Entre « foutage de gueule » et contre-vérité, je ne sais pas par où commencer ! Vous pouvez raconter tout et n'importe quoi à tout et n'importe qui, mais pas à des personnes qui ont travaillé avec la grande distribution, dirigé une PME et négocié avec les enseignes : elles savent comment cela se passe.
Vous nous dites que la rémunération moyenne des agriculteurs se situe entre 1,2 et 1,3 SMIC, j'étudierai ces chiffres de très près. Mes collègues éleveurs bovin pour la viande seront ravis de toucher une telle rémunération ! Dois-je rappeler que les représentants d'Interbev nous ont indiqué hier que vous vous étiez abstenus sur la validation, au sein de l'interprofession, des indicateurs de coûts de production basés sur 2 SMIC – car c'est sans doute un scandale de toucher 2 SMIC lorsque l'on est éleveur et que l'on travaille 70 heures par semaine – ?
J'ai rencontré un certain nombre de producteurs de MDD, et – c'est amusant – ils ne tiennent pas du tout le même discours que vous. Ils nous ont expliqué que les distributeurs cherchaient à se rattraper sur le seuil de revente à perte (SRP) – et qu'ils se livraient entre eux à une guerre des prix sur les MDD, puisqu'ils ne peuvent plus le faire sur les marques. Les producteurs se retrouvent donc encore plus étranglés qu'avant.
S'agissant des négociations avec les organisations de producteurs, des producteurs de fraises m'ont alerté sur le fait que Carrefour leur demandait la même promotion que l'année précédente en expliquant que, forcé de prendre 10 % de baisse du SRP, il leur paierait leur production moins cher encore. Vous nous avez servi des propos de comm', mais la réalité est celle-ci : si les producteurs de fraises sont dans de telles difficultés, c'est que l'un de vos adhérents tente tout simplement de les étrangler et que ses concurrents, forcément, s'engouffrent dans la voie.
Vous parlez de la baisse du prix du porc, sans mentionner – est-ce étonnant ? – la hausse récente des cours. Pendant plusieurs mois, vos adhérents se sont opposés à négocier une augmentation, alors que le prix du porc était tiré à la hausse par les exportations. Mais la situation était difficilement tenable et les choses commencent à bouger.
Certes, il y a peu de déréférencement réel, mais les enseignes font planer une menace permanente au-dessus de la tête de leurs fournisseurs, notamment les PME, qui finissent par céder. C'est normal, elles sont beaucoup à travailler à 60 % pour vous, la limite fixée par la loi.
Quant à vos marges arrière, qui soi-disant n'existent plus, j'ai vu les factures pour « Promotion » ou « Participation aux outils promotionnels ». Ce sont des marges arrière reconstituées et si les PME refusent, elles sont déréférencées l'année d'après. Là encore, et pardonnez mon énervement, c'est du foutage de gueule !
Dois-je parler aussi des cahiers des charges, que vous modifiez à l'envi, soi-disant pour répondre aux désirs du consommateur – que les enseignes créent en réalité ? Vous demandez par exemple un type de viande qui n'existe pas et qui est très compliqué à produire, pour l'unique raison qu'il est beaucoup moins cher à l'achat et que vous voulez augmenter vos marges.
Quant aux nombres d'emplois créés par la grande distribution, il serait fort intéressant de mesurer, en nombre d'emplois supprimés, le coût de la désertification des centres bourgs dans les zones rurales.
Enfin, on sait que les grandes difficultés auxquelles font face les groupes Auchan et Carrefour tiennent au fait que le modèle des hypermarchés, sur lequel ils reposent, est en bout de course, concurrencé par la vente en ligne des produits non alimentaires. Mais ce n'est pas à la production et aux agriculteurs de payer les erreurs de gestion ! Je ne parlerai pas d'Auchan qui a incité au départ volontaire ses responsables boucherie pour alléger sa masse salariale et qui a vu le chiffre d'affaires de ce rayon s'effondrer : il est inutile d'entrer dans le détail de la gestion des entreprises.
Je crois en avoir oublié, mais c'est là l'essentiel de mes remarques.