La séance est ouverte à dix heures quinze.
Bonjour à tous. Nous démarrons notre audition et accueillons Mme Murielle Chagny. Vous êtes professeure des Universités en droit privé à la Faculté de droit et de science politique de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Vous êtes directrice du master de droit de la concurrence et de droit des contrats.
Nous allons procéder à votre audition. Je suis accompagné de M. Grégory Besson-Moreau, le rapporteur de notre commission. Après un propos introductif de votre part, pour quelques minutes, nous passerons aux questions des membres de la commission et, bien sûr, de M. le rapporteur.
Avant toute chose, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment.
Mme Murielle Chagny prête serment.
Merci Madame Chagny. Vous avez donc la parole pour quelques minutes pour un propos introductif.
Merci Monsieur le président.
Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens pour commencer à vous remercier pour cette audition dans le cadre de vos travaux Je souhaite préciser de façon liminaire que mes propos, comme l'a rappelé M. le président, seront ceux d'un professeur de droit dont les domaines de prédilection sont le droit de la concurrence dans toute sa diversité, allant du droit des concentrations et des pratiques anticoncurrentielles au droit des pratiques restrictives et du nouveau droit des pratiques commerciales déloyales en matière d'Union européenne, ainsi que le droit des contrats et de la responsabilité civile.
Par ailleurs, j'ai eu la chance de siéger pendant deux mandats, en tant que personnalité qualifiée, au sein de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC), qui a actuellement interrompu ses travaux en raison de l'arrivée à terme des mandats. Cette expérience m'a permis de constater concrètement qu'à côté de la voie « sanctionnatrice », il y a une place, au moins dans certains cas, pour la recherche de solutions dans un cadre moins conflictuel, qui gagnerait peut-être à être développée.
Je vais donc utiliser le temps que vous m'avez alloué pour formuler quelques observations très générales.
Première observation : le droit des contrats offre toute une panoplie de types de contrats. La pratique contractuelle est fort riche et en a ajouté par ailleurs. Sans doute peut-on considérer que certains contrats sont par nature déséquilibrés mais pour moi, le point essentiel n'est pas le type de contrat mais plutôt le rapport de force entre les contractants. Pour le dire autrement, je pense qu'il faut privilégier autant que faire se peut une approche transversale de préférence à une approche par type de contrat.
Quant aux instruments juridiques qui sont appelés à jouer au titre d'un pouvoir de marché ou d'un pouvoir de négociation, les règles de droit ne manquent pas, de même d'ailleurs que les organes appelés à intervenir, ce qui impose de s'attacher à une bonne articulation entre eux pour des raisons de cohérence, de clarté des règles mais aussi pour une meilleure complémentarité et donc une meilleure utilisation des ressources et moyens.
On peut s'attacher à intervenir de façon préventive par la constitution d'un contrôle du pouvoir de marché ou de négociation. On sait que le contrôle des concentrations est en la matière peine un peu à se saisir des accords coopératifs de rapprochement à l'achat.
Il y a également le contrôle des ententes. L'autorité de la concurrence a fait de la puissance d'achat une de ses priorités pour l'année 2019 et la Commission européenne s'y intéresse de près également désormais. En outre, vous avez doté l'autorité de la concurrence de nouvelles prérogatives sous la forme de l'article L. 462-10 du code de commerce issu de la loi de 2015 et renforcé récemment par la loi EGAlim. Je fais état de l'obligation d'information préalable en cas de rapprochement.
On peut aussi intervenir a posteriori en contrôlant l'exercice de son pouvoir. Comment est-il exercé ? À quels résultats aboutit-il dans la négociation ? On pense ici au droit des pratiques anticoncurrentielles, avec cependant un abus de position dominante qui est à la peine lorsqu'il s'agit de se saisir des abus d'exploitation, et un abus de dépendance économique qui pourrait être un instrument opportun mais qui est stérilisé par l'interprétation très restrictive dont il a fait l'objet. On a également les pratiques restrictives de concurrence, celles de type général, que l'on retrouve dans le titre IV du livre IV, mais aussi celles qui sont propres aux produits agricoles et alimentaires.
Enfin, il faut garder à l'esprit que le droit, s'il repose sur des règles très détaillées, risque d'être toujours en retard par rapport aux évolutions de l'économie et des pratiques. Le secteur de la redistribution n'est pas seulement reconfiguré par le jeu des alliances à l'achat en France et à l'international mais il est aussi appelé à faire face à de nouveaux défis avec les acteurs nouveaux venus du numérique, qui impliquent une forme de concurrence et d'habitudes de consommation nouvelles, d'où l'intérêt de privilégier des règles plutôt générales et de ne pas multiplier les dispositions. De ce point de vue, il me semble que nous allons dans le bon sens, en tout cas dans une certaine mesure, et que nous pourrions peut-être poursuivre cette évolution du côté de la soft law cette fois-ci, avec la multiplication des lignes directrices, des recommandations, des circulaires, etc.
Le fait de privilégier des règles générales permet aussi de se garder d'interventions législatives à répétition qui posent des délicats problèmes d'application dans le temps et ne sont pas toujours simples à résoudre pour les destinataires des règles.
