Intervention de Gérard Poyer

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 16h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Gérard Poyer, vice-président de la Fédération du commerce agricole et agroalimentaire :

Nous achetons les animaux par rapport à une cotation définie sur le prix de la semaine précédente. Le marché a changé. Dans le temps, nous avions des bouchers, de petits chevilleurs, et, en France, des milliers de clients.

Mais aujourd'hui, et les éleveurs ne l'ont pas empêché, la grande distribution s'est organisée en une dizaine de groupes très costauds, et de fait la concurrence a diminué ; or le meilleur des arbitres, c'est la concurrence. À partir du moment où la concurrence a été réduite par l'achat de volumes importants et la concentration des distributeurs, le métier a changé pour nous. Nous avons dû nous adapter, nous restructurer, nous regrouper pour faire du volume face à des gens qui en font énormément.

Parce que les intermédiaires qui « s'en mettent plein les poches », en définitive, étaient dans le rouge à la banque ! Et même l'éleveur, pour qui il était facile d'appeler son voisin « le voleur » n'osait plus lui vendre ses bêtes, par manque de confiance.

Aujourd'hui, nous nous sommes regroupés pour faire du volume, mais nos marges sont insignifiantes. Dans mon métier, la marge officielle, en brut, varie de 5 % à 6 % et, en net, de 0,02 % à 0,04 %. Et si nous sommes dans l'erreur, il ne manque pas grand-chose pour passer dans le négatif.

Telle est la filière bovine française, tant décriée. Les distributeurs ont un jour décidé de vendre au consommateur de la viande à bas prix. Sans se demander comment allaient survivre les éleveurs.

Nous cherchons le voleur depuis longtemps. Nous avons un rapporteur des marges dans la filière agricole qui a mené une enquête : cherchons le voleur ! Il ne l'a pas trouvé. Il est facile de dire que c'est la grande distribution, puisque les distributeurs en sont venus à dire qu'ils vendent la viande à perte !

Quant aux promotions, il est certain qu'elles ont tué le produit. Je prends l'exemple de l'agneau pascal. Alors que les gens en achètent beaucoup à cette période, et que les producteurs pourraient le vendre à un bon prix, il a été décidé d'importer de l'agneau bon marché et de le brader ! Alors même que c'est la période pour gagner un peu d'argent. Le reste du temps, l'agneau est vendu à un prix qui ne rémunère pas beaucoup plus les acteurs de la filière, mais son coût à l'achat est quand même bien plus élevé.

En réalité, les distributeurs organisent des promotions pour attirer les clients dans l'espoir qu'ils achètent les autres produits sur lesquels ils font des marges de 30 %, 40 %, 50 % ! Mais cela, on ne le dit pas. Nos produits ne sont qu'un appât, pour les distributeurs.

Les produits alimentaires sont des produits à marge très restreinte, pour lesquels nous prenons beaucoup de risques – stockage, investissement. Je vends des produits vivants, au bout de quinze jours, la viande va à la poubelle.

Simplement, les acteurs de la filière bovine sont des passionnés et veulent avancer. La grande distribution est malade, elle est menacée par le commerce on line, des distributeurs comme Amazon. La prédiction est que leurs magasins fermeront les uns derrière les autres.

De fait, les rapports de forces changent, la grande distribution se rapproche de l'amont pour établir une proximité avec le producteur, et gagner la confiance des consommateurs – produit français, sécurité sanitaire. Même si elle a une façon bien à elle de gérer les marchés, les rapports changent et la nouvelle approche va se concrétiser rapidement.

D'autant que les Français veulent consommer des produits de qualité.

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