Intervention de Annick Girardin

Réunion du jeudi 20 juin 2019 à 9h10
Délégation aux outre-mer

Annick Girardin, ministre :

Cher Philippe, vous nous disiez il y a quelques minutes qu'aujourd'hui l'assemblée est très sensibilisée sur ces sujets de souveraineté française, et tu me disais : « quel est ton avis ? » Tu voulais éviter de me mettre en porte à faux avec les affaires étrangères. Je crois que quand les gens vont lire ce que j'ai fait quand j'étais députée, les travaux que j'ai menés, tant à la commission des affaires européennes qu'à tes côtés pour sensibiliser les outre-mer dans cette maison, chacun verra quelle est ma position, et je la conserve. Et ensuite, un passage à la coopération, où je suis allée effectivement à Madagascar, à un moment donné, porter cette idée d'un accord, à l'époque, sur les ressources, notamment halieutiques, parce que l'accompagnement de Madagascar passe aussi par son développement. Mais le Président de la République, lors de sa rencontre avec le Président malgache a indiqué sa volonté que nous ouvrions un dialogue pour aboutir à une solution commune. C'est effectivement un engagement sur un processus et non pas sur un résultat. Vous le savez, quand on parle des affaires étrangères ou dans n'importe quel autre ministère, dès qu'un nouveau ministre arrive, on essaie de lui faire remonter tous les dossiers dont celui d'avant n'a pas voulu. C'est classique. Oui, sans doute, sur ce dossier comme sur d'autres, il y a les éternels dossiers qui remontent, présentés de la même manière. Mais le Président de la République a été très clair : il n'y a aucune volonté de remettre en cause la souveraineté française. J'y suis très sensible. Le Président est garant de la souveraineté française. La zone économique exclusive (ZEE) française, les extensions de plateaux continentaux à l'avenir nous obligent, et nous obligent justement sur ta deuxième question, sur les permis de prospection gaziers. Je crois qu'il faut être très clair sur ces permis. Ceux qui ont été donnés, délivrés, iront jusqu'au bout dans cette zone, comme cela a été le cas en Guyane. Les nouveaux, parce que vous le savez, c'est la loi, ne pourront pas trouver de réponse positive à leur demande. Je crois que là-dessus, c'est clairement défini par le ministre, et rappelé régulièrement par le ministre François de Rugy.

Il y a aujourd'hui une discussion qui se mène effectivement avec Madagascar et avec les Malgaches. Une commission mixte qui va y réfléchir. Je me réjouis de cette commission mixte, parce qu'on en a vu d'autres, des accords où on avait oublié de faire des commissions mixtes, et surtout d'associer un certain nombre de parlementaires. Il y a quelques dossiers qu'il faut également retraiter aujourd'hui. Je crois qu'il va falloir qu'il y ait un travail constructif, apaisé, et qu'on regarde comment nous pouvons, sur des sujets de développement, de ressources, travailler avec Madagascar. Je suis confiante dans le travail qui sera mené. Je suis sûre des intentions du Président de la République. Je suis aussi, sur ce sujet-là comme sur tous, très vigilante, parce que cela fait partie de la richesse des territoires d'outre-mer. Cela fait partie du rôle que la France peut jouer aujourd'hui au sein de l'Europe sur ces questions maritimes. Cela peut aussi être véritablement une mission que nous nous donnons, nous, la France, deuxième domaine maritime, d'une meilleure régulation de ces espaces maritimes sur l'ensemble des bassins maritimes, puisque nous sommes présents sur les trois océans. Je crois que la voix de la France sera d'autant plus forte qu'elle affirmera sa souveraineté.

M. le député Poudroux : la nouvelle route du littoral (NRL), à La Réunion. C'est un sujet qui a quand même plusieurs épisodes, et le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a suspendu, le 29 avril 2019, l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2018, qui donnait autorisation ou permettait l'exploitation de la carrière Ravine-du-Trou ou Bois Blanc, ainsi que l'arrêté du 9 novembre qui a suivi. L'État a donc décidé de se pourvoir en cassation, devant le Conseil d'État, contre ces décisions de suspension, parce qu'elles ne nous semblaient pas justifiées en droit. Je peux vous dire que l'État reste vigilant sur ce dossier important pour La Réunion. On ne peut pas imaginer un instant avoir construit cette structure importante, vrai défi technique, c'est l'un des plus gros défis techniques portés par l'Europe et par la France en matière de construction routière en mer, ce sont des techniques qui doivent être aujourd'hui une vitrine pour l'ensemble du bassin, parce qu'il faut le faire comme ça : si l'investissement a été aussi important, il faut aussi qu'il serve à cela. On ne peut pas imaginer qu'on ne puisse pas la terminer. En même temps, c'est de grande envergure. Cela nécessite un coût actualisé de deux milliards d'euros, il faut le rappeler, et il nous faut pouvoir mener à son terme ce projet. Quand je dis nous, c'est la collectivité : elle est porteuse de ce projet. Elle le fait en grande partie sur des fonds européens, plus un apport national. Il faut qu'on trouve les solutions de terminer ce dossier : en même temps, il faut qu'on puisse suffisamment préserver les espaces qui doivent l'être à La Réunion. J'aimerais bien qu'on ait des discussions apaisées sur ce sujet. Ce n'est pas toujours le cas, et ce n'est pas facile pour l'État, tant qu'on est en procédure, d'intervenir sur ces questions. Le dossier est quand même très épais. Permettez-moi de ne pas en dire plus sur ce sujet à ce stade.

