Intervention de Murielle Chagny

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 10h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Murielle Chagny, Professeure de droit, directrice du master de droit de la concurrence :

Je vais répondre à vos différentes questions en commençant par la dernière. Vous évoquez les avantages que peuvent présenter des mesures ciblées par rapport à des mesures ou à des règles plus générales. Peut-être pourrait-on combiner les deux avantages, à savoir une disposition générale comme nous l'avons, et je pense là à la règle sur le déséquilibre significatif en particulier, mais en l'illustrant via une liste de pratiques qui peuvent être considérées comme contraires à cette disposition. Nous serons d'ailleurs peut-être amenés à aller en ce sens lorsque nous aurons à transposer la directive sur les pratiques commerciales déloyales. De ce point de vue, on pourrait même imaginer avoir plusieurs catégories de listes en quelque sorte : une liste de pratiques noires, une liste de pratiques grises, ce qui correspond à ce qui est contenu dans l'article 4 de la directive, et une liste de pratiques blanches qui pourrait être relevée à partir des interventions de la CEPC, qui est amenée à constater un certain nombre de pratiques et à rendre des avis. Comme nous sommes ici sur du non contraignant, sur de la soft law, on pourrait imaginer combiner ces trois catégories de listes tout en gardant la règle générale car en matière de délai de paiement, nous sommes allés vers des règles très précises avec des sanctions très mécaniques via les sanctions administratives et nous avons constaté que les opérateurs sont très inventifs en pratique. On peut donc imaginer d'autres façons de procéder pour décaler ou allonger d'une manière ou d'une autre le délai.

À mon sens, il ne faut pas se priver des vertus de la règle générale mais ces vertus peuvent être complétées par des vertus autres de règles plus spécifiques en les insérant dans la règle générale. Le mécanisme des listes pourrait être opportun.

Concernant la médiation, je n'ai pas, à titre personnel, d'expérience de médiateur. Il me semble en revanche, pour avoir eu l'occasion d'échanger avec des médiateurs à différentes reprises, que cette voie mériterait vraiment d'être encouragée car elle peut être gagnante, notamment dans l'hypothèse qui est précisément celle qu'on évoque, soit les relations entre les fournisseurs et les distributeurs car dans ces cas de figure, le mieux pour tout le monde est a priori de rester en relation, ce qu'on est en principe amené à faire. Ce peut être une voie d'apaisement du conflit moins stigmatisante, moins traumatisante que l'action en justice. Cette voie ne fonctionne peut-être pas pour tout, je ne suis pas en train de dire que c'est la solution idoine, mais elle mériterait d'être développée. Au sein de la Commission d'examen des pratiques commerciales, j'ai pu constater que la présence de représentants des fournisseurs ou des distributeurs en présence d'autres personnes plus neutres était propice à des échanges assez apaisés. Cela pourrait être une idée à creuser dans une perspective de médiation. Pourquoi ne pas imaginer, sur un conflit particulier que la Commission ne permettrait pas de régler en tant que tel, de combiner une intervention de la CEPC avec une médiation stricto sensu, avec, pourquoi pas, une personne « neutre » de la CEPC qui pourrait être aux côtés du médiateur professionnel, donc l'expert de la médiation, et en présence d'un représentant des fournisseurs et d'un représentant des distributeurs. Cela pourrait être une piste à développer.

Enfin, par rapport à votre question concernant l'intervention du ministre de l'Économie, dans les procédures judiciaires engagées, il me semble qu'il agit plus qu'il n'intervient. Généralement, il engage l'action en justice. Il arrive aussi qu'il intervienne dans certaines procédures mais c'est plus souvent une action qui est engagée hors la présence des victimes directes.

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