Pour terminer, les principales difficultés en la matière me semblent tenir à la mise en oeuvre des dispositions, et ceci pour plusieurs raisons. Il y a bien sûr la réticence des victimes directes des pratiques à agir à l'encontre des partenaires commerciaux en dehors du cas où la relation commerciale a pris fin. D'où les prérogatives qui ont été confiées au ministre de l'Économie et à la DGCCRF. Mais même si l'arsenal des mesures est étoffé, ils ne peuvent pas tout faire. D'où l'intérêt, le rôle un peu particulier de la Commission d'examen des pratiques commerciales et peut-être l'intérêt, au-delà, de réfléchir davantage au développement de solutions négociées. La loi EGAlim est allée dans ce sens en renforçant le rôle du Médiateur des relations commerciales agricoles et la directive sur les pratiques commerciales déloyales nous y encourage encore puisqu'elle comporte un article qui permet aux États membres de développer, de promouvoir, s'ils le souhaitent des voies de résolution amiable des litiges. Elle nous encourage aussi à renforcer les moyens : une de ses dispositions fait obligation aux États membres de veiller à ce que chaque autorité d'application, comme la DGCCRF, par exemple, mais aussi la CEPC dispose des ressources et de l'expertise nécessaires.
Le dernier défi est l'internationalisation des relations et des pratiques et donc les problèmes liés à l'application, dans l'espace cette fois-ci, de la loi française et l'intérêt d'une intervention européenne à l'instar de celle sur les pratiques commerciales déloyales.
Merci Madame Chagny pour vos propos liminaires, qui étaient extrêmement intéressants et qui ont fait, dans ce que j'ai compris, une sorte de photo, un état des lieux de ce qui se passait les années précédentes et de ce qui s'est passé avec la mise en place d'EGAlim en termes juridiques et d'application des contrats.
Je vais maintenant m'adresser à la professeure des universités sur ce qu'on pourrait proposer. Est-ce que d'après vous aujourd'hui, en l'état, quand on fait un panorama de ce qui se passe après EGAlim, on pourrait parler de concurrence déloyale lorsque seules quatre grosses centrales d'achat représentent 92 % du marché ? Pensez-vous qu'aujourd'hui la concurrence est déloyale car ils ne sont que quatre ? Pensez-vous qu'il y a abus de position dominante de la part de ces regroupements ? Même si le concept de monopole se fait aux alentours de 40 à 50 % de part de marché pour un industriel, pensez-vous qu'aujourd'hui, avec 20 ou 25 % de part de marché pour une centrale d'achat, c'est un monopole et que l'on devrait peut-être interagir sur la loi par rapport à ce volume de part de marché ?
Je pense que votre question intéresse aussi en partie les économistes, ce que je dois l'avouer je ne suis pas. Je vais donc avoir un regard de juriste. Les économistes se réfèrent notamment à des décisions de la Commission européenne pour dire qu'à partir de 22 %, le taux de menace est crédible. Pour autant, le regard que je porterais en tant que juriste consiste à dire qu'il faut sans doute, en l'état où nous sommes rendus actuellement, mieux contrôler l'usage qui est fait des pouvoirs qui existent car c'est peut-être un peu tard pour la prévention, si je peux me permettre de m'exprimer ainsi. Une fois que les alliances sont réalisées, une fois que la concentration s'est opérée, il me semble difficile de revenir en arrière. Je sais bien que cela a été envisagé à une époque avec les injonctions structurelles mais le Conseil constitutionnel a sanctionné ce type de mesure en considérant qu'une atteinte excessive était portée à la liberté d'entreprendre.
Il y a des contrats, on parle de rééquilibrage des relations commerciales et au fil des auditions, on voit bien qu'il y a ce qui s'écrit dans les contrats et ce qui se pratique depuis des dizaines d'années. Personnellement, j'ai le sentiment qu'il y a eu une forme de bienveillance d'un ensemble d'acteurs institutionnels, que ce soit les pouvoirs publics ou peut-être même la justice, quant à appliquer le droit, c'est-à-dire avoir des contrats peut-être sommaires et des pratiques, comme le disait le rapporteur il y a quelques jours, pas toujours très catholiques.
C'est vrai qu'il peut y avoir un décalage entre ce qui est prévu dans le contrat et la façon dont le contrat est exécuté. C'est précisément l'un des avantages que présente le droit de la concurrence, qu'il s'agisse des pratiques anticoncurrentielles, théoriquement du moins, ou encore restrictives puisque l'on appréhende des pratiques, autrement dit pas uniquement le contenu du contrat mais aussi la façon dont le contrat est exécuté. De ce point de vue, il me semble que nous avons les armes et les instruments juridiques. Le problème est celui de la preuve et éventuellement des pratiques, qui peut être délicat. Les victimes pourront éventuellement être réticentes à agir elles-mêmes alors qu'elles ont peut-être les preuves de ces pratiques.
De plus, des possibilités d'agir sont données au ministre de l'Économie et à la DGCCRF mais ici, en pratique, les informations sont bien sûr transmises mais cela reste différent du point de vue d'une action en justice lorsqu'on n'est pas la victime directe et qu'on a une connaissance indirecte des pratiques. Dans le cadre du débat contradictoire, les éléments sont sans doute moins nourris, si j'ose dire.
Il faut prendre aussi en compte le fait que la DGCCRF ne peut pas tout faire. Je reviens à ce que je disais en évoquant les moyens : dans le cadre de la loi Egalim, il a été relevé que certaines dispositions n'étaient pas appliquées. C'est pourquoi la possibilité d'agir a été étendue. Le bureau 3C, qui s'occupe du droit des pratiques restrictives, est assez peu étoffé.
Madame Chagny, j'allais justement vous poser la question des moyens de la DGCCRF mais vous venez d'y répondre.
Je voudrais savoir, dans le débat contradictoire tel que vous pouvez le pratiquer ou au moins le voir dans les contentieux, comment on se sert de son action et quelle différence vous pouvez faire entre un dossier avec ou sans l'intervention de la DGCCRF. Vous avez parlé de la médiation ; le rôle du médiateur a été renforcé. Avez-vous dans vos connaissances des exemples de relations, pas forcément entre le monde agricole et le monde de l'industrie ou de la distribution mais dans d'autres secteurs ? Avez-vous une expérience à nous faire partager sur le rôle qu'a pu jouer la médiation ? A-t-elle amélioré ou non les choses ?
Plus spécifiquement dans l'application de la loi, comme vous l'avez dit, certaines choses sont plus ou moins faciles à prouver mais LME contenait des éléments très clairs ; je pense par exemple aux délais de paiement. Avez-vous constaté une inflation des plaintes sur des points très précis et dont il est plus facile de se saisir dans la loi ? Pensez-vous qu'il y a une orientation à prendre dans la loi par rapport aux types de mesures ? Vous parlez de mesures générales mais ne peut-on pas se saisir plus facilement d'une mesure très ciblée que d'une mesure générale ?
Je vais répondre à vos différentes questions en commençant par la dernière. Vous évoquez les avantages que peuvent présenter des mesures ciblées par rapport à des mesures ou à des règles plus générales. Peut-être pourrait-on combiner les deux avantages, à savoir une disposition générale comme nous l'avons, et je pense là à la règle sur le déséquilibre significatif en particulier, mais en l'illustrant via une liste de pratiques qui peuvent être considérées comme contraires à cette disposition. Nous serons d'ailleurs peut-être amenés à aller en ce sens lorsque nous aurons à transposer la directive sur les pratiques commerciales déloyales. De ce point de vue, on pourrait même imaginer avoir plusieurs catégories de listes en quelque sorte : une liste de pratiques noires, une liste de pratiques grises, ce qui correspond à ce qui est contenu dans l'article 4 de la directive, et une liste de pratiques blanches qui pourrait être relevée à partir des interventions de la CEPC, qui est amenée à constater un certain nombre de pratiques et à rendre des avis. Comme nous sommes ici sur du non contraignant, sur de la soft law, on pourrait imaginer combiner ces trois catégories de listes tout en gardant la règle générale car en matière de délai de paiement, nous sommes allés vers des règles très précises avec des sanctions très mécaniques via les sanctions administratives et nous avons constaté que les opérateurs sont très inventifs en pratique. On peut donc imaginer d'autres façons de procéder pour décaler ou allonger d'une manière ou d'une autre le délai.
À mon sens, il ne faut pas se priver des vertus de la règle générale mais ces vertus peuvent être complétées par des vertus autres de règles plus spécifiques en les insérant dans la règle générale. Le mécanisme des listes pourrait être opportun.
Concernant la médiation, je n'ai pas, à titre personnel, d'expérience de médiateur. Il me semble en revanche, pour avoir eu l'occasion d'échanger avec des médiateurs à différentes reprises, que cette voie mériterait vraiment d'être encouragée car elle peut être gagnante, notamment dans l'hypothèse qui est précisément celle qu'on évoque, soit les relations entre les fournisseurs et les distributeurs car dans ces cas de figure, le mieux pour tout le monde est a priori de rester en relation, ce qu'on est en principe amené à faire. Ce peut être une voie d'apaisement du conflit moins stigmatisante, moins traumatisante que l'action en justice. Cette voie ne fonctionne peut-être pas pour tout, je ne suis pas en train de dire que c'est la solution idoine, mais elle mériterait d'être développée. Au sein de la Commission d'examen des pratiques commerciales, j'ai pu constater que la présence de représentants des fournisseurs ou des distributeurs en présence d'autres personnes plus neutres était propice à des échanges assez apaisés. Cela pourrait être une idée à creuser dans une perspective de médiation. Pourquoi ne pas imaginer, sur un conflit particulier que la Commission ne permettrait pas de régler en tant que tel, de combiner une intervention de la CEPC avec une médiation stricto sensu, avec, pourquoi pas, une personne « neutre » de la CEPC qui pourrait être aux côtés du médiateur professionnel, donc l'expert de la médiation, et en présence d'un représentant des fournisseurs et d'un représentant des distributeurs. Cela pourrait être une piste à développer.
Enfin, par rapport à votre question concernant l'intervention du ministre de l'Économie, dans les procédures judiciaires engagées, il me semble qu'il agit plus qu'il n'intervient. Généralement, il engage l'action en justice. Il arrive aussi qu'il intervienne dans certaines procédures mais c'est plus souvent une action qui est engagée hors la présence des victimes directes.
J'ai deux questions. La première concerne la Commission d'examen des pratiques commerciales. Étant donné que vous en avez fait partie, je voudrais savoir quel bilan vous tirez de l'action de cette commission. Permet-elle vraiment d'avoir accès au coeur des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs et le travail réalisé par cette commission est-il vraiment exploité ? Sur quoi débouche-t-il ? S'il y avait des choses à changer dans le fonctionnement, les moyens, les suites à donner ou le rôle de cette commission, que pourriez-vous proposer ?
La deuxième question concerne l'articulation entre le droit national et le droit européen et la place de l'un et de l'autre. Certaines centrales d'achat sont maintenant européennes. Leclerc est poursuivi par le Gouvernement français pour des comportements de la centrale d'achat qui l'a positionné à Bruxelles. On peut penser que ce type de comportement pourra se développer à l'avenir. Faut-il renforcer encore le droit européen ? La réponse nationale suffit-elle et dans quelle mesure le droit français peut-il être en capacité d'appréhender ce type de comportement ? On peut déjà faire un grand nombre de choses à travers la notion de loi de police mais je souhaitais revenir sur ce sujet. Merci.
S'agissant de la CEPC, le bilan est très positif d'un point de vue qualitatif. J'ai pu constater un vrai échange entre les parties prenantes et donc la possibilité de trouver des solutions et des compromis. Les avis sont rendus selon le principe de l'unanimité en séance et les relations sont tout à fait apaisées à l'intérieur de cette instance. C'est aussi une façon d'apaiser certaines choses en externe.
Les recommandations pourraient être développées, ce qui est déjà prévu dans les prérogatives. Nous sommes saisis pour avis mais nous pouvons aussi se saisir et adopter des recommandations. La présence au sein de la Commission de représentants à la fois des fournisseurs et des distributeurs pourrait être mieux exploitée. Cela s'est vu à travers l'exemple du guide sur les pénalités logistiques établi en décembre dernier et c'est un exemple à poursuivre.
Je vous remercie de me donner l'occasion de le souligner : il y aurait à réfléchir à une articulation avec la médiation. Sur un plan macro, nous avons déjà un rôle de médiation en quelque sorte, à travers les bonnes pratiques que nous pouvons signaler et les mauvaises pratiques que nous pouvons stigmatiser de façon non contraignante. Nous jouons aussi un rôle à travers les avis que nous rendons. À titre personnel, je souhaiterais voir se développer les avis rendus à la demande des juridictions, ce qui me paraîtrait opportun. J'ai parlé des moyens de la DGCCRF tout à l'heure mais les moyens de la Commission d'examen des pratiques commerciales sont réduits à presque rien. Je sais qu'en général tout le monde demande plus de moyens mais là, je dois dire que les moyens sont vraiment extrêmement réduits.
Je ne sais pas si j'ai répondu à l'ensemble de votre question pour la CEPC. Avec la réforme qui est intervenue, du point de vue des bonnes pratiques, les futurs membres pourraient essayer de travailler à l'intérieur de la Commission en vue de donner un cadre contractuel aux négociations, d'expliciter en quelque sorte, de donner une mise en musique pratique des négociations à la lumière des nouvelles dispositions. Cette recommandation de développement de bonnes pratiques pourrait être très utile, même si cela constituerait un travail de longue haleine.
Sur l'articulation du droit national et européen, face à des pratiques internationales, la question de l'application de la loi dans l'espace se pose. La loi de police peut répondre en partie à la question ; la directive sur les pratiques commerciales déloyales l'envisage bien en ce sens. Pour autant, la qualification de loi de police peut se trouver assez largement désactivée en cas de clause attributive de juridiction car en ce cas, une juridiction américaine par exemple ne va pas forcément être encline à appliquer la loi de police française. D'où l'intérêt de l'action du ministre de l'Économie car il n'est pas lié par la clause attributive de juridiction puisqu'il est tiers au contrat. Dans ce cas, il peut agir devant une juridiction française et faire appliquer le droit des pratiques restrictives.
Néanmoins, une intervention européenne peut dans certains cas avoir du sens, ne serait-ce que dans un but d'égalisation de la concurrence entre les opérateurs économiques car la volonté de protéger les fournisseurs peut parfois avoir des effets pervers dès lors qu'on va parfois être tenté de solliciter des fournisseurs d'un autre État membre. De mon point de vue, la solution n'est pas uniquement dans le droit de l'Union européenne mais il faut sans doute aussi y recourir.
