Intervention de Grégory Besson-Moreau

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 14h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGrégory Besson-Moreau, rapporteur :

Je tiens quand même à rappeler que j'ai reçu un e-mail il y a à peu près deux heures m'indiquant votre présence. Je suis donc très heureux qu'au dernier moment vous ayez pris la décision de finalement venir devant la représentation nationale, ce qui est pour moi quelque chose de normal. En tant que bon citoyen, on se doit de respecter les demandes de la représentation nationale que nous sommes aujourd'hui.

Je suis préoccupé aussi. Je me suis dit : « C'est bizarre, M. Bompard n'a pas l'air de vouloir venir ?», alors que je me rappelle vous avoir vu à l'époque lors de la commission d'enquête sur Lactalis, parce que j'étais également rapporteur. Je me suis dit : « M. Bompard est peut-être plus spécialisé dans la sécurité alimentaire ?», puisque je ne me rappelle pas avoir eu autant de problèmes pour vous faire venir.

Comme le simple parlementaire que je suis, je suis allé sur Wikipédia regarder votre CV et j'ai un très grand respect pour la carrière que vous avez. Ce que je vous dis n'est pas du tout un trait d'humour.

À la base, je suis moi-même entrepreneur et je ne peux que respecter votre CV. Je me suis dit : « On va parler finances ». Je ne comprenais pas pourquoi vous ne souhaitiez pas venir devant nous aujourd'hui. Je vous remercie, puisque vous êtes présent.

Je tiens juste à vous rassurer, parce que j'ai senti un peu d'amertume dans vos propos liminaires. Je voulais vous rassurer, en tant que rapporteur, je crois au modèle de la grande distribution. Je fais partie des rares parlementaires qui croient au modèle hypermarché. Je crois en l'expérience client. Je ne crois pas au « tout Amazon ». Je ne crois pas au « tout Internet ». Je crois aussi aux circuits courts et à la vente directe. Que les choses soient très claires, entre vous, entre la grande distribution en règle générale, le monde industriel et le rapporteur que je suis, je serai impartial et vous connaissez ma tendance à la croyance au modèle de la grande distribution.

Concernant les chiffres que vous nous avez annoncés, monsieur le PDG, j'estime que vous avez quand même fait preuve d'un tour de passe-passe de chiffres. Je tiens à rappeler, pour les personnes qui nous regardent, que le produit le plus connu au monde, c'est le Coca-Cola. Coca-Cola, c'est trois fois moins de chiffre d'affaires que le groupe Carrefour. Vous parliez de Danone. Danone est quatre fois plus petit que le groupe Carrefour. Si l'on prend notre fleuron national dont tout le monde parle, Lactalis, c'est presque cinq fois plus petit que vous. Tout à l'heure, vous nous disiez : « On a un gros problème avec Danone, qui fait tant, et nous, en magasin, on ne fait qu'un très faible chiffre d'affaires », mais je vais vous poser une question. Aujourd'hui, combien le « roi du pain », le « roi des céréales pour le matin » et le « roi de l'eau » représentent sur le chiffre d'affaires d'un magasin ? Nous le savons : entre 0,2 % pour ce que je viens de vous annoncer et 0,6 % du chiffre d'affaires d'un magasin. Notre fleuron français, Lactalis, représente pour un magasin environ 3 à 4 % – suivant les magasins – du chiffre d'affaires d'un magasin. Oui, quand il y a pressions, on est légitimes à se poser cette question : est-ce au final la grande distribution qui met une pression à l'industriel, ou est-ce l'industriel ? Au regard de ces chiffres, qui sont, pour la plupart des industriels, inférieurs à 1 %, je me pose la question. Nous avons mené des auditions avec le président et les autres commissaires, en commençant par le monde agricole industriel et nous finissons avec le monde de la grande distribution. Il n'y a aucun a priori. Dans les propos liminaires, je sentais quand même une petite touche d'amertume sur les auditions passées, mais croyez-moi, on va continuer. Certains auront peut-être aussi cette touche d'amertume. En rien je ne souhaite détruire le modèle de la grande distribution.

Ma première question, monsieur le PDG, est sur le chiffre d'affaires global Carrefour France – ce qui nous importe aujourd'hui à l'Assemblée nationale: quelle est la part du chiffre d'affaires qui est signée en déflation ? Car je ne suis pas du tout d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure. Je suis opposé, et j'ai moi-même cette fois une petite touche d'amertume dans les mots que vous avez utilisés, car pour vous, les prix bas n'ont pas amené le monde agricole à souffrir. Je vais vous dire une chose. Quand, au bout de trois ans, quatre ans, cinq ans, 50, 70 % de votre chiffre d'affaires part en déflation, je peux vous assurer une chose, c'est qu'au bout de la chaîne, l'agriculteur ne voit pas son prix monter. Peut-être que l'industriel gagne bien sa vie, je sens aussi une touche de jalousie à ce que l'autre gagne plus que soi-même. Mais la réalité économique est là. La déflation, j'en suis persuadé, monsieur Bompard, que vous opérez depuis des années ne va pas spécialement dans le bon sens du monde agricole.

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