Intervention de Hervé Daudin

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 16h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Hervé Daudin, membre du comité exécutif et président achats marchandises du groupe Casino :

Nous ressentons bien entendu le contexte de tensions, qui nous amène à nous interroger. Dans ce propos liminaire, j'ai essayé de montrer que les choses changent. Quand le métier est basique, autour de produits standardisés, avec un format roi qui est celui des hypermarchés – un commerce de masse –, il n'y a quasiment pas de plan d'affaires à établir. Tous les magasins ont en effet à distribuer les mêmes produits, les plus standardisés possibles, etc. Il reste alors simplement une négociation sur le prix. Nous avons une vision différente du commerce.

Au sein du groupe Casino, nous avons une certaine expérience du non-alimentaire. De notre point de vue, le non-alimentaire représente l'avant-garde de ce qui va se passer pour l'alimentaire. Avec Cdiscount, nous sommes très présents sur le non-alimentaire depuis quelques années. Dans le non-alimentaire, nous observons un transfert progressif des clients vers internet. Cdiscount est le n 2 en France derrière Amazon. Dans un premier temps, voilà une dizaine d'années, Cdiscount se positionnait – un peