Intervention de Yves Puget

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Yves Puget, directeur de la rédaction de LSA Conso :

Il y a beaucoup de questions. Pour répondre à la dernière, l'adage exact était : « Faites des prix bas, les riches adorent ça, les pauvres en ont besoin. » C'est la même chose, nous sommes d'accord, et c'est un vieux principe du commerce. Je dirais que cela fonctionne toujours mais avec un « mais ». Oui, cela fonctionne toujours car malheureusement, pour les personnes dans le besoin, il y en a beaucoup, c'est toujours important de chercher le prix bas. Certaines personnes font leurs courses à un euro près, il faut en être conscient et de temps en temps, sortir de certains microcosmes, sortir un peu de Paris pour voir que certaines personnes sont vraiment dans le besoin, dans le malheur et elles font leurs courses à un euro près. C'est aussi la fonction de la grande distribution.

Concernant les prix bas, si tout est tiré vers les prix bas, je pense que c'est dangereux, que c'est destructeur de valeur et d'emplois. Dans ce cas, les industriels ont raison de râler. On peut quand même dire qu'on peut être le meilleur des prix bas dans des catégories de produits, c'est-à-dire qu'on peut aussi jouer sur un autre secteur : on peut être la voiture la moins chère qui va être aux alentours de 5 000. Mais dans les voitures, dans les 4x4, vous pouvez aussi être le moins cher des 4x4. L'enjeu de la problématique du prix bas est d'être sur des catégories. Tout vers le bas est dangereux mais on peut travailler par catégorie en disant : « On va aller vers le bio, on va aller vers d'autres catégories de produits. Sur ces catégories qui seront plus chères que d'autres, je l'accepte mais j'ai quand même envie d'être l'enseigne la moins chère. » C'est leur droit et c'est une attente des consommateurs.

Je n'ai pas vraiment d'exemple mondial. Je pourrais prendre l'exemple de la distribution suisse, qui travaille très bien avec le monde agricole, très en amont, notamment avec les coopératives, je pourrais vous prendre l'exemple américain, où il y a une forme de transparence dans les relations industrie-commerce. Les données de vente sont communiquées aux industriels, qui peuvent avoir quotidiennement leurs résultats ; la négociation est dès lors beaucoup plus simple et rapide. Les États-Unis sont-ils le modèle rêvé ? Non, pas forcément car ce n'est pas la vie rêvée au niveau de l'emploi. Il n'y a pas un modèle pour lequel je vais vous dire que c'est vraiment le modèle à suivre. Je crois qu'il faut aller piocher dans de nombreux pays. Nous avons le modèle de nos entrepreneurs et de nos lois.

À la fin de la seconde guerre mondiale en Allemagne, c'était le hard discount pour reconstruire le pays. En France, un modèle d'indépendants s'est très vite développé, d'où une surreprésentation des indépendants en France par rapport à d'autres pays. En Angleterre, notamment en raison de la taille du pays et des agglomérations, ils ont beaucoup plus parié sur les supermarchés. On s'aperçoit que notre modèle dépend de ceux qui ont inventé le commerce.

Nous avons en outre le modèle de nos lois. J'ai assisté à d'autres auditions. Si on regarde les marques de distributeurs, Leclerc n'en faisait pas, c'est la loi Galland qui a poussé les centres Leclerc à en proposer. Les enseignes sont réactives aux lois mais également à la conjoncture. Les produits blancs de Carrefour sont tout simplement nés des crises pétrolières des années 1970.

Les MDD ne sont pas un contournement de la loi, elles sont tout à fait légales. Les premières MDD en France remontent à 1901 pour l'alimentaire, avec Casino. Il y a eu des interprétations de la loi et, avec la loi Galland, cela a été dévoyé par les marges arrière, qui étaient beaucoup trop fortes. De mémoire, on arrivait à 33 % de marges arrière. C'est retombé depuis grâce à ou à cause de (à chacun de voir) la LME. Mais la création des MDD n'avait rien à voir avec la loi Galland. Leclerc n'en faisait pas, ils l'ont fait et cela existait auparavant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.