suffit, monsieur Ciotti ! Soit vous me laissez répondre, soit vous parlez tout seul ! Voulez-vous, oui ou non, que je vous donne des éléments de réponse ? Ou bien préférez-vous rester dans vos certitudes ?
Permettez-moi de vous dire clairement les choses : le ministre de l'Intérieur que je suis paie aujourd'hui les défaillances de votre camp politique. Vous avez osé parler des heures supplémentaires, mais si les policiers sont obligés de faire autant d'heures supplémentaires depuis de longues années, c'est parce que vous avez supprimé 12 500 postes !
Le contexte était marqué par l'insécurité. S'agissant des chiffres…
Peut-on s'écouter ? Moi, j'ai écouté le réquisitoire de M. Éric Ciotti avec attention. Et je dois avouer que je l'ai trouvé un peu monotone, parce que c'est toujours le même.
Monsieur Ciotti, monsieur Cordier, veuillez, s'il vous plaît, laisser le ministre s'exprimer. C'est une audition en commission des Lois, pas un dialogue !
Monsieur Ciotti, je peux comprendre que vous viviez assez mal le fait de ne pas être place Beauvau. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir choisi des candidats susceptibles de vous y conduire !
Ce que je vis mal, ce que les Français vivent mal, c'est que vous y soyez, vous, parce que vous n'êtes pas à la hauteur de cette fonction.
Monsieur Ciotti, à quel titre vous permettez-vous de distribuer des bons et des mauvais points, de distinguer entre les bons et les mauvais ministres ?
Vous ne posez pas des questions, monsieur Ciotti, vous affirmez des choses ! Vous le faites d'une manière prétentieuse, en distribuant les bons et les mauvais points, et ce que vous dites est faux.
Je vais prendre des éléments très factuels. Vous nous expliquez que jamais la sécurité n'a été aussi dégradée en France. Or on a constaté une baisse de la délinquance en 2018, qui a été confortée en 2019. Le nombre de vols de véhicules, de vols avec violence et de vols simples est en baisse : les chiffres sont connus et ils sont publics.
Le nombre de cambriolages a également baissé en France, l'année dernière.
Si je reviens en janvier prochain, je parie que vous me direz la même chose.
Ce que je veux dire, c'est que vous me ferez les mêmes commentaires sur les chiffres du deuxième semestre de cette année, que vous devez pourtant connaître. Permettez-moi de vous les rappeler : le nombre de vols avec violence a baissé de 6 %, ce qui est significatif ; celui des vols simples a baissé de 4 % et, puisque vous êtes attaché à la question des cambriolages, sachez, monsieur Ciotti, que leur nombre a baissé de 2 %. Ce n'est certes pas suffisant, mais c'est absolument le contraire de ce que vous affirmez, ici comme dans tous les médias et à chacune de vos interventions. Je pense, monsieur Ciotti, que la sécurité des Français vaut mieux que ces vaines polémiques à répétition.
Je n'ai pas les statistiques relatives aux infractions financières mais, comme vous, je les condamne totalement. Et, comme vous, je pense qu'il faut agir sur cette question, parce qu'aucune infraction, quelle qu'elle soit, ne doit bénéficier de notre soutien. Mais la différence entre vous et moi, monsieur Bernalicis, c'est que lorsque des infractions sont commises, comme l'intrusion massive et violente qui a eu lieu au Panthéon et qu'a dénoncée Éric Ciotti – et je le rejoins sur ce point –, je ne suis pas du côté de ceux qui trouvent que c'est normal.
Pour répondre à votre réquisitoire, monsieur Ciotti, je veux d'abord rappeler qu'il faut toujours partir de la réalité des faits. Une expression politique, même si elle est criée haut et fort, ne peut rien contre la réalité des faits. Est-ce que les choses vont bien, en matière de sécurité, dans notre pays ? La réponse est non, et c'est la raison pour laquelle nous agissons. La différence entre vous et moi, monsieur Ciotti, c'est que moi, je fais des choses. À Nice, par exemple, je suis allé soutenir, en lien avec Christian Estrosi, le plus grand investissement jamais réalisé dans une mairie, en vue de créer un hôtel de police commun à la police municipale et la police nationale. Et votre seule réaction, monsieur Ciotti, a été de faire remarquer que le logo du conseil départemental ne figurait pas sur l'un des panneaux ! Vous avez même fait des déclarations à la presse sur ce sujet.
La totalité du financement sur lequel nous nous sommes engagés.
Et vous, vous ne faites pas de politique ? Pourtant, les souvenirs que l'on garde de l'époque où vous étiez responsable d'un exécutif ont marqué les esprits.
C'est notre département qui finance le plus : 117 millions d'euros ! Cela traduit, une fois de plus, votre incompétence.
Je ne vais pas me laisser faire, madame la présidente. Nous sommes des parlementaires, nous ne sommes pas soumis au ministre.
J'entends bien, monsieur Ciotti, mais vous n'êtes pas le seul à siéger au sein de cette commission. Vingt de vos collègues souhaitent poser des questions, mais ils ne peuvent pas le faire parce que vous monopolisez la parole. Je vous prie de laisser le ministre terminer son propos.
Je ne laisserai pas le ministre m'insulter. Et je ne le laisserai pas non plus proférer des contre-vérités !
Soyez cohérent, monsieur Ciotti. Vous avez eu des responsabilités à la tête d'un exécutif et vous dites que vous n'êtes pas compétent. Je vous explique que votre département a été particulièrement engagé sur ces sujets.
Je note qu'à l'époque où le conseil général des Alpes-Maritimes était présidé par Christian Estrosi, il finançait les commissariats. Et je regrette qu'il ne le fasse plus.
Je regrette qu'aujourd'hui, le département dont vous êtes le vice-président ne fnance pas les commissariats.
Que vous souteniez Christian Estrosi est une chose, mais ne proférez pas des contre-vérités !
Je ne le soutiens pas. Je l'ai mentionné, parce que je sais que cela vous fait sortir de vos gonds et que vous perdez alors votre naturel calme et apaisé. (Sourires)
Il y aura un niveau de forces élevé, comme la semaine dernière. Je vous rappelle que 4 970 policiers ont été mobilisés, que les premiers ont pris leur service à 6 heures du matin et que les derniers ont achevé le leur à 4 heures le lendemain matin. C'est ce très haut niveau de mobilisation des forces de l'ordre qui a permis de limiter la casse sur les Champs-Élysées. J'ai fait la liste des dégâts. Même s'ils sont limités, je répète que je condamne la casse, quel qu'en soit le volume. Je condamne plus encore les atteintes qui ont été portées au drapeau français, par exemple à Toulouse, à l'occasion des quarts de finale.
Mme Chalas m'a interrogé sur le trafic de stupéfiants et sur la situation particulière de Grenoble. J'ai déjà exposé les grands principes du plan de lutte contre les stupéfiants que nous présenterons bientôt avec les autres ministres compétents et je ne veux pas entrer davantage dans le détail aujourd'hui, pour ne pas déflorer le sujet. Je tiens à signaler que Toulouse a adopté un dispositif assez intéressant pour lutter contre les stupéfiants. Cette approche territoriale est celle que nous voulons privilégier. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne suffit pas de saisir des tonnes de cannabis – l'année dernière, on en a saisi 110 tonnes, sur un flux global de 500 tonnes. Il importe d'aller au plus près du problème, d'agir de la cage d'escalier jusqu'aux niveaux national et international. C'est vraiment l'idée centrale du plan que nous voulons mettre en oeuvre. L'enjeu essentiel, c'est l'information. Un dispositif a été lancé à Grenoble, qu'Émilie Chalas a évoqué et qui permet d'accroître l'information.
