La séance est ouverte à neuf heures dix minutes.
Bonjour à toutes et à tous. Nous accueillons ce matin une délégation du groupement d'achat Leclerc, plus communément appelé Galec. Nous accueillons ce matin M. Olivier Huet, Président du Directoire du Groupement d'achat Leclerc, M. Stéphane de Prunelé, Secrétaire général du Mouvement, et M. Sébastien Chellet, Directeur général du Groupement d'achat Leclerc.
Je suis accompagné de Grégory Besson-Moreau qui est rapporteur de la Commission d'enquête, et avec les membres de la Commission nous procéderons aux échanges et questions. Nous sommes en audition publique ouverte à la presse. Si vous le jugez utile, il n'y a aucun souci pour organiser un huis clos afin d'aborder des sujets que vous pouvez à juste titre considérer comme d'ordre confidentiel et hautement stratégiques.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. M. Olivier Huet, Président du Directoire, veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».
Monsieur Stéphane de Prunelé, Secrétaire général du Mouvement, veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».
Monsieur le Président du Directoire, je vous propose un propos introductif de quelques minutes afin de débuter notre sujet. Vous avez la parole.
Je vais commencer par présenter Stéphane de Prunelé, qui est Secrétaire général de notre association l'ACDLec (Association des Centres Distributeurs E. Leclerc), et Sébastien Chellet, qui travaille avec moi au sein du Directoire du Galec et qui en est le Directeur général.
Pour ma part, je suis Olivier Huet, adhérent au centre E. Leclerc de Châteaudun en Eure-et-Loir, dans un magasin familial, que j'ai repris en 2004. Au sein de la coopérative nationale, je préside depuis un an le Directoire et pour encore 3 ans, eu égard au mandat de 4 ans que nous nous fixons dans l'enseigne.
Chaque enseigne a ses propres aspérités, son identité et une promesse consommateur différente, que ce soit sur l'offre, sur les formats de magasins, sur les prix ou sur la présence dans les territoires. Notre métier est avant tout un métier de vendeur, avec l'obsession d'avoir une offre qui réponde au mieux à la demande des clients, de nos consommateurs.
Notre Mouvement a été fondé en 1949. C'est une fédération de commerçants indépendants implantés dans les régions, souvent depuis plusieurs générations. Nous sommes très attachés à nos valeurs, à l'entrepreneuriat, au parrainage, à la participation de nos salariés au bénéfice de nos entreprises, à la promotion sociale, au modèle coopératif, et à la défense du pouvoir d'achat des consommateurs.
Nous sommes très attachés aussi à maintenir une offre large dans des territoires qui sont souvent oubliés, comme les petites villes qui sont désertées par les grands groupes, mais aussi par les administrations et les services publics, comme c'est le cas de l'hôpital ou de la maternité à Châteaudun.
Notre organisation est très légère afin d'être compétitive. Nous sommes organisés sous la forme d'une association qui regroupe les adhérents qui sont les patrons des centres E. Leclerc, et d'une coopérative – le Galec – qui regroupe les entreprises. Notre association concède le droit d'utilisation des marques E. Leclerc, et définit les règles d'adhésion. Les adhérents ont avec l'enseigne une relation contractuelle d'un an, renouvelable tacitement.
À ce jour, nous avons 592 personnes physiques qui exploitent 792 magasins à dominante alimentaire, 690 drives et 1 973 concepts spécialisés. Le Galec est la coopérative nationale dont le rôle est de référencer et de mettre en oeuvre une politique commerciale, marketing, et du digital. Cependant, le Galec n'effectue pas d'achats-reventes, en vertu du mandat coopératif. L'intégralité des conditions négociées, quel que soit le lieu, sont destinées aux magasins qui sont fiscalisés selon les règles françaises. Les magasins participent aux charges de fonctionnement de la coopérative par le biais d'un appel à cotisation qui est destiné à couvrir les charges de la coopérative.
Ainsi, dans notre organisation, les magasins sont les seuls centres de profit de l'enseigne. Ils appartiennent intégralement aux adhérents qui participent bénévolement et très activement au travail collectif, 3 jours par semaine, forts de leur expérience de terrain. Cela explique en partie notre performance et le faible niveau de nos coûts de structure, qui sont mieux maîtrisés que chez nos concurrents.
Les centres E. Leclerc emploient près de 130 000 salariés en France, dont 90 % de CDI, et presque autant de temps plein. Nous embauchons à tous les niveaux de compétences, avec ou sans diplôme. Nous formons chaque année 66 000 salariés et 1 200 apprentis. Nous recrutons bien évidemment majoritairement une population située à proximité de nos entreprises et de nos magasins. Toutefois, notre équation est fragile, car nous assumons une fonction d'amortisseur de prix de vente des consommateurs sur de nombreux produits agricoles soumis à des variations de cours. Je pense par exemple aux fruits et légumes d'été ou à la viande. Cette fonction d'amortisseur est essentielle à la stabilité du pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Nous avons en effet une attention très particulière sur les prix de vente, qui garantit l'accessibilité des produits aux clients au plus grand nombre et qui garantit aussi notre compétitivité. Car notre modèle économique est celui d'un centimier. Il est basé sur une marge très faible et sur une très bonne maîtrise de nos charges, qui conduit nos magasins à un bénéfice net moyen compris entre 1,5 et 2 %.
En outre, nous investissons dans nos magasins et nos entrepôts régionaux pour garder des magasins qui soient attractifs et lutter contre une concurrence, notamment une concurrence digitale de plus en plus vive. Les grands groupes industriels se concentrent à l'échelon international. Ils occupent encore aujourd'hui une grande partie de nos assortiments, même si seulement 37 % des Français ont confiance dans ces grandes marques.
Nous travaillons aussi à préserver le rapport qualité-prix de l'offre de ces multinationales pour les consommateurs, car notre métier a changé. Il ne se traduit plus aujourd'hui par une simple négociation de prix, mais il s'organise autour de la revente, du marketing, des offres, des assortiments, de la sécurité et de la qualité des produits, ainsi que de la gestion des canaux de vente. Tout cela dans une concurrence exacerbée, face à des compétiteurs qui opèrent à l'échelle de la planète et qui bénéficient de régimes fiscaux avantageux, souvent favorisés par des États qui regardent avec bienveillance leurs entreprises nationales inonder le monde de leurs produits.
C'est pour cette raison que les commerçants cherchent à s'allier afin de résister dans cette compétition mondiale extrêmement difficile et exigeante, et faire face aux défis par rapport aux géants que nous avons en face de nous, autant dans le numérique que dans le physique.
Cependant, notre rôle vis-à-vis des filières agricoles et des PME est capital, car elles sont une partie essentielle du tissu économique du pays. Nous leur offrons des débouchés parfois depuis plus de 30 ans. Il en va de même pour des centaines de producteurs avec qui nous avons mis en place une démarche d'achat directe – les « alliances locales » – car eux aussi vivent des mutations profondes et subissent notamment la suppression de la PAC (politique agricole commune).
Le coeur de notre assortiment est composé de produits frais, avec beaucoup de stands traditionnels. Dans une immense majorité, nous fabriquons notre pain. Nous fabriquons nos pâtisseries et une partie des préparations charcutières, qu'elles soient froides ou chaudes.
Beaucoup de collègues ont en plus investi dans des poissonneries traditionnelles, des caves d'affinage pour les fromages ou encore des caves de maturation pour les viandes bovines. Pour la boucherie, justement, nous sommes approvisionnés en carcasses qui sont découpées par nos bouchers au sein de nos magasins. Nous nous approvisionnons dans notre abattoir de Bretagne ou directement chez des éleveurs locaux, avec qui nous avons des accords de filière.
Quelques mots sur la loi EGAlim, pour vous dire que nous avons été dès le début signataires de la Charte, avant même la parution de la loi. Nous attirons néanmoins votre attention sur ses limites. Les garanties et les mécanismes de ruissellement ne sont pas réunis et la limitation de la promotion est un frein au développement pour beaucoup de PME. Nous n'avons d'ailleurs pas répondu en ce début d'année aux promotions hors cadre de certains de nos concurrents. Le résultat est que cela nous a coûté en compétitivité et cela a été sanctionné immédiatement par les consommateurs dans la fréquentation de nos points de vente.
Cela doit faire réfléchir à l'attention sur le prix qu'ont les clients, lorsque l'on sait que les Français considèrent que l'augmentation de leur pouvoir d'achat et la réduction des inégalités sont prioritaires pour eux. 58 % avouent avoir une marge de manoeuvre très limitée lorsqu'ils font leurs courses et 15 % sont à l'euro près.
Je conclurai en vous disant que dans ce contexte, chacun doit repenser son organisation et son modèle économique. Nous subissons la même pression concurrentielle que nos fournisseurs, nos agriculteurs et nous devons nous aussi nous organiser, investir et faire des choix. Nous comprenons donc les craintes de chacun, mais nous ne pouvons pas être les boucs émissaires de toute une profession. Le rapport de force n'est pas toujours aussi simple qu'on le pense. Le consommateur a ses préférences. Le marketing des grandes marques nous contraint et l'essentiel de notre chiffre d'affaires est réalisé avec une poignée de fournisseurs.
Alors oui, il est indispensable d'assurer la pérennité de nos filières agricoles et le bien-être des producteurs et des PME. Nous sommes une alternative face à la concurrence mondialisée et nous souhaitons continuer à assurer des débouchés à nos entreprises.
Pour autant, nous n'oublions pas nos clients et leurs difficultés de pouvoir d'achat.
Pour finir, je souhaite vous dire la tête haute, la fierté que j'éprouve concernant le travail des salariés de mon enseigne et la fierté que j'éprouve à faire mon métier.
Comme vous, nous sommes attachés à la réussite de notre pays, mais nous ne sommes pas dupes des enjeux qui se jouent derrière certaines postures. Nous sommes ancrés dans nos territoires. Nous ne sommes pas de passage. Nous investissons en France parce que nous croyons au commerce en France et que nous pensons pouvoir relever les défis d'une concurrence nouvelle qui bouscule le secteur. Les adhérents E. Leclerc sont proches de leurs entreprises, ils sont très attachés à leurs salariés et sont très attachés à leurs clients.
C'est vrai que nous pouvons faire des erreurs, mais dans un contexte extrêmement changeant et ultra-mondialisé, nous résistons et nous faisons notre métier le mieux possible.
Vous avez parlé de posture. Souvent, la posture est aussi interprétée par des éléments de communication. En matière de communication – notamment de communication publique ou de communication politique, parce qu'il y a des textes de loi qui touchent le commerce – le groupe E. Leclerc est certainement un des premiers – par la voix de Michel-Edouard Leclerc – à intervenir sur le champ politique. Par exemple pour commenter les États généraux de l'alimentation (EGA) et la loi qui en a suivi, la proposition de relèvement du seuil de revente à perte (SRP). Michel-Edouard Leclerc n'a pas hésité à s'exprimer immédiatement sur ce sujet.
Dès lors, lorsque vous parlez de posture, cela vaut parfois pour certains politiques et certains industriels. Cela vaut aussi pour certains distributeurs. En termes organisationnels, nous croyons savoir que le groupe E. Leclerc a ses sociétés coopératives territoriales. Je pense que nous pouvons les appeler comme cela. Il y a le groupement d'achat E. Leclerc dont vous présidez le directoire, et vous avez aussi cette centrale Eurelec, dont nous auditionnerons le représentant. L'audition était prévue ce matin à onze heures. Elle est différée de quelques jours, mais elle aura lieu. Je rassure à la fois les commissaires, membres de la commission, mais aussi le public qui pourrait souhaiter savoir pourquoi l'audition du représentant d'Eurelec – centrale européenne de Leclerc – est différée.
Pourriez-vous, dans un premier temps, développer un peu l'articulation entre ces niveaux ? Les sociétés coopératives territoriales – on entend parfois parler de la SCAOuest, j'imagine que c'est la société coopérative Ouest – le Galec, Eurelec, et Coopernic, donc, l'articulation aux niveaux suivants : territorial, national, européen et international. C'est-à-dire toute la panoplie depuis le local jusqu'à l'international.
En ce qui concerne la partie française, commençons par l'ACDLec. C'est donc l'Association des centres E. Leclerc. L'ACDLec est propriétaire de la marque E. Leclerc.
C'est l'Association qui s'assure du respect des règles édictées par elle-même, par nos présidents de région autour de la marque et des enseignes par les adhérents. C'est chez nous l'organe politique et stratégique de l'enseigne.
En parallèle de cela, il y a le Galec, le groupement d'achat E. Leclerc, qui est une société coopérative, à laquelle ce sont des entreprises, les centres E. Leclerc qui adhèrent. Le Galec travaille avec des coopérateurs et des salariés. Nous avons au sein de la coopérative nationale Galec environ 900 salariés et une très grande partie de nos adhérents qui travaillent tous les lundis et tous les mardis sur un certain nombre de sujets, au premier rang desquels celui que vous imaginez, la négociation commerciale, mais aussi, et c'est probablement le plus important, tous les aspects marketing : définition de l'offre, définition des assortiments.
Nous avons aussi au sein du Galec une direction « Communication » pour mettre en oeuvre un certain nombre de catalogues ou de promotions, de mise en avant qui sont réalisées au travers des catalogues, mais aussi des spots radio, éventuellement des spots télé, des bannières internet. C'est toute la partie promotionnelle.
Enfin, nous avons une direction des opérations qui est en charge de l'intégralité de nos outils informatiques. Parce que quand on référence un fournisseur au Galec, on lui donne accès à l'ensemble des magasins du Groupement Leclerc, et on diffuse un certain nombre d'informations tarifaires, d'offres, d'assortiments, à l'ensemble des collègues sur le territoire.
En dessous du Galec – qui est donc une coopérative qui ne procède pas à de l'achat-revente comme je vous l'ai dit – il y a les coopératives régionales, au nombre de 16. Vous citiez la SCAOuest, qui est basée à Nantes, qui opère effectivement sur tout le périmètre Grand Ouest Atlantique, mais il y en a 15 autres. Le travail de ces centrales est un travail essentiellement logistique, d'approvisionnement auprès des fournisseurs d'un assortiment défini, qui peut d'ailleurs être variable d'une centrale à une autre. Ensuite, sur la base de cet assortiment, les magasins passent des commandes à la Centrale régionale. Que l'on soit en centrale régionale ou en centrale nationale Galec, ou même à l'ACDLec. L'ACDLec n'achète pas, c'est l'organe politique.
Il n'y a aucune rétention de ristournes ou quoi que ce soit. Les prix qui sont négociés redescendent en totalité au sein des magasins qui s'approvisionnent sur la base du prix négocié au centime d'euro près. Ensuite, une cotisation sert à couvrir les charges, autant les charges de logistique sur une centrale régionale que les charges de personnel de bâtiment sur la centrale nationale, ou de la même façon sur une association.
Je pense avoir décrit le Mouvement pour la France.
Cela peut être intéressant que vous ayez sur le plan de l'organisation de la coopérative Galec quelques clés de lecture sur le mode de fonctionnement.
En fait, nous sommes organisés par marché et par catégorie de produits. Comme le disait M. Huet, nous réalisons un travail à la fois en binôme avec des salariés, des collaborateurs qui travaillent toutes les semaines physiquement. Les coopérateurs viennent toutes les semaines les lundis et mardis travailler à la coopérative. Ils travaillent tous dans des marchés. Il y a les marchés classiques des grandes surfaces alimentaires, et d'ailleurs pas qu'alimentaires, puisque nous traitons les marchés de l'épicerie, les liquides, du plein air, du jouet… toute l'offre commerciale que vous pouvez imaginer.
Dans chacun des marchés, le travail qui est fait avec les adhérents est un travail à la fois d'analyse des marchés – c'est ce que font la plupart de mes collaborateurs – pour regarder effectivement et observer les modes de consommation, l'attractivité des consommateurs pour tel ou tel assortiment, pour telle ou telle opération commerciale.
C'est une « combinatoire » – si j'ose dire – avec l'expérience des adhérents qui, chaque semaine, viennent livrer la réalité du terrain et ce qu'ils peuvent observer dans leurs magasins, ce qui est parfois d'ailleurs différent d'une région à l'autre. C'est ce travail et cette combinaison qui nous permettent d'élaborer, de proposer à nos adhérents une politique commerciale sur tous les items.
Le référencement est l'un des métiers du Galec, et l'aboutissement d'un travail qui part du terrain, de l'observation des marchés, du comportement des consommateurs et de leur attractivité pour notre proposition commerciale.
Pour décrire la strate internationale du Mouvement, il faut remonter un peu en arrière. Au début des années 2000, nous avons fait le constat – comme un certain nombre de distributeurs – qu'il y avait une accélération des phénomènes de concentration à la fois chez les fournisseurs qui se sont beaucoup concentrés – ils continuent d'ailleurs – et également chez un certain nombre de distributeurs. C'est la grande époque des développements internationaux des distributeurs intégrés.
Un mouvement que nous avons édifié également d'un autre côté mais avec des moyens tout à fait différents, avec des leviers de développement très inférieurs à ceux de nos concurrents.
Notre première expérience pour faire face à ces mouvements de concentration, cela a été une alliance avec un autre groupement coopératif qui est Système U. Dans les années 2000, nous avons développé, construit un partenariat avec Système U, dont la première pierre a été la création d'une centrale d'achat commune qui s'appelait Lucie.
Cela a fonctionné pendant quelques années, et assez vite, nous nous sommes rendu compte que les partenariats entre enseignes concurrentes sur le terrain étaient porteurs d'effets pervers et trouvaient très rapidement leurs limites. Particulièrement dans le cadre de groupements indépendants, puisque les chefs d'entreprise de groupements indépendants sont concurrents sur le terrain.
Quand ils se retrouvent par le biais de l'organisation coopérative autour d'une table, pour négocier avec des fournisseurs ou pour construire des stratégies commerciales communes parallèles, on s'aperçoit assez vite que cela a ses limites.
L'expérience du partenariat avec Système U a pris fin au début des années 2000, et nous en avons tiré la leçon que les alliances entre concurrents étaient vouées à l'échec. En tout cas, telles que nous les avions pratiquées. C'est pour cela que nous avons dès lors commencé à réfléchir à d'autres types d'alliances avec des distributeurs avec lesquels nous n'étions avant tout pas concurrents.
D'où le fait que nous avons construit une alliance internationale dans les années 2006, qui s'appelle Coopernic, que vous avez évoquée. C'est une alliance que nous avons constituée avec des gens que nous avons démarchés et qui présentaient la caractéristique de n'avoir aucun territoire de concurrence avec nous, ni de territoire de concurrence entre eux, ou alors de façon extrêmement marginale, parce que nous étions convaincus que cela ne pouvait pas fonctionner comme cela. Par ailleurs, ils avaient des situations qui étaient comparables en matière de parts de marché sur leurs marchés respectifs. C'est-à-dire qu'associer un énorme groupe mondial avec un petit groupe régional ne nous paraît pas pertinent en matière économique et commerciale.
De fait, ce sont des gens qui étaient à peu près comparables et qui par ailleurs partageaient un certain nombre de valeurs. Puisqu'au départ, cette alliance Coopernic que nous avons fondée, nous l'avons fondée avec des groupes coopératifs et un groupe familial, parce que nous estimions que nous partagions un certain nombre de valeurs ou de principes d'organisation, et que nous étions à même de nous comprendre.
Nous avons en effet constitué en 2006 une alliance internationale avec des Belges, des Allemands, des Italiens, des Suisses, qui s'appelait Coopernic, et qui a rassemblé cinq enseignes qui avaient la volonté de se donner les moyens de conserver la compétitivité et la performance nécessaires face aux groupes intégrés, face à la concentration des fournisseurs, et qui ont entrepris de se donner ces moyens pour rester dans la course et pour rester performants.
Dès lors, nous créons Coopernic, en 2006, à Bruxelles. Pourquoi Bruxelles ? Pour plusieurs raisons. D'abord, il y a une raison évidente géographique. Bruxelles est un peu au coeur de l'Europe. Deuxièmement, parce que nous étions – et nous sommes toujours – très attachés chez E. Leclerc au caractère coopératif de nos structures, y compris les structures internationales, et en prolongement de ce que disait Olivier Huet, à la totale transparence de nos outils.
Cet environnement belge, à Bruxelles, nous permettait d'implanter une structure coopérative qui soit totalement transparente à l'égard des coopérateurs.
La troisième raison, c'est que nous avons pu constituer cette société dans une architecture fiscale selon laquelle la totalité des produits de cette alliance internationale Coopernic revenait au point de vente en France, ou en Italie – chacun s'est organisé à sa façon – mais en tout cas en ce qui nous concernait, c'était très important pour nous que les points de vente perçoivent la totalité des produits de ce partenariat, et donc soit fiscalisés en totalité en France.
La troisième raison est que nous estimions que ce type d'organisation étant parfaitement légal, licite et pertinent, nous n'avions pas de raison d'aller ailleurs que dans un pays de la Communauté européenne. Pour ne rien vous cacher, nos bureaux doivent être à 150 mètres des bureaux de la Commission européenne. Nous estimons être transparents là-dessus.
La deuxième étape, c'est Coopelec. Là, c'est un peu particulier parce que comme l'a expliqué Olivier Huet, les acheteurs chez nous, ce n'est pas le Galec. Ce sont les coopératives régionales. Ce sont les coopératives régionales de France, mais aussi les coopératives régionales d'Espagne, de Pologne, du Portugal, de Slovénie.
Nous avons créé cette structure pour coordonner, pour centraliser ces acheteurs, parce qu'évidemment sur le plan administratif, sur le plan commercial et sur le plan comptable, pour Coopernic, c'était très compliqué d'avoir 22 interlocuteurs. Nous avons donc créé Coopelec pour former un interlocuteur unique qui est aujourd'hui le coopérateur qui représente l'ensemble des centres E. Leclerc d'Europe auprès de la Centrale Coopernic. Puis Coopelec a ensuite développé des activités de vente de services dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler.
La troisième structure que vous avez évoquée est beaucoup plus récente. Là aussi, ce n'est pas une structure E. Leclerc, c'est une structure mixte entre E. Leclerc et Rewe. Nous avons avec notre partenaire Rewe une alliance stratégique beaucoup plus large que l'activité la plus connue d'Eurelec à laquelle nous pouvons penser, qui porte sur un certain nombre de chantiers à caractère stratégique et de long terme. Nous avons décidé de mettre en place avec notre partenaire Rewe une société commune, toujours sous forme coopérative. Rewe est un groupe coopératif, même s'il fonctionne différemment de nous.
Nous avons donc décidé de mettre en place une société qui s'appelle Eurelec, qui est une coopérative à parts égales entre Leclerc et Rewe à « 5050 ». Cette société, à la différence de Coopernic, est une société qui a une activité unique, laquelle est l'achat-revente.
Cette société concentre et coordonne les actes, la négociation tarifaire auprès des plus grandes multinationales. La société négocie des tarifs. Une fois qu'elle a négocié ses tarifs, cette société achète les produits. Il y a un acte d'achat unique pour le compte de Leclerc et de Rewe. Elle centralise les commandes, d'abord. Puis elle achète auprès des fournisseurs. Elle reçoit la facture du fournisseur et ensuite elle paye les fournisseurs.
Parallèlement, cette société revend, toujours dans le même dispositif coopératif que nous avons évoqué, à Leclerc d'une part et à Rewe d'autre part. Je reconnais que c'est un peu compliqué. Cela résulte d'un processus historique qui est un peu long, mais c'est pour vous expliquer le fait qu'il y ait plusieurs structures qui répondent à la fois à des démarches différentes dans le temps, et à la fois à des nécessités d'organisation qui ne sont pas les mêmes.
Cela peut paraître compliqué par rapport à certains, et vous avez au moins la clarté d'exposer les choses avec un rôle dédié à chacune des structures. C'est déjà un bon début.
Pouvez-vous nous donner s'il vous plaît, en pourcentage du chiffre d'affaires Leclerc, le chiffre d'affaires réalisé avec les 70 ou 100 plus grosses multinationales fournisseurs avec lesquelles vous avez contractualisé ? Suivant les distributeurs, c'est 70, cela peut monter à 100, voire 150 pour certains.
Nous voudrions en effet comprendre un peu quel est le rapport, le ratio multinational avec le chiffre d'affaires Leclerc et le pourcentage du chiffre d'affaires que l'on appelle « Alliances locales » sur le groupement, et le chiffre d'affaires global du Groupe Leclerc.
Juste pour que l'on résume, si je suis un très gros industriel, la chaîne, c'est bien ; je commence par Eurelec, une fois passé par Eurelec, je descends chez Coopernic. Une fois que je suis passé chez Coopernic, je passe chez Coopelec. Une fois que je suis passé chez Coopelec, je passe chez Galec. Une fois que je suis passé chez Galec, je passe à la SCA. Une fois que je suis passé à la SCA, nous arrivons à la décision finale, c'est-à-dire au point de vente.
Expliquez-nous juste sur cet ascenseur à 5-6 étages, la négociation du prix se fait-elle une seule fois au niveau d'Eurelec, s'il n'y a eu aucune renégociation, ne serait-ce que d'un quelconque centime sur l'ensemble de la chaîne ? Ou peut-il y avoir, au final même après négociation Eurelec, une négociation tarifaire sur ces autres étages auxquels l'ascenseur s'arrête ?
Cela ne se passe pas tout à fait de cette manière. En tout cas dans l'organisation du calendrier. C'est-à-dire que ce n'est pas par vagues, ce n'est pas une succession de négociations. Il faut savoir que la première chose, c'est qu'en France, la négociation est contrainte dans le temps, il y a une date limite qui fait que la négociation se passe entre la réception par le Galec des conditions générales du fournisseur et le 28 février, date limite de la négociation. Ce n'est pas le cas dans les autres structures. Encore, là je parle de la négociation pure et dure, mais le Galec vous expliquera mieux que moi que la négociation dure toute l'année. Toutefois, ce type de contrainte n'existe pas en Belgique, donc les négociations ne se succèdent pas.
Encore une fois, nous ne négocions pas les mêmes choses. La centaine de multinationales, ce ne sont pas toujours exactement les mêmes, que ce soit chez Coopernic, Eurelec et Coopelec. Ce ne sont pas toujours exactement les mêmes. Parce qu'encore une fois, nous ne négocions pas la même chose !
On va dire quand même pour la simplicité de l'exposé qu'il y a une centaine de multinationales qui sont concernées. Ce n'est pas vrai pour Eurelec, parce c'est une société en cours de constitution. C'est une société qui démarre. Elle fonctionne depuis deux ans, et a fonctionné la première année avec quatre fournisseurs. Ensuite, parce qu'il fallait roder les flux informatiques, financiers, etc., cela a été un peu long et compliqué à mettre en place.
La première année il y avait quatre fournisseurs, la deuxième année une dizaine. Cette année, nous sommes entre 15 et 20. Le périmètre est beaucoup plus restreint, sachant que le cahier des charges des fournisseurs d'Eurelec n'est pas forcément le même que le cahier des charges des fournisseurs de Coopernic. Coopernic, on est quatre partenaires autour de la table. Eurelec, c'est juste Leclerc et Rewe. Le cahier des charges des fournisseurs d'Eurelec, ce sont bien sûr des multinationales qui ont un courant d'affaires important avec E. Leclerc et avec Rewe. Ce sont des fournisseurs « mixtes » pour la France. Enfin, la France, le Portugal, bientôt la Pologne. Pour Rewe, aujourd'hui c'est uniquement l'Allemagne et l'Autriche.
Cette négociation tarifaire a lieu à une période qui n'est pas liée à la période des négociations françaises. Elle peut être avant, pendant, après, elle n'est pas liée.
En revanche, pour répondre précisément à votre question, la négociation du tarif qui se fait à Eurelec est une négociation définitive, puisque nous achetons les produits tout de suite après. De fait, nous négocions un tarif, et nous achetons notre produit à ce tarif.
J'ai besoin du chiffre d'affaires de cette centaine de multinationales qui passe, soit par Eurelec, soit par Coopernic, soit par Coopelec. Je parle vraiment des plus grosses multinationales avec qui vous contractualisez. Maintenant, le pourcentage des « Alliances locales » ?
Pour débuter et resituer un peu le cadre de la négociation, il faut comprendre qu'un fournisseur Eurelec est négocié chez Eurelec et l'affaire s'arrête. Après il peut y avoir de la promo, de la dynamique commerciale qui se traitent au sein du Galec. Cependant, de manière générale, nous avons trois différents niveaux de négociation.
Nous connaissons les niveaux de négociation. Je repose ma question : quel est le pourcentage de chiffre d'affaires réalisé par les 100 multinationales qui passent par Coopernic, Coopelec, Eurelec, soit l'un, soit l'une, soit encore l'autre ? Quel est le pourcentage du chiffre d'affaires des « Alliances locales » ?
Il faut distinguer les trois structures. Il y a d'une part Coopernic et Coopelec. Cela concerne une centaine de fournisseurs et c'est de l'ordre de 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires « achats ». Sur Eurelec, c'est plutôt une quinzaine de fournisseurs. Ce sont des proportions qui sont très différentes.
Par contre, vous évoquez les « Alliances locales ». Pour nous, cela renvoie à des accords que nous avons magasin par magasin, sur des producteurs qui sont aux alentours des magasins. C'est-à-dire que le cahier des charges, ce sont plutôt des producteurs locaux qui sont dans une cinquantaine de kilomètres dans le périmètre de chaque magasin.
Nous devons avoir aujourd'hui – c'est assez variable – environ 10 000 producteurs qui entrent dans le cadre des « Alliances locales », sur des catégories de produits qui sont évidemment plutôt des produits fruits et légumes, produits frais.
Ce sont des accords qui ne sont pas du tout organisés au niveau national. Au niveau national, nous organisons plutôt le marketing de cette proposition commerciale. Ensuite, chaque adhérent sur son territoire, sur son magasin, noue ses contrats. C'est assez variable. Je pense que cela représente sur le chiffre d'affaires d'un magasin, 3 %, quelque chose comme cela.
C'est à peu près 11 500 partenariats noués avec chaque magasin. Je dis « à peu près », parce qu'il est difficile d'avoir un chiffre très précis. Ce sont vraiment des accords qui se passent entre un agriculteur, un producteur et un magasin.
Maintenant, en pourcentage du chiffre d'affaires, c'est effectivement cela, entre 1 et 3 % du chiffre d'affaires du magasin. Par contre, je voudrais quand même vous préciser ce qu'est une alliance locale, parce que c'est important d'avoir cela en tête. La difficulté que peuvent avoir des agriculteurs qui nous vendent des pommes de terre – par exemple, au centre Leclerc de Châteaudun – si le consommateur les trouve bonnes et qu'il a envie de les racheter, c'est de pouvoir les retrouver la fois suivante dans un assortiment général. Le principe de l'alliance locale, c'est la création d'une marque ombrelle qui abrite au sein du magasin tous ses produits sous une même bannière : c'est d'ici, c'est du coin, etc. pour qu'ils aient une visibilité auprès des consommateurs.
Je suis désolé, je me permets de réinsister. Déjà, je félicite les « Alliances locales ». Je suis encore allé récemment dans un magasin E. Leclerc pour constater et voir tout le travail que font les magasins. J'estime que les magasins sont vraiment des centres de vie au milieu des territoires ruraux dans lesquels nous sommes élus, mais là n'était pas la question.
Pouvez-vous nous redonner le chiffre d'affaires du groupe E. Leclerc en France ? Quel est le pourcentage de ce chiffre d'affaires réalisé par les multinationales qui sont adhérentes, ou invitées chez Coopelec, Copernic, ou Eurelec ?
J'ai bien compris pour l'alliance locale que cela représente entre 1 et 3 % du volume global d'E. Leclerc France. Quel est le pourcentage des multinationales s'il vous plaît ?
Le volume d'affaires d'Eurelec est aujourd'hui autour de 5 milliards d'euros. Un peu plus que E. Leclerc. Nous devons être à peu près à 5545. On est entre 2 milliards et 2,5 milliards pour E. Leclerc, et un peu plus pour Rewe. Aujourd'hui, le chiffre d'affaires qui passe par Eurelec, c'est celui-là.
Pour ce qui concerne Coopernic. Il faut d'abord préciser qu'il y a des chiffres que nous ne pouvons pas donner publiquement, parce que ce sont des sociétés qui sont des sociétés de droit belge – comme vous le savez – et qui s'inscrivent donc dans une juridiction qui est la juridiction belge.
Par ailleurs, au sein de ces sociétés, nous ne sommes qu'un partenaire parmi d'autres. Je peux vous décrire l'activité de ces sociétés, mais je ne peux pas donner de renseignements commerciaux trop précis sur l'activité de ces sociétés, d'abord parce que ces sociétés sont des sociétés de droit belge, mais aussi parce que je ne suis pas mandaté par les partenaires pour le faire. Excusez-moi.
Excusez-moi d'insister. Vous êtes Secrétaire général de l'Association. Il y a également ici le président du Galec et le directeur général du Galec.
Aujourd'hui tout passe par le Galec, sauf les « Alliances locales ». J'ai bien compris qu'il y avait environ 1 ou 2 % du chiffre d'affaires qui passait par là.
Sur le Galec, vous êtes bien capable de me dire aujourd'hui quel est, en pourcentage du chiffre d'affaires France de E. Leclerc, le chiffre d'affaires réalisé par les multinationales sur le Groupe.
Sur une base 100, nous retirons 2 % pour les Alliances locales. Il reste 98 %. Sur ces 98 %, quelle est la part de ces 98 % réalisée avec des multinationales ? En gros, quelle est la part réalisée par les PME ? Le chiffre, je l'ai, donc j'attends juste que vous me le donniez.
Juste une petite rectification. Quand vous dites que tout passe par le Galec, ce n'est pas le cas. Les activités de Coopernic, de Coopelec et d'Eurelec, ne passent pas par le Galec.
Les produits non plus. Le Galec est totalement indépendant de l'activité de ces sociétés.
C'est l'audition du groupement d'achat Leclerc, dont le Président du directoire est M. Olivier Huet.