Je vous remercie pour tout ce que vous nous avez expliqué. Il me semble qu'il y a un petit problème en France. Les lois qui touchaient l'agriculture, lois « Galland », LME, LAAAF et EGAlim aujourd'hui, ne s'imbriquent pas mais se superposent et on se rend compte qu'elles mettent parfois en échec des mesures que l'on prend. Par exemple, en ce qui concerne LME, quand on dit qu'il va y avoir des discussions entre distributeurs et fournisseurs par rapport à une référence, au coût de production ou autre, on voit bien que les discussions de prix ont déjà été faites et que de toute façon le tempo est mauvais. Ne vous semble-t-il pas nécessaire de faire un peu de nettoyage ?
Par rapport aux règles de droit communautaire, on observe aujourd'hui des difficultés de fonctionnement dans les interprofessions pour la représentation. La représentation reconnue aux syndicats aujourd'hui ne correspond pas à la réalité puisque les syndicats sont représentatifs dans l'unique mesure où ils sont présents. Cependant, on a la possibilité de contester si on représente un tiers des volumes. Ne vous semble-t-il pas que les règles d'extension des règles des organisations professionnelles permettent une piste pour la prise en compte de tous les maillons ?
S'agissant du phénomène que vous évoquez, qui est celui de l'empilement des lois au fil des années sans qu'il n'y ait de refonte d'ensemble, vous prêchez une convaincue C'est la raison pour laquelle, depuis assez longtemps, j'ai pu plaider en faveur d'une réforme d'ensemble du titre IV car une bonne partie des textes devenait illisible ne serait-ce que par leur aspect. En outre, il y avait comme vous l'évoquiez des difficultés d'articulation parfois au sein d'un même texte, des dispositions qui apparaissaient contradictoires ou en tout cas difficiles à concilier.
Cela étant, il me semble que nous sommes allés dans la bonne direction avec l'ordonnance toute récente qui porte refonte du titre IV. Ce n'est pas parfait, peut-être aurions-nous pu faire mieux, par exemple en matière de transparence tarifaire avec les conventions, mais la critique est aisée et l'art est difficile.
En revanche, dans la mesure où on sait déjà qu'il va falloir de nouveau intervenir, ne serait-ce que pour transposer la directive, il faut garder à l'esprit ce souci d'éviter l'éparpillement, la superposition, le millefeuille, raison pour laquelle j'évoquais tout à l'heure la possibilité de transposer la directive en ce qui concerne les règles de droit substantiel au sein de l'article L. 442-1 du Code de commerce sous la forme d'une liste de pratiques noires et grises.
L'autre voie possible consisterait à placer ces dispositions au sein du chapitre spécifique pour les produits agricoles et alimentaires créé par l'ordonnance de refonte. Maintenant que cette refonte a eu lieu et même si elle n'est pas parfaite, elle a le mérite d'exister et elle améliore la lisibilité de nos textes. Pour les prochaines interventions législatives, il faut vraiment garder à l'esprit cette nécessité de conserver quelque chose d'accessible aux destinataires des règles car il en va aussi de l'attractivité du droit français.
Je vais malheureusement devoir confesser mon incompétence à répondre à l'autre question. Je vais vous décevoir mais sur ce point, je ne suis pas la personne idoine.
On a un médiateur, on a la CEPC, l'Observatoire de la formation des prix et des marges, la DGCCRF, la justice, même le législateur se met à faire une commission d'enquête. Cette commission d'enquête va faire venir 30, 40 ou 50 industriels de l'agroalimentaire et pas un seul ne va parler ! Ils ont tous peur. On s'aperçoit qu'on a beau mettre en place tout un tas d'outils, quand le bateau est en train de dériver, il n'y en a pas un qui ose parler ni se plaindre. En tant que professeur sur le droit de la concurrence et le droit des contrats, pourrait-on imposer une mécanique qui, lorsque le contrat, du côté de l'industriel, n'est pas respecté, celui-ci serait contraint de porter plainte ? Derrière l'industriel, un chiffre d'affaires, du résultat net et des gros salaires de patron d'industrie, des gens qui tournent au tournevis, des intérimaires des contrats courts, des personnes qui vivent avec 1 200 euros par mois. Pour les protéger, l'industriel devrait peut-être porter plainte obligatoirement. Je voudrais avoir votre avis.
Ma deuxième question sera très courte : on parle de conditions générales de vente mais au niveau de l'industrie agroalimentaire, elles sont souvent amendées par des conditions générales d'achat. Quand je vais faire mes courses, je regarde les conditions générales de vente mais je n'impose pas des conditions générales d'achat à mon distributeur. Ne devrait-on pas tout simplement supprimer ces conditions générales d'achat et imposer à la distribution de signer des conditions générales de vente imposées par leurs industriels ?
Sur la première question, qui concerne la réticence à se plaindre de pratiques et notamment de façon officielle, je dois dire que la suggestion que vous formulez d'imposer de porter plainte m'interpelle. Je ne suis pas sûre que ce soit concevable d'un point de vue juridique ; il me paraît difficile de l'envisager. Plutôt que d'imposer, il faut arriver à inciter. Je vais reparler des modes de médiation car je crois que tous les modes de règlement sous forme transactionnelle sont sans doute à développer en la matière : il est de l'intérêt de celui qui est victime de pratiques de la part de son cocontractant de pouvoir faire que ces pratiques cessent mais aussi de pouvoir continuer à interagir avec lui.
S'agissant des conditions générales d'achat, les supprimer et faire appliquer totalement les conditions générales de vente est une solution très dirigiste qui en réalité limite quasiment toute possibilité de négociation en dehors du prix. C'est à la fois le professeur de droit des contrats et le professeur de droit de la concurrence qui est un peu réticent, c'est le moins que je puisse dire, à votre proposition. Je préfère le contrôle a posteriori. En outre, il me semble qu'avec la réforme, on a donné des éléments permettant de renforcer le rôle des conditions générales de vente. Je pense aux dispositions spécifiques aux produits de grande consommation et donc à l'obligation du distributeur de se positionner par rapport aux conditions générales de vente qui lui sont communiquées. Cela me paraît être la voie à suivre, l'autre étant un peu trop radicale à mon goût.
Trois points avant de céder la parole à Cendra Motin.
Sur la question des contrats, je crois comprendre au fil des auditions et des éléments que nous collectons que lorsque les acheteurs qui représentent les acteurs de la distribution et du commerce rencontrent les industriels, l'objectif est de partir sur un prix déflationniste. On parle du contrat passé, de la situation de l'année écoulée. L'acheteur pour le compte de la grande distribution explique que le marché a été mauvais, que les marges n'ont pas été suffisantes, et va même parfois jusqu'à demander des compensations de marge : on n'a pas suffisamment margé donc pour commencer, on va discuter d'une compensation de la marge sur ce qu'on a négocié l'année dernière. On revient ainsi sur le contrat de l'année passée ; c'est la poursuite de ce que vient de dire le rapporteur. Premier élément : pourrions-nous aller jusqu'à proposer d'interdire de revenir sur la situation antérieure ? Un contrat est un contrat, il s'est exécuté et pour partir du nouveau contrat, on parle des indicateurs de coût de production du maillon « amont », objectif de la loi consécutive aux États Généraux de l'Alimentation (EGA) pour prendre en compte le coût de production chez des agriculteurs.
Deuxièmement, puisqu'on parle de déséquilibre des relations commerciales, on parle beaucoup des box. N'avons-nous pas à agir ou interagir sur la mise en condition des négociations ? Faut-il que les négociations aient obligatoirement lieu dans un box où on conditionne notre interlocuteur ou pourrait-on imaginer que l'acheteur vienne chez l'industriel pour discuter des prix et des produits mis en vente et qu'il y ait alternance de la négociation un coup chez l'industriel et un coup chez le distributeur ?
Dernier point : de là où vous êtes, observez-vous des éléments plutôt favorables suite au vote de la loi et de son application des États Généraux de l'Alimentation avec une prise en compte du maillon amont et des indicateurs du coût de production ?
En ce qui concerne la rétroactivité, en principe une disposition existait et a été maintenue ; celle-ci permet de frapper de nullité les clauses, les dispositions instituant une rétroactivité. Normalement, l'arsenal existe, outre la possibilité de faire jouer la règle sur le déséquilibre significatif.
Par rapport aux conditions tarifaires, aujourd'hui, dans l'ordonnance telle qu'elle a réformé le titre IV, une disposition permet de contrôler le tarif de manière assez nette, il s'agit du nouvel article L. 442-1, alinéa 1 ou 2. Ce texte vise l'avantage manifestement disproportionné au regard de la contrepartie. Avant l'ordonnance, il ne s'appliquait qu'aux services ; dorénavant, il s'applique de manière générale car il n'y a plus de limitation liée au type de contrat concerné.
C'est un instrument extrêmement puissant car il n'y a pas, pour ce texte, à démontrer l'exercice d'un rapport de force, il n'y a pas l'équivalent de ce que l'on trouve dans la règle sur le déséquilibre significatif, soit le fait de soumettre ou tenter de soumettre ; c'est simplement le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir un résultat donné, donc un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie. Cet instrument existe.
Je crois que c'est le professeur Benzoni qui l'avait suggéré : on aurait pu imaginer de modifier le texte de l'article L. 420-5 du côté des pratiques anticoncurrentielles, l'interdiction des prix abusivement bas qui vise, pour le moment uniquement, les ventes aux consommateurs. Cette disposition aurait pu être étendue aux ventes en amont. Cela aurait pu être imaginé et c'est toujours imaginable. Est-ce encore utile compte tenu de la modification du domaine d'application de l'avantage manifestement disproportionné sans contrepartie ou avec une contrepartie ? Il faut essayer de penser les règles en complémentarité et il n'est pas forcément utile d'avoir plusieurs instruments pour régler un même problème.
Sur la question des box, j'ai un peu peur que si la loi commence à dire qu'il faut que la négociation se passe comme ceci dans tel local, etc., la loi s'abîme un peu dans le détail. En revanche, c'est typiquement le genre de choses qui pourraient être évoquées dans le cadre du développement de bonnes pratiques. J'évoquais tout-à-l'heure le développement de bonnes pratiques qu'il revient normalement à la Commission d'examen des pratiques commerciales de développer et de mettre en avant. Là, cela pourrait avoir son sens. Pour moi, cela ne ressort pas du domaine de la loi mais plutôt du domaine des bonnes pratiques car c'est adaptable, on peut modifier les choses.