Madame Guerel, vous m'avez interrogé sur l'espace Schengen et sur la refondation du droit d'asile. Je serai, demain soir, à Helsinki pour discuter, avec mes partenaires européens, de la gestion des bateaux qui, en Méditerranée, demandent de notre part un effort de solidarité. Depuis que je suis ministre de l'Intérieur, pas un bateau n'a accosté à Malte sans que la France intervienne lorsque l'Europe l'a demandé. Nous nous engageons systématiquement à accueillir des réfugiés. La France est généralement le premier pays à intervenir, en envoyant une équipe de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et la première à proposer des relocalisations. C'est cette méthode fondée sur la solidarité que je souhaite, avec mon collègue allemand, M. Horst Seehofer, présenter demain et faire valider au plus grand nombre de ministres de l'Intérieur européens. Je ne suis pas sûr qu'ils soient tous dans la même logique, mais c'est l'ambition que nous défendrons.
S'agissant de la refondation du droit d'asile, nous devons trouver un équilibre entre « plus de solidarité » et « plus de responsabilité ». La responsabilité, c'est celle des pays entrants. Ils sont responsables d'un certain nombre de missions, mais ils ont aussi une responsabilité vis-à-vis des demandeurs d'asile qu'ils ont enregistrés pendant une durée de six mois. Nous considérons que cette durée n'est pas suffisante et qu'il faut l'allonger : nous débattrons de cette question avec les autres ministres de l'Intérieur européens. En même temps, nous appelons à davantage de solidarité. Aujourd'hui, peu de pays acceptent de prendre part à l'accueil des réfugiés. Même si certains critiquent notre politique d'accueil, je pense que c'est l'honneur de la France. Il faut que davantage de pays européens fassent de même. C'est cet équilibre entre « plus de responsabilité » et « plus de solidarité » que nous voulons construire.
Plus globalement, une refondation de l'espace Schengen est nécessaire, parce que le système actuel ne fonctionne pas. Il faut le refonder pour assurer un vrai contrôle aux frontières extérieures et pour que la solidarité européenne soit effective, notamment vis-à-vis des pays de première entrée que sont Malte, la Grèce et, même si c'est moins le cas aujourd'hui, l'Italie. Nous devons être présents à leurs côtés et améliorer le fonctionnement interne pour lutter contre le mouvement secondaire irrégulier. Ce qui est problématique, aujourd'hui, c'est que la France est considérée comme un pays de rebond. Or il n'est pas logique qu'une personne qui voit son dossier instruit en Allemagne le fasse de nouveau instruire en France. Inversement, il n'y a aucune raison pour qu'une personne qui voit son dossier instruit en Espagne ou en France le fasse instruire une deuxième fois en Allemagne. Telle est la philosophie que nous voulons défendre, dans nos échanges avec nos partenaires européens.
Si vous en êtes d'accord, madame la présidente, je répondrai par écrit aux questions de Mme Stella Dupont, puisqu'elle n'est plus là, et je vous en adresserai une copie.
Monsieur le ministre, la semaine dernière, au lendemain de la marche contre les féminicides, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Mme Marlène Schiappa, a annoncé que le Gouvernement organiserait, le 3 septembre prochain, un « Grenelle des violences conjugales ». Sous l'impulsion de Marlène Schiappa et en présence du chef du Gouvernement, ce colloque réunira les ministres concernés, dont vous faites partie, les acteurs de terrain, les services publics, les associations et les familles de victimes, afin de bâtir des mesures efficaces pour enrayer ce fléau. Concrètement, l'objectif est de trouver des solutions au plus près du terrain pour aider les victimes de violences, pour rappeler à leurs auteurs le contenu de la loi et la gravité des faits et pour pousser les témoins à intervenir.
Je souhaite, monsieur le ministre, vous poser deux séries de questions à ce sujet.
Premièrement, ce Grenelle des violences conjugales aura notamment pour but de faire le bilan des mesures prises par le Gouvernement en la matière. Certaines d'entre elles émanent directement de votre ministère et d'autres s'inscrivent dans une logique interministérielle. Parmi ces mesures, on peut citer la plateforme sur laquelle les victimes peuvent échanger avec des policiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, l'augmentation des moyens du 3919 et le recrutement de psychologues dans les commissariats. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques éléments d'évaluation de ces dispositifs ? Avez-vous des propositions de nature à renforcer leur efficacité ?
Deuxièmement, la méthodologie de ce Grenelle reposera en partie sur la co-constrution des mesures et sur une concertation qui rassemblera le Gouvernement, les associations et les parties prenantes que sont la police, les enseignants, les avocats ou encore les magistrats. Vous êtes chargé, monsieur le ministre, de mobiliser les préfets pour matérialiser cette concertation. Pouvez-vous nous indiquer le type d'informations que vous leur demandez de faire remonter du terrain ?
Sachez, monsieur le ministre, et je pense parler au nom de plusieurs de mes collègues, que vous pouvez compter sur notre implication totale pour que ce Grenelle soit une réussite.
Monsieur le ministre, lorsqu'on parle des territoires dont je suis l'élu, c'est généralement parce que des feux s'y déclarent en grand nombre à cette saison. Au cours de cette seule semaine, dans ma circonscription, des feux violents se sont déclarés à Florensac, Vias et Marseillan.
Mais c'est d'un tout autre danger que je veux vous parler aujourd'hui : celui qui naît, chaque année à cette saison, du déferlement de centaines de milliers, sinon de millions, de vacanciers sur les plages du littoral méditerranéen. Chacun sait que la police des baignades et des activités nautiques relève principalement de la compétence des mairies, mais on sait aussi que l'État apporte, directement ou indirectement, son soutien aux communes dans cette mission. À Sète, Agde, Marseillan et Vias, comme sur tout le littoral méditerranéen, ce sont des millions de personnes dont il faut surveiller la baignade, mais aussi, parfois, réprimer les incivilités.
Cela suggère trois catégories de questions.
La première concerne la mobilisation des ressources humaines. Vous avez stabilisé le nombre de CRS déployés sur les plages, mais les services de l'État ont-ils une vision globale pour s'assurer que les effectifs de pompiers et de sauveteurs de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) et de la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS) seront suffisants pour accompagner les efforts des municipalités ?
Au-delà de la gestion des ressources humaines, deux questions se posent concernant l'efficacité de nos dispositifs et la circulation de l'information. Pour réagir efficacement au danger, il faut en être informé rapidement. Monsieur le ministre, prévoyez-vous des innovations pour optimiser le recueil des informations en urgence et améliorer l'efficacité des conditions d'intervention des services de l'État ?
Les drames, enfin, sont souvent dus à l'imprudence des administrés, particulièrement des touristes. On peut supposer qu'ils ne sont pas suffisamment informés ou qu'ils ne craignent pas assez les sanctions. Comptez-vous développer de nouveaux outils de communication spécifiques pour lutter contre cette imprudence ? Imaginez-vous des outils pour responsabiliser davantage nos concitoyens et pour encadrer leur comportement ?
Monsieur le ministre, j'ai bien compris que vous ne souhaitiez pas vous étendre sur la question de la lutte contre l'usage des stupéfiants, mais je souhaite tout de même prolonger la question que vous a adressée notre collègue de Grenoble.
On a bien compris que vous voulez mettre l'accent sur la lutte contre les trafics, et c'est heureux, car ils sont la première cause de criminalité dans nos quartiers. La criminalité vient essentiellement des réseaux qui sont organisés, jusqu'à la logistique du dernier kilomètre, qui est souvent très innovante pour livrer les consommateurs. C'est contre les réseaux et les trafics qu'il faut avant tout lutter.
Cela étant, nous avons voté, à la fin de l'année 2018, l'introduction de l'amende forfaitaire délictuelle, qui permet aux forces de l'ordre de réprimer immédiatement, sur le terrain, l'usage de stupéfiants. Cette disposition permet de réduire le recours aux tribunaux, qui sont déjà engorgés par les affaires d'usage simple de stupéfiants.
La position du Gouvernement n'est pas très claire sur cette question. Dans son livre Révolution, paru avant la campagne présidentielle, le candidat devenu Président de la République s'était exprimé en faveur de la dépénalisation de l'usage des stupéfiants, en particulier du cannabis. Mais, au cours de la campagne, il a inscrit dans son projet qu'il était favorable à la contraventionnalisation de l'usage des stupéfiants, à hauteur de 100 euros.
Monsieur le ministre, confirmez-vous que le Gouvernement exclut la légalisation, mais aussi toute dépénalisation de l'usage simple de stupéfiants ? Par ailleurs, pouvez-vous nous dire un mot de l'amende forfaitaire délictuelle, sachant que les conditions techniques de son application ne semblent pas réunies aujourd'hui ? A-t-elle vocation à être pérennisée, alors même que le système est parfois aussi complexe que la procédure judiciaire actuelle ?
Monsieur le ministre, à Annemasse, comme dans d'autres territoires, nous connaissons « une délinquance digne de la banlieue parisienne, mais sans les effectifs », pour reprendre les mots du secrétaire départemental du syndicat Alliances.
La Haute-Savoie connaît une explosion démographique et un essor économique importants. L'agglomération d'Annemasse est un carrefour privilégié de la petite et moyenne délinquance, mais aussi du grand banditisme, du fait de sa proximité avec Grenoble et Lyon, et de sa situation frontalière avec la Suisse et l'Italie. J'ai toujours soutenu et relayé les demandes que nos forces de l'ordre formulent légitimement afin de remplir dignement et sereinement leur mission. En 2012, une zone de sécurité prioritaire (ZSP) a été créée sur les communes d'Annemasse, Gaillard et Ambilly. Cette ZSP enregistre de bons résultats, mais elle a besoin d'être renforcée. La construction d'un nouvel hôtel de police va également permettre d'améliorer l'accueil des victimes et l'environnement de travail des policiers, mais aussi d'opérer des synergies avec la police aux frontières, le renseignement territorial et la brigade opérationnelle mixte franco-suisse.
Le commissariat souffre néanmoins de sous-effectifs : il compte quatre-vingt-deux policiers, sur un effectif total de quatre-vingt-seize. Nos forces de l'ordre sont très engagées et elles réussissent à avoir un bon taux de résolution des enquêtes, mais ce sous-effectif pèse de plus en plus. Une demande de reclassement en quartier de reconquête républicaine est en cours, et je la soutiens. J'espère qu'Annemasse fera partie de la prochaine vague de QRR, d'autant que la mise en service, en décembre 2019, du Léman Express, ce RER transfrontalier entre la France et la Suisse, va accentuer le flux de délinquance. Ce problème de sous-effectifs est lié à la cherté de la vie dans le secteur d'Annemasse. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si vous soutenez la demande de prime de vie chère, qui permettrait de fidéliser nos policiers sur ce secteur.
Monsieur Houbron, s'agissant des violences faites aux femmes, j'approuve totalement vos propos, et je veux profiter de votre question pour rappeler les chiffres. Nous ne parlons pas de quelques cas isolés, puisque 149 personnes sont décédées en 2018 sous les coups de leur partenaire. Elles étaient 151 en 2017 et 157 en 2016. La tendance est donc à la baisse, mais la situation reste inacceptable : 149 personnes, ce sont 149 personnes de trop. Les femmes sont très majoritaires, puisqu'elles sont 121, mais on compte aussi 28 hommes.
On entend trop souvent des femmes raconter que, lorsqu'elles sont allées frapper à la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie, elles n'ont pas été suffisamment écoutées et protégées. Ce manque d'écoute est parfois responsable d'une mort violente et, même lorsque ce n'est pas le cas, il est inacceptable. La semaine dernière, je me suis exprimé sur cette question devant les préfets et j'ai invité Mme Marlène Schiappa à s'exprimer, elle aussi. Dans mon discours, qui était aussi une feuille de route, j'ai demandé aux préfets de faire savoir sur tout le territoire qu'il n'était pas acceptable qu'une personne qui a le courage de s'adresser à la gendarmerie ou à la police ne soit pas écoutée.
Nous avons formé des gens, mis en place des correspondants départementaux d'aide aux victimes, des correspondants locaux et des référents violences conjugales, qui sont présents dans les commissariats, au nombre de 174. Dans la gendarmerie nationale, nous avons nommé 100 officiers adjoints chargés de la prévention, qui sont aussi les correspondants départementaux de ce combat. Au total, nous avons maillé le territoire de 1 740 gendarmes qui sont en charge, dans chaque communauté de brigade, d'assurer le bon accueil, la bonne instruction, la bonne alerte.
Il faut aussi que ces gendarmes soient appuyés et qu'ils puissent proposer un accompagnement aux personnes qui viennent les trouver. Actuellement, 261 travailleurs sociaux interviennent en commissariat et en gendarmerie. Par ailleurs, 73 psychologues sont recrutés ou en cours de recrutement, qui tiennent des permanences et font le tour des différents sites pour sensibiliser les forces de sécurité intérieure et pour intervenir en cas de besoin. Des permanents d'association interviennent également.
Vous m'avez interrogé sur le portail de signalement des violences sexuelles et sexistes, que nous avons installé, le 27 novembre 2018, avec Nicole Belloubet et Marlène Schiappa. Il est tenu par des policiers et des gendarmes et il a déjà donné lieu à 3 400 échanges. Pour ceux qui ne connaissent pas ce système, il s'agit d'un chat : vous communiquez avec un interlocuteur, sans forcément savoir qui il est, et sans qu'il sache forcément qui vous êtes. Cet échange n'aboutit pas nécessairement au dépôt d'une plainte, mais la mission des policiers et des gendarmes est d'accompagner la personne qui s'adresse à eux vers la bonne décision et, en cas de violence, le dépôt de plainte doit être systématique, car la violence n'est pas acceptable.
Une enquête de gendarmerie ou de police peut aussi être lancée, qu'il y ait ou non une plainte. Les 3 400 entretiens que j'ai évoqués ont conduit à un millier d'échanges et de discussions. Il faut aller encore plus loin dans la sensibilisation. La mobilisation citoyenne sur ces sujets contribue aussi à la prise de conscience : c'est un warning pour tous les policiers et tous les gendarmes. Les victimes doivent recevoir un accompagnement différencié, en fonction de leur profil, des violences qu'elles ont subies et de la situation dans laquelle elles se trouvent. C'est une question très difficile, qui nécessite une formation spécifique, et nous y travaillons activement. La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a déjà permis d'aggraver 391 condamnations. On a beaucoup parlé de l'introduction de la contravention et du procès-verbal, mais des condamnations pour violences conjugales en présence de mineurs ont également été aggravées, grâce à la loi que vous avez votée.
J'en viens, monsieur Reda, à votre question sur le trafic de stupéfiants. Celui-ci constitue effectivement la première économie criminelle de la France. Il représente 24 milliards de chiffre d'affaires en Europe et on estime que son volume est compris entre 3,1 et 3,9 milliards d'euros en France. Dans certaines cages d'escalier, il peut représenter 50 000 euros par jour, avec toutes les conséquences que l'on connaît.
Entre 2006 et 2016, le nombre global de patients traités pour des pathologies liées au cannabis a augmenté de 76 % dans notre pays, et le nombre de consommateurs de cocaïne a bondi de 160 %. Au moment d'aborder la question de la dépénalisation ou de la légalisation, il faut avoir ces chiffres en tête. Il me semble d'ailleurs qu'une réunion a lieu en ce moment même, dans la salle voisine, sur cette question.
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet et je veux rappeler ma position. Il m'est arrivé, notamment en analysant la situation de Marseille à l'occasion des élections régionales, de penser que la dépénalisation était un moyen de mettre un terme aux trafics souterrains qui pourrissent les quartiers. Mais je crois désormais que ce n'est pas la bonne solution. Dans les quartiers, aujourd'hui, on ne vend pas que du cannabis, mais toutes sortes de drogues. Dans certaines cages d'escalier, un panneau indique le prix des différents types de cannabis, mais aussi celui de la cocaïne, de l'héroïne et d'autres substances chimiques. Vendre le cannabis en pharmacie ne réglerait pas ce problème. Par ailleurs, le taux de tétrahydrocannabinol (THC) présent dans le cannabis est passé, en vingt ans, de 6 ou 7 % à 29 %. Si l'on décide demain de dépénaliser le cannabis, il faut avoir à l'esprit que l'on vendra du cannabis avec un taux de THC à 7 %, ce qui ne correspond pas à l'usage actuel.
Cela étant, le débat que vous avez ouvert est légitime. Une chose est sûre, c'est que nous avons l'une des législations les plus dures – et non la plus dure, comme cela a pu être dit –, mais qu'elle n'empêche pas l'augmentation de la consommation de stupéfiants, et de ses dégâts. Nous devons donc débattre de cette question. La position du Gouvernement consiste à appliquer la loi que vous avez votée, qui figurait dans le programme d'Emmanuel Macron et qui prévoit une amende forfaitaire délictuelle. La loi a été votée il y a peu de temps et nous sommes en train de travailler avec la garde des Sceaux à rendre cette amende opérationnelle. Nous serons prêts à l'automne.
Permettez-moi aussi de vous donner mon opinion très personnelle. Il faut faire attention sur un point : on banalise l'usage du cannabis en considérant que ce n'est peut-être pas très grave en fin de compte. Or tout le monde sait, et il faut agir de manière responsable, que les dégâts peuvent être majeurs pour les moins de vingt-cinq ans : cela peut handicaper une vie entière.
En ce qui concerne Annemasse, je ne vais pas pouvoir entrer dans les détails et j'espère que vous m'en excuserez. Il y a aussi un problème de fidélisation dans ce territoire, même s'il est différent de celui que M. Peu a évoqué. Il s'agit d'une zone frontalière, où les prix immobiliers sont extrêmement élevés, ce qui explique en partie le problème. Le coût de la vie et la concurrence du marché du travail genevois, y compris pour les questions de sécurité, font que nous n'arrivons pas à pourvoir un certain nombre de postes – ils sont ouverts, il ne s'agit pas de mesures d'économies.
Si le classement en QRR signifie des effectifs supplémentaires – et j'ai bien noté votre demande –, notre objectif est d'arriver à remonter les effectifs partout où il le faut. C'est bien le sens des 10 000 recrutements. Je ne peux que confirmer ce que vous avez dit à propos d'Annemasse. Notre objectif est d'arriver à une stabilité en 2019, ce qui représente déjà un grand pas en soi. Je compléterai peut-être ma réponse par écrit.
En ce qui concerne la prime que vous avez évoquée, je voudrais rappeler que les discussions salariales que nous avons eues vont conduire à une augmentation moyenne allant de 120 à 150 euros nets par mois au début de l'année prochaine pour le corps d'encadrement et d'application (CEA), c'est-à-dire pour l'essentiel de la police que l'on côtoie au quotidien, ce qui est significatif. J'entends le Pr Éric Ciotti décerner, ou pas, des bons points au ministre ; les organisations syndicales, en tout cas, trouvent qu'on les a plutôt bien défendues sur ce sujet. Elles le disent d'ailleurs, y compris en public. Cela ne suffit pas dans certains territoires, notamment quand ils sont en concurrence avec d'autres. L'accord concernant le CEA et les sous-officiers chez les gendarmes s'applique sur l'ensemble du territoire national, sans discrimination géographique. Le déséquilibre existera donc encore. Là aussi, j'apporterai quelques précisions complémentaires.
M. Euzet m'a interrogé sur les renforts estivaux en CRS. La tendance est orientée à la baisse – depuis 2008, je crois. Ils ont diminué de moitié. Cette année, j'ai choisi de les stabiliser au même niveau que l'année dernière, mais il y a un problème de gestion de l'ordre public qui se pose. Je ne peux pas mobiliser vendredi un grand nombre de personnes sur les Champs-Élysées et dans de nombreuses villes de province – nous allons le faire, mais je ne vais pas donner de chiffres – tout en déployant trop de forces ailleurs. Le G7 de Biarritz va en mobiliser, et nous avons d'autres sollicitations ponctuelles. Il faut arriver à jongler entre les impératifs. Nous avons fait le choix que le même nombre de CRS soit sur le terrain cette année, mais il y aura des variations, avec des rappels à certains moments. Je sais qu'il y a soixante-quinze postes de secours dans votre département : ils sont gérés grâce aux pompiers et aux CRS. Il est essentiel que ce soit le cas et que nous soyons attentifs à ce sujet. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger sur cette question.
Vous avez aussi posé, plus généralement, la question du renforcement des moyens de sécurité en période touristique dans des territoires dont la population peut varier de 1 à 10, voire davantage – c'est-à-dire les stations de ski l'hiver et d'autres territoires à très fort potentiel touristique l'été. Je suis allé à Arcachon, il y a une quinzaine de jours, pour présenter notre dispositif : 4 000 policiers et gendarmes viennent en renfort dans ces territoires et nous ouvrons ponctuellement des centres de secours et de sécurité. C'est extrêmement difficile en matière de gestion. On pourrait imaginer, par exemple, de transférer à la Baule un agent affecté à Plougastel-Daoulas le reste de l'année – mais c'est aussi une ville touristique, et on va plutôt laisser cet agent là où il est. C'est un exercice qui est difficile, je le répète, mais nous mobilisons 4 000 policiers et gendarmes l'été. Nous avons pris une initiative inédite qui consiste à décaler les sorties d'école et les prises de fonctions. S'il y a un trou dans certains commissariats, c'est aussi parce que j'ai fait le choix que les agents sortant d'école puissent aller dans des zones à fort potentiel touristique, où il existe des risques, pour renforcer les effectifs. C'est une expérimentation dont nous allons analyser les résultats. Ce n'est pas inintéressant : j'ai rencontré des jeunes très motivés lors de mes déplacements.
Je voudrais évoquer un sujet dont on parle peu, même si vous l'avez abordé, qui est celui des noyades. Avec la canicule, nous avons un été très spectaculaire en la matière. Il n'y a pas une journée sans plusieurs noyades impliquant des enfants mais aussi des adultes qui subissent un choc hydrothermique : on en a recensé 135 cette année – et le chiffre n'est peut-être pas tout à fait actualisé – contre 98 en 2018. La prévention et les appels à la vigilance au sujet des risques d'hydrocution sont absolument indispensables. Nous sommes un peu écoutés, mais je pense que cela pourrait aussi être relayé par les parlementaires, notamment dans la presse quotidienne régionale (PQR).
J'aimerais revenir sur ce qu'a dit Dimitri Houbron : je veux saluer, à mon tour, l'action du Gouvernement qui a pris l'initiative d'organiser, à la rentrée, un Grenelle sur les violences conjugales. Nous devons tous prendre ce sujet à bras-le-corps. J'aurai l'occasion de proposer, avec Philippe Gosselin, un certain nombre de mesures visant à mieux accompagner les femmes victimes de violences dans le cadre d'un prochain rapport d'information sur l'aide juridictionnelle, notamment sur la base d'échanges que nous avons eus avec Dimitri Houbron.
Ma question porte sur un dispositif qui a été récemment adopté en matière de menace terroriste. Un décret publié au mois de mai dernier permet de réaliser un partage de données entre le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et celui des personnes hospitalisées sans leur consentement pour des raisons psychiatriques. Ce partage de données a suscité des questions, notamment au sein du corps médical, sur la levée du secret médical et sur le lien entre la radicalisation et la santé mentale. On sait bien, néanmoins, quels sont les objectifs poursuivis. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la menace plane toujours et il faut continuer à assurer la sécurité de nos concitoyens. Ce partage de données ou cette fusion de fichiers permettra certainement d'identifier les profils dangereux qui peuvent passer à l'acte. Les préfets seront prévenus, si j'ai bien compris, lorsqu'une personne inscrite au FSPRT est hospitalisée dans les conditions que j'ai rappelées. Pourriez-vous nous éclairer sur la manière dont le dispositif va fonctionner et nous indiquer ce qui en est attendu pour la lutte contre la radicalisation et le terrorisme ?
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que vous êtes aux côtés des forces de l'ordre face aux événements que nous connaissons, contrairement à d'autres personnes qui se sont également exprimées. Nous sommes à vos côtés et aux côtés des forces de l'ordre et de sécurité, c'est-à-dire aux côtés de l'État et de l'ordre républicain. Nous exprimons notre reconnaissance aux forces de l'ordre.
Je voudrais vous interroger sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires. La directive européenne de 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et l'interprétation qui en a été faite par l'arrêt « Matzak » de la Cour de justice de l'Union européenne suscitent une inquiétude chez les sapeurs-pompiers volontaires, qui craignent une remise en cause du modèle français de sécurité civile. Je sais, et les sapeurs-pompiers volontaires le savent aussi, que vous avez avancé sur ce dossier en vue d'écarter le péril et de tenter de construire un statut des sapeurs-pompiers volontaires au plan européen, avec les pays qui suivent le même modèle que nous. Les récentes publications du monde des sapeurs-pompiers, dans leur diversité, soulignent les avancées obtenues et le travail que vous avez engagé. Pourriez-vous préciser où on en est sur cette question ? Nous serons heureux lorsque l'incertitude actuelle sera définitivement levée et derrière nous.
Nous vous avons écouté avec beaucoup d'intérêt, monsieur le ministre. Vous avez prononcé dans votre intervention liminaire un certain nombre de mots qui ont retenu mon attention. Vous avez parlé des défis et des moyens pour nos forces publiques en soulignant que la violence n'a jamais été aussi forte. Je crois que cela correspond bien à la situation que nous connaissons à Mayotte.
Je voudrais vous interroger sur la question migratoire, dont vous conviendrez qu'il s'agit d'un sujet majeur pour nous, mais aussi sur les questions de sécurité. Vous savez que les outre-mer sont en souffrance. Nos compatriotes l'ont fait savoir, notamment à l'occasion de la grande consultation électorale du 26 mai dernier.
Hier encore, nous avons vu des bateaux clandestins arriver à Mayotte et, le 26 mai, alors que les Mahorais votaient, nous avons vu venir des gens du Sri Lanka. Malgré les mesures annoncées, nous avons l'impression que les frontières de Mayotte ne sont plus contrôlées. Lorsqu'il a reçu les élus d'outre-mer à l'Élysée, le Président de la République a annoncé la mise en place d'un plan de type Harpie pour Mayotte au mois de mai. Au mois de juillet, ce plan se fait toujours attendre alors que l'immigration continue. J'aimerais savoir ce qui s'oppose à sa mise en place. La solution que nous préconisons repose sur la mobilisation de moyens militaires, notamment maritimes, grâce à l'affectation des nouveaux bâtiments BATSIMAR – j'ai vu que le Président de la République venait de l'annoncer pour les Antilles. Je pense que l'affectation d'un bâtiment dédié à cette mission serait une bonne chose à Mayotte, qui se trouve à l'entrée Nord du canal de Mozambique.
J'ajoute que nos fonctionnaires de police travaillent dans des conditions difficiles. Quid de la mise en place de l'hôtel de police ? L'affectation du personnel à Mayotte fait aussi l'objet de graves difficultés : il existe vraiment un problème d'attractivité. Des fonctionnaires originaires de Mayotte pourraient très bien y travailler, mais les règles en vigueur ne leur permettent pas d'obtenir cette affectation.
Lorsque nous avons évoqué les problèmes de la sécurité civile avec vous pour la première fois, ici même, je vous ai demandé quels sont les moyens qui y sont dédiés à Mayotte. Vous avez répondu que vous me communiqueriez les chiffres, mais je ne les ai pas obtenus. Je vous ai également posé une question écrite au mois de mars dernier, mais je n'ai pas eu de réponse. Il y a une semaine, un incendie a mobilisé les pompiers de Mayotte pendant près de soixante-douze heures. Les risques sont là, ils sont réels. Quels sont les moyens susceptibles d'être mobilisés dans le cadre de la sécurité civile à Mayotte, étant entendu que les premiers renforts possibles sont situés à 1 500 kilomètres ? J'aurai peut-être la réponse à cette question aujourd'hui…
Je voudrais vous féliciter, monsieur le ministre, puisque la France va connaître en 2019, pour la troisième année consécutive, un record en matière de demandes d'asile : l'augmentation est aujourd'hui de 6 % par rapport à 2018, année où nous avions déjà atteint un record – la hausse était de 22 % par rapport à l'année précédente, où l'on avait précédemment connu le plus haut niveau historique, avec une augmentation de 20 % des demandes, alors que les arrivées en Europe diminuent année après année.
Il apparaît que 15 % de cette demande d'asile globale provient de deux pays dont les ressortissants n'ont pas besoin de demander un visa pour entrer en France, la Géorgie et l'Albanie.
La Géorgie est devenue le premier pays d'origine des demandeurs d'asile au premier trimestre 2019, devant l'Afghanistan et la Guinée. L'augmentation des demandes s'est élevée à 256 % entre 2017 et 2018 ; au cours des premiers mois de l'année 2019 4 417 demandeurs d'asile venaient de Géorgie, ce qui représente une multiplication par deux. Environ 4 % d'entre eux obtiendront l'asile en France, si l'on se fie aux chiffres de l'année dernière.
Il y avait également 8 261 demandeurs d'asile d'origine albanaise dans notre pays en 2018, ce qui faisait de cette nationalité la deuxième, derrière l'Afghanistan. Par ailleurs, 64 % des demandeurs d'asile albanais en Europe se trouvent en France, où le taux de protection est extrêmement faible, puisqu'il est de 7 %.
Les reconduites à la frontière sont certes en augmentation mais elles restent modestes. Environ un tiers des OQTF sont effectives en ce qui concerne les ressortissants albanais, et un quart s'agissant des Géorgiens.
Je rappelle que ces personnes arrivent sans visa, que leur demande d'asile doit être instruite et que celle-ci leur donne des droits – celui d'être hébergé et celui d'obtenir une allocation pour demandeur d'asile (ADA).
Quand on regarde les taux d'acceptation, on voit bien, en fin de compte, que certaines de ces demandes d'asile sont abusives. Quelles mesures comptez-vous prendre et appliquer pour lutter contre les demandes d'asile abusives ? Entendez-vous, en particulier, revenir au niveau européen en ce qui concerne la dispense de visa pour les ressortissants albanais et géorgiens ?
Vous n'avez pas répondu à la question d'Éric Ciotti sur le nombre de sans-papiers ayant envahi le Panthéon qui ont fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière et qui ont été effectivement reconduits à la suite de cette intrusion.
En ce qui concerne Calais, avez-vous prévu de construire, d'ici à la fin du quinquennat, un nouveau commissariat de police afin de remplacer celui qui existe aujourd'hui et qui est devenu plus que vétuste ? C'est une demande des élus locaux et des syndicats.
Samedi dernier, le corps d'un jeune homme, pendu, a été retrouvé dans le square Charles Hermite, dans le 18e arrondissement de Paris, dans ma circonscription. Cette personne vivait dans la rue, comme beaucoup d'autres aujourd'hui, sans solution d'hébergement, sans espoir d'une issue favorable, sans le droit au refuge et à l'accueil digne que nous devrions leur permettre d'obtenir. Début avril, c'est une femme dont le corps avait été retrouvé dans la boue à la Porte de la Chapelle, sur un trottoir de la « ville Lumière ». Ces personnes relevaient, avant leur mort, de votre ministère, puisqu'elles étaient étrangères sur le territoire français et que leur hébergement – ou non – dépend en grande partie de votre administration.
Je vous ai adressé deux courriers cette année, le 21 janvier puis le 20 juin, à propos de la crise de l'accueil et du nombre de personnes sans abri qui sont laissées sans solution dans ma circonscription. Je ne suis pas la seule à l'avoir fait : de nombreuses associations vous interpellent depuis des mois sur le problème de l'hébergement, en particulier dans les structures qui sont chargées de celui des demandeurs et des demandeuses d'asile et des personnes migrantes, et sur le fait que le remplacement de l'hébergement inconditionnel des personnes à la rue par une logique de tri entre le bon et le mauvais migrant, le bon réfugié et la mauvaise personne sans domicile fixe (SDF), multiplie les difficultés, y compris pour les personnes censées leur venir en aide. Cela va à l'encontre, non seulement de ce à quoi nous sommes tenus par le droit international et par nos principes, mais aussi d'une politique d'accueil un tant soit peu raisonnable, rationnelle, à défaut d'être digne et humaine. Mes deux courriers, comme les interpellations des associations, sont restés sans réponse.
Le 25 juin, le Gouvernement a annoncé sa volonté de faire ficher par le 115 les personnes accueillies, selon leur statut administratif. Vos politiques mettent les gens à la rue, et vous vous occupez de les chasser, de les ficher et de les laisser mourir. Un nombre glaçant de personnes mortes pèse sur votre ministère. Nous n'oublions pas Zineb Redouane, et nous demandons toujours où est Steve... À cela s'ajoutent les personnes qui sont mortes à la Chapelle, et il y en aura certainement d'autres demain.
Le constat est effrayant. Je suis fière, monsieur le ministre, d'être aux côtés des organisations non gouvernementales (ONG) que vous considérez comme des complices des passeurs, de Carola Rackete, à qui le Gouvernement a refusé son aide alors qu'elle sauvait des vies, et de toutes celles et ceux qui se battent pour leur dignité et pour leurs droits. Êtes-vous fier d'être aux côtés des xénophobes, des anti-migrants, de Trump et de Salvini ? Combien de personnes allez-vous encore laisser mourir ?
Je n'attends pas véritablement de réponse de votre part, de même que je n'ai pas eu de réponse à mes courriers. Voilà en tout cas ce qu'est votre bilan, et je ne crois pas qu'il y ait de quoi être fier.
Le doute est le sel de l'esprit, madame Obono. Vous avez vos certitudes…
Je vais me dispenser de vous répondre, puisque vous ne m'écoutez manifestement pas. Je vais quand même préciser, en ce qui concerne votre dernier courrier…
Il y a deux semaines, à la suite de votre courrier du mois de juin, nous avons contacté vos collaborateurs pour leur indiquer que nous ne trouvions aucune trace de la lettre du mois de janvier que vous avez évoquée. Il y a eu des échanges : vous nous avez renvoyé le courrier par mail, et nous avons répondu que le fichier était corrompu – n'y voyez pas une attaque personnelle.
Je suis en train de vous expliquer que nous n'avions aucune trace de ce courrier… Mais je vous vois sur le départ, c'est donc que ma réponse ne vous intéresse pas.
Vous, ce sont les morts de la Chapelle qui ne vous intéressent pas, monsieur le ministre !
Vous ne me laissez pas parler et vous partez !
Madame Obono soit vous restez assise et vous écoutez la réponse du ministre, soit vous sortez de la salle : vous choisissez. (Mme Obono quitte la salle de réunion).
Sans commentaire…
Je n'ai pas répondu, en effet, à la question de M. Ciotti à propos de ce qui s'est passé au Panthéon. Il y a eu trente-trois interpellations, une garde à vue, onze remises en liberté, une OQTF sans placement en rétention, une personne ayant fait une demande d'asile a été libérée, et dix-huit personnes ont été placées en centre de rétention administrative (CRA) et font l'objet d'une OQTF – huit ont été libérées par le juge des libertés et de la détention, les auditions ayant lieu aujourd'hui pour les dix autres. Voilà ce que je peux vous indiquer sur les interpellations qui ont eu lieu dans ce cadre.