Monsieur le Secrétaire général, vous vous êtes présenté – c'est un peu la subtilité – comme M. Stéphane de Prunelé, Secrétaire général du Mouvement. Pas du « mouvement Galec » – si j'ai bien compris – mais de l'Association.
Vous avez raison. D'ailleurs je n'étais pas convoqué aujourd'hui.
Vous êtes dans la liste des personnes membres de cette délégation qui est composée de trois membres : M. Olivier Huet, Président du directoire, M. Stéphane de Prunelé, Secrétaire général du Mouvement, et M. Sébastien Chellet, directeur général du Galec.
J'entends bien. Je suis là pour éclairer la commission sur l'ensemble des activités qui ne sont pas seulement Galec.
Néanmoins, c'est vous qui avez convenu de venir à trois, participer à cette audition. Vous avez été convoqué. Vous avez bien répondu à cette invitation. Vous êtes présent ici au nom de Galec.
Non, au nom d'ACDLec, qui, comme vous l'a expliqué Olivier Huet, est l'organe stratégique politique.
L'Association des centres E. Leclerc (ACDLec) est l'organe stratégique, l'organisme politique, c'est le pilotage politique, dont le Président est Michel-Edouard Leclerc. Dès lors, le pilotage politique et stratégique du mouvement qui est le vôtre, quels que soient les étages et les niveaux, c'est Michel-Edouard Leclerc !
C'est l'animateur, le fédérateur et l'incarnation de la marque, comme vous le savez. Il a bien le rôle d'animateur, de pilote de la stratégie et de la politique de l'enseigne E. Leclerc.
Vous avez, Monsieur le Secrétaire général du « Mouvement de l'Association » des centres E. Leclerc (ACDLec), parlé de négociation, lorsque vous avez évoqué Coopernic, Coopelec, Eurelec.
Pour les négociations entre les entreprises multinationales avec ces trois structures qui ont leur siège à l'extérieur de la France, vous n'êtes pas tenu par la date butoir du 28 février qui clôt les négociations ? Finalement, vous pouvez être conduit à négocier toute l'année avec un certain nombre d'entreprises multinationales, pour celles qui négocient avec Coopernic, Coopelec, Eurelec. La loi française – et notamment la date butoir qui clôt les négociations commerciales au 28 février – ne s'applique pas pour celles et ceux des multinationales qui négocient avec Coopernic, Coopelec, et Eurelec. En conséquence, c'est la négociation permanente toute l'année.
Elle n'est pas forcément permanente, mais en tout cas il n'y a pas de contraintes de calendrier.
Nous allons continuer sur le chiffre d'affaires. 100 % du chiffre d'affaires réalisé par E. Leclerc, je pense que ce n'est pas compliqué de donner ce chiffre, sur Eurelec, Coopernic, Coopelec.
Aujourd'hui, quel est le chiffre d'affaires en pourcentage de l'ensemble des industriels avec qui vous avez des négociations annuelles, mensuelles, trimestrielles, en relation avec les ventes des groupes E. Leclerc ? Ce n'est pas compliqué. Nous aurons l'occasion d'en discuter avec Michel-Edouard Leclerc, et vu qu'il est Président, peut-être qu'il maîtrise aussi bien l'intégralité du système.
Il nous le faut dans le détail, puisque vous avez plusieurs types d'interlocuteurs, plusieurs types de fournisseurs. Vous avez vos fournisseurs locaux, ceux qui vous vendent des bonnes pommes de terre et vous souhaitez les structurer sous une enseigne. Vous pouvez avoir un fournisseur de bovins. Bref, des fournisseurs locaux. Vous avez quelques PME locales, des entreprises de taille intermédiaire (ETI) territoriales, et des marques nationales (MN) qui sont pilotées par des entreprises multinationales.
Le Rapporteur demande la part précise de chiffre d'affaires qui est organisée, qui est contractualisée, négociée avec chacune de ces catégories de fournisseurs.
Je vais commencer par vous donner le chiffre d'affaires de l'enseigne E. Leclerc. Tout confondu, nous parlons de chiffre d'affaires « ventes consommateurs » – hors essence – nous sommes à 37,6 milliards d'euros. Sur ces 37,6 milliards d'euros, nous faisons à peu près 28 milliards d'euros en alimentaire, ce qu'on appelle PGC (produits de grande consommation). Nous prenons également en compte les produits d'hygiène et de beauté, que nous associons à l'alimentaire. Nous faisons environ 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en non-alimentaire. C'est le chiffre d'affaires « ventes ».
Ensuite, s'agissant de ce que nous négocions en termes d'achat, de référencement, au niveau des structures internationales Coopernic, Coopelec, nous vous avons dit que cela concernait une centaine de fournisseurs. C'est à peu près 6,5 milliards de chiffre d'affaires achats. Cependant, dans ces fournisseurs-là, il y en a un grand nombre qui sont négociés en termes de référencement au niveau du Galec. Ensuite, vous avez Eurelec, cette joint-venture (JV) que nous avons avec l'entreprise Rewe. Notre part d'achat dans cette entreprise est de 2,5 milliards.
Ensuite, pour le reste des achats – pour vous donner un ordre d'idée – les magasins de façon générale s'approvisionnent à 70-80 % auprès de leurs centrales régionales. Pour le reste – notamment les produits frais, les fruits et légumes, les « Alliances locales » – ce sont des accords qui peuvent être régionaux, car nos centrales régionales font aussi du référencement.
Vous avez des tas de PME qui n'ont pas la capacité à approvisionner la totalité de la France, donc ils travaillent sur une, deux ou trois régions. Puis vous avez aussi – comme vous l'évoquiez – ces « Alliances locales » qui sont là pour les référencements magasins.
Voilà les chiffres.
Dès lors, si je fais le calcul comme il faut, sur la partie alimentaire, vous avez à peu près 50 % achetés chez des multinationales. Des paquets de gâteaux, des pâtes, des céréales, du pain, du fromage... En gros, si nous retirons le non-alimentaire, vous avez 50 % du chiffre qui est réalisé par de gros industriels. C'est à peu près cela ? Je n'arrive toujours pas à avoir le pourcentage en chiffre d'affaires.
De fait, nous sommes à peu près à 50 %, c'est cela ?
Sur ces 50 % de chiffre d'affaires qui sont négociés aujourd'hui par le groupe dans son intégralité – y compris au niveau européen – ces 50 % qui sont négociés au niveau « tarifs », ils ne sont pas négociés le 28 février ? Ils peuvent être négociés avec une certaine remise ou un investissement supplémentaire de la part de l'industriel le 15 juin ou le 3 septembre. C'est simple, je parle d'investissement. On dit toujours que les industriels viennent investir chez E. Leclerc pour développer le chiffre d'affaires. C'est bien cela ?
Revenons un peu sur le rôle de ces trois structures européennes, pour que vous compreniez bien effectivement où se déroule la négociation sur le plan de la négociation du tarif, c'est-à-dire tout ce qui est lié aux achats.
S'agissant de la négociation sur les tarifs, il n'y a qu'une seule structure européenne qui procède aux achats de marchandises, qui négocie les tarifs. C'est Eurelec. Ce sont donc 15 fournisseurs et 2,5 milliards. En dehors de cela, avec la totalité des autres fournisseurs – y compris la centaine de fournisseurs qui peut se regrouper avec des fournisseurs Eurelec – la négociation commerciale sur le plan du tarif – c'est-à-dire négociation des conditions générales de vente (CGV), des conditions d'approvisionnement, etc. – s'inscrit bien dans le cadre du Galec et avec des contrats-cadres que nous négocions dans le calendrier qui nous est donné par la loi, avant le 28 février.
Pour simplifier les choses, il y a 15 fournisseurs aujourd'hui qui sont négociés en termes de tarifs avec notre partenaire Rewe au sein d'une société commune. C'est 2,5 milliards, ce sont 15 fournisseurs. La totalité des autres négociations se déroulent, en termes de tarifs, au niveau du Galec, et donc dans le cadre du calendrier édicté par la loi de façon classique.
Pour résumer, il y a 2,5 milliards d'achats. Cela représente sur votre chiffre d'affaires vente, 3 milliards ou 3,2 milliards, sur les 28 milliards PGC. Un peu plus de 10 %. Parce que 15 % du chiffre d'affaires E. Leclerc peut être négocié en termes de tarif, n'importe quand dans l'année.
Juste pour ramener les choses en proportion, vous avez ramené un chiffre d'affaires « achats » sur un chiffre d'affaires « vente » TTC ». C'est un peu moins, mais c'est l'ordre de grandeur.
Le choix d'installer Eurelec à Bruxelles, était-ce dû au fait que c'est plus pratique, étant entre l'Allemagne et la France ? Parce qu'au niveau de l'avion, c'est plus pratique, ou quand on prend le train. C'est plus pratique aussi peut-être d'être à Bruxelles pour pouvoir négocier toute l'année et peut-être passer sous le scope ?
C'est une interrogation. Sur 15 % du chiffre d'affaires, se dire que nous pouvons le négocier toute l'année, c'est pratique aussi. Le train et l'avion, c'est pratique, mais la négociation et la réglementation le sont peut-être aussi un peu, non ?
Le choix de Bruxelles s'impose pour des raisons évidentes. D'abord parce que notre activité internationale est basée à Bruxelles. Cela paraissait donc logique. Deuxièmement, entre la France et l'Allemagne, tout le monde sait qu'il y a un train qui s'appelle le Thalys qui fait Paris-Cologne. Rewe est à Cologne, et nous sommes à Paris, donc nous sommes à mi-chemin. Ce n'est pas plus bête que cela.
J'insiste sur le fait que le choix de la localisation est très impliquant, parce que ce sont des coopératives. Eurelec est une coopérative, ce sont bien les coopérateurs qui négocient. Ce n'est pas une équipe de salariés dédiés qui négocient avec un mandat. Ce sont les coopérateurs côté E. Leclerc, et ce sont les coopérateurs côté Rewe.
Cela veut dire que la négociation s'effectue physiquement à Bruxelles, et ce sont les coopérateurs qui négocient. Ce ne sont pas des salariés dédiés. Ce sont des coopérateurs, nous sommes bien dans le système coopératif.
Reconnaissez que cela interpelle le législateur français lorsqu'il s'efforce d'édicter des règles pour améliorer les relations commerciales, lorsqu'une partie des acteurs concernés organisent la négociation à l'extérieur de la France, sans doute en partie pour échapper aux règles et au droit français. Nous sommes en droit de nous poser cette question.
Et encore, vous restez dans la sphère européenne. Imaginons ce que c'est lorsqu'il s'agit de Genève et de la Suisse.
Je ne peux pas répondre pour les sociétés qui sont en Suisse. Chacun assume ses choix d'organisation de localisation. Je suis obligé de le dire, le mi-chemin pour les négociateurs, c'est la Belgique. Par ailleurs, je rappelle encore une fois que l'architecture, l'organisation que nous avons mise en place a pour conséquence une fiscalisation de l'ensemble de ce que nous faisons à l'étranger dans les points de vente en France. Toute l'activité qui est en France est fiscalisée en France. Il n'y a pas de transfert, de prix de transfert, de mécanisme de fees, de choses comme cela.
Sur le fait que nous sommes dans une législation un peu différente pour le contrat de base, c'est la réalité. Pour autant, au nom de quoi pouvons-nous interdire à des groupements de commerçants indépendants de s'associer pour acheter ensemble ?
Pourquoi voulez-vous que Rewe, qui est majoritaire dans le chiffre d'affaires d'Eurelec, veuille mettre Eurelec en France ? Il n'y a aucune raison. Pas plus qu'en Allemagne, d'ailleurs. Rewe et Leclerc ont fait ce constat simple que nous allions mettre cette centrale à mi-chemin.
Peut-être que si nous avions dit à Rewe que nous localiserions cette société en France, il n'aurait pas été d'accord parce qu'il pèse plus que nous, donc il n'y aurait eu aucune raison que cela soit chez nous. C'est aussi la liberté des partenaires de s'associer et de s'installer dans le territoire de l'Union européenne, vous l'avez souligné, et à raison. Nous sommes bien dans le territoire de l'Union européenne, et au centre de Bruxelles.
Revenons un peu au Galec, parce que j'ai l'impression que nous sommes en train de faire l'audition de mardi prochain avant l'heure.
Quand vous négociez, par exemple du Pernod Ricard, vous est-il arrivé que l'on vous dise que vous ne pouvez pas négocier, parce qu'apparemment cela ne passe pas ?
J'ai bien compris qu'il n'y avait pas d'étages, puisque chaque entité est séparée, donc nous allons arrêter de parler d'ascenseurs. Nous allons plutôt parler de voisins. Quand cela ne passe pas chez votre voisin Eurelec, vous est-il arrivé que l'on vous dise : « Non, on ne peut pas négocier le Pernod Ricard chez Galec, on ne peut pas avoir un plan d'affaires ».
Les retours que nous avons, c'est que vous faites du bon travail, donc il n'y a pas d'arrière-pensée. Toutefois, comment cela se passe-t-il quand cela s'est mal passé chez le voisin ?
Sur Pernod Ricard, c'est un sujet Eurelec. En effet, pour Pernod Ricard, il été décidé avec nos collègues de chez Rewe que la négociation devait avoir lieu sur le plan européen parce que l'entreprise a un rayonnement mondial.
Je vais revenir quelques instants sur les pourcentages. Ce qu'il faut que vous ayez en tête, c'est que nous avons en face de nous une grosse centaine de multinationales et que ces multinationales représentent, par catégorie – puisque c'est comme cela qu'il faut l'envisager – à deux ou trois, en général entre 70 et 90 % de la catégorie.
Pour reprendre l'exemple de Ricard sur le rayon des anisés, il est ultra puissant. Il doit faire 70 à 80 % de la catégorie. Il faut quand même avoir cela en tête. Ce qui fait que quand nous nous retrouvons dans une situation difficile avec Ricard parce que nous estimons avoir un point de désaccord sur la négociation commerciale, d'un côté ou de l'autre nous nous entendons pour dire qu'il y a un arrêt des relations commerciales. La conséquence sur le chiffre d'affaires des centres E. Leclerc est catastrophique. Il faut avoir cela en tête.
Notre boulot de commerçants, c'est de faire en sorte que les clients fassent leurs courses dans nos magasins. Ce qui fait que les clients font leurs courses dans nos magasins, c'est que nous avons une offre des produits qui sont les bons produits, qui sont les produits que les clients attendent évidemment au bon prix. Dans chaque région, les adhérents affinent les assortiments que nous pouvons leur envoyer, de manière à ce qu'ils correspondent le mieux possible à la demande des consommateurs. Sur le sujet Ricard, il faut quand même avoir cela en tête.
S'agissant du dossier Ricard, nous sommes face à une multinationale qui pèse très lourd dans notre catégorie des anisés. De façon générale, nous devons avoir à peu près 200 catégories en alimentaire. Pour une catégorie sur deux, nous avons trois acteurs qui font souvent presque 90 % de notre chiffre d'affaires. Je pense que tout cela a été évoqué par d'autres de nos concurrents.
Ricard est un fournisseur qui est également présent chez Rewe, notre partenaire allemand. La décision avait été prise au niveau d'Eurelec de négocier ce fournisseur dans cette joint-venture, avec les 15 autres fournisseurs actuels que nous évoquions précédemment. Nous avons procédé de la façon la plus classique au mois de juin. Nous avons fait savoir à Ricard que nous posions un préavis, et que bien évidemment nous souhaitions pouvoir traiter avec cette entreprise au niveau de la société Eurelec. Les choses ont été engagées avec cette entreprise, comme cela nous arrive de le faire. Là, c'est dans un contexte un peu particulier puisque c'est pour négocier avec eux dans notre partenariat avec Rewe.
Par ailleurs, nous avons bien évidemment eu un certain nombre d'échanges avec le groupe Ricard. Au final, nous sommes actuellement dans un préavis – de la façon la plus classique – qui tient compte de l'antériorité de notre relation commerciale, sur la base des conditions qui avaient été antérieurement négociées.
Je vais compléter, si vous permettez, j'ai retrouvé quelques notes.
Le groupe Ricard, c'est le deuxième groupe international des spiritueux. Il faut savoir qui nous avons en face de nous dans une négociation ! Il est tout à fait incontournable sur le marché français dans les anisés. Il ne représente pas 70, mais 63 %. Je n'étais pas très loin. Il représente 30 % du rayon alcool, hors champagne, de nos rayons. Quand nous pesons en face 1 % de son chiffre d'affaires.
L'intérêt aussi d'avoir une négociation commune avec nos collègues de chez Rewe, c'est de se dire : « A deux, nous aurons un peu plus de capacité à discuter avec un industriel de cette taille ».
Je ne sais pas répondre à cette question. Nous ne pouvons pas l'envisager de cette façon-là, Monsieur le Rapporteur, pour une raison très simple : c'est que le client qui vient chercher une bouteille d'anisé, il vient chercher une bouteille d'anisé. Si elle n'est pas présente, nous perdons la totalité des courses du panier, du client qui veut venir dans le magasin chercher sa bouteille d'anisé. De fait, les conséquences d'une rupture de relation avec Ricard dépassent très largement son chiffre d'affaires dans nos rayons. Nous ne pouvons pas l'envisager de cette façon-là.
