Intervention de Murielle Chagny

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 10h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Murielle Chagny, Professeure de droit, directrice du master de droit de la concurrence :

En ce qui concerne la rétroactivité, en principe une disposition existait et a été maintenue ; celle-ci permet de frapper de nullité les clauses, les dispositions instituant une rétroactivité. Normalement, l'arsenal existe, outre la possibilité de faire jouer la règle sur le déséquilibre significatif.

Par rapport aux conditions tarifaires, aujourd'hui, dans l'ordonnance telle qu'elle a réformé le titre IV, une disposition permet de contrôler le tarif de manière assez nette, il s'agit du nouvel article L. 442-1, alinéa 1 ou 2. Ce texte vise l'avantage manifestement disproportionné au regard de la contrepartie. Avant l'ordonnance, il ne s'appliquait qu'aux services ; dorénavant, il s'applique de manière générale car il n'y a plus de limitation liée au type de contrat concerné.

C'est un instrument extrêmement puissant car il n'y a pas, pour ce texte, à démontrer l'exercice d'un rapport de force, il n'y a pas l'équivalent de ce que l'on trouve dans la règle sur le déséquilibre significatif, soit le fait de soumettre ou tenter de soumettre ; c'est simplement le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir un résultat donné, donc un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie. Cet instrument existe.

Je crois que c'est le professeur Benzoni qui l'avait suggéré : on aurait pu imaginer de modifier le texte de l'article L. 420-5 du côté des pratiques anticoncurrentielles, l'interdiction des prix abusivement bas qui vise, pour le moment uniquement, les ventes aux consommateurs. Cette disposition aurait pu être étendue aux ventes en amont. Cela aurait pu être imaginé et c'est toujours imaginable. Est-ce encore utile compte tenu de la modification du domaine d'application de l'avantage manifestement disproportionné sans contrepartie ou avec une contrepartie ? Il faut essayer de penser les règles en complémentarité et il n'est pas forcément utile d'avoir plusieurs instruments pour régler un même problème.

Sur la question des box, j'ai un peu peur que si la loi commence à dire qu'il faut que la négociation se passe comme ceci dans tel local, etc., la loi s'abîme un peu dans le détail. En revanche, c'est typiquement le genre de choses qui pourraient être évoquées dans le cadre du développement de bonnes pratiques. J'évoquais tout-à-l'heure le développement de bonnes pratiques qu'il revient normalement à la Commission d'examen des pratiques commerciales de développer et de mettre en avant. Là, cela pourrait avoir son sens. Pour moi, cela ne ressort pas du domaine de la loi mais plutôt du domaine des bonnes pratiques car c'est adaptable, on peut modifier les choses.

Quant à l'impact de la loi EGAlim, j'aurais tendance à dire que c'est un peu prématuré pour moi, qui ne suis pas opérateur mais professeur de droit, de pouvoir porter une appréciation. Certes, l'ayant écrit, je ne vais pas me renier : j'ai quelques doutes sur la compatibilité de l'interdiction de la revente à perte au regard de la législation européenne. Je ne suis pas sûre que d'un point de vue juridique, le rehaussement du seuil de revente à perte soit très solide en raison de la fragilité de la prohibition elle-même. Une appréciation de l'impact de la loi me paraît difficile à donner en pratique. En revanche, je crois vraiment que la simplification qui a été portée en partie par l'ordonnance va dans le bon sens, même si tout n'est pas parfait ; elle rend quand même les choses plus claires pour les opérateurs.

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