Intervention de Thierry Breton

Réunion du mardi 16 juillet 2019 à 18h15
Commission des affaires sociales

Thierry Breton, directeur général de l'Institut national du cancer :

Madame la présidente, merci pour votre accueil. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d'abord du temps que vous allez me consacrer pour écouter les quelques mots que je vais prononcer devant vous sur les politiques de lutte contre le cancer, dans le cadre de mon éventuel renouvellement en tant que directeur général de l'INCa. Je suis honoré d'être devant vous et de vous faire cette présentation.

Quelques mots, au préalable, pour camper un peu le décor.

Vous connaissez sans doute déjà ces chiffres, mais il est important d'avoir à l'esprit à quel point les cancers sont un poids important dans notre société, au niveau mondial, mais bien sûr au niveau français. Je rappelle simplement que nous avons estimé en 2018 qu'il y a eu 382 000 nouveaux cas de cancer et 157 000 décès. Aujourd'hui, ce sont près de quatre millions de personnes qui ont eu ou qui vivent avec un cancer. C'est donc peu de chose de dire que si nous n'avons pas nous-mêmes été concernés, nous connaissons des proches qui ont pu être touchés par la maladie. Cette maladie a donc un retentissement très important dans notre société.

Elle reste la maladie la plus redoutée : 96 % des Français la classent dans les maladies les plus redoutées, ce qui est significatif de l'attention et du fait qu'elle nous concerne collectivement.

Madame la présidente, vous avez dit quelques mots sur l'INCa que je compléterai pour vous rappeler que nos missions ont été définies par la loi, comme vous l'avez dit et récemment enrichies – merci de votre confiance.

Notre mission première est d'être des experts sur l'ensemble des champs qui concernent le cancer : la prévention, la recherche, les recommandations aux professionnels de santé, les bonnes pratiques, l'information du grand public, l'organisation des dépistages. Nous sommes les experts de ces questions-là, pour cette maladie, avec deux objectifs : d'une part, d'éclairer les politiques de lutte contre le cancer et l'ensemble des décideurs qui concourent et qui contribuent à apporter des réponses à nos concitoyens et, d'autre part, d'apporter à nos concitoyens autant que faire se peut, un service qui soit adapté à leurs besoins.

Je le dis avec d'autant plus d'attention que c'est pour nous un engagement qui est important, c'est une chose à laquelle je suis très vigilant. Une agence nationale est une agence nationale. Bien sûr, elle a un rôle de coordination, de fédération des acteurs, elle doit faire émerger des initiatives, de nouveaux objectifs mais elle doit aussi rendre un service de proximité, si ce n'est géographique, elle doit répondre aux besoins des concitoyens et c'est un point important pour nous et pour moi en particulier.

Avant de voir ce que pourraient être les perspectives que je me proposerai volontiers de mettre en oeuvre aux côtés du président, le professeur Norbert Ifrah, que vous connaissez et de l'ensemble des collaborateurs de l'Institut, quelques mots pour vous dire où nous en sommes. Plutôt que de parler de moi, je vais plutôt parler, si vous le voulez bien, des politiques de lutte contre le cancer, pour voir ce qui, aujourd'hui, est digne d'une forme de satisfaction, avec toute l'humilité et la modestie qu'il convient d'avoir au regard des situations douloureuses auxquelles sont confrontés les patients et leurs familles.

Ces dernières années, ce n'est pas une nouveauté mais il faut quand même le rappeler, il y a eu beaucoup d'innovations, de progrès dans les thérapeutiques, sources d'un espoir nouveau ou en tout cas renforcé. Des progrès dans le champ du médicament, avec l'arrivée des immunothérapies qui sont plus efficaces, qui permettent d'avoir des traitements plus ciblés, plus personnalisés, correspondant mieux à la situation médicale et biologique du patient. Dernièrement, les CAR-T, peut-être en avez-vous entendu parler, sont une nouvelle technique qui permet, en réactivant la réponse immunitaire, d'apporter une réponse efficace. La radiothérapie a aussi évolué, elle est plus efficace et moins délabrante. La radiothérapie de conformation à modulation d'intensité est une technique qui est déjà à l'oeuvre dans le territoire et qui apporte des réponses meilleures à nos concitoyens. La chirurgie aussi a progressé, elle est plus efficace et plus rapide, elle est moins délabrante et plus conservatrice, elle est plus importante qu'auparavant en part ambulatoire.

