Intervention de Yves Puget

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Yves Puget, directeur de la rédaction de LSA Conso :

Votre question contient plusieurs remarques. Tout d'abord, on est certainement sur une tendance de fond sur la valorisation, notamment sur les enseignes spécialisées, mais c'est un amas de petites tendances. Journalistiquement, on dit souvent qu'il faut un angle papier. Je veux bien vous écrire un papier qui tiendra la route en indiquant que tout le monde veut des produits bio, de la valorisation, de l'éthique, du social, de la responsabilité, du développement durable, de la proximité et du service.

C'est vrai. Tout cela s'additionne. Mais le lendemain, je vais être de mauvaise humeur et je vais vous faire un autre papier pour vous dire qu'une fois qu'on a dit tout cela, le meilleur lancement l'année dernière dans les produits de grande consommation était une glace d'une grande marque, qui n'est absolument pas bio, pas saine et pas faite en France. Quelles sont les enseignes en croissance ? Regardez : Action, Lidl, Primark.

Nous sommes dans un monde de plus en plus complexe.

Donc croire simplement, car on a envie d'y croire (et je fais partie de ceux-là), qu'il faut de la valorisation, c'est vrai, mais croire qu'il n'y a que cela serait une grave erreur car un distributeur connaît très bien le principe : pour analyser la zone de chalandise, notamment dans une grande surface alimentaire, il suffit de regarder les produits abandonnés juste devant la caisse, c'est-à-dire le consommateur qui a dit : « Là, mon caddie est trop plein, je ne pourrai pas donc je laisse le produit en tête de gondole juste devant la caisse. ». Un indicateur très fort pour un directeur de magasin consiste à voir le nombre de produits abandonnés.

Oui, nous avons eu cinq ans de déflation, tous les chiffres le démontrent. Deux remarques par rapport à cela : tous les chiffres démontrent aussi que si on fait un sondage, si on sort dans la rue et qu'on demande à un Français si les prix ont baissé ou monté, tout le monde va dire qu'ils ont monté. Personne, aucun consommateur ne va vous dire que depuis cinq ans les prix ont baissé et les Français n'ont pas tort car les prix ont baissé mais leur panier a monté ; c'est ce que l'on appelle le travail de valorisation. Je n'achetais qu'un pâté simple et maintenant j'achète un pâté avec du piment d'Espelette, un peu plus cher. J'achète un peu plus de bio. J'avais un rasoir à deux lames mais on finira avec des rasoirs 18 lames ! C'est le travail de la valorisation. Avant, on buvait un litre de lait simple. Aujourd'hui, on peut boire un litre de lait avec ouverture facile, pour le matin, le soir et l'après-midi, enrichi en calcium ou je ne sais quoi. Par conséquent, le panier moyen est un peu plus cher. Les deux ont raison : ceux qui disent : « Les gros industriels ont un problème qui est la guerre des prix, ils ont besoin de faire tourner leurs usines, ils ont besoin d'investir, ils ont des besoins de budget en R&D », et le consommateur a raison lorsqu'il dit « Au final, ça coûte plus cher ».

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