Je salue donc avec respect et gratitude votre engagement personnel, madame la ministre, sous l'autorité du chef du Gouvernement, pour concrétiser les conclusions de l'accord de Matignon.
Certes, la Collectivité européenne d'Alsace n'a que peu de rapport avec le projet soumis au référendum de 2013. Elle n'entraîne pas non plus la révision du périmètre de la région Grand Est. Mais faut-il le regretter ? Pour ma part, je ne crois pas à des politiques qui écrivent l'avenir avec des solutions du passé.
La représentation nationale a entre les mains un projet résolument nouveau et innovant. La future collectivité trouve sa cohérence dans le prolongement du traité d'Aix-la-Chapelle, dans la compétence qui lui est attribuée en matière de coopération transfrontalière ainsi que dans les efforts qu'elle pourra déployer en matière d'enseignement de la langue du voisin. Elle sera également un laboratoire pour expérimenter le principe de différenciation voulu par le chef de l'État. Enfin, elle redonne un supplément de proximité à des décisions publiques qui touchent le quotidien des gens, faisant écho à une demande issue du grand débat.
En voici un exemple concret. Il y a deux jours, Maurice, un habitant de la commune de Châtenois, m'a adressé un courrier ainsi libellé : « Monsieur le député, je me permets de vous interpeller au sujet du volume croissant de camions sur l'autoroute A35. Vivant à Châtenois depuis vingt ans, je constate l'accroissement régulier du nombre de poids lourds empruntant l'A35. De mon point de vue, ce trafic a trois conséquences directes sur notre environnement : la dégradation de la qualité de l'air, le nombre important d'accidents, la dégradation de nos routes. Une bonne partie de ces camions se limitent à transiter par notre région sans contribuer à notre activité économique. Ils utilisent nos infrastructures et polluent notre environnement sans contrepartie. »
Madame la ministre, vous imaginez bien que c'est avec un réel plaisir que j'ai répondu à Maurice que la future Collectivité européenne d'Alsace pourra s'atteler à cette question, puisqu'elle se verra transférer la gestion des routes et autoroutes nationales et qu'elle pourra expérimenter un dispositif de régulation du trafic des poids lourds. Pour une fois, on ne pourra pas dire que les politiques sont impuissants et qu'ils ne se préoccupent pas des problèmes locaux. C'est dire aussi que l'ordonnance que le Gouvernement devra produire est attendue avec impatience.
Et, monsieur Potier, je ne doute pas que d'autres territoires demanderont dans l'avenir à se saisir de cette possibilité. Après tout, l'Alsace retrouve ainsi la vocation de laboratoire de la décentralisation qu'elle avait exercée lorsque l'État lui avait confié la gestion des trains express régionaux.
Voilà qui devrait aussi rassurer ceux qui persistent à ne voir dans ce texte qu'une coquille vide, alors qu'il crée au contraire une maison commune pour tous les Alsaciens, dotée de compétences inédites.
Avant de conclure, je n'omettrai pas de saluer le travail important de Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry, présidents des deux conseils départementaux, ainsi que le travail remarquable réalisé par notre rapporteur. Monsieur Rebeyrotte, vous avez su vous mettre à l'écoute d'opinions diverses où l'émotion submergeait parfois la raison. De même, alors que par nature les partis politiques se nourrissent des clivages, vous avez fait converger les positions partisanes vers un point de consensus. Soyez-en remercié. Ce ne fut certes pas aussi compliqué que pour le traité de Vienne, mais il faut se féliciter que cette mission de rapporteur fût confiée une fois encore à un Bourguignon talentueux.