On a, en matière de prise en charge et des thérapeutiques, des progressions et des progrès qui sont importants et vont dans le sens d'une plus grande efficacité, d'une plus grande efficience et de quelque chose qui concourt à améliorer la qualité de vie de nos citoyens.

L'un des points importants de l'INCa, et c'est une de ses raisons d'être, est de considérer que le patient n'est pas uniquement un patient et un malade. C'est aussi une personne, un individu qui a des besoins économiques, sociaux et psychologiques. Nous cherchons donc à développer une approche globale. Cela fait un peu technocratique mais c'est la réalité. On considère le point de vue du patient pour savoir ce qu'on peut lui apporter comme réponse. De ce point de vue, on a enregistré aussi quelques progrès. Je voudrais signaler le droit à l'oubli, qui permet à des candidats emprunteurs ayant été malades dans des délais pouvant aller au maximum à dix ans, cinq ans pour les enfants et moins de dix ans pour une douzaine de pathologies cancéreuses, d'accéder à des conditions d'emprunt de droit commun et de pouvoir faire un projet immobilier comme tout un chacun, de retrouver une vie normale et de s'y projeter comme tout le monde.

Je signale le sujet du cancer et de l'emploi, même si les progrès sont modestes. Nous faisons une étude qui s'appelle La vie après le cancer. Cinq ans après un diagnostic, on estime qu'un malade sur cinq a perdu son emploi. Il y a donc des pertes de revenus, mais pas uniquement. Il y a aussi une dimension personnelle et professionnelle qui est importante et qui concourt, nous y croyons, au projet de rétablissement du patient. On a commencé à mobiliser les entreprises sur cette question-là. C'est une question difficile car la maladie reste malgré tout encore un peu tabou, difficile à appréhender en entreprise. Nous avons pris le parti, en créant un club des entreprises, de mobiliser des entreprises et de les aider du point de vue de l'Institut, de leur offrir des outils pour aborder ces questions-là, qui sont difficiles. Aujourd'hui, nous avons une quarantaine d'entreprises qui se sont engagées à nos côtés.

Regarder l'évolution et les progrès c'est évidemment regarder les progrès thérapeutiques. Je ne ferai pas la liste de toutes les évolutions des taux de survie nets à cinq ans. Ce taux mesure l'effet de la maladie cancer. En à peu près quinze ans, on est passé pour le cancer du sein d'un taux de survie net à cinq ans de 80 % à 87 %, pour le colorectal de 54 % à 63 %, pour les leucémies concernant les enfants de 81 % à 87 %. Je n'égrène pas par localisation. Nous n'avons pas de chiffre général, cela n'aurait pas de sens en réalité. C'est pour vous dire que tout ce champ d'innovations, toute la progression de la prise en charge se traduisent, et c'est pour cela que l'on travaille, par une amélioration de la survie de nos concitoyens.

Si je regarde du côté du plan cancer 3, qui arrive bientôt à échéance, 2019 étant sa dernière année d'exécution, nous avons réalisé 83 % de nos jalons. Nous n'irons sans doute pas au terme et nous ne réaliserons pas 100 % du plan. Ce n'est pas tout à fait surprenant, il y aura encore du travail derrière. Nous avons une exécution budgétaire qui est à peu près conforme à ce que prévoyait le Président de la République en 2014, puisqu'il avait annoncé à peu près 1,5 milliard sur ce troisième plan – nous sommes en train de consolider les chiffres mais nous serons probablement un peu en dessous.

On ne peut pas, pour terminer ce petit bilan, ne pas dire un petit mot sur l'Institut. Nous avons fait ces dernières années, moi-même, le président Ifrah, la présidente Buzyn, mes prédécesseurs et les précédents présidents, un travail très important pour constituer une agence qui, je le dis personnellement avec modestie mais quand même avec conviction, a su prouver son efficacité. Elle a d'ailleurs été soulignée à l'occasion de plusieurs rapports parlementaires. Elle a su prouver et démontrer une valeur ajoutée dans le paysage des agences que vous connaissez avec un ministère et des acteurs territoriaux que sont les agences régionales de santé. Elle a su montrer qu'elle était capable de rendre un service, qu'aujourd'hui ou hier, tout le monde ne rendait pas à nos différentes communautés, nos différents publics : la population générale quand on est en prévention, quand il s'agit de dépistage, les médecins lorsqu'il s'agit de recommandations de bonnes pratiques, les chercheurs lorsqu'il s'agit de financer la recherche.

