Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Merci Monsieur le gouverneur pour cette présentation. Le rôle de la Banque de France dans la transition énergétique et dans la lutte contre le réchauffement climatique est réel et bienvenu, notamment dans le cadre du NGFS (Network for Greening the Financial System) qui, je l'espère, permettra à terme d'atteindre les objectifs fixés par l'Accord de Paris. Il existe toutefois, me semble-t-il, une contradiction entre votre action, qui vise à faire prendre conscience des facteurs climatiques aux acteurs de marché, et la trop faible prise en compte de ceux-ci dans votre propre politique monétaire. En effet, le portefeuille de la Banque de France contient à peu près 32 milliards d'obligations d'entreprises liées aux secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Comme toute banque centrale, la Banque de France applique le principe de neutralité du marché. Cependant je voudrais connaître la valeur juridique de cette doctrine de neutralité. Plus encore, ne faudrait-il pas faire du verdissement du secteur financier une priorité plus importante et plus pressante au moyen du rachat en priorité de la dette des entreprises les moins polluantes ? Si je conçois que l'objectif premier de la Banque de France et des banques centrales est la stabilité des prix et la préservation de la confiance dans la monnaie, il me semble que nous gagnerions à clarifier les objectifs secondaires des banques centrales et donc de la Banque de France et, dans ce cadre, à mettre tout en haut de la liste de ses objectifs secondaires la lutte contre le réchauffement climatique.

Mon deuxième point a été évoqué par Monsieur le président ; il s'agit de la fameuse monnaie virtuelle lancée par Facebook, dite libra. Ce projet est certes innovant mais il fait naître certaines craintes, notamment pour la stabilité du système financier, et il ne s'agit pas là d'une monnaie marginale comme peut l'être le Bitcoin. Vous avez affirmé, Monsieur le gouverneur, dans une interview dans L'Obs le 25 juin dernier, que cette monnaie devra respecter les règles des banques centrales. Mais est-ce suffisant ? Cette nouvelle monnaie virtuelle sera très certainement adossée à un panier de devises et totalement convertible. Toutefois, en cas de conversion massive en euros ou en dollars, Facebook disposera-t-il des liquidités nécessaires pour y faire face ? J'en doute. L'intervention des banques centrales deviendra une nécessité une fois de plus.

Battre monnaie est un élément structurant de la souveraineté nationale. Alors que les GAFA érodent de plus en plus cette dernière par leur poids économique et le fait qu'ils échappent aux normes étatiques et internationales, faudrait-il les laisser prendre encore plus d'importance, au risque d'admettre, face à eux, l'effacement des États ? Faudrait-il en outre, au cas où ils n'auraient pas les liquidités suffisantes, qu'il revienne aux banques centrales d'en assumer les conséquences ? Ainsi, pouvez-vous nous expliquer en quoi les règles posées par la Banque de France constituent un cadre normatif suffisant pour écarter les risques induits par cette monnaie virtuelle ?

Dernière question : ne faudrait-il pas aller encore plus loin, à savoir que la Banque de France prenne position pour s'opposer au lancement du libra, comme l'ont fait certaines voix comme celles d'Elizabeth Warren et de Margrethe Vestager pour démanteler les GAFA ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.