Vous m'avez principalement interrogé, monsieur Dumont, sur les demandes d'asile et les abus dans certains cas. Je l'ai dit dans mon propos liminaire, nous devons garantir l'instruction de ces demandes et la protection liée au droit d'asile. Je n'ai d'ailleurs pas entendu de contestation sur ce point dans votre question. Il y a néanmoins des gens qui viennent aujourd'hui en France afin de demander l'asile pour des raisons qui ne sont pas les bonnes, c'est-à-dire qui ne relèvent pas de la protection internationale. Je pense qu'il faut sortir, sans vouloir l'écarter, du débat relatif aux OQTF et à leur exécution ; il faut plutôt se demander pourquoi ces gens viennent en France. Il y a, depuis trop d'années, une opposition entre la droite et la gauche sur les conditions de retour – je caricature un peu – alors que, en réalité, on sait que ce sont certains flux de personnes qui nous mettent en difficulté quand il s'agit de les faire rentrer dans leur pays d'origine.
Le meilleur exemple concerne les Géorgiens. Le délai moyen d'instruction des demandes d'asile s'élevait, l'année dernière, à 441 jours. Comme vous l'avez dit, cela fait quatre ans que les Géorgiens n'ont plus besoin de visa pour venir en France, et des compagnies low cost ont organisé des vols. La réalité est que des gens viennent en France pour des soins alors qu'il existe une offre et une prise en charge en Géorgie, ou pour demander une protection au titre de l'asile qui n'est pas accordée dans plus de 95 % des cas. C'est cette source que nous devons tarir. J'ai eu l'occasion de parler d'anomalie à ce sujet : il n'est pas normal que jusqu'à 1 000 personnes par mois, à certaines périodes, viennent de Géorgie pour demander l'asile alors qu'il s'agit d'un pays d'origine sûr.
Pas seulement, il y a d'autres raisons. La situation n'est pas normale. Il y a globalement une question d'attractivité sur laquelle nous devons travailler. Je me suis rendu, il y a trois mois, en Géorgie où j'ai rencontré les différentes autorités. Nous avons créé un certain nombre de dispositifs, et je peux vous préciser qu'il y a eu, en réalité, une baisse de 35 % des demandes introduites par des Géorgiens auprès de l'OFPRA, notamment parce que nous avons déployé des officiers de liaison dans les aéroports de départ et d'arrivée et que nous avons conclu une convention avec l'État géorgien pour tenter de diminuer la pression.
Entre avril et juin, la baisse a été de 22 % en ce qui concerne l'Albanie, en raison également des dispositifs que nous avons instaurés.
Je pense qu'il faut maintenir l'effort et l'améliorer encore. Si une personne est en droit de demander notre protection au titre de l'asile, nous devons l'accompagner et traiter la demande beaucoup plus rapidement que dans le délai de 441 jours que j'ai évoqué. Il me paraît absolument indispensable d'aller plus vite.
J'ai visité le commissariat de Calais. Il ne fait pas partie de la programmation actuelle de 900 millions d'euros, qui se terminera l'année prochaine. Il faudra examiner la situation de Calais compte tenu des conditions de travail.
Je vais vous répondre sur ce point. Je me suis rendu sur place, tôt le matin, et j'ai personnellement annoncé que nous lancions les travaux relatifs au commissariat. Je n'ai pas dû le dire assez fort, mais je l'ai fait à Mayotte. Nous tiendrons évidemment notre engagement. Des crédits ont été prévus dès cette année pour lancer toutes les opérations de relocalisation à proximité de l'actuel commissariat. Je me suis rendu dans les bureaux Algeco que vous avez évoqués : les conditions de travail n'y sont pas détestables, les policiers eux-mêmes l'ont reconnu quand nous étions sur place.
Sans vouloir faire de comparaison, le CRA de Mayotte est de haut niveau en termes de qualité, et il en est de même pour les efforts de l'État en matière de police et de gendarmerie. Je ne connais pas beaucoup de départements qui ont obtenu quatre-vingt-dix-sept policiers et quatre-vingt-neuf gendarmes supplémentaires depuis 2017 et où un troisième escadron de gendarmerie mobile (EGM) a été déployé. Cette année encore, il y aura vingt-six gendarmes supplémentaires. Je connais les tensions, et je ne dis pas que c'est bien assez, voire beaucoup trop : ce n'est pas le cas. Mais l'État est très présent à Mayotte, et il est évident que c'est nécessaire.
Vous m'avez également interrogé sur le service départemental d'incendie et de secours (SDIS). Je vous renvoie sur ce point aux collectivités locales. L'État est très présent à Mayotte, mais il ne faut pas lui demander de se substituer aux collectivités. J'ai reçu, ce matin encore, le comité des financeurs des SDIS – l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des maires de France (AMF). Il ne m'appartient pas de dire ce qu'il faut faire en la matière. Si le SDIS et les autorités locales veulent une expertise, j'enverrai immédiatement les services du ministère pour aider à la réaliser. Chacun doit prendre ses responsabilités sans tout attendre de l'État en revendiquant dans le même temps que les collectivités locales soient fortes.
En ce qui concerne la lutte contre le phénomène migratoire, j'ai reçu samedi le ministre de l'Intérieur comorien pour travailler sur des dispositifs renforcés. Nous avons déployé un officier de liaison, et nous nous plaçons dans la perspective d'une intervention à plusieurs niveaux au départ d'Anjouan. Le premier niveau concerne la lutte contre la fabrication de kwassa-kwassa, qui ne servent qu'une fois et dont vous connaissez l'utilisation. Le deuxième niveau est une présence sur trois plages de départ bien identifiées à Anjouan, où il faut un renfort supplémentaire des autorités comoriennes. Elles ont envoyé trente-cinq militaires au début de l'année, mais le dispositif n'est pas suffisamment actif à l'heure actuelle. Nous avons eu une discussion franche sur le renforcement des moyens. Pour ce qui nous concerne, j'ai proposé au Premier ministre, après m'être rendu sur place, de revoir totalement la façon dont nous protégeons nos frontières maritimes afin d'assurer un meilleur équilibre des forces, notamment en ce qui concerne le rôle de l'armée en haute mer, mais aussi avec une spécialisation de la gendarmerie et de la police aux frontières (PAF) et un renfort en intercepteurs – il s'agit de faire passer leur nombre de cinq à huit dès 2019, pour que trois d'entre eux soient systématiquement mobilisables vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. S'agissant du dispositif de lutte contre l'immigration clandestine (LIC), nous devons renforcer et simplifier l'intervention en mer afin de lutter contre une situation qui paraît trop facile pour les passeurs. Cela ne réglera pas tous les problèmes, mais si on se fixe pour objectif de diminuer de 40 ou de 50 % les passages et de sanctionner les passeurs chaque fois qu'on le peut, je pense que l'on améliorera la situation. C'est un combat, et nous devons le mener ensemble, sans nous opposer.
Le plan que j'ai proposé au Premier ministre, après m'être rendu sur place avec des représentants d'autres ministères, repose sur une approche globale et une montée en puissance du Groupe d'enquête sur la lutte contre l'immigration clandestine (GELIC), pour la lutte contre les filières. C'est un prototype pour l'intervention de la police à Mayotte qui présente une grande efficacité, notamment pour les nouvelles formes de migration qui sont en augmentation. Je pense aux Africains qui viennent des Grands Lacs, directement ou en passant par Madagascar – j'ai rencontré le président de ce pays pour lui en parler – ou par les Comores, dont j'ai rencontré le ministre de l'Intérieur. Je lui ai parlé de la question de l'aéroport et de celle des faux papiers, contre lesquels j'ai proposé des formations ad hoc aux Comores. Au-delà du GELIC, nous devons renforcer la chaîne judiciaire. Nous y avons travaillé avec le procureur, qui me paraît très offensif sur ces sujets. Il y a aussi le combat qui a été mené contre l'habitat indigne, pour la première fois, je crois, par l'actuel préfet, qui est sur le départ. Vous contesterez peut-être ce travail, mais…
Pas du tout. Nous regrettons seulement que vous nous enleviez ce préfet avant que le travail engagé produise tous ses effets.
Nous le remplaçons par une personne de qualité, même si je sais que vous regrettez le préfet actuel. Nous l'avons nommé pour remettre de l'ordre – et je crois qu'il l'a fait – parce qu'il était nécessaire que l'administration de l'État soit plus performante pour accompagner Mayotte dans toutes les difficultés qu'elle connaît. J'ai commencé ma réponse en évoquant les moyens supplémentaires que d'autres départements pourraient contester, en tout cas s'agissant de l'arbitrage rendu, et vous jalouser, mais la réalité est que nous en avons besoin compte tenu des difficultés de Mayotte.
Je passe à la question de M. Rebeyrotte sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Il y a un combat à mener pour préserver notre modèle de sécurité civile. Nous sommes tous, tous courants politiques confondus, d'accord sur ce sujet. La difficulté est simple : la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, dans son arrêt « Matzak », que l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire devait être considéré comme du temps de travail et que, si cette personne a une activité professionnelle, il faut cumuler les deux temps, ce qui fait que l'on déroge au temps de travail maximal dans notre pays. Nous menons un combat sur deux fronts.
D'abord, nous avons tenté de ne pas faire appliquer la directive européenne. L'actuel président de la Commission européenne a répondu en détail à Gérard Larcher sur ce sujet, et nous savons que nous n'aurons pas nécessairement gain de cause. Nous sommes donc en train d'utiliser la totalité des dérogations que la directive permet. C'est le premier chantier. L'Europe fonctionne souvent de cette manière : elle pose un principe, mais elle offre aussi la possibilité de l'adapter. Je pense que l'on peut régler entre 90 et 95 % des cas de cette manière.
Même si nous attendons l'installation de la nouvelle Commission et du nouveau Parlement, nous menons de front une initiative européenne sur l'engagement, afin que celui-ci soit reconnu. Cela dépasse largement la question des sapeurs-pompiers, mais si nous arrivons à faire valider le principe de l'engagement, on pourra considérer qu'il ne s'agit pas d'un temps de travail, ce qui réglera notre problème. C'est un combat que nous menons avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers volontaires, mais qui n'est pas forcément partagé par les syndicats de sapeurs-pompiers professionnels. Notre modèle de sécurité civile repose sur un équilibre entre ces deux dimensions de l'intervention et il faut absolument le préserver, selon moi. Nous y travaillons.
Il y a eu, madame Moutchou, une inquiétude qui a pu faire naître une polémique. Or je pense qu'il ne faut ni inquiétude ni polémique sur le sujet que vous avez évoqué. Le décret du 23 mai 2018 autorise les traitements de données à caractère personnel dénommés HOPSYWEB, qui sont gérés par les agences régionales de santé (ARS). Il arrive qu'une personne soit inscrite dans deux fichiers : HOPSYWEB, qui concerne les personnes hospitalisées dans un établissement psychiatrique sans leur consentement, et le FSPRT, dans lequel figurent des personnes suivies au titre de la radicalisation. L'objectif est qu'il y ait une information lorsqu'une personne cumule une inscription dans ces deux fichiers, et non d'avoir des échanges sur tous les sujets. Si une personne est à la fois hospitalisée dans un établissement psychiatrique sans son consentement et qu'elle fait l'objet d'un suivi au titre de la radicalisation, nous pensons qu'il est utile de le savoir – mais pas de communiquer sur ce sujet.
Il ne s'agit pas que ceux qui gèrent le FSPRT – le ministère de l'Intérieur, pour faire simple – aient accès au dossier médical, ni que les ARS aient accès au FSPRT, mais que l'autorité préfectorale, qui n'a pas accès à HOPSYWEB et à son contenu, puisse savoir, sans remise en cause du secret professionnel et tout en respectant le secret médical, qu'une personne est à la fois hospitalisée dans les conditions que j'ai décrites et qu'elle figure dans le FSPRT. Le décret que j'ai proposé, avec Agnès Buzyn, prévoit simplement que l'autorité préfectorale soit informée du lieu d'admission de la personne en soins psychiatriques. L'idée est d'avoir un système d'alerte. Je sais que l'on touche à une dimension un peu sacrée, celle du secret médical, et je voudrais donc rassurer ceux qui suivent cette audition. L'objectif n'est en aucun cas que les préfets puissent communiquer sur le fait que la personne concernée est inscrite au FSPRT. Ils n'appelleront pas le maire de la commune ou le directeur de l'établissement pour l'informer, mais on saura ce qu'il en est. Si l'on apprend, par exemple, que la personne s'est enfuie de l'établissement, l'alerte aura alors une dimension différente.
Les enjeux de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme impliquent que l'on garantisse les libertés individuelles mais aussi que l'on donne à celles et ceux qui nous protègent les moyens d'être informés pour agir au mieux. Le ministère de l'Intérieur n'est pas hypersécuritaire et attentatoire aux libertés publiques. Je sais que ceux qui n'ont pas assisté à la totalité de nos échanges, parce qu'ils sont partis juste après avoir posé leurs questions, le pensent. On aurait peut-être pu les rassurer s'ils étaient restés, mais ils n'en ont sans doute pas besoin, puisqu'ils savent… Il ne faut pas penser, ne serait-ce qu'une seconde, qu'il y aurait une menace ou une volonté d'attenter aux libertés. Il y aura simplement une alerte en cas de problème. On peut débattre de cette question, mais s'il y a un attentat et que l'on a laissé passer une alerte, je sais que les Français nous le reprocheront, à juste titre, et que ceux qui nous ont quittés ce soir seront les premiers à nous en faire le procès.
Merci pour vos réponses extrêmement complètes et précises à chacune des questions qui vous ont été posées pendant cette audition, qui a duré presque trois heures.
La réunion s'achève à 19 heures 10.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Hervé Saulignac, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier
Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Philippe Dunoyer, Mme Marie Guévenoux, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Michel Mis, Mme Maina Sage, M. Raphaël Schellenberger, M. Guillaume Vuilletet
Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier, Mme Virginie Duby-Muller, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Stella Dupont, Mme Annie Genevard, M. Mickaël Nogal