Je voudrais saluer ici tous les collaborateurs de cette agence qui sont très mobilisés, très concernés et très impliqués autour de nos questions. C'est un sujet difficile, mais qui nous implique tous très fortement. C'est une agence qui est donc dynamique, qui va de l'avant, et qui a, je crois, même s'il y a encore des progrès à faire, démontré sa valeur.

En termes de gestion, je signale simplement qu'après quelques années de déséquilibre financier, nous sommes revenus à l'équilibre financier structurel, que nous avons renforcé nos dispositifs de production d'expertise et d'indépendance de l'expertise, efforts qui ont été soulignés, à la fois par notre déontologue et par la Commission nationale de déontologie et des alertes en santé publique, et que nous avons contribué, comme d'autres, à la réduction de la dépense publique et aux efforts de réduction de nos emplois, qui, durant mon mandat, s'élèvent à peu près à 15 suppressions de postes. Nous étions 187 à la création de l'agence, nous sommes aujourd'hui 150.

Après ce tableau qui vise à nous dire qu'il y a matière à avoir espoir, des espoirs qui sont les nôtres pour les patients, il faut que l'on regarde lucidement ce que sont les points un peu aveugles, les points noirs de notre situation. Quelques chiffres permettent d'abord de montrer que le poids du cancer dans la société française ne va pas réduire. Malheureusement, pour des raisons qui sont des raisons de survenue de la maladie, d'évolution démographique, l'incidence croît fortement. Elle a crû de 65 % pour les hommes depuis 1990 et de 93 % pour les femmes. Cette progression est due à une évolution démographique, car c'est une maladie qui est liée au vieillissement, mais elle est également due à une augmentation des facteurs de risque du cancer, ce qui constitue un signal d'inquiétude très fort. On observe quand même une augmentation beaucoup plus importante de la part des facteurs de risque dans la survenue des cancers des femmes. 45 % de cette incidence est due à une augmentation du facteur de risque. Vous retrouvez là la question de la consommation de tabac mais pas uniquement. La mortalité a aussi crû de 6 % pour les hommes et de 26 % pour les femmes.

Cette maladie reste redoutée, car quand bien même les espoirs sont plus importants, quand bien même le taux de survie s'améliore pour la plupart des cancers, cela reste un moment de douleur profonde, de douleur physique, cela reste un moment de détresse, cela peut être un moment de dépression. Cette maladie a un impact psychologique très fort et en réalité, la plupart du temps, quelle que soit la gravité, c'est un impact assimilable à une rupture véritablement biographique, c'est-à-dire un changement fort et un moment très délicat qui s'opèrent. Avec la guérison, on espère la possibilité d'engager une nouvelle étape de sa vie.

Le parcours reste difficile. Il l'est dans le moment de l'information liée au diagnostic, dans l'articulation entre ville et hôpital. Je répète des choses que vous connaissez bien. Il est difficile aussi de prendre en compte, malgré les efforts qui sont faits, l'ensemble des dimensions des patients.

Malheureusement, cette maladie croît en nombre, malgré les efforts et elle ne se réduit pas dans son impact puisqu'on observe qu'environ deux tiers des patients ont des séquelles cinq ans après le diagnostic – douleurs, fatigue. Nous avons du travail sur cette question-là car le fardeau ne va pas s'alléger. L'impact reste très fort.

Par ailleurs, certains cancers sont très mal guéris. Je ne vais pas vous donner les taux de survie mais je prends quelques cancers dont le taux de survie net à cinq ans est inférieur à 20 % : cancer du pancréas, cancer du poumon, cancer du sein triple négatif, glioblastome du tronc cérébral chez l'enfant. Quelques cancers ont de très mauvais pronostics et ne suivent pas le rythme d'évolution générale que nous pouvons observer sur l'ensemble des localisations.