Je vais revenir un peu sur la loi EGAlim, même si ce n'est pas uniquement le sujet d'aujourd'hui. Vous savez cependant que nous avons une baisse d'influence en France au niveau de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Si vous avez lu la presse régionale Ouest-France ce matin, nous voyons un excédent de 7 milliards il y a 7 ou 8 ans au niveau de notre balance commerciale européenne. Nous arrivons à un déficit maintenant de notre balance commerciale agroalimentaire en Europe, même si elle reste excédentaire au niveau mondial. Dès lors, nous avons bien un appauvrissement de la France qui est en partie lié à une guerre des prix absolument dévastatrice pour l'agroalimentaire français.
La loi EGAlim a bien été mise en place pour essayer de renverser cela et de redonner un peu du courage à nos agriculteurs, du moins un peu d'espoir dans leur métier. Nous arrivons donc aujourd'hui à un système de négociation sur lequel nous avons mis un certain nombre de limites. Nous avons mis des limites au niveau des promotions. Vous sembliez, Monsieur le Président, être un peu chagriné de cela dans votre présentation générale.
Il y a une transition à effectuer. À la longue, à vendre des produits en dessous de leur prix, nous arrivons aussi à une situation où on dévalorise totalement l'alimentation au détriment d'autre chose.
Et puis il y a le seuil de revente à perte (SRP). Je voulais aussi que vous puissiez en parler. Quel pourcentage de produits chez vous cela a-t-il concerné ? Et comment avez-vous respecté ces nouvelles directives au niveau de vos magasins ?
J'aimerais bien qu'il y ait une vraie réponse à ce problème de l'agroalimentaire qui est en souffrance. Nous avons rencontré des groupes qui se sentent complètement vidés de leur capacité d'investissement par un manque de marge au niveau de leurs activités.
Nous parlons beaucoup de multinationales depuis le début de notre propos, mais toutes les entreprises ne sont pas des multinationales. Je parle des ETI bretonnes que je connais bien et qui sont en souffrance à cause d'une politique de prix qui est absolument catastrophique.
Nous ne pouvons pas laisser dire que la grande distribution est responsable de l'appauvrissement agricole de la France. Je suis désolé, mais cette approche me paraît inexacte et je ne peux pas laisser dire cela. Ce n'est pas la grande distribution, ni le groupe Leclerc, ni ses concurrents, qui ont géré la politique agricole commune depuis 20 ans.
Nous n'avons pas à nous substituer aux pouvoirs publics sur la situation des agriculteurs français. Je veux bien que nous nous mettions autour d'une table pour réfléchir aux solutions pour essayer d'évoluer. Dire d'entrée que nous sommes responsables de l'appauvrissement agricole de la France, c'est quelque chose que nous ne pourrons pas accepter.
Il y a des conclusions extrêmement éclairantes là-dessus dans le rapport de M. Chalmin qui est le Président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges.
Que dit, dans sa conclusion, le Président Chalmin ? Il dit qu'il va falloir que nous comprenions que le prix de vente d'un produit dans la grande distribution n'a pas d'effet sur le prix payé aux producteurs et que les deux sont de plus en plus décorrélés. Parce que nous rentrons dans une agriculture à cours, et à cours mondiaux.
En conséquence, nous rendre responsables de l'appauvrissement de l'agriculture française, c'est une chose sur laquelle je suis obligé de réagir.
Je vais intervenir sur trois axes. Le premier, c'est le seuil de revente à perte(SRP) dans le cadre de la loi EGAlim. Le second, c'est la promo. Enfin, je terminerai sur les marques de distributeur (MDD).
D'abord, en préambule, il y a quand même dans toute cette filière un problème de transparence. Je ne veux pas « jouer les pleureurs ». Néanmoins, vous connaissez les marges nettes de la grande distribution, vous connaissez aussi très probablement les résultats nets des multinationales. Il n'y a pas forcément de lien direct avec le monde agricole. Je sais que les PME et les ETI n'ont évidemment pas les résultats que peuvent avoir les multinationales.
Néanmoins, concernant la transparence qui est exigée des distributeurs au travers du rapport Chalmin concernant l'Observatoire des prix et des marges, il serait quand même assez intéressant d'avoir ce même type d'observatoire sur les coopératives agricoles – par exemple – ou alors sur les entreprises de l'agroalimentaire françaises. Cela me paraît être un point important.
Pour ce qui est du SRP, d'abord il faut savoir que nous avons appliqué sa hausse au 1er février, comme la loi le demandait. Pour répondre très précisément à l'augmentation que cela a générée dans nos magasins, je vais vous donner deux chiffres. Le premier sur les produits concernés : nous avons à peu près 2 300 produits concernés par une hausse du SRP. Cela représente en moyenne un peu plus de 7 % d'augmentation de prix sur ces produits.
Je suis toujours gêné pour vous donner un chiffre précis – j'espère que vous ne m'en voudrez pas – pour une raison assez simple, c'est que nous sommes un groupement d'indépendants. De plus, chaque magasin gère ses prix comme il l'entend. À partir du moment où nous avons une loi – la loi « EGA » des États généraux de l'alimentation – qui nous demande de respecter un SRP minimum à +10, il faut que les magasins augmentent leurs tarifs en fonction de leur prix de départ pour pouvoir arriver au SRP +10, ce qui génère des écarts d'augmentation d'un magasin à l'autre.
Pour le schématiser, les magasins les moins chers augmentent évidemment beaucoup plus que les magasins qui étaient déjà chers. Ramené sur la totalité de l'assortiment d'un centre E. Leclerc, soit 60 à 70 000 références, l'impact n'est que de 0,3.
Je ne suis pas sûr que ce soit la manière dont il faille considérer les choses, parce qu'une nouvelle fois, dans le panier des clients, l'achat se fait au produit. Ils achètent un paquet de 4 yaourts, une bouteille de Ricard, un camembert Président, ils regardent l'augmentation du prix sur l'étiquette, et là nous parlons bien des 7 %, en moyenne.
Concernant la promotion, nous avons une difficulté avec la loi EGAlim, essentiellement sur les petites et moyennes entreprises (PME). Pourquoi cela ? Parce qu'aujourd'hui la promotion est beaucoup plus importante dans les petites et moyennes entreprises – qui comprennent aussi les entreprises de taille intermédiaire (ETI) – que dans les multinationales. La raison est que les multinationales ont des services de marketing, des services de communication, une publicité puissante, et qu'elles ont moins besoin d'avoir recours à la promo pour faire connaître le produit.
Alors qu'une PME très locale n'a de moyen de faire connaître son produit de manière massive que la promo dans nos magasins. Il y a justement une étude Nielsen qui est sortie – je crois hier – qui est assez intéressante sur ce sujet. Elle concerne essentiellement les produits saisonniers. Je peux vous donner quelques chiffres. L'évolution du chiffre d'affaires sous promo en France, c'est -0,7 point. Nous notons sur les produits saisonniers – je vais vous en citer trois : le champagne, le foie gras frais et le saumon fumé – une évolution négative. Le chiffre d'affaires sous promo du champagne fait - 9 points. Je vous fais grâce des virgules. Le chiffre d'affaires du foie gras frais sous promo fait - 12, et le chiffre d'affaires du saumon fumé fait - 1 sous promo.
Cela a des conséquences sur l'ensemble de la catégorie de produits, parce que quand le champagne fait -9 sous promo, cela fait baisser la totalité de la catégorie. Nielsen dit - 21, en vente. Quand le foie gras frais fait - 11 points ou -12 points en chiffre d'affaires sous promo, cela fait baisser la totalité de la catégorie à - 16, et - 9 pour le saumon fumé.
C'est une étude Nielsen qui a été faite du 28 janvier au 19 mai 2019. Nous voyons bien les conséquences de ce manque de promo sur ces produits de PME. S'il y avait quelque chose à modifier dans la loi EGA, peut-être que ce serait un assouplissement de cela, parce que nous sommes contraints sur deux sujets : la remise maximum de 34 % et le chiffre d'affaires à la catégorie de 25 %. Pour les entreprises qui étaient bien au-delà de 70 % de promo chez certains fournisseurs, quand on passe de 70 à 25, forcément, le chiffre d'affaires s'effondre. C'est assez basique !
Pour rebondir sur les MDD et sur les petites et moyennes entreprises, aujourd'hui en MDD nous faisons 6,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 80 % de ce chiffre d'affaires est fait avec des entreprises françaises, principalement des PME. Dans le cadre de cette loi EGA, notre inquiétude la plus forte a été la réaction des consommateurs face aux augmentations de prix.
Nous avons deux choses face à cette loi EGA. Nous avons essayé de réagir par rapport à nos clients et à nos fournisseurs. D'abord, nous avons voulu l'appliquer au pied de la lettre, en redonnant du tarif aux fournisseurs de produits agricoles. Nous avons redonné près de 54 millions d'euros cette année à ces fournisseurs de marques nationales, et près de 56 millions d'euros aux fournisseurs de MDD. Ce qui fait un total remis dans le circuit en augmentation de tarif de 110 millions d'euros auprès des fournisseurs. En contrepartie de cela, pour essayer de limiter l'effet sur les consommateurs, nous avons baissé les prix de 4 600 produits de marques de distributeurs, ce qui fait 31 millions d'euros. Les deux chiffres s'additionnant, nous sommes à près de 140 millions d'euros redonnés dans le cadre des EGA.
Monsieur de Prunelé, vous avez évoqué Monsieur Chalmin, de l'Observatoire des prix et des marges.
Monsieur Chalmin est un économiste et un historien. Il a son analyse. Vous dites que son propos révèle qu'il n'y a pas de corrélation entre le prix payé par le consommateur et le prix payé aux producteurs. C'est d'ailleurs bien le problème. Parce que si les négociations commerciales en 2019 entre l'ensemble des acteurs étaient connectées à la réalité et avaient du sens, il y aurait une véritable corrélation.
Pour ma part, je souscris aux propos d'Hervé Pellois, lorsqu'il indique, de manière subliminale, que la guerre des prix depuis un certain nombre d'années se fait au détriment de certains acteurs. Parfois des entreprises, des industriels, et souvent les producteurs. Le meilleur exemple pour nous dans l'Ouest – j'imagine que c'est ce qu'il avait en tête – c'est la filière lait.
Sur les coopératives, Monsieur Huet, vous avez raison ; nous pourrions jeter un oeil sur le rôle des coopératives, à commencer par la coopérative E. Leclerc.
Revenons, Monsieur le Rapporteur, sur le sujet des centrales, des distributeurs et des négociations. Je trouve que la question du Rapporteur tout à l'heure était intéressante, lorsqu'il demandait la part du chiffre d'affaires Pernod Ricard chez E. Leclerc.
Vous nous dites que ce n'est pas le sujet, que si le consommateur vient chez E. Leclerc pour acheter du Ricard, il ne va pas acheter des carottes, il ne va pas acheter du Nutella, il ne va pas acheter des couches, ni des vermicelles… Ce qui est la vérité si, pendant un certain nombre de semaines, il n'a plus ce produit dont il a une appétence particulière en France, pour des raisons culturelles, culinaires et autre. Cela, je peux le comprendre.
Sa question doit néanmoins trouver une réponse, parce que Pernod Ricard est un acteur important. C'est une entreprise multinationale importante. La question de Monsieur le Rapporteur sur cette part de chiffre d'affaires est importante.
Vous avez également évoqué le fait que finalement, les distributeurs – dont le centre E. Leclerc fait partie – sont parfois en situation d'infériorité en termes de négociations commerciales avec certaines multinationales. Il y a quand même – même avec les multinationales – des mesures que j'appellerai des mesures de pression, voire de rétorsion.
Je fais référence en cela aux questions de déréférencement, aux questions de pénalités logistiques et à certains arguments utilisés par les négociateurs de vos enseignes ou de vos groupements, de vos centrales. Par exemple, les demandes de paiement pour compensation de marge. Depuis un certain nombre de semaines que nous procédons à des auditions, nous avons tout vu et tout entendu. Bien sûr dans les contrats, il s'écrit un certain nombre de choses. Il s'en dit un peu moins, mais il s'en pratique encore bien d'autres. Il y a ce qui est écrit, il y a ce qui se dit et il y a ce qui se pratique.
Je vais commencer sur Pernod Ricard pour vous donner les chiffres mais vous les avez de toute façon. Je pense que le poids de Pernod Ricard dans un magasin, c'est à peu près 1 %. Cependant, une nouvelle fois, cela ne veut absolument rien dire, puisque cela ne peut pas être considéré de cette manière-là. Ce n'est pas du tout une approche produit. Ce n'est pas du tout une approche client. C'est une approche purement économique. Une nouvelle fois, au-delà du poids de Pernod Ricard dans le chiffre d'affaires d'un magasin, il y a son influence sur le caddie global d'un client.
J'ai peut-être pris le cas extrême, effectivement, mais c'était le cas le plus connu.
Maintenant, nous allons parler d'autres cas. Celui qui a du mal à investir chez Coopernic, dans certains services Coopelec. Dans ce cas, chez Galec, vous recevez un coup de téléphone, on vous dit que chez le voisin, il y a une difficulté dans la négociation des services.
Du coup, vous vous retrouvez dans l'embarras. Vous ne pouvez pas négocier le prix. Je voudrais avoir votre avis, Monsieur Chellet, s'il vous plaît.
Je pense qu'il faut effectivement revenir sur les termes de ces négociations commerciales. Quand il s'agit des structures Coopernic et Coopelec, il y a effectivement dans chacune d'elles des négociations dites de service, de contrepartie ou de principe de contrepartie. Je pense que cela a été dit pas mal de fois dans cette Commission, mais quand il y a une négociation commerciale, il y a un équilibre global qui doit être convenu entre d'une part un tarif, un achat de marchandises, et d'autre part des propositions de services. C'est bien le propre d'un distributeur que de proposer des services qui accélèrent la mise en marché, la vente, etc.
S'agissant des fournisseurs Coopernic et Coopelec, dans les structures desquelles sont proposés un certain nombre de services sur lesquels je ne vais pas m'étendre maintenant. C'est totalement indépendant de la négociation, en termes d'achats, puisque je vous ai dit que sur ces fournisseurs-là, à l'exception des 15 qui sont Eurelec, ce sont des fournisseurs qui ont des accords Galec. Ils sont tout à fait soumis au même régime et s'inscrivent dans le cadre de la loi, dans le cadre de l'article 441-3 du Code de commerce, avec pour date butoir le 28 février, un accord-cadre qui reprend les conditions générales de vente, le tarif, etc.
Ce que vous sous-entendez, qui consisterait à dire qu'il n'y aurait pas d'accord négocié parce que les services ne seraient pas acceptés, ce n'est pas possible. Qui plus est, ce sont des fournisseurs de marques nationales. Nous ne sommes pas toujours dans le cas de Ricard, mais nous ne pouvons pas nous passer de ces marques-là. Il n'est donc pas question pour nous de ne pas avoir ce type de produit.
Nous resterons sur les négociations que vous avez avec les industriels. Je peux comprendre, vous avez besoin de ces produits-là. Vos consommateurs, vos acheteurs ont besoin de ces produits-là. Je ne remets pas du tout cela en question. Je dis juste que quand il y a une difficulté de négociation avec Coopernic ou Coopelec, à un moment donné – c'est ce qu'on nous a expliqué – il y a un appel, on vous dit qu'il y a un problème avec la marque « X », qu'on a du mal à avoir des services. Vu que ce sont des équipes différentes dans toutes ces entreprises industrielles, il y a l'équipe internationale, puis il y a les équipes avec les comptes-clés E. Leclerc au local.
Quand vous recevez cet appel, vous dites au complet local qu'il y a une difficulté dans la négociation en amont qui fait qu'aujourd'hui c'est compliqué. Là, je m'adresse à vous, Monsieur Chellet. J'aimerais une réponse de votre part.
Avez-vous ce genre de coups de téléphone qui arrivent ? Vous êtes négociateur, vous êtes acheteur, le but c'est aussi d'en parler avec le compte-clé, n'est-ce pas ?
Pour vous expliquer comment l'information circule, ce n'est pas tellement par téléphone, parce qu'il y a un principe – qui n'est pas seulement vrai au niveau Galec, mais vrai aussi dans ces structures européennes – c'est que ce sont les adhérents E. Leclerc qui participent à ces discussions. Par définition, ils sont présents dans ces structures européennes pour représenter E. Leclerc, et ce sont eux qui mènent ces négociations.
Nous n'avons pas de structure, de comptes-clés, etc. Dès lors, ils sont forcément informés qu'il peut y avoir une difficulté avec un fournisseur sur une structure européenne ou avec une marque. Pour autant – j'insiste – cela n'empêche pas que le même fournisseur, dès lors qu'il n'est pas négocié en termes d'achats de marchandises chez Eurelec, inscrit sa négociation CGV, tarif, proposition de service du Galec au niveau national, quand bien même nous sommes informés d'une difficulté au niveau de la négociation Coopernic ou Coopelec.
Cependant, l'information circule au travers des adhérents. C'est vrai aussi au Galec, c'est vrai aussi en région. Un adhérent dans sa région, dans son magasin, qui est par ailleurs négociateur au Galec sur une catégorie de produits, quand il revient dans son magasin, il sait très bien où il en est avec la négociation. Pour reprendre le cas de Ricard, quand il construit son rayon, il sait qu'en ce moment, c'est difficile avec tel ou tel fournisseur, notamment lorsque nous sommes dans cette période de négociation qui est une période de tension, de discussion.
De fait, celui qui négocie chez Coopelec et chez Coopernic, c'est en quelque sorte un patron de magasin qui négocie, c'est bien cela ?
Oui c'est cela, ce sont des coopérateurs, des adhérents au Galec, des patrons de magasins, des propriétaires de magasins, des chefs d'entreprise.
Vous me dites que les prix sont négociés en tarif chez Eurelec pour un marché français. Je peux comprendre le coût de Rewe mais je pense que nous aurons l'occasion d'en discuter avec le patron d'Eurelec, Michel-Edouard Leclerc.
Pour les services internationaux, ce sont des patrons de magasins français qui se déplacent, qui vont négocier des services à l'international alors que tout leur chiffre d'affaires est en France, pour une entreprise qui fait presque 100 % de son chiffre d'affaires en France. Nous restons à Bruxelles, sous le droit belge. Nous ne parlons toujours pas de droit français. Une fois que cela arrive chez vous, ce sont eux – qui sont aussi au niveau du Galec – qui vont négocier après les réductions, les plans d'affaires, etc. Une fois que tout est négocié, que tout a été bien « serré » comme il faut, on va commencer à parler enfin affaires.
D'abord, ce ne sont pas les mêmes adhérents que dans les structures internationales qui négocient au Galec, il faut quand même avoir cela en tête. Ce sont des adhérents, mais cela ne veut pas dire les mêmes adhérents.
Je vais vous dire, Monsieur le Rapporteur, le système E. Leclerc, c'est le principe de la transparence. Nous sommes transparents entre nous puisque nous sommes coopérateurs, et puisque de toute façon, le seul centre de profit de l'enseigne, c'est le magasin. Tout est fait dans un objectif de magasin. Notre travail, c'est un travail de sélection d'offres. C'est un travail dont l'objectif est de correspondre le mieux possible à la demande des clients.
Je reviens sur le chiffre d'affaires de 97 % en France versus 3 % à l'international. C'est un fait. Nous pouvons aussi le dire autrement, en disant que nous avons une centaine de magasins à l'étranger pour 600 en France. Notre approche, c'est aussi de pouvoir contribuer à aider ces centres E. Leclerc qui ont des adhérents indépendants et qui sont à l'étranger.
Parce que pour un groupe intégré, coté en bourse, c'est assez simple de faire un chèque et d'aller racheter un distributeur dans un pays étranger pour croître. Pour nous, c'est néanmoins éminemment plus compliqué, parce qu'il faut que nous fédérions des chefs d'entreprise qui vont ouvrir leurs magasins, qui vont être le plus près possible du terrain local. Cela complique énormément les choses.
À partir du moment où nous prenons la décision d'accompagner – et nous avons un système de parrainage dont nous pourrons reparler – les adhérents E. Leclerc qui s'installent à l'étranger dans une centaine de magasins, nous ne pouvons pas dire que « Cela représente 3 % du chiffre et débrouillez-vous les gars !». Nous sommes obligés de les accompagner. Cela représente 100 magasins.
Je comprends ce que vous me dites. Ce que je voulais dire, c'est que cela n'est pas dans le cadre de la commission d'enquête. Le cadre de la Commission d'enquête, ce n'est ni EGAlim, ni la croissance de la grande distribution, la sauvegarde du modèle ou la non-sauvegarde du modèle. Je l'ai dit à maintes et maintes reprises : je crois au modèle de la grande distribution – pour rassurer l'ensemble des personnes qui nous écoutent – et je suis persuadé que le modèle hypermarché a de l'avenir, contrairement à ce que beaucoup pensent, même au sein de la majorité et de mon groupe politique. Je crois au modèle hypermarché, au modèle supermarché, à la filière courte, au circuit court. Je pense qu'il y a un modèle pour tout le monde. C'est dans cette pluralité de modèles que nous arriverons peut-être à redonner une bouffée d'oxygène au monde agricole. J'en suis persuadé.
Le cadre de cette commission d'enquête, ce sont les relations commerciales entre vous – les industriels – et le monde agricole. Je parle d'incompréhension aujourd'hui de la part de la représentation nationale. Il y a des prix qui sont négociés en Belgique, alors qu'on a un droit français qui explique que le 28 février, les cartes sont ouvertes sur table et on connaît nos accords. Il y a encore très peu de temps, il y avait 4 industriels, nous sommes passés à 8. Maintenant, vous êtes à 12 ou 15. D'ailleurs, quel est l'objectif ?
Parce que là, nous passons complètement sous le radar de la législation française. En tant que représentant de la Nation, je me pose des questions sur les centrales de services Coopernic, comme Coopelec.
Vous nous dites que ce sont des patrons de magasins. Que ce soient des employés ou des patrons de magasins, c'est très bien, mais aujourd'hui ils négocient au niveau européen, en Belgique, et pas sous la législation française.
Je suis en droit de me poser cette question, en tant que parlementaire et avec les Commissaires ici présents, parce que cela veut dire que nous pouvons faire monter les services n'importe quand. J'ai des documents, j'ai des courbes de progression de service, où nous sommes passés d'un seul coup à + 0,45 % par rapport à 6 mois plus tôt. Quelle a été la plus-value en service : zéro.
Aujourd'hui, vous êtes capables – puisque vous êtes en Belgique – de faire bouger les prix, les taux de service et les accords comme vous le souhaitez. Je comprends bien que l'argent revient en France. Autrement, nous avons du mal à le contrôler puisque fiscalement, nous n'avons même pas le droit de le faire.
C'est sur votre bonne foi, et je suis persuadé que vous êtes de bonne foi. Pour autant, aujourd'hui, nous ne pouvons pas contrôler ce qui se passe et les taux, vous les faites monter comme vous voulez. Comprenez-vous la réflexion que nous avons ?
Sur les 100 magasins, vous ne faites que 3 %, c'est bien, mais moi, je parle de relations commerciales. Vous me parlez de transparence, mais quand un directeur de magasin va négocier un service pour des réunions catégorielles où nous prenons environ 1,95 % pour 18 contreparties, et qu'il y en a un autre qui a presque 7 % de taux d'accord pour Coopelec, en coordination et meeting de revue de business, il y en a deux par an.
Alors, quand nous faisons 30 millions d'euros de chiffre d'affaires, qu'on se prend 7 % pour deux réunions par an et un partage de données sur un site internet… oui, en tant que représentant de la Nation, je me pose des questions. C'est une relation commerciale entre la grande distribution et les centrales d'achat.
Vous me parlez de transparence. J'estime qu'il n'y a aucune transparence dans ce que vous me dites. Certaines centrales d'achat ont des employés. Il y a des documents. Là, le Directeur de magasin va chez Eurelec, Coopernic, Coopelec, ce n'est peut-être pas le même mais comme vous avez un système de parrainage où pour être propriétaire d'un magasin, il faut avoir un parrain et soi-même avoir un filleul, vous vous connaissez tous.
Je me pose donc la question : où est la transparence ?
Sur la transparence fiscale, notre bonne foi ne suffit pas. Un certain nombre de structures chez nous ont été contrôlées au titre de Coopernic, donc l'administration fiscale a toutes les données sur la transparence de Coopernic. Si notre bonne foi ne suffit pas – ce que je peux tout à fait admettre – nous avons tout à fait les moyens de le vérifier, le garantir. Il n'y a pas de souci là-dessus.
Deuxièmement, vous dites que nous sommes à 97 % français et donc que le service est français, mais les services que vend Coopernic ne sont pas des services français. Ce sont des services transnationaux. Ce sont des services qui n'existeraient pas sans l'existence de Coopernic. Quand un fournisseur vient à Coopernic, il a en face de lui les coopérateurs de Coopernic qui représentent 22 000 points de vente dans l'ensemble du territoire Européen. Il n'a pas l'adhérent Leclerc. Il a le négociateur à Rewe, il a le négociateur Ahold-Delhaize qui est un groupe belgo-néerlandais, il a le coopérateur de Coop Italia. Les services qui lui sont proposés et qu'il achète sont des services transnationaux. Il n'achète pas un service E. Leclerc.
J'ai fait du business avant. Je n'étais pas spécialement dans la politique. Quand on fait du business et que l'on décide de partir à l'export, quelqu'un vous emmène à l'export. D'ailleurs, dans le business on appelle cela des distributeurs. Quand on part à l'export – on va faire du business à Dubaï, en Chine ou autre – on part ensemble et on prend une commission en service à l'exportation.
En quoi aujourd'hui Coopernic ou Coopelec sont-ils en droit de demander un pourcentage du chiffre d'affaires français pour faire du business à l'export ? Sachant qu'en plus, vous reprenez un pourcentage du chiffre d'affaires qui est fait à l'export. Là, à la limite, je n'ai rien à dire. On signe de gré à gré, les gens sont contents.
En quoi êtes-vous légitimes pour faire pression sur des groupes et leur prendre un pourcentage de chiffre d'affaires en France pour faire du business à l'export ?
Alors là, il va falloir être très fort pour l'expliquer ! Il n'y en a pas encore un seul qui a su nous l'expliquer correctement.
D'abord, Coopernic ne prend pas un pourcentage du chiffre d'affaires français, il prend un pourcentage du chiffre d'affaires de l'ensemble des coopérateurs. C'est bien une prestation transnationale. Encore une fois, nous ne pouvons pas raisonner dans un cadre strictement franco-français quand on parle de Coopernic. Nous sommes associés avec des partenaires européens et nous vendons des prestations qui sont des prestations transnationales.
Quand un fournisseur a la possibilité en quelques rendez-vous de pouvoir organiser la promotion de ses produits, de ses innovations, dans 27 pays et 22 000 points de vente à la fois, pardonnez-moi, mais cela vaut quelque chose.
D'ailleurs, Coopernic existe depuis 2006. Depuis 2006, nous avons des relations d'affaires suivies avec ces fournisseurs et qui continuent. C'est pour cela que je ne comprends pas la notion. Nous ne sommes pas dans un marché franco-français. Nous sommes dans un service qui est transnational, encore une fois. C'est pour cela que j'ai du mal à me mettre dans votre démarche.
Prendre un pourcentage du chiffre d'affaires français pour commercialiser en France dans une agence qui permet de proposer des services à l'international, je ne comprends pas. Que nous prenions l'intégralité du business fait dans les 22 000 points de vente, moins la partie française – puisque sur la partie française il y a déjà une négociation – je le comprendrais. Les distributeurs prennent de l'argent sur ceux qui partent à l'export. Lorsque l'on est en France, c'est son business, la maison mère est en France, donc le business se fait avec les Français.
Le service est d'ailleurs chez certains de vos compétiteurs pris en France pour la France. Quand nous partons dans d'autres pays, le service est pris dans d'autres pays pour l'autre pays. Il n'y a pas une agence qui vient prendre sur le global alors qu'ils sont déjà sur le territoire.
Bref, je pense que nous ne nous entendrons jamais sur cela. Nous aurons l'occasion de réfléchir à nouveau avec les propositions qui seront faites à la fin de cette Commission d'enquête. De toute façon, le sujet d'aujourd'hui, c'est le Galec.
Concernant le Galec justement, pourriez-vous nous parler un peu des plans promo, des plans d'affaires ? Parce qu'on nous remonte des informations sur le fait que les industriels – qu'ils soient petits, moyens ou gros – n'ont pas de vision du plan d'affaires. Ou ils ont un plan d'affaires mais quand il n'est pas respecté, de toute façon, nous ne revenons pas sur la négociation. Si vous promettez 100 et qu'on ne fait que 50, la négociation reste la même. Souvent, il n'y a pas de plan non plus en volume. Que pouvez-vous nous dire sur cela ?
Je vais vous expliquer un peu comment nous travaillons, et vous allez voir que c'est ce que nous appelons des plans d'affaires.
En réalité, l'association des marques des fournisseurs – que ce soient d'ailleurs des multinationales ou des PME, peu importe – dans la politique commerciale de l'enseigne, c'est quelque chose qui s'élabore.
Ce qui est important, c'est de comprendre comment nous travaillons. Lorsque nous préparons les négociations commerciales, nous ne décrétons pas, par exemple, que nous allons chercher tel niveau d'achat ou tel niveau de déflation, que nous décréterions de façon générale pour la totalité de nos approvisionnements.
En réalité, les choses sont faites de façon très différente. Dans chacun des marchés, dans chacune des catégories, nous avons des gens qui analysent les marchés, les catégories, regardent quelle est l'attractivité de chacun des produits, quelle est la pertinence des assortiments, quelle est la fidélité des clients à telle ou telle marque, quelle est la pertinence des promotions que nous avons pu mettre en avant sur telle ou telle référence.
De plus, il y a des choses que nous travaillons et qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que nous avons aussi des concurrents. Dès lors, nous allons aussi regarder comment les mêmes produits sont commercialisés par nos concurrents, quel courant d'affaires peuvent développer nos concurrents avec tel ou tel fournisseur.
Il ne faut pas oublier que nos fournisseurs sont concurrents entre eux, donc nous regardons également comment se comportent des entreprises qui sont sur des mêmes segments de produits, sur des mêmes offres commerciales.
Ensuite, par rapport à cela, nous avons aussi une dimension plus classique, logistique, matières premières. Nous avons des gens dont le métier est d'essayer de comprendre quel est le poids des matières premières avant la fabrication des produits.
Tout cela constitue ce que nous appelons un dossier de négociation, en tout cas un objectif de négociation. C'est l'agrégation de l'ensemble de ces travaux réalisés par les marchés qui nous donnent des objectifs de négociation.
Ensuite, une fois que nous avons fait ce travail par rapport à l'enseigne E. Leclerc, nous avons une politique commerciale. Nous savons ce que nous voulons développer. Par exemple en 2020, nous avons des projets. Nous savons ce que nous voulons faire. Nous avons notre programme d'animation commerciale. Nous savons ce que nous voulons faire en promotion. Nous savons ce que nous voulons faire en communication. Nous savons ce que nous voulons développer par exemple sur nos offres drive, dans nos hypermarchés de 5 000 mètres carrés, sur ceux de 10 000 mètres carrés. Nous définissons notre politique commerciale et nous essayons de voir dans quelle mesure l'analyse que nous avons faite de nos catégories et de nos marchés peut contribuer à aller chercher – c'est notre métier – de la croissance, du développement, tout en restant dans notre ligne de conduite qui est la politique commerciale de l'enseigne E. Leclerc, et sa promesse de prix bas, de l'accessibilité de l'offre.
C'est ensuite que nous engageons les négociations commerciales. Les négociations commerciales – c'est là, je pense où le sujet des services est important – sont des discussions qui traitent de différents chapitres. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a ce moment de cristallisation qui est de la fin d'année jusqu'au 1er mars, où nous allons beaucoup discuter sur le tarif, mais aussi sur les conditions logistiques, sur le bilan promotionnel de l'année qui est passée, sur ce que nous avons pu observer du fournisseur chez nos concurrents.
D'ailleurs, on parle des grandes enseignes installées depuis longtemps sur le territoire, mais chaque année, nous avons de nouveaux concurrents qui arrivent. Je sais qu'on vous a cité des groupes comme Action, Amazon, etc. Je vous assure que pour nous, c'est le quotidien. Ce sont des gens que nous regardons avec beaucoup d'attention. Nous engageons donc ces discussions, à la fois sur le tarif, sur le marketing, sur la logistique sur l'évolution des matières premières.
Puis nous arrivons à un accord. En France, il faut que nous arrivions à un accord au 1er mars. En tout cas, nous faisons tout pour y arriver. Ensuite, nous déroulons notre politique commerciale. C'est la performance que nous voulons avoir sur le front de vente. Ce sont du moins les éléments de performance que nous voulons donner à nos adhérents. Il n'est pas question pour nous de ne pas jouer le jeu des produits, des catégories, des marques que nous considérons comme pertinents pour faire notre croissance.
Il y a des marques qu'il faut absolument avoir. D'autres sont en perte de vitesse. Des concurrents nouveaux arrivent. On connaît tous maintenant les grandes tendances de consommation : les consommateurs veulent des produits plus sains, meilleurs pour la planète, pour l'environnement et pour la santé. Les industriels ne cessent d'innover – et c'est tant mieux, on s'en réjouit – pour pouvoir justement enrichir nos offres, enrichir nos rayons.
Passée la date du 1er mars, tout ne s'arrête pas. Nous continuons à rencontrer les chargés de marketing des industriels. Nous continuons à rencontrer les commerciaux des industriels. C'est un travail permanent.
C'est justement ce que disait tout à l'heure le Président, c'est ce qui nous a été remonté très régulièrement sur ces innovations. Nous avons comparé des mises en place d'innovations dans des pays autres que la France. Nous avons demandé à plusieurs industriels de nous donner les schémas. De fait, ils sont obligés de nous dire de vérité. Ils nous montrent dans certains pays en combien de temps on met une innovation en place, et en même temps en combien de temps on met une innovation en place en France. Nous voyons que nous sommes complètement satellisés en France sur la mise en place de l'innovation. Pour la simple et bonne raison – c'est ce que l'on nous explique, et j'aimerais avoir votre point de vue – que le fait de mettre une innovation en place en France prend du temps, parce que lorsque nous voulons mettre un nouveau produit, une nouvelle référence, nous rouvrons le dossier négociation, et la grande distribution va pouvoir s'engouffrer dans une nouvelle renégociation de ce qui avait été acté au 28 février.
Il s'avère – nous avons des documents qui nous l'expliquent – que si à mi-année, nous ne sommes pas là où nous devrions être par rapport au plan d'affaires, il y a une perte de marge chez vous. C'est normal. Nous n'avons pas fait ce que nous devions faire, donc nous perdons de l'argent.
En conséquence, pour mettre en place l'innovation, il faut que l'industriel investisse à nouveau.
Monsieur Chellet, je voudrais avoir votre avis.
La question de l'innovation est importante pour nous, parce que d'abord nous avons envie d'avoir des produits qui se vendent. Il est bien évident que la mise en marché des produits et la mise en marché des innovations pour nous est un enjeu majeur.
Cela passe effectivement par les flux d'information, les flux logistiques, l'approvisionnement… vous imaginez la mécanique d'un distributeur comme nous pour mettre cela en oeuvre.
Je vous disais que les discussions sont permanentes toute l'année, mais il nous arrive aussi de procéder par avenant pour compléter ou revoir des négociations. Nous le faisons par exemple quand les prix évoluent. Nous l'avons fait récemment avec les charcutiers avec la crise que vous connaissez sur le porc, par exemple.
Ce que je veux dire par là, c'est qu'il n'est pas interdit en cours d'année de revoir les choses en fonction des contextes.
S'agissant des innovations, peut-être que si un industriel vient nous voir et nous donne une innovation dont les performances sur son assortiment, sur sa gamme, ne nous conviennent pas, cela peut être l'occasion d'en rediscuter.
Parce que je vais vous dire une chose qui est assez simple, les rayons des magasins ne sont pas extensibles. Dès lors, si vous voulez tous les jours que les chefs de rayon achalandent leurs rayons, vous ne pouvez pas additionner continuellement des nouvelles références.
Il y a des arbitrages à faire. Quand nous sommes face à un industriel qui nous propose des innovations que nous aimons, c'est vrai que nous ne sommes peut-être pas très bons dans l'accélération de la mise en marché de ces innovations mais nous en sommes friands parce que c'est intéressant. Mais du coup, il faut que nous revoyions notre assortiment, parce que cette innovation, il faut qu'elle trouve sa place dans nos rayons. Il faut qu'elle trouve sa place dans nos drives.
Je voudrais juste ajouter une chose sur les innovations, parce que c'est un sujet qui est important. Tout n'est pas une innovation. Certains industriels nous proposent parfois des innovations qui n'en sont pas. Il y a un tri à faire. Notre métier est de vendre, donc c'est de sélectionner les offres et c'est de faire un peu le tri dans toutes ces propositions.
Vous arrive-t-il de demander à un industriel un investissement financier pour mettre en place une innovation, parce que les produits négociés auparavant n'étaient pas des produits qui se sont bien vendus, et donc il y a une perte de marge – qui est normale – chez vous ?
Il est important de répondre clairement à cette question.
Vous posez deux questions en une. La question de la performance des produits commercialisés est une question en tant que telle. Ce que vous sous-entendez, qui consisterait à demander une sorte de compensation parce que nous serions moins performants sur certains produits à l'occasion de la présentation d'une innovation, je n'en ai pas connaissance. Ce n'est pas dans les briefs, ce n'est pas dans les pratiques et ce n'est même pas possible dans notre système de gestion et de contractualisation avec les industriels.
Maintenant, s'il y a un problème sur la performance d'une catégorie de certains produits et des problèmes de positionnement prix, des problèmes de marge – on ne gagne pas assez – des problèmes d'attractivité dans la catégorie, on en discute. Nous pouvons même être amenés à sortir des références. C'est une discussion en tant que telle.
S'agissant de l'innovation, cela se commercialise. Pour commercialiser une innovation, nous pouvons être amenés à proposer des services de commercialisation. Nous sortons une innovation sur un shampoing, un rasoir ou autre, si nous avons envie de faire un lancement et que nous en convenons avec l'industriel et que nous sortons un prospectus à plusieurs millions d'exemplaires, une pub radio et une mise en avant sur nos sites drives, c'est un service d'accélération de mise en marché que nous proposons, qui a un prix. Nous discutons donc du prix de ce service de commercialisation du produit en question. Parce que cette innovation va répondre à notre politique commerciale, va répondre à un temps fort, va répondre à une attente du consommateur.
Cela intéresse aussi le fournisseur. Pour un lancement de produit par exemple, vous avez des marques qui ont des plans de communication. Ils vont faire de la télé. Ils vont faire eux-mêmes de la communication sur internet. Quand ils viennent nous voir en disant : voilà mon plan communication nationale pendant dix jours. Mon produit, vous allez le voir partout. Il va être dans toute la France, sur tous les écrans, etc. Cela nous intéresse. Dans ce cas-là, nous proposons une mise en avant sur nos propres supports avec un prix, mais un prix qui est aussi le prix que la marque peut payer à France Télévisions s'ils voient que le produit passe en pub télé.
C'est sur ce prix que le problème se pose puisque les études que nous avons nous montrent que la disproportion est flagrante entre certains pays.
Vous parliez de transparence tout à l'heure. Nous n'avons pas la capacité de renégocier les prix d'avant, sauf s'il y a des augmentations de matières premières ou autre, ou des baisses.
D'ailleurs, j'avais posé à l'époque un amendement dans EGAlim, pour que les augmentations ou les baisses soient axées sur un indicateur de coût de revient. Il n'est pas porté par le monde agricole, mais j'estime que quand il y a une baisse, le prix doit baisser.
Sur les services, le problème est qu'on nous parle de disproportion colossale. C'est-à-dire que pour mettre en place un nouveau produit, ce n'est pas un chèque de 10 000 euros, mais des chèques de plusieurs centaines de milliers d'euros qui peuvent être amenés par ces industriels sans aucune transparence.
Puisque votre catalogue de services existe. Vous proposez des services, mais il n'y a aucun prix en face du service. Nous proposons aujourd'hui de mettre un prix en face d'un service pour justement qu'il y ait de la transparence. Êtes-vous capables de faire cela, ou bien vous vous dites que non, ce n'est pas possible, parce que 1 + 1 ne font pas 2 ?
Sur cette question-là, il faut revenir aux textes de loi. Il y a deux articles dans le Code du commerce qui sont extrêmement clairs sur les obligations réciproques qui existent entre un distributeur et un fournisseur. Ces obligations réciproques sont décrites et elles doivent être retranscrites dans un accord-cadre, donc l'article décrit le formalisme, etc.
S'agissant précisément des services, on nous dit deux choses. D'abord, le distributeur, c'est son métier de rendre des services pour commercialiser des produits. Pas de problème. Ensuite, concernant ces services, il y a deux obligations à respecter. D'une part, la réalité de ce service : ce que nous appelons les contreparties. Il faut les réaliser. L'autre point, c'est la proportionnalité.
Vous imaginez une espèce de grille commune à tous les distributeurs, mais ce serait – de mon point de vue – nier la possibilité pour des distributeurs qui sont en concurrence d'avoir leur propre politique commerciale. Le prix des services, c'est la négociation. C'est la négociation du prix d'un service. Sa proportionnalité est liée à la valeur qu'en retirent d'une part le commerçant – parce que nous, encore une fois, ce qui nous intéresse c'est de vendre des produits – et d'autre part, l'industriel. Parce qu'évidemment lui aussi, ce qui l'intéresse, c'est que nous commercialisions le mieux possible ses produits.
Dès lors, le prix d'un service, nous pouvons en discuter, mais en dehors de le faire au cas par cas pour apprécier sa pertinence et sa proportionnalité, de façon générale et théorique, c'est compliqué parce que c'est le prix d'un service entre deux professionnels.
Le prix de ce service ne peut être que le résultat d'une négociation : la négociation d'un prix et de sa valeur par rapport à des enjeux qui doivent être des enjeux peut-être différents entre distributeurs et industriels, mais en tout cas des enjeux pour l'un et l'autre.
Revenons sur la partie achats, concernant tout ce qui n'est pas Eurelec. Sur la globalité de ce qui est hors PME, hors alliances locales – non pas en nombre mais en pourcentage – est-ce que vous avez signé plutôt en déflation, flat ou en inflation avec les industriels de l'agroalimentaire sur l'exercice 2019 ?
En tout état de cause, pour nous, la question ne se pose pas de savoir globalement si nous sommes en déflation ou en inflation. La question se pose catégorie par catégorie. Monsieur Huet vous le disait tout à l'heure, sur le lait, la volaille, la charcuterie et la boucherie, nous avons pris des hausses de tarifs très significatives.
Sur d'autres secteurs d'activité, nous avons été négocier des baisses. Nous achetons ainsi moins cher. Tout cela est un « mixte » qui fait aussi notre compétitivité.
Tout à l'heure vous nous expliquiez qu'il n'y avait pas de corrélation entre un prix bas et le prix payé à l'agriculteur, sa façon de vivre. Lorsque l'on voit qu'il y a sur certaines catégories de produits -1, -2 % en moyenne depuis 5 ans, on ne peut pas nous expliquer que le prix bas n'amène pas à des revenus bas au bout de la chaîne.
Vous nous dites que non, mais je suis intimement persuadé que oui. Quand les prix sont bas, le bout de la chaîne est bas. C'est pour moi automatique. Peut-être qu'il y avait une certaine régulation à avoir au niveau des industriels. Soit.
D'ailleurs, la loi vous a permis de le faire, il y a encore quelques années avec la LME, la loi de modernisation de l'économie. Aujourd'hui, vous signez quand même une grosse partie en déflation. Pouvez-vous nous donner le pourcentage de cette déflation au global ? J'aimerais bien entendre la vision du groupe E. Leclerc sur la déflation, flat ou inflation en pourcentage.
Je suis très tatillon sur les chiffres mais les autres le font, et je vais être très honnête avec vous, vous êtes les seuls avec qui j'ai vraiment du mal à avoir des chiffres. Soit ce n'était pas préparé de votre côté, soit vous ne voulez pas nous donner les chiffres. De mon côté, j'ai besoin des chiffres s'il vous plaît.
Je vous répondrai peut-être sur des chiffres très précis à huis clos, mais je vais quand même vous donner quelques éléments importants. Je suis toujours assez attentif à ces histoires de hausse moyenne. Il faut faire attention, parce qu'on pratique le discernement. On l'a souvent en tête quand on parle des PME ou du monde agricole, mais il peut aussi concerner des multinationales.
Sur un certain nombre d'accords, nous avons environ 2 300 fournisseurs sur le Galec, et nous devons avoir 3 400 accords. Un fournisseur peut donc avoir plusieurs accords. Chez un même fournisseur, nous pouvons avoir des accords en déflation et d'autres qui sont en inflation, en fonction des matières premières qui sont intégrées aux produits. Nous faisons des analyses assez fines, puisque nous avons aussi une entreprise – la Scamark – qui produit des marques de distributeurs.
Nous pouvons aujourd'hui aussi – et j'entendais Lidl intervenir sur le sujet – avoir un prix précis sur un produit que nous négocions. Maintenant, ce que je peux vous dire par rapport à la loi EGAlim – parce qu'en ce moment, nous y sommes très sensibles – c'est que le Galec a accepté en hausse de tarif sur les produits frais agricoles en règle générale, 4 % cette année sur les marques de distributeurs et 2 % sur les marques nationales. Nous avons eu la même hausse de tarif l'année dernière. Nous sommes à 2 + 2 sur les marques nationales, et 4 + 4 sur les marques de distributeurs.
Sur le global, nous vous donnerons bien évidemment les éléments, mais ce que nous voulons vous dire, c'est que les accords qui ont été négociés ces deux dernières années avec des industriels sur des filières agricoles sensibles l'ont été à la hausse.
Je suis désolé, je ne peux pas vous donner d'autre réponse publiquement.
Vous êtes capables de me donner les chiffres exacts quand il y a de l'inflation sur des produits bien spécifiques. Là, je vous demande juste un chiffre global, parce que les autres ont été capables de me le donner. Vous dites que vous n'en êtes pas capable.
Me dire que sur la bouteille de lait, vous avez été capable de passer 3 centimes, j'y crois. Moi, en tant que simple parlementaire que je suis, si vous mettez un arbre devant moi, je ne vois pas toute la forêt. Alors est-ce que la forêt a été rasée, ou est-ce que vous l'avez sauvegardée ?
Le retour que j'ai aujourd'hui du monde industriel agroalimentaire – pas pour tous mais pour la plupart – c'est qu'ils ont signé en déflation. Parce que du lait, il n'y en a pas que dans les bouteilles de lait. Dans une crème dessert, il y a du lait. Dans le fromage, il y a du lait. Là, on dit : on a signé en déflation.
Encore une fois, au global, nous pourrons vous donner les chiffres, mais quand on va acheter du shampoing, des rasoirs, des déodorants, des produits DPH (droguerie, parfumerie et hygiène), etc., ce n'est pas tout à fait la même chose que de la boucherie, de la volaille et des oeufs.
Cette Commission d'enquête porte sur les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs. Le DPH en fait partie.
Je vais changer les chiffres, je ne les ai pas en tête, mais certains me disent : on a signé 30 % en flat, 10 % en inflation, et 60 % en déflation. Ils sont capables de me le dire.
Je repose ma question au groupe E. Leclerc : aujourd'hui, sur l'intégralité de ce que vous achetez cette année – et si possible les années précédentes parce que les autres ont été capables de me le donner – avez-vous signé en déflation, en inflation, ou flat, et à quel pourcentage ? Je ne vous demande pas de me dire si vous êtes à tant ou tant sur la bouteille d'eau, je vous demande le global.
Sur le global de nos achats dits de PGC, dans 65 %, on a signé en déflation et dans 35 % en inflation.
Je comprends que vous ayez fait des efforts – et je vous en remercie en tant que parlementaire – sur les bouteilles de lait et ce que vous êtes peut-être en train de faire sur des produits comme le porc non transformé. Bravo.
Maintenant, la globalité c'est que 65 % de ce que vous achetez ici est signé en déflation. Un industriel qui gagne un peu plus sur une bouteille de lait, c'est bien, mais quand il signe en déflation sur tout le reste de ses produits, pour lui aussi c'est un global. Quand vous allez chercher 2,5 % de déflation, c'est 2,5 % de marge qui sont perdus.
Vous allez me dire qu'il va augmenter son chiffre d'affaires. Augmenter son chiffre d'affaires de 2,5 % quand on a fait baisser le prix unitaire de 2,5 %, cela n'équivaut pas à zéro. Parce qu'on fait plus avec un prix qui est minoré. De fait, on perd. Vous voyez la logique qu'il y a aujourd'hui et les relations qu'il peut y avoir entre la grande distribution et les industriels et le fait que ce soit tendu.
Je pense que ce que je suis en train de vous dire, vous ne le découvrez pas. Vous avez l'air d'être des personnes avec de l'expérience, certains plus que d'autres. Cependant, la logique déflationniste que vous avez depuis 5 ans, quand on nous annonce des chiffres sur certaines catégories de - 10 à - 15 % sur 5 ans, je suis désolé, Monsieur le Secrétaire général, mais oui cela impacte le monde agricole. Oui, quand Michel-Edouard Leclerc vient au salon de l'agriculture – d'ailleurs je pense que la dernière fois qu'il est venu, c'était il y a un certain temps – il y a un peu de rancoeur, il y a un peu de stress qui peut se créer quand vous dites que la déflation, le prix bas n'a jamais été la cause d'une vie très difficile pour le monde agricole.
D'abord, je vais vous dire deux choses.
La première chose, c'est que par rapport aux multinationales et aux grandes entreprises, nous ne pesons rien de leur chiffre. Il faut quand même avoir cela en tête. Quand nous négocions avec ces multinationales, elles ont une position de force avec nous qui est importante. Cela vous fait sourire, mais c'est quand même la réalité.
Pas toutes, et leurs résultats sont quand même à l'étranger. Laissez-nous négocier avec ces gens-là. Je regarde par exemple les cours du café. L'année dernière, c'est -19 %. Nous pouvons quand même négocier des baisses de tarifs sur des cours à ce point à la baisse.
Si nous acceptons toutes les hausses de tarifs des fournisseurs depuis 3 ans, nous avons une inflation de prix qui est de l'ordre de 14 ou 15 % en France. La question est de savoir si les Français peuvent supporter une inflation aussi importante que cela. Les hausses de tarifs demandées par les fournisseurs sont de l'ordre de 15 %.
Nous faisons un travail de négociation extrêmement précis en fonction des catégories de produits, pour aller essayer de négocier des baisses de prix avec les industriels quand il y a des baisses de prix. C'est pour cela qu'il me semblait important de vous parler des produits frais. En plus, ils sont dans le spectre de la loi EGAlim.
Quand il y a des hausses de matières premières, nous augmentons, nous acceptons des augmentations de tarifs. Nous les discutons mais nous les acceptons.
Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes aussi en compétition. Vous parliez du DPH, c'est un secteur d'activité qui est très bataillé en promotion avec la loi EGAlim. Par ailleurs, nous avons des acteurs comme Action, qui s'installent à vitesse « grand V » sur les parkings des magasins E. Leclerc, et qui distribuent des produits de DPH avec des prix qui sont sans commune mesure avec ce que nous sommes capables de faire.
Il faut aussi apprécier ce que les marques et les industriels font comme choix de réseaux de distribution. Quand on est un grand industriel du DPH et qu'on choisit de distribuer ses produits dans un hyper discounter qui s'appelle Action, et qu'on a aussi par ailleurs un client qui s'appelle E. Leclerc, Carrefour ou Système U, on est face à une discussion où on ne retrouve pas la performance commerciale qu'on peut espérer. C'est aussi cela. Quand Amazon distribue des produits de cette nature, c'est exactement la même chose.
Convenons-en ensemble, la distribution, le commerce, c'est quelque chose qui est évolutif, et nous le voyons bien, en pleine mutation en ce moment, au moment où la commission d'enquête procède à son à son travail d'audition. Nous sommes vraiment en pleine période de mutation. Convenons ensemble que les distributeurs ont fait preuve depuis un certain nombre d'années de créativité. Nous voyons bien la complexité, l'écosystème qui a été créé pour améliorer le cadre de la négociation.
Si nous regardons un peu dans le rétroviseur, et si nous essayons de dresser des perspectives et de nous projeter de la loi « Galland » à la loi issue des États généraux de l'alimentation (EGA), en passant par la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008, et la loi Sapin 2, êtes-vous d'accord pour convenir que la guerre des prix – qui s'est amplifiée depuis une petite dizaine d'années – dénature totalement la relation du consommateur au produit ? Je prends l'exemple de la promotion sur le Nutella : comment pouvons-nous expliquer au consommateur que le prix d'un pot de Nutella va subitement baisser de 70 % ?
Ensuite, vous ne pouvez pas contester le fait que l'on négocie en déflation sur une majorité de produits, alors que c'est le « bon sens paysan » : tout augmente ! Le coût de l'énergie, la main-d'oeuvre, l'investissement, les programmes de recherche, les lois ou la réglementation sanitaire et environnementale, tout ce qui tourne autour de la responsabilité sociale de l'entreprise. Tout ceci fait que nous avons du mal à comprendre que nous soyons majoritairement en déflation lorsque vous êtes en période de négociation.
Ce qui nous préoccupe dans la relation du consommateur au produit, c'est l'avenir de l'industrie et de la production industrielle en France.
Un Directeur France d'une multinationale, quel est son premier concurrent ? C'est bien souvent dans sa même entreprise, celui qui produit en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Lorsqu'il rencontre son Directoire, on le presse tellement que cette multinationale va avoir intérêt à encourager, accentuer ses investissements à l'extérieur de la France, ce qui fragilise d'autant la production industrielle et l'emploi industriel en France.
Le dernier point, ce sont les producteurs. Nous négocions avec les producteurs, cela peut être les producteurs de denrées alimentaires – notamment des agriculteurs – mais aussi les producteurs de produits d'hygiène, de beauté et autres. Parce que cet encadrement des promotions sur les denrées alimentaires, nous avons bien compris – et d'ailleurs certains l'avaient compris dans le cadre des débats de la loi EGAlim – que nous avons déporté la problématique de l'encadrement des denrées alimentaires sur ce qui est non-alimentaire.
Ce que l'on reprochait à l'alimentaire il y a un an ou deux – c'est-à-dire 4 entrecôtes pour le prix d'une, et ainsi de suite – nous allons le retrouver sur ce qui est non-alimentaire. Tout cela vise à fragiliser un arsenal français : le consommateur, les industriels, mais aussi les producteurs et notamment les agriculteurs. C'est ce qui explique que la Commission d'enquête s'intéresse aux négociations commerciales et notamment au rôle que peut avoir le regroupement à l'achat, mais aussi certaines centrales internationales.
On parle souvent dans notre pays de valeur ajoutée. Nous avons bien compris depuis quelques semaines qu'en termes de valeur ajoutée, les centrales internationales s'apparentent à des centres de profit facile. Vous avez face à vous un certain nombre d'interlocuteurs que vous classez par catégorie : les fournisseurs locaux, les PME, les entreprises de taille intermédiaire et les multinationales. En fonction du résultat ou de la capacité à faire du résultat de votre fournisseur, vous vous dites qu'il y a une contrepartie financière potentiellement exploitable que vous pouvez obtenir. Vous avez tous créé ce système des centrales internationales – que vous appelez les centrales de négociation ou les centrales de services – qui visent à capter de la contribution.
Sur l'ensemble de l'arsenal des négociations à tous les niveaux – depuis le niveau local jusqu'au niveau international – nous voyons bien qu'on dénature totalement le rapport au prix dans la négociation.
Vous vous y retrouvez parce que certains acteurs de la distribution nous ont expliqué que finalement, leur oxygène, c'était ce qui leur était redistribué par les centrales internationales.
Je pense que notre rôle est d'essayer d'y voir un peu plus clair au niveau français, d'encourager l'Europe aussi à bouger – notamment l'Autorité de la Concurrence – et à regarder ce qui se passe.
Nous pouvons au moins vous savoir gré à vous, E. Leclerc, d'avoir vos centrales en Europe. C'est quelque chose qui vous distingue de certains autres interlocuteurs. Je le dis parce que c'est une réalité.
Il y a quand même un sujet. Comprenez que les modestes députés que nous sommes s'intéressent à ce sujet. Nous tourons le projecteur vers les distributeurs et les centrales d'achat françaises et internationales dans l'espoir que les politiques, les gouvernements, les exécutifs français et européens s'y intéressent encore plus parce que nous sommes convaincus qu'il y a un sujet.
J'ai un peu de mal à comprendre pourquoi on vient stigmatiser les distributeurs lorsqu'ils sont à la recherche d'une meilleure performance, mais quand Orange crée avec Deutsche Telekom une société en joint-venture à « 5050 » pour acheter en commun, cela ne choque personne. Personne ne dit rien.
Pour l'instant, mais c'est bien pour cela que je vous demande le niveau national et le niveau européen. D'ailleurs, je vais vous dire, Monsieur de Prunelé, ces pratiques ou ces organisations construites par le distributeur, jusqu'à aujourd'hui, elles n'ont choqué personne en France et en Europe. Parce que vous n'étiez pas hors la loi. Vos regroupements à l'achat, vos centrales européennes et vos centrales internationales ont fait l'objet de validation.
Ce qui m'interpelle personnellement, c'est que tout cela s'est amplifié et s'est accéléré depuis une dizaine d'années avec la complaisance des pouvoirs politiques – quelle que soit leur sensibilité – mais aussi avec une forme de complaisance des autorités administratives en charge de la régulation et des contrôles. Je le dis. Nous les avons auditionnées à huis clos et je vais vous dire, nous les ferons revenir pour rendre des comptes, parce que nous sommes des députés.
On trouve beaucoup de choses en quelques semaines, sans être des spécialistes du sujet. Pour ma part, je me dis – en tant que Président de la Commission d'enquête – que celles et ceux dont c'est le boulot de veiller à l'organisation, à cet écosystème, c'est leur travail de contrôle, parfois de répression et de sanction. C'est aussi leur rôle de conseiller le pouvoir politique au plus haut niveau.
Pour être très francs, nous n'avons pas la même perception des choses parce que nous n'avons pas le sentiment de faire l'objet d'une particulière bienveillance des autorités de contrôle, qui sont chez nous au moins à mi-temps, et qui contrôlent, surveillent et analysent tout ce que nous faisons. Je suis un peu étonné de ce que vous dites là-dessus, mais ce n'est pas trop le sujet.
Un petit mot sur la guerre des prix, sur le prix le plus bas. Chez nous – E. Leclerc – nous sommes un peu atypiques, parce que l'ADN de l'enseigne E. Leclerc, c'est de rechercher une meilleure performance dans le système de distribution. Performance que nous répercutons au consommateur. Cela fait 70 ans que nous sommes les moins chers du marché. Nous n'avons pas créé la guerre des prix, cela fait 70 ans que nous avons le même positionnement commercial.
Il y avait des enseignes – et c'est leur droit – qui ont de façon très provisoire déclenché des offensives sur le prix et qui ont essayé de nous rejoindre il y a quelques années. Cela n'a pas duré longtemps, et cela ne portait que sur 10 % de leur chiffre d'affaires.
Je récuse un peu le terme de prix le plus bas. Notre ADN, c'est d'être les moins chers du marché parce que nous estimons que notre système et notre organisation coopérative nous permettent d'avoir des frais, des charges, qui font que nous sommes plus performants en prix, en accessibilité auprès de nos consommateurs.
Nous n'avons pas du tout le sentiment d'être responsable de la guerre des prix. Nous avons le sentiment de faire notre métier au mieux depuis 70 ans sur la performance. C'est pour cela que je suis un peu réticent là-dessus. En tout cas sur la déflation, parce que les moyennes sont un peu dangereuses.
Ce qui est sûr – et je crois que cela vous a été confirmé par la Commission européenne – c'est qu'il y avait des décalages très importants en matière de prix au sein de l'Union européenne. La France était beaucoup plus chère que ses voisins européens. Elle est toujours plus chère en moyenne que ses voisins et cela n'est pas qu'un problème de parts de marché des hard discounters. Parce que les premiers sont quand même largement comparables.
Il y a eu un petit rattrapage depuis la LME, je suis d'accord, mais quand nous regardons les chiffres, avouez que nous restons quand même sur la photo dans un système qui est très disproportionné au profit des industriels, des transformateurs et de ces fameuses multinationales. Nous n'en avons pas profité pour faire croître de façon inconsidérée nos résultats. Ils sont stables depuis un certain nombre d'années, où ils évoluent à la marge, mais ils sont stables.
C'est pour cela que j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi on nous reproche de rechercher – à travers des partenariats, les alliances avec nos voisins européens – les moyens de rester performant dans ce marché.
Il y a d'une part des regroupements à l'achat. Il y a d'autre part des centrales internationales de négociation. Ce que nous souhaitons, c'est que plutôt que vous soyez dans des relations commerciales qui soient des relations de confrontation, la relation soit en France une relation de partenariat et une relation collaborative.
Comment expliquez-vous qu'à l'unanimité des personnes auditionnées, on nous a dit qu'il n'y a pas un autre pays en Europe où les relations sont aussi compliquées et difficiles ?
Par ailleurs, vous êtes une coopérative. Monsieur Huet, vous êtes propriétaire de votre magasin, il faudrait que vous puissiez nous expliquer comment se passent les questions foncières, les questions d'organisation juridique, et qui est propriétaire des magasins. Est-ce vous en propre ? Y a-t-il une société ?
Vous dites qu'il y a une sorte de reproche sur la performance du groupe E. Leclerc.
On ne reproche pas la performance du groupe E. Leclerc. Je me félicite que vous gagniez de l'argent. Je préférerais même que vous gagniez encore plus d'argent. Une entreprise, ce n'est pas un monde associatif. Vous êtes là pour gagner de l'argent.
Le reproche que l'on vous fait, c'est que pour atteindre une performance, on va dégrader la performance des autres. Nous le voyons par 65 % de vos achats qui sont en déflation. Nous, en tant que représentants de la Nation, nous nous devons de ne pas avoir d'oeillères et de faire en sorte que sur les territoires, l'intégralité de l'écosystème fonctionne.
Ce qui est reproché aujourd'hui, c'est que la mécanique que vous avez mise en place est en train de nous emmener tous dans le mur, puisqu'il y avait une négociation en déflation permanente. À un moment donné, il va y avoir un perdant. Le perdant est celui qui est au bout de la chaîne. C'est l'agriculteur que nous protégeons comme nous le pouvons.
Le prochain sera peut-être l'industriel, et peut-être que le prochain ce sera vous. Et Amazon vous rachètera, ce que je ne souhaite pas. Le reproche fait, ce n'est en aucun cas sur votre performance. C'est sur la déflation. Comme le disait très bien le Président, à l'unanimité tous se sont plaints de la qualité des négociations. Nous avons aussi les chiffres de la déflation, du « flat » ou de l'inflation des autres pays. La France est la championne sur la déflation.
Y compris dans les pays du Nord où le prix est encore plus élevé, tout simplement parce qu'ils préfèrent les marques, encore plus que les Français. Alors que les Allemands n'achètent pas de marques, d'où cette échelle à 102 sur le rapport de la Commission européenne. Je ne suis d'ailleurs pas du tout d'accord avec l'analyse qui peut en être faite.
Voilà la philosophie de cette Commission. Nous ne tuons personne. Nous essayons de faire en sorte que la roue tourne dans le bon sens.
Michel-Edouard Leclerc est un Breton. Je salue l'entrepreneur. Il n'y a pas de problème. Je suis même plutôt fier que la famille Leclerc – notamment Michel-Edouard Leclerc – puisse développer ses activités.
L'entrepreneur Michel-Edouard Leclerc me plaît bien. Ce qui m'ennuie, c'est que nous passons notre temps dans ce pays à expliquer aux différents partenaires économiques – y compris les agriculteurs et les industriels – qu'il faut créer de la valeur. Du lait bio, du lait riche en Oméga 3, du lait « bleu-blanc-coeur », du lait de pâturage, avec une bouteille qui respecte le bien-être animal. Nous sommes dans la recherche de création de valeur.
Vous, par le truchement du rôle des centrales internationales, vous êtes dans la captation de contributions financières.
Qu'est-ce que cela crée comme valeur ajoutée, tout cela ? Parce que si on expliquait aux consommateurs que le prix du produit qu'il paie, c'est le prix le plus juste, comment pouvons-nous accepter qu'en 2019, dans certains rayons de supermarchés, nous trouvions une bouteille de lait bio moins chère qu'une bouteille de lait conventionnel ? C'est bien parce que les négociations commerciales sont totalement dénaturées. Il y a un système de captation de richesse et de destruction de valeur. C'est cela que je remets en cause.
Je peux vous donner les prix d'achat sur le lait bio, sur le lait conventionnel et les prix de vente.
Vous l'avez dit vous-même, il n'y a pas de corrélation entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur.
Nous aborderons ensuite les questions immobilières.
Juste pour terminer sur la difficulté des négociations, Olivier Huet tout à l'heure vous disait que nous avions 11 500 contrats d'« Alliances locales ». Quand les adhérents d'E. Leclerc achètent directement aux producteurs, il n'y a pas de problème. Cela se passe très bien. Les difficultés sont avec les multinationales. Quand nous traitons directement avec les agriculteurs, cela se passe très bien.
Bien sûr, mais cela représente 1 % de l'activité. C'est quelque chose de récent et c'est vrai que c'est très bien perçu dans les territoires à l'échelle des 70 ans d'activité du groupe E. Leclerc. Nous ne pouvons que vous en féliciter. Il n'y a pas de souci.
Lorsque vous allez à Fougères – où je vis – voir un producteur de lait de Normande, comme la race normande est une race mixte qui produit du lait et qui produit de la bonne viande et que nous pouvons démontrer au centre E. Leclerc de Fougères qu'il y a de la viande normande de l'éleveur de Javené, c'est sûr que c'est vendeur et nous ne pouvons que nous en féliciter. Toutefois, ce n'est – comme diraient certains – qu'une piqûre de moustique.
Ce qu'évoque Stéphane de Prunelé, c'est la transparence. Nous sommes bien d'accord sur les « Alliances locales ». Maintenant, vis-à-vis des industriels de l'agroalimentaire, le sujet c'est quand même la transparence.
D'autre part, vous évoquez l'avenir de l'agro-industrie, l'avenir du modèle agricole français. Nous y sommes très attachés, nous n'avons rien contre les industriels.
Nous ne sommes pas des prédateurs qui regardent leurs résultats tous les ans pour savoir combien nous pourrons leur prendre. Ce n'est pas ça, notre démarche. Notre démarche, c'est d'avoir les bons produits dans les rayons pour nos clients.
Il y a aussi un modèle de distribution français qu'il faut défendre. Parce que nous avons des concurrents qui ne se portent pas forcément très bien. Ce matin, nous parlions de Conforama, il n'y a pas que la grande distribution alimentaire. Il y a des gens qui sont dans la difficulté et je pense que vous devez – si je peux me permettre – prendre cela aussi en compte. Parce que des gens comme Amazon… je ne veux pas stigmatiser mais il y a un modèle de distribution français, et ils méritent aussi une attention et méritent aussi d'être défendu.
Vous savez, vous allez vous poser les mêmes questions que le petit commerçant s'est posées il y a 70 ans quand le père de Michel-Edouard Leclerc est arrivé. Lorsqu'il est arrivé dans les années 70 dans la région où je vis, on a vu les commerçants de proximité se poser des questions. Ils ont fermé les uns après les autres.
Aujourd'hui en 2019, 70 ans après, vous êtes dans cette situation. Vous n'allez pas fermer, mais vous allez faire évoluer, faire muter votre modèle de distribution. D'ailleurs, c'est déjà en cours. Nous ne pouvons que souhaiter que des enseignes françaises se développent, prospèrent en France, en Europe et dans le monde. Nous ne pouvons qu'encourager cela.
Vous êtes ensemble des hommes et des femmes d'affaires, vous êtes des businessmans. Tant mieux, le commerce c'est cela. Le commerce, c'est communiquer. Celui qui communique le mieux, c'est Michel-Edouard Leclerc ! Nous communiquons avec les consommateurs, avec les industriels et avec le pouvoir politique. C'est cela, commercer. Nous ne pouvons que souhaiter la prospérité, il n'y a pas de souci, mais vous vivez en ce moment en termes de questionnements ce que vous avez fait vivre comme questionnements aux commerçants locaux il y a 70 ans.
Lorsque je suis arrivé en tant que parlementaire, le discours de Michel-Edouard Leclerc sur Amazon – et c'est la première chose que l'on nous a dite – c'était : Amazon va écraser tout le monde !
Or, le numéro 1 aujourd'hui de l'achat de denrées agroalimentaires en France, c'est le groupe Leclerc. Je veux bien que l'on me parle d'Amazon, mais vous êtes le groupe numéro 1 de vente sur internet de denrées agroalimentaires. Dès lors, le discours Amazon, ne vous inquiétez pas, il est là, on l'a en tête. Amazon est convoqué. Mais arrêtez de nous le « repasser », dès le propos liminaire, en nous disant qu'Amazon c'est l'arbre qui cache la forêt. Cela l'est autant que certaines des inflations que vous avez pu faire sur la bouteille de lait qui ont pu cacher peut-être une forêt amazonienne qui est en pleine perdition !
Pour conforter ce que vient de dire le Rapporteur, le centre E. Leclerc du territoire où je vis vient de se faire octroyer un agrandissement. C'est que tout ne va pas si mal. Cela veut dire que la France est encore un pays prospère où il reste des parts de marché à prendre.
Nous abordons les questions immobilières.
Je souhaiterais, si vous permettez avant d'aborder les questions immobilières, revenir sur quelques points.
Tout d'abord, sur les lois que vous avez citées en parlant de la loi « Galland », la LME, etc. Je voudrais quand même vous dire que cette incertitude juridique permanente qui existe en France favorise les grands groupes, notamment Amazon.
Vous avez peut-être un peu de mal à l'entendre mais je vous le dis quand même. Il faut s'adapter en permanence et cela permet à des entreprises qui sont hors territoire français de pouvoir venir vendre sur notre territoire sans aucune contrainte.
Ensuite, sur le bio et en particulier sur le prix du lait bio, je ne suis pas d'accord pour dire que nous vendons un lait bio moins cher que le lait conventionnel. Cela a pu arriver dans un magasin, mais ce n'est pas une volonté. Ce qui est sûr, c'est que sur le lait demi-écrémé bio, nous avons souhaité avoir un prix sur lequel nous avons limité le niveau de marge, parce que nous considérons que le lait bio, c'est pour les clients, pour les jeunes enfants, un accès à un produit bio de bonne qualité. Nous ne l'avons fait que sur le lait bio.
Pour le reste des produits, il y a un écart entre le bio et les produits conventionnels qui doit être de l'ordre – de tête – de 30 %. Il ne faut pas non plus que le lait bio soit l'arbre qui cache la forêt. Ce n'est pas une démarche globale de destruction de valeur. Nous ne sommes pas idiots à vouloir écraser toute la valeur sur le bio, dans un intérêt d'ailleurs que je ne verrais pas bien. C'est toutefois vrai que nous avons fait du lait bio une sorte d'étendard.
Je peux vous dire aussi qu'il y a une étude qui dit que les Français sont capables de payer 11 % plus cher le bio. Nous sommes quand même dans un environnement économique aujourd'hui où le pouvoir d'achat des gens est compliqué.
Concernant votre remarque sur le petit commerce, mon grand-père était épicier à Sancheville en Eure-et-Loir. Je vous passe la Seconde Guerre mondiale, l'épicerie qui a été pillée. Mon père et mon grand-père se sont retrouvés à livrer chez nous les agriculteurs en descendant au fond des caves les « cubis » de vin et des matières premières. Progressivement, le magasin a connu des difficultés.
Vous dites – si j'ai bien compris – que l'arrivée de la distribution a accéléré la chute de ces commerces. Il n'en est absolument rien. Ce n'est pas le cas. Ce qui s'est passé, c'est que les agriculteurs se sont automatisés. Nous avions des fermes dans lesquelles il y avait une vingtaine de personnes qui tous les midis déjeunaient au sein de la ferme pour faire la moisson, le labour, enfin tout ce qui est fait dans une ferme. L'automatisation a conduit ces fermes à n'avoir plus qu'un ou deux salariés, ce qui a balayé la totalité du commerce rural, mais pas que les épiceries : les coiffeurs, les bars et tout le tissu économique rural.
C'est cela la réalité. Ces gens qui travaillaient dans les fermes sont allés vers les villes. À ce moment, nous avons eu un développement des commerces, des supermarchés, parce que nous étions plutôt – pardonnez-moi le mot –face à des travailleurs pauvres qui avaient besoin d'avoir accès à une offre la moins chère possible. C'est comme cela que le tissu économique de la grande distribution s'est développé, mais surtout pas en tuant le commerce de proximité. En tout cas, ce n'est pas cela qui dans ma famille a condamné l'épicerie familiale.
Je conteste totalement votre analyse. Lorsque la grande distribution s'est installée et qu'elle s'est développée, Edouard Leclerc (le père de Michel-Edouard Leclerc) a expliqué, il y a 70 ans, qu'il voulait le prix bas pour le consommateur. Ensuite, il a expliqué qu'il avait les prix, pas les volumes. Nous, nous savons négocier les volumes. C'est ce qui a fait la première différence entre un petit commerce local et ce qu'on appelait le supermarché où il évolue.
Ensuite, les distributeurs ont commencé à institutionnaliser leurs pratiques, que le législateur a accompagnées. Vous dites qu'en France, vous changez les lois régulièrement. Forcément. Nous avons affaire à des acteurs – dont vous faites partie – qui sont créatifs et imaginatifs. Notre sujet, c'est le déséquilibre dans les relations commerciales.
De fait, comme vous êtes créatifs, il y a eu cette fameuse question des délais de paiement. Nous avons eu les délais de paiement, puis les marges arrière, les promotions insensées dans tous les sens, des produits qui viennent de l'étranger, manufacturés dans d'autres régions du monde.
C'est mon analyse. Nous l'avons vu – c'est un constat –, c'est une mutation.
Vous avez les mêmes questionnements aujourd'hui vis-à-vis des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) que les petits commerçants avaient vis-à-vis de la grande distribution il y a 50-60 ans. Lorsque vous êtes arrivés, ils vous ont regardés avec des grands yeux.
Dès lors, je vais être aujourd'hui dans la même situation de questionnement. Pour moi, ce sont les distributeurs qui ont été imaginatifs et le premier d'entre eux en France s'appelait Édouard Leclerc, bien relayé par son descendant, Michel-Édouard.
On parle de l'immobilier.
Je ne partage pas ce point de vue, mais nous ne serons pas d'accord.
Concernant l'immobilier, chez moi c'est très simple, je n'ai qu'une entreprise qui s'appelle Dunois Distribution. Je suis propriétaire de mon exploitation et de mon immobilier dans la totalité, à 99,5 %, les 5 % restants étant liés au parrainage. Nous avons des actions qui sont données aux parrains. Je n'ai aucune SCI (société civile immobilière). C'est simplissime.
La situation d'Olivier Huet – à peu de choses près – est celle de la totalité des adhérents E. Leclerc. C'est-à-dire que notre modèle repose sur la possession par le chef d'entreprise de la quasi-totalité de son entreprise, c'est-à-dire du capital de son entreprise.
Dans la majorité des cas, tout est dans la SAS (société par actions simplifiée) d'exploitation. Il y a des cas où il y a effectivement le foncier dans une SCI, et la SCI est une filiale à 100 % de la société d'exploitation. Cela ne change pas grand-chose sur le plan de l'organisation.
Par ailleurs, il n'existe pas de société foncière chez E. Leclerc qui prenne des participations au capital, ni dans l'immobilier ni dans l'exploitation des entreprises. C'est un peu dans les gènes de l'enseigne, la totale maîtrise du chef d'entreprise sous l'enseigne E. Leclerc sur sa capacité de développer son entreprise, sans qu'une structure centrale puisse intervenir d'une façon ou d'une autre. C'est la responsabilité du chef d'entreprise avec ses parrains. Olivier a évoqué ces parrains qui ont en effet un rôle très important dans le système E. Leclerc. C'est la responsabilité du chef d'entreprise.
Il n'y a pas de lien – ni en capital ni autre d'ailleurs – entre son entreprise et une structure centrale quelle qu'elle soit, ni à l'Association ni à la coopérative.
Concernant les hypermarchés et les boutiques qui louent les espaces à l'intérieur des hypers, les galeries, etc. Aujourd'hui, sur la part du résultat net de l'activité de vente de produits et le reste d'un hyper, quel est le pourcentage pris sur la vraie vente de produits ? Dans le métier de base et tout le reste, que ce soit le drive, que ce soit le bricolage, etc. Toute l'activité du groupe E. Leclerc et d'un patron d'une zone industrielle qui a l'intégralité des activités. Si l'on devait décorréler, où est le résultat ?
C'est assez difficile de répondre à votre question, parce que de même qu'il y a 600 adhérents, il y a 600 situations différentes.
Olivier Huet a trois commerçants dans sa galerie marchande. Il y a des adhérents E. Leclerc qui ont un hyper dans un centre commercial beaucoup plus important. Il y en a qui sont propriétaires de leur galerie marchande. Enfin, il y en a qui ne sont pas propriétaires de la galerie marchande. En conséquence, il est très compliqué de faire une moyenne.
Ce que je peux vous dire quand même, c'est que ce qui nous intéresse – et c'est la seule chose que nous connaissions – c'est ce qui est exploité sous enseigne E. Leclerc. C'est-à-dire que la galerie marchande, nous ne la connaissons pas. Qu'elle appartienne à l'adhérent ou à une foncière, à n'importe qui, nous ne la connaissons pas.
Voilà pourquoi nous sommes incapables de répondre à votre question de façon chiffrée, ce n'est pas dans notre scope. Tout ce qui est dans notre scope, c'est ce qui est sous enseigne E. Leclerc.
Non, je vous pose cette question parce que quand les magasins E. Leclerc se sont créés et ont permis l'accessibilité à ces produits – et je me félicite de la capacité de ces magasins – nous étions sur un modèle coopératif. Dès lors, vous êtes sous le régime fiscal de la coopérative.
Sauf que le monde évolue, vous avez évolué, vous tendez vers le monde digital avec Leclerc Drive, maintenant nous pouvons aussi acheter du matériel de bricolage en ligne.
Je me demande, pour une question de compétitivité, d'analyse, de commissaire aux comptes, de structuration de l'entreprise, si le modèle coopératif est encore le bon modèle. Le bon modèle aujourd'hui ne serait-il pas tout simplement d'être une SAS ou une SA (société anonyme) avec peut-être une meilleure analyse des tiers croisés que nous pouvons avoir sur les parrains et le fait d'être filleul ?
Parce qu'aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a des échanges de flux financiers qui sont opérés entre le parrain et le filleul. Si le filleul a un problème, il lui manque 500 000 euros pour finir le mois, le parrain peut transférer. Les patrons de magasins me l'ont expliqué. En SAS, vous ne faites pas cela, c'est illégal.
Faut-il comprendre que vous remettez en cause le modèle coopératif, qui est pour nous le modèle de la solidarité ? Ce que vous évoquez entre les parrains et leurs filleuls, c'est l'expression financière de la solidarité des chefs d'entreprise.
Je rebondis sur ce que disait le Président tout à l'heure. Il y a 70 ans, lorsque nous avons créé la grande distribution, E. Leclerc c'étaient des petits commerçants qui se sont regroupés et qui se sont organisés. Ceux qui sont morts sont ceux qui n'ont pas voulu ou qui n'ont pas su s'organiser et se regrouper.
Le problème qui est le nôtre aujourd'hui, c'est de rester dans ce modèle de commerçants, de chefs d'entreprise indépendants, qui continuent de moderniser leur organisation collective, dont la solidarité est un élément essentiel pour rester performant. Parce que nous croyons au modèle de ces chefs d'entreprise, de ces PME qui sont regroupées entre elles par des structures coopératives qui leur permettent de résister au groupe intégré. C'est cela qui est en cause aujourd'hui et c'est cela que nous défendons.
Ces petits commerçants qui se sont regroupés à l'achat et regroupés pour la distribution, aujourd'hui ils ont prospéré et tant mieux. Il y a 70 ans, ils vendaient essentiellement de l'épicerie, des produits de première nécessité, alors que maintenant chez E. Leclerc on trouve de tout : des billets d'avion, de la lessive, du café, mon entrecôte de race normande dont je parlais tout à l'heure, de l'électricité, du fioul, du gasoil, de l'énergie « à prix coûtant ».
Nous sommes très éloignés de la philosophie d'origine, même si l'esprit coopératif fait que la camaraderie permet de faire fructifier les affaires. C'est bien, mais il faut que tout cela soit équilibré. Ce que nous constatons depuis un certain nombre d'années, c'est une accentuation du déséquilibre dans les relations commerciales.
Le Président l'a très bien dit. Je pense que le modèle coopératif était le bon modèle. C'est grâce à ce modèle coopératif, à l'époque, que nous avons pu donner des produits accessibles. Aujourd'hui, nous sommes dans un monde de concurrence qui doit être loyale sur le territoire français. Toute la réflexion de cette commission d'enquête amènera des propositions pour que la concurrence soit loyale et sur un territoire français.
Je pense que le modèle coopératif du groupe E. Leclerc doit peut-être s'adapter à l'époque actuelle pour faire en sorte que – y compris avec vos concurrents – vous puissiez être plus forts pour justement contrer le tout on line qui n'ira pas dans le bon sens du prix du panier bas ou juste.
Comparer l'équivalent d'un chariot que l'on remplit le samedi à nos courses sur internet, c'est impossible. On ne peut comparer les prix que lorsque l'on est devant un rayon.
On se doit de protéger le consommateur. Je pense que le modèle coopératif crée peut-être une concurrence déloyale sur des acteurs locaux avec une fiscalité locale et française, et il est peut-être inadapté.
Il n'y a pas de décision prise. Nous disons juste que nous devons réfléchir pour voir quel est le modèle le plus adapté aujourd'hui en France sur le modèle de la grande distribution.
Ce que vous dites est quand même très paradoxal parce que nous sommes le seul modèle où la totalité des profits est fiscalisée en France et à taux plein. Tous les modèles de société intégrée bénéficient d'architecture d'optimisation fiscale.
Vous êtes en train de me dire qu'aujourd'hui le système coopératif est peut-être un peu déséquilibré. Cependant, quel autre système que le système coopératif pour des groupes de notre taille, de notre importance, permet-il et garantit-il que la totalité des profits soit fiscalisée en France. Je n'en connais pas.
Je suis désolé ce n'est peut-être pas le bon mot, mais vous regardez votre nombril. Vous ne regardez pas les dommages collatéraux. Je ne remets en rien la performance du groupe E. Leclerc en cause, et la rentabilité d'une coopérative du modèle coopératif qui est le vôtre, mais vous êtes en train de regarder votre nombril et vous ne vous rendez pas compte des dommages collatéraux.
Peut-être que les autres groupes essaient de procéder à des montages à l'étranger. C'est de notre responsabilité de l'empêcher. Le montage que vous avez créé à l'époque est en train de complètement déréguler le marché, puisqu'il permet en permanence d'accéder à un modèle déflationniste sur une très grosse partie des achats. Nous parlons de plusieurs milliards. Les effets collatéraux sont en train d'emmener tout le monde dans le mur.
Je ne remets pas en cause le modèle coopératif ou la bonne foi de la fiscalité qui est la vôtre, au sein de notre entreprise.
Je dis juste que nous devons retirer nos oeillères. Dans l'écosystème global économique français, je pense que le modèle coopératif qui est le vôtre n'est plus adapté.
Je vais vous donner deux points qui me semblent importants. D'abord, je ne pense pas que le statut coopératif est une fiscalité dérogatoire de la fiscalité générale. Au Galec, les magasins sont des sociétés commerciales qui sont soumises au régime de l'impôt sur les sociétés. Il n'y a pas de système fiscal dérogatoire pour les coopératives en France, en tout cas pas à ma connaissance. Je me permets d'insister sur ce point.
Ensuite, vous semblez poser des questions sur le modèle coopératif. Le modèle coopératif touche aussi les banques, les coopératives maritimes, les coopératives agricoles. Attention, le statut coopératif est un vrai tissu économique. C'est de mon point de vue une vraie richesse. Ce que j'observe dans la distribution, c'est que les modèles qui semblent se porter le mieux – en tout cas en ce moment – ce sont plutôt les modèles coopératifs avec nos concurrents Intermarché et Système U que les modèles intégrés.
Messieurs, cette audition est terminée. Le cas échéant, nous vous écrirons pour vous demander des précisions.
L'audition s'achève à midi.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 9 h 10
Présents. – M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, M. Yves Daniel, M. Hervé Pellois