Je l'ai pris avec le sourire. Je vais essayer de répondre à votre question parce qu'en effet, vous avez raison, c'est une bonne question. Au fond, pourquoi, dans un secteur où il y a autant de discussions partenariales entre les uns et les autres, autant de sujets de développement commun, de relations commerciales, d'innovations sur les produits, etc., comment cet objet de négociation annuelle donne-t-il lieu à une telle sensibilité ? Vous avez raison, je suis certain qu'un certain nombre des personnes qui se sont succédé à ce micro vous disaient la vérité en disant : « Dans d'autres pays, nous ne ressentons pas cela ». Souvent, j'ai tendance à penser que c'est assez largement lié à ce cycle annuel qui est un peu particulier. Vous savez que dans la plupart des autres pays où nous nous trouvons, on a une espèce de négociation permanente non ritualisée. C'est le seul avantage quand vous rejoignez un secteur, vous avez un regard un peu nouveau sur ces sujets-là. Vous avez l'impression qu'il y a un peu un rite de la négociation avec son point de départ, sa crise paroxystique et son dénouement, dans 99,9 % des cas, dans de bonnes conditions.
Vous avez un élément un peu paroxystique qui est lié aux rituels de la négociation annuelle. Je crois que cela joue beaucoup. Le fait que cela soit très concentré, que tout le monde connaisse les dates, que vers le 15 janvier il y ait forcément un article de presse pour dire : « Cette année les discussions sont particulièrement difficiles, encore plus difficiles que l'année précédente ». Ce n'est pas ce que l'on vit dans les autres pays parce que la négociation est un peu permanente.
Je m'en félicite parce que j'aime la Représentation nationale et j'aime la politique, comme vous me le disiez, je pense que l'on est un des seuls pays où ces sujets-là font l'objet parfois d'une interpellation de nature politique. C'est le poids du politique dans notre pays, qu'on ne retrouve pas forcément sur ces sujets-là dans d'autres géographies.
Le rite de la négociation et sa « calendarisation », et puis quelques éléments qui ont très probablement une faculté d'interpellation des uns et des autres qui sont de nature un peu différente. C'est ce que je ressens moi parce que, vous avez raison, on voit ces négociations dans tous les pays, mais je voulais vous ajouter juste un petit point, qui va vous éclairer sur cet élément précis. Vous vous en doutez, je connais les 80 patrons des fournisseurs d'Envergure ou ceux qui passent par Carrefour World Trade (C.W.T.) ou etc. Savez-vous combien de fois – je suis assez ouvert, je suis assez réactif de manière générale – mon téléphone sonne par an pour que l'un de mes collègues me dise : « Je voulais juste dire que les négociations, c'est terrible, c'est violent, c'est difficile, je ne m'en sors pas », d'après vous ? Je suis là depuis deux ans. J'ai connu deux campagnes, la première, on pourrait dire que je n'avais pas tant de coresponsabilités, la deuxième, je l'assume pleinement. Combien de fois diriez-vous ? Zéro.