Quant à l'impact de la loi EGAlim, j'aurais tendance à dire que c'est un peu prématuré pour moi, qui ne suis pas opérateur mais professeur de droit, de pouvoir porter une appréciation. Certes, l'ayant écrit, je ne vais pas me renier : j'ai quelques doutes sur la compatibilité de l'interdiction de la revente à perte au regard de la législation européenne. Je ne suis pas sûre que d'un point de vue juridique, le rehaussement du seuil de revente à perte soit très solide en raison de la fragilité de la prohibition elle-même. Une appréciation de l'impact de la loi me paraît difficile à donner en pratique. En revanche, je crois vraiment que la simplification qui a été portée en partie par l'ordonnance va dans le bon sens, même si tout n'est pas parfait ; elle rend quand même les choses plus claires pour les opérateurs.
Nous avons fait beaucoup d'analyse de textes. J'aimerais savoir si vous avez des choses à nous transmettre sur la jurisprudence. On désigne toujours les mêmes acteurs du doigt en mettant les méchants d'un côté et les gentils de l'autre mais est-ce que dans la pratique du droit, dans la jurisprudence, les méchants sont toujours condamnés et les gentils gagnent toujours ou est-ce qu'on se rend compte que quand la justice est saisie dans l'application, tout le monde n'est pas noir ou blanc ? Je souhaiterais connaître votre analyse de la jurisprudence des textes actuels et ce qu'elle peut nous révéler sur les pratiques des différents acteurs, que ce soit les industriels, les représentants du commerce ou même certaines PME qui traitent en direct.
Merci de me donner l'occasion d'évoquer un sujet qui m'est cher : celui de la place du juge et du juge judiciaire notamment. Ce n'est pas exactement votre question mais je vais me permettre d'évoquer un point.
Comme vous le savez, les sanctions administratives ont été développées en la matière pour appréhender des manquements formels et je ne conteste pas l'opportunité de certaines de ces sanctions administratives.
Cependant, je regrette très fortement qu'en cas de contentieux, ce soit le juge administratif qui soit amené à statuer car dans ce cas la juridiction administrative intervient dans des relations qui sont plutôt des relations entre partenaires commerciaux et par ailleurs, cela contribue encore à étendre le nombre d'intervenants possibles mais ne contribue pas à une unité de réponse. On devrait donner davantage de moyens au juge judiciaire. Comme vous le voyez, je ne plaide pas que pour ma paroisse.
Sur la jurisprudence, je n'ai pas connaissance de toutes les décisions mais quand on regarde les décisions notamment de la Chambre 5-4 de la Cour d'appel de Paris, on constate qu'elle est entrée en voie de condamnation, notamment sur la base des assignations dites « Novelli » dans un premier temps et d'autres assignations qui ont été portées sur le terrain du déséquilibre significatif. Un certain nombre de condamnations ont été prononcées mais elles n'ont pas été systématiques car la Cour a parfois estimé que la pratique dénoncée ne remplissait pas les conditions requises par le texte. Il y a place pour de la nuance dans les pratiques, certaines pratiques sont sans doute plus nocives ou plus contestables que d'autres. Finalement, la jurisprudence me paraît être le reflet de la réalité des choses. Un point délicat était la notion de partenaire commercial telle que la jurisprudence et notamment la Cour d'appel de Paris l'interprétait, qui était une interprétation assez restrictive qui portait en elle le risque de fermer les possibilités d'application du texte. Ceci n'aura plus cours à l'avenir puisque la nouvelle rédaction du texte issu de l'ordonnance a fait disparaître toute référence à la notion de partenaire commercial et a visé tous les temps de la phase contractuelle, c'est-à-dire la négociation du contrat mais aussi et en particulier son exécution.
Vous avez fait allusion dans votre introduction à l'évolution du monde du commerce et on constate, aux États-Unis par exemple, que Whole Foods a été racheté par Amazon, ce qui a eu pour conséquence une pression plus forte sur les fournisseurs. Ce phénomène peut parfaitement apparaître en France et en Europe. Le législateur a souvent un coup de retard sur ces questions. Ne pourrait-on pas, pour une fois, avoir un coup d'avance face à cette évolution ? L'arsenal législatif tel qu'il existe aujourd'hui suffira-t-il demain pour appréhender ces nouveaux comportements avec notamment le commerce en ligne, l'intervention des GAFAM dans le domaine de la distribution… ? On voit bien que des frontières sont en train de disparaître. Deuxième question : vous avez fait référence tout à l'heure à l'abus de dépendance économique. C'est vrai qu'il figure dans la partie du code de commerce sur les pratiques anticoncurrentielles et que c'est une infraction difficile à mettre en oeuvre. Que faudrait-il pour faire en sorte que demain, on puisse s'appuyer plus facilement sur l'abus de dépendance économique, qui pourrait justement être un moyen, un outil utile dans la relation déséquilibrée entre fournisseurs et distributeurs ?