Je finirai sur un dernier point négatif, avec cette petite nuance sur le tableau et les progrès. Malheureusement, les facteurs de risque restent très importants. Lorsque l'on dit que 40 % des cancers sont évitables – c'est un chiffre qui est établi pour notre compte par le Centre international de recherche contre le cancer –, cela veut dire que, même si ce n'est pas tout à fait exact, nous pourrions éviter 160 000 nouveaux cas de cancer tous les ans. Les facteurs de risques sont le tabac (68 000 nouveaux cas de cancer et 45 000 décès) et l'alcool (28 000 nouveaux cas de cancer et 16 000 décès). Il y a parfois des choses que l'on connaît moins bien : le cancer du sein ce sont 8 000 cas de cancers liés à l'alcool ou encore le surpoids, avec 18 000 nouveaux cas par an.

Tout cela pour vous dire que dans ce paysage où les innovations sont extrêmement importantes, où les espoirs sont forts, il reste beaucoup de choses à faire et que nous souhaitons, à l'INCa, avec le professeur Ifrah, dans le cadre de la loi du 8 mars 2019, réfléchir et voir quelles doivent être nos orientations stratégiques pour demain.

La question est relativement simple, même si les réponses sont nombreuses : comment demain, pouvons-nous améliorer la santé de nos concitoyens ? C'est la seule mission de l'INCa et de l'ensemble de ses partenaires, c'est cette question-là qui doit guider notre travail, c'est cette question qui guide notre réflexion et nos propositions. Comment améliorer la santé de nos concitoyens, comment apporter des réponses à des gens qui sont dans la souffrance, à des familles qui sont dans la difficulté, à des professionnels de santé qui peuvent l'être aussi ? Comment apporter des réponses à des chercheurs qui veulent pouvoir s'engager dans des travaux plus compliqués ?

C'est l'ensemble de ces questions qui vont concourir à améliorer la santé de nos concitoyens. Il ne faut pas se contenter de mettre en place des outils, des travaux, des dispositifs, des choses qui permettent d'accompagner les patients. Aujourd'hui, on considère que c'est fait, et on va donc penser à autre chose pour les prochaines années. La première des choses que nous avons à faire et la première responsabilité de l'INCa, c'est de faire vivre tout ce qui a été mis en place par les trois plans cancer : les dispositifs, les outils, les réponses que nous essayons d'apporter avec ces trois plans aux patients sont très importantes. Certains sont très concrets comme le parcours, le dispositif d'avance, certains sont plutôt sur la recherche. Il faut prendre garde à continuer d'améliorer ces outils, continuer d'améliorer la prise en charge, continuer d'améliorer le service rendu à nos concitoyens dans une logique d'amélioration continue de la qualité pour continuer d'accompagner au mieux et de mieux en mieux les patients d'aujourd'hui. Ce que nous proposons pour la suite sera plutôt pour les patients de demain.

Ce qui nous anime et ce qui est une priorité partagée avec le président Ifrah, c'est une impulsion publique supplémentaire. Nous la proposons de manière un peu différente de ce qui a été fait jusqu'à présent. Il nous semble que dorénavant, après une phase de mobilisation générale qui a sans doute été nécessaire, il nous faut sérier et attaquer des objectifs, des défis plus réduits en nombre plus réduit, plus importants et sur lesquels on sait que, si nous ne mettons pas des forces supplémentaires collectivement – il ne s'agit pas que de l'INCA –, aucune avancée ne sera enregistrée. C'est sur ce défi que nous proposons, avec le professeur Ifrah, de travailler dans les prochaines années dans le cadre de la préparation de la stratégie décennale dont vous voulez nous confier la coordination.

La prévention d'abord, je le disais tout à l'heure : 40 % des cancers sont évitables, 160 000 nouveaux cas de cancer pourraient être évités tous les ans, c'est considérable. C'est notre première priorité : on ne va pas se mettre dans un monde idéal, mais imaginez ce que serait l'impact d'une politique de prévention dont l'efficacité serait de 100 %. Cela n'existe pas évidemment, mais c'est une ambition première dans notre action et notre stratégie depuis de nombreuses années déjà, que nous souhaitons renforcer.

