Intervention de Stéphane de Prunelé

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Stéphane de Prunelé, Secrétaire général du Mouvement :

Pour décrire la strate internationale du Mouvement, il faut remonter un peu en arrière. Au début des années 2000, nous avons fait le constat – comme un certain nombre de distributeurs – qu'il y avait une accélération des phénomènes de concentration à la fois chez les fournisseurs qui se sont beaucoup concentrés – ils continuent d'ailleurs – et également chez un certain nombre de distributeurs. C'est la grande époque des développements internationaux des distributeurs intégrés.

Un mouvement que nous avons édifié également d'un autre côté mais avec des moyens tout à fait différents, avec des leviers de développement très inférieurs à ceux de nos concurrents.

Notre première expérience pour faire face à ces mouvements de concentration, cela a été une alliance avec un autre groupement coopératif qui est Système U. Dans les années 2000, nous avons développé, construit un partenariat avec Système U, dont la première pierre a été la création d'une centrale d'achat commune qui s'appelait Lucie.

Cela a fonctionné pendant quelques années, et assez vite, nous nous sommes rendu compte que les partenariats entre enseignes concurrentes sur le terrain étaient porteurs d'effets pervers et trouvaient très rapidement leurs limites. Particulièrement dans le cadre de groupements indépendants, puisque les chefs d'entreprise de groupements indépendants sont concurrents sur le terrain.

Quand ils se retrouvent par le biais de l'organisation coopérative autour d'une table, pour négocier avec des fournisseurs ou pour construire des stratégies commerciales communes parallèles, on s'aperçoit assez vite que cela a ses limites.

L'expérience du partenariat avec Système U a pris fin au début des années 2000, et nous en avons tiré la leçon que les alliances entre concurrents étaient vouées à l'échec. En tout cas, telles que nous les avions pratiquées. C'est pour cela que nous avons dès lors commencé à réfléchir à d'autres types d'alliances avec des distributeurs avec lesquels nous n'étions avant tout pas concurrents.

D'où le fait que nous avons construit une alliance internationale dans les années 2006, qui s'appelle Coopernic, que vous avez évoquée. C'est une alliance que nous avons constituée avec des gens que nous avons démarchés et qui présentaient la caractéristique de n'avoir aucun territoire de concurrence avec nous, ni de territoire de concurrence entre eux, ou alors de façon extrêmement marginale, parce que nous étions convaincus que cela ne pouvait pas fonctionner comme cela. Par ailleurs, ils avaient des situations qui étaient comparables en matière de parts de marché sur leurs marchés respectifs. C'est-à-dire qu'associer un énorme groupe mondial avec un petit groupe régional ne nous paraît pas pertinent en matière économique et commerciale.

De fait, ce sont des gens qui étaient à peu près comparables et qui par ailleurs partageaient un certain nombre de valeurs. Puisqu'au départ, cette alliance Coopernic que nous avons fondée, nous l'avons fondée avec des groupes coopératifs et un groupe familial, parce que nous estimions que nous partagions un certain nombre de valeurs ou de principes d'organisation, et que nous étions à même de nous comprendre.

Nous avons en effet constitué en 2006 une alliance internationale avec des Belges, des Allemands, des Italiens, des Suisses, qui s'appelait Coopernic, et qui a rassemblé cinq enseignes qui avaient la volonté de se donner les moyens de conserver la compétitivité et la performance nécessaires face aux groupes intégrés, face à la concentration des fournisseurs, et qui ont entrepris de se donner ces moyens pour rester dans la course et pour rester performants.

Dès lors, nous créons Coopernic, en 2006, à Bruxelles. Pourquoi Bruxelles ? Pour plusieurs raisons. D'abord, il y a une raison évidente géographique. Bruxelles est un peu au coeur de l'Europe. Deuxièmement, parce que nous étions – et nous sommes toujours – très attachés chez E. Leclerc au caractère coopératif de nos structures, y compris les structures internationales, et en prolongement de ce que disait Olivier Huet, à la totale transparence de nos outils.

Cet environnement belge, à Bruxelles, nous permettait d'implanter une structure coopérative qui soit totalement transparente à l'égard des coopérateurs.

La troisième raison, c'est que nous avons pu constituer cette société dans une architecture fiscale selon laquelle la totalité des produits de cette alliance internationale Coopernic revenait au point de vente en France, ou en Italie – chacun s'est organisé à sa façon – mais en tout cas en ce qui nous concernait, c'était très important pour nous que les points de vente perçoivent la totalité des produits de ce partenariat, et donc soit fiscalisés en totalité en France.

La troisième raison est que nous estimions que ce type d'organisation étant parfaitement légal, licite et pertinent, nous n'avions pas de raison d'aller ailleurs que dans un pays de la Communauté européenne. Pour ne rien vous cacher, nos bureaux doivent être à 150 mètres des bureaux de la Commission européenne. Nous estimons être transparents là-dessus.

La deuxième étape, c'est Coopelec. Là, c'est un peu particulier parce que comme l'a expliqué Olivier Huet, les acheteurs chez nous, ce n'est pas le Galec. Ce sont les coopératives régionales. Ce sont les coopératives régionales de France, mais aussi les coopératives régionales d'Espagne, de Pologne, du Portugal, de Slovénie.

Nous avons créé cette structure pour coordonner, pour centraliser ces acheteurs, parce qu'évidemment sur le plan administratif, sur le plan commercial et sur le plan comptable, pour Coopernic, c'était très compliqué d'avoir 22 interlocuteurs. Nous avons donc créé Coopelec pour former un interlocuteur unique qui est aujourd'hui le coopérateur qui représente l'ensemble des centres E. Leclerc d'Europe auprès de la Centrale Coopernic. Puis Coopelec a ensuite développé des activités de vente de services dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler.

La troisième structure que vous avez évoquée est beaucoup plus récente. Là aussi, ce n'est pas une structure E. Leclerc, c'est une structure mixte entre E. Leclerc et Rewe. Nous avons avec notre partenaire Rewe une alliance stratégique beaucoup plus large que l'activité la plus connue d'Eurelec à laquelle nous pouvons penser, qui porte sur un certain nombre de chantiers à caractère stratégique et de long terme. Nous avons décidé de mettre en place avec notre partenaire Rewe une société commune, toujours sous forme coopérative. Rewe est un groupe coopératif, même s'il fonctionne différemment de nous.

Nous avons donc décidé de mettre en place une société qui s'appelle Eurelec, qui est une coopérative à parts égales entre Leclerc et Rewe à « 5050 ». Cette société, à la différence de Coopernic, est une société qui a une activité unique, laquelle est l'achat-revente.

Cette société concentre et coordonne les actes, la négociation tarifaire auprès des plus grandes multinationales. La société négocie des tarifs. Une fois qu'elle a négocié ses tarifs, cette société achète les produits. Il y a un acte d'achat unique pour le compte de Leclerc et de Rewe. Elle centralise les commandes, d'abord. Puis elle achète auprès des fournisseurs. Elle reçoit la facture du fournisseur et ensuite elle paye les fournisseurs.

Parallèlement, cette société revend, toujours dans le même dispositif coopératif que nous avons évoqué, à Leclerc d'une part et à Rewe d'autre part. Je reconnais que c'est un peu compliqué. Cela résulte d'un processus historique qui est un peu long, mais c'est pour vous expliquer le fait qu'il y ait plusieurs structures qui répondent à la fois à des démarches différentes dans le temps, et à la fois à des nécessités d'organisation qui ne sont pas les mêmes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.