S'agissant de l'évolution liée aux acteurs du numérique, la solution me paraît être de rester sur des règles générales car ces règles ont la vertu de pouvoir s'appliquer quelle que soit la situation donnée et il me semble que c'est la voie qu'il faut poursuivre car si on a des règles générales, elles permettront d'appréhender des géants du numérique au-delà même de la question de la distribution, telles que les pratiques de Google dans d'autres domaines.
Il y a aussi la question, pour les géants mondiaux, de l'appréhension de leurs pratiques sur le fondement de quelles règles avec la question des lois de police et peut-être l'intérêt d'une intervention au plan de l'Union européenne. La directive récente sur les pratiques commerciales déloyales se déclare applicable à partir du moment où soit l'acheteur, soit le fournisseur est localisé dans un des États membres de l'Union européenne. Cela permet déjà d'élargir le champ d'application. C'est la raison pour laquelle, sur ce type d'acteur, je crains que la solution ne puisse pas être purement franco-française.
Concernant l'abus de dépendance économique, en l'état actuel, on peut se demander si, en France, il est vraiment opportun ou utile de le réactiver dans la mesure où désormais, au sein du droit des pratiques restrictives, certains instruments, notamment au niveau du déséquilibre significatif, permettent de se saisir des pratiques de façon assez efficace, soit un texte général avec des sanctions, notamment l'amende civile, qui peut être élevée. Concernant la France stricto sensu, on pourrait se demander si on a vraiment besoin de réactiver l'abus de dépendance économique. En revanche, cela aurait tout son sens dans une perspective européenne. On peine à se saisir des abus d'exploitation car l'abus de position dominante n'est manifestement pas l'instrument idoine faute de pouvoir caractériser la position dominante. On pourrait donc se demander si l'abus de dépendance économique ne gagnerait pas à insérer l'arsenal des pratiques anticoncurrentielles, y compris à l'échelle européenne.
Comment pourrait-on le réactiver ? À mon sens, cela passe par une redéfinition ou en tout cas des critères donnés sur ce qu'est la dépendance économique car l'interprétation qui est faite de la notion de dépendance économique à partir des quatre critères cumulatifs fait que le texte n'est quasiment jamais applicable. Il est applicable quand on peut établir une position dominante, ce qui ne sert à rien. Au vu des expériences passées, puisque le législateur a déjà essayé de modifier ce texte pour qu'il soit davantage applicable et que cela n'a pas donné les résultats espérés, il faudrait être beaucoup plus directif en donnant des critères, des éléments très précis à destination de l'autorité de la concurrence et des juges.
Nous allons passer la parole à Martine Leguille-Balloy avant de clore notre audition car nous avons une autre personne à auditer tout à l'heure.
J'ai une question qui quelque part est presque une constatation. Je précise que j'ai été avocate pendant de très nombreuses années dans l'agroalimentaire. J'entends ce que vous dites par rapport au fait que sur le sanitaire ou l'intervention des fraudes, on va devant le tribunal administratif mais vous venez de parler longtemps de la position dominante et de dépendance économique. Je pense que vous avez répondu à ma collègue qu'il y avait peu de jurisprudence sur la question.
Je pense sincèrement qu'il y a peu d'affaires et de jurisprudence car il y a une telle position dominante que les autres, ceux qui sont vraiment en dessous, n'attaquent pas. En outre, vous avez dit qu'il fallait recourir au médiateur. Une chose très gênante et qui ne va pas améliorer les choses est l'absence de publication des décisions du médiateur. Par essence, une médiation est secrète. Ce serait plus simple si on savait ce qui s'y passe. Que pensez-vous de ces deux observations ?
S'agissant de la position dominante, ce que je voulais dire, c'est que les indices à partir desquels elle est caractérisée en droit des pratiques anticoncurrentielles ne sont pas remplis. En termes de parts de marché détenues, les autorités de la concurrence ne caractérisent pas la position dominante. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas une position de force de l'intérêt d'avoir un instrument autre. C'est pourquoi je parlais d'abus de dépendance économique : s'il n'y a pas position dominante, il y a bien un pouvoir de négociation qui existe et dont il faut se saisir.
Concernant le médiateur, vous avez raison : ce qui fait le succès de la médiation, c'est précisément la confidentialité, même si ce n'est pas la seule raison de son succès. Cela étant, il me semble que dans le cadre du rôle du médiateur des relations agricoles, il a été prévu que dans certains cas de figure, il pouvait rendre publiques ses recommandations. Cela résulte de la récente loi Egalim et je ne sais pas ce que cela a donné. Est-ce que cela peut être une façon de remédier à ce que vous évoquez ? Je l'ignore.
Madame Chagny, il me reste au nom des membres de la Commission à vous remercier.
Merci encore. Cette audition est terminée.
Merci beaucoup Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les députés pour cette audition. Je suis à votre disposition si vous le souhaitez.
La séance est levée à onze heures dix.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 10 h 15
Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Michèle Crouzet, M. Daniel Fasquelle, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Cendra Motin, M. Hervé Pellois
Excusé. - M. Yves Daniel