Mon point de vue et ce que je souhaite faire avec l'INCa, c'est changer de braquet et passer à une autre façon de faire de la prévention. C'est d'abord s'engager dans une stratégie de long terme. Il nous faut durablement renforcer l'intensité de nos actions de prévention et nous engager dans une stratégie de long terme qui soit répétée car malheureusement aujourd'hui tous les acteurs de santé et les agences de santé ont du mal à se faire entendre de nos concitoyens, malgré les efforts qui sont faits. Nous devons nous engager à renforcer nos moyens et à le faire de la manière la plus intelligente possible. C'est dans la répétition que nous croyons pouvoir engranger des résultats. Il faut le faire en prévoyant ce que j'appelle un écosystème – c'est un peu impropre mais c'est pour vous faire comprendre que ce ne sera pas qu'une action de communication. Nous devons avoir un ensemble de dispositifs qui vont faire que les changements de comportement sont possibles. Dans les dispositifs et ce qu'il nous faut faire vis-à-vis de nos concitoyens : redonner le sens, pourquoi dit-on qu'il faut consommer moins d'alcool, pourquoi dit-on qu'il faut consommer moins de tabac ? On pense que c'est relativement bien su de la population mais quand on regarde les baromètres, on se rend compte qu'il y a une confusion très forte sur les niveaux de risque. Ces questions sont mal connues et il faut les rappeler. On n'informe pas nos concitoyens de l'intérêt de l'arrêt de la consommation de tabac. 47 000 décès sont liés à la consommation de tabac en France, ce sont donc autant de vies gâchées et autant de pertes au niveau collectif.

Nous devons mener cette stratégie de prévention avec des interventions de proximité. Il y a l'opération « Mois sans tabac » conduite par Santé publique France. Il faut que nous ayons à l'esprit que la communication et l'intervention de proximité doivent s'appuyer sur la communication. Il faut qu'on accompagne nos concitoyens sur ces questions-là. Il faut aussi mettre un troisième pilier sur cette stratégie en mobilisant autant que faire se peut, malgré toutes les difficultés qu'il peut y avoir, l'ensemble des leviers réglementaires, fiscaux ou économiques, sur ces questions, car on sait que c'est une dimension qui compte.

Pour vous donner un seul exemple, je considère que la sécurité routière, dans son organisation, est un exemple. On avait 12 000 décès par an dus à des accidents de la route dans les années 1970, on en a 4 000 aujourd'hui – c'est toujours une grosse mobilisation. Je pense que c'est l'impact et l'efficacité des politiques publiques. C'est aussi un impact sur le long terme et des changements de comportements qui sont intervenus, c'est le fruit de la communication, c'est le fruit des dispositifs mis en place en matière de contrôles, d'amendes, de contraventions, de sécurité sur les routes. C'est aussi le fruit d'un travail fait avec les constructeurs sur la sécurité et la vitesse. C'est un point important.

C'est donc un ensemble qui nous permettra d'avancer, ensemble qui doit s'inscrire dans une stratégie de long terme.

Sur le dépistage du cancer du sein, nous avons fait un effort important. La participation est aujourd'hui d'environ 60 % sur le dépistage organisé. Il y a 58 000 nouveaux cas de cancer du sein par an ; nous avons fait un effort extrêmement important pour retisser un lien de confiance avec les femmes. Cet effort passe par un plan de modernisation du programme de dépistage et par une information complètement remaniée pour la rendre plus accessible et plus complète. Notre ambition est de donner à chacune une information qui lui permette de décider en conscience, de savoir si elle participe ou pas au programme de dépistage. C'est une information experte, fondée scientifiquement, qui fait le point sur les bénéfices et les limites du dépistage du cancer du sein, mais qui réaffirme aussi, comme le font la plupart des pays occidentaux, que la participation au programme de dépistage de 50 à 74 ans est une recommandation dont le bénéfice est net.

Sur le sujet du cancer colorectal, nous sommes malheureusement confrontés à une situation d'échec. La participation est d'environ 30 %. C'est pourtant un cancer qui est très bien soigné et qui, lorsque le dépistage est fait, est guéri neuf fois sur dix. Le test de dépistage et les traitements que nous pouvons proposer ensuite sont très efficaces. La participation est trop faible, elle est liée à des problèmes d'organisation. À titre de comparaison avec la sécurité routière, où on avait 12 000 morts dans les années 1970, le cancer colorectal représente 16 000 en 2018. C'est un sujet de mobilisation. Notre objectif est de lever des freins organisationnels. Le fait de mettre à disposition de nos concitoyens un kit de dépistage est un enjeu majeur. Mon objectif est aussi de faire en sorte que chez nos concitoyens, la participation à ce programme de dépistage soit une routine, que cela s'insère dans les moeurs, car ce dépistage est efficace et il protège.

