Intervention de Olivier Huet

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Olivier Huet, président du Directoire :

Je vais intervenir sur trois axes. Le premier, c'est le seuil de revente à perte(SRP) dans le cadre de la loi EGAlim. Le second, c'est la promo. Enfin, je terminerai sur les marques de distributeur (MDD).

D'abord, en préambule, il y a quand même dans toute cette filière un problème de transparence. Je ne veux pas « jouer les pleureurs ». Néanmoins, vous connaissez les marges nettes de la grande distribution, vous connaissez aussi très probablement les résultats nets des multinationales. Il n'y a pas forcément de lien direct avec le monde agricole. Je sais que les PME et les ETI n'ont évidemment pas les résultats que peuvent avoir les multinationales.

Néanmoins, concernant la transparence qui est exigée des distributeurs au travers du rapport Chalmin concernant l'Observatoire des prix et des marges, il serait quand même assez intéressant d'avoir ce même type d'observatoire sur les coopératives agricoles – par exemple – ou alors sur les entreprises de l'agroalimentaire françaises. Cela me paraît être un point important.

Pour ce qui est du SRP, d'abord il faut savoir que nous avons appliqué sa hausse au 1er février, comme la loi le demandait. Pour répondre très précisément à l'augmentation que cela a générée dans nos magasins, je vais vous donner deux chiffres. Le premier sur les produits concernés : nous avons à peu près 2 300 produits concernés par une hausse du SRP. Cela représente en moyenne un peu plus de 7 % d'augmentation de prix sur ces produits.

Je suis toujours gêné pour vous donner un chiffre précis – j'espère que vous ne m'en voudrez pas – pour une raison assez simple, c'est que nous sommes un groupement d'indépendants. De plus, chaque magasin gère ses prix comme il l'entend. À partir du moment où nous avons une loi – la loi « EGA » des États généraux de l'alimentation – qui nous demande de respecter un SRP minimum à +10, il faut que les magasins augmentent leurs tarifs en fonction de leur prix de départ pour pouvoir arriver au SRP +10, ce qui génère des écarts d'augmentation d'un magasin à l'autre.

Pour le schématiser, les magasins les moins chers augmentent évidemment beaucoup plus que les magasins qui étaient déjà chers. Ramené sur la totalité de l'assortiment d'un centre E. Leclerc, soit 60 à 70 000 références, l'impact n'est que de 0,3.

Je ne suis pas sûr que ce soit la manière dont il faille considérer les choses, parce qu'une nouvelle fois, dans le panier des clients, l'achat se fait au produit. Ils achètent un paquet de 4 yaourts, une bouteille de Ricard, un camembert Président, ils regardent l'augmentation du prix sur l'étiquette, et là nous parlons bien des 7 %, en moyenne.

Concernant la promotion, nous avons une difficulté avec la loi EGAlim, essentiellement sur les petites et moyennes entreprises (PME). Pourquoi cela ? Parce qu'aujourd'hui la promotion est beaucoup plus importante dans les petites et moyennes entreprises – qui comprennent aussi les entreprises de taille intermédiaire (ETI) – que dans les multinationales. La raison est que les multinationales ont des services de marketing, des services de communication, une publicité puissante, et qu'elles ont moins besoin d'avoir recours à la promo pour faire connaître le produit.

Alors qu'une PME très locale n'a de moyen de faire connaître son produit de manière massive que la promo dans nos magasins. Il y a justement une étude Nielsen qui est sortie – je crois hier – qui est assez intéressante sur ce sujet. Elle concerne essentiellement les produits saisonniers. Je peux vous donner quelques chiffres. L'évolution du chiffre d'affaires sous promo en France, c'est -0,7 point. Nous notons sur les produits saisonniers – je vais vous en citer trois : le champagne, le foie gras frais et le saumon fumé – une évolution négative. Le chiffre d'affaires sous promo du champagne fait - 9 points. Je vous fais grâce des virgules. Le chiffre d'affaires du foie gras frais sous promo fait - 12, et le chiffre d'affaires du saumon fumé fait - 1 sous promo.

Cela a des conséquences sur l'ensemble de la catégorie de produits, parce que quand le champagne fait -9 sous promo, cela fait baisser la totalité de la catégorie. Nielsen dit - 21, en vente. Quand le foie gras frais fait - 11 points ou -12 points en chiffre d'affaires sous promo, cela fait baisser la totalité de la catégorie à - 16, et - 9 pour le saumon fumé.

C'est une étude Nielsen qui a été faite du 28 janvier au 19 mai 2019. Nous voyons bien les conséquences de ce manque de promo sur ces produits de PME. S'il y avait quelque chose à modifier dans la loi EGA, peut-être que ce serait un assouplissement de cela, parce que nous sommes contraints sur deux sujets : la remise maximum de 34 % et le chiffre d'affaires à la catégorie de 25 %. Pour les entreprises qui étaient bien au-delà de 70 % de promo chez certains fournisseurs, quand on passe de 70 à 25, forcément, le chiffre d'affaires s'effondre. C'est assez basique !

Pour rebondir sur les MDD et sur les petites et moyennes entreprises, aujourd'hui en MDD nous faisons 6,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 80 % de ce chiffre d'affaires est fait avec des entreprises françaises, principalement des PME. Dans le cadre de cette loi EGA, notre inquiétude la plus forte a été la réaction des consommateurs face aux augmentations de prix.

Nous avons deux choses face à cette loi EGA. Nous avons essayé de réagir par rapport à nos clients et à nos fournisseurs. D'abord, nous avons voulu l'appliquer au pied de la lettre, en redonnant du tarif aux fournisseurs de produits agricoles. Nous avons redonné près de 54 millions d'euros cette année à ces fournisseurs de marques nationales, et près de 56 millions d'euros aux fournisseurs de MDD. Ce qui fait un total remis dans le circuit en augmentation de tarif de 110 millions d'euros auprès des fournisseurs. En contrepartie de cela, pour essayer de limiter l'effet sur les consommateurs, nous avons baissé les prix de 4 600 produits de marques de distributeurs, ce qui fait 31 millions d'euros. Les deux chiffres s'additionnant, nous sommes à près de 140 millions d'euros redonnés dans le cadre des EGA.

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