Sur la canne à sucre : votre préoccupation est légitime, comme l'ensemble des autres parlementaires députés de La Réunion. On voit bien que le sujet est important.

Sur l'APL accession : il faut quand même rappeler que, malgré tout, que la suppression a fait tomber la dynamique, mais que, si je puis me permettre, le stock, qui était de 960 dossiers en attente à la réunion, est en cours de traitement par la CAF. La dynamique est tombée, mais tous les dossiers en stock, et je m'en réjouis, ont été effectivement traités aujourd'hui par la caisse d'allocations familiales (CAF), et si ce n'était pas vrai – je ne peux pas tout aller voir sur place – j'ai des remontées. Je vous dis ce que j'en sais. Il faut se réjouir de cela et il faut, très vite, avec la conclusion de la conférence, que l'on redonne une dynamique à La Réunion, mais on est loin d'être à la hauteur des objectifs qui avaient été fixés de 5 000 par année, me semble-t-il. Je crois qu'on n'a jamais dépassé 4 000. Nous sommes redescendus à 2 000, presque 3 000. Nous ne sommes pas à la hauteur du besoin, et du besoin grandissant. On prend du retard, et quand on prend du retour avec une dynamique démographique, on voit bien ce que cela peut donner. D'autres territoires ici peuvent en témoigner.

Pour répondre à Maina, il y a une baisse de l'IS, donc une baisse de l'intérêt de la défiscalisation outre-mer. J'ai remis le sujet sur la table pour le PLF 2020, à nouveau en négociation. Sur les croisières, je suis pour un assouplissement en matière de zones de navigation notamment, parce que si à un moment on met une condition qui fait que cela ne peut pas se faire, autant dire qu'on ne veut pas le faire. Et donc, il faut véritablement qu'on puisse assouplir le dispositif. Pourquoi pas 90 % de la ZEE ? L'idée que l'on est en train de proposer, c'est de dire qu'il y a 90 % qui doivent être dans la ZEE, et il y en a dix qui pourraient être de navigation du navire en dehors de la ZEE, parce que je pense que c'est une des conditions. Ce sont les enjeux que nous avons développés au comité interministériel de la mer (CIMer) de novembre 2019. Il faut qu'on puisse effectivement nous retrouver et apporter une réponse sur ce sujet.

Sur l'association des parlementaires, sur la LOM ou sur d'autres sujets, la ministre des Transports a convié tous les parlementaires sur ces travaux. Alors, peut-être pas assez en amont. Vous trouvez peut-être que c'est assez tard. Ce qu'il faut se dire – et c'est la pratique que l'on voit quand on est de l'autre côté – c'est que les débats vont presque jusqu'à la veille du dépôt des dossiers et des projets de loi. L'amont, oui, mais j'ai envie de dire que nous devons nous saisir de l'amont en outre-mer. C'est ce qu'on fait avec le cabinet, et peut-être plus largement, avec des préparations en amont à la délégation, voire dans les différentes commissions où vous siégez. Concernant la lutte contre le gaspillage, Brune Poirson va arriver. Je sais qu'elle va effectivement réunir l'ensemble des parlementaires d'outre-mer. Le réflexe outre-mer fait qu'effectivement, là aussi il faut qu'on me dise : « cela doit se faire dans la conception du projet ». Mais vraiment, c'est aussi extrêmement compliqué, et pas que pour l'outre-mer. D'autres parlementaires de l'hexagone sont également ici et peuvent en témoigner. Eux aussi souhaiteraient être associés beaucoup plus en amont sur les sujets.

Concernant le Post-Cotonou, là aussi, ce sont des sujets que j'avais poussés quand j'étais secrétaire d'État au développement et à la francophonie. Je porte le sujet de l'intégration des outre-mer aux négociations. C'est indispensable, comme d'ailleurs dans les accords commerciaux et de libre-échange que l'Europe porte. La voix de la France pour ces outre-mer doit être portée. Je sais que l'AFD porte aussi le sujet avec nous. C'est important. Cela fait partie des débats réguliers. Il faut une continuité FED-FEDER également pour qu'on puisse, notamment dans le Pacifique, agir suffisamment ensemble et inclure les outre-mer dans ce travail. Quant à l'UICN, nous sommes partie prenante de l'organisation, de la partie française pour ce congrès national qui va avoir lieu à Marseille. Il faut qu'on vous réunisse assez vite pour voir ce qu'on peut faire tous ensemble, et ce qu'on peut porter. Je vous rappelle que dans le Livre bleu, il y avait l'idée du compteur biodiversité. Nous devons pousser ce compteur biodiversité. Ce n'est pas simple, mais on a besoin d'avoir des outils qui marquent, qui soient visibles. Il est important qu'on puisse le faire.

Pour vous répondre, Monsieur le président, et terminer sur votre dernière question, le crédit d'impôt pour la réhabilitation. Cela a effectivement été un point de débat dans le cadre de la conférence logement. Cela a été évoqué dans la conférence fiscale également. Le dispositif précédent avait été abrogé, parce que très souvent dévoyé. C'est ce que nous disions. L'idée est de construire une nouvelle réponse. Cela se fera dans le cadre de ces deux conférences. Il est important qu'on puisse là aussi travailler avec l'agence pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), qui se fait tirer les oreilles pour venir en outre-mer, et avec l'ensemble des acteurs associatifs, mais avec lesquels nous pouvons essayer de voir comment consolider une nouvelle formule de réponse, et trouver une solution tous ensemble à la question que vous venez de poser. Merci à tous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.