S'agissant de la prostate, il n'y a pas de dépistage organisé sur le sujet. Il y a une façon de détecter qui pose un certain nombre de questions, notamment sur le dosage du PSA. Je crois que nous devons, comme nous l'avons fait avec les femmes, retourner vers les hommes pour organiser et mettre à disposition une information qui leur permette d'être très au clair sur les bénéfices et les limites du dépistage par PSA dans les cancers de la prostate. Ce sont 50 000 nouveaux cas de cancer tous les ans.

Deuxième sujet : les séquelles. Je le disais tout à l'heure, ce sont près de deux tiers des patients qui, cinq ans après le diagnostic du cancer, souffrent de séquelles physiques et psychologiques ; trois personnes sur quatre souffrent de douleurs cinq ans après. Notre ambition est de réduire l'impact de ces séquelles. Cela passe par la désescalade thérapeutique pour engager des traitements moins lourds, pour repérer les séquelles plus tôt afin de les réduire. On a par exemple le cas du repérage de l'insuffisance rénale qui peut survenir au cours de la maladie ; repérée tôt, elle peut être guérie. Cela passe aussi par l'organisation du suivi et du parcours. Je pense en particulier au suivi à long terme des enfants, dont les séquelles doivent être repérées, identifiées, atténuées bien sûr, tout au long de leur vie. Cela passe par une nouvelle mobilisation sur les questions d'emploi. Je crois qu'il faut qu'on approfondisse ce sujet et la mobilisation des entreprises sur ces questions-là. Il est certain que du point de vue de l'INCa, nous n'arriverons à rien sans une mobilisation des entreprises pour accompagner ces salariés.

Le troisième axe qui me paraît extrêmement important, c'est de s'attaquer à ces cancers de mauvais pronostic que j'évoquais tout à l'heure, ceux dont on guérit très mal et pour lesquels, malheureusement, nous n'avons que très peu de réponses aujourd'hui à apporter aux patients. Les rythmes de progrès thérapeutiques sont très lents. Ce sont des situations très difficiles et des cancers très douloureux.

Nous avons besoin d'un effort de recherche accru mais cela ne dépend pas que de moyens financiers. C'est aussi une façon de penser la recherche qui doit évoluer. Il faut repenser notre effort, il faut penser différemment de ce que l'on peut faire sur les autres cancers, nous avons besoin de plus de moyens sur ces questions-là. Il faut structurer la recherche sur ces questions, ce sont des sujets qui sont extrêmement difficiles dans lesquels les équipes de recherche ne s'engagent pas beaucoup, parce que c'est risqué, parce que c'est difficile d'obtenir des résultats. Il faut penser l'accompagnement de ces équipes, il faut inciter ces équipes à venir les accompagner de manière bienveillante, pour qu'elles puissent progresser, rester durablement et que nous puissions obtenir des progrès thérapeutiques dans la prise en charge des cancers. Je crois que nous devons aussi penser les essais cliniques d'une autre façon pour ces cancers-là, car la modalité classique d'organisation des essais cliniques est relativement lente. Il faut qu'on ait des essais cliniques plus fluides, plus rapides, qui portent sur des groupes de malades moins importants et qui nous permettent d'aller plus vite dans la consolidation des connaissances pour apporter toujours plus vite des réponses à nos concitoyens qui malheureusement sont touchés par cette maladie.

Voilà ce que je voulais vous dire, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés : quelques éléments de fond sur la politique de lutte contre le cancer, pour resituer un paysage, redire ce qu'est l'INCa. Si j'ai l'honneur d'être renouvelé dans ce mandat, vous pouvez compter sur moi et sur ma détermination et ma conviction entières pour faire tout ce qu'il est possible de faire à hauteur d'hommes et de femmes, pour faire progresser et améliorer la santé de nos concitoyens.

Nous sommes une agence moderne, c'est comme cela que je la considère. C'est une agence agile, elle est active, elle est entreprenante, elle est innovante – elle va essayer de l'être plus – et elle est constituée d'hommes et de femmes qui sont vraiment très impliqués et très mobilisés sur ces questions. La mobilisation doit être collective. L'ampleur des sujets que j'ai décrits vous donne à voir l'importance de la tâche qui nous attend. Dans cette mobilisation collective, votre commission et votre assemblée y ont un rôle important. Je considère qu'il nous faudra de l'audace, de la force, de l'esprit d'innovation et il nous faudra aussi certainement des moyens pour réaliser nos ambitions au service de l'ensemble des Français, des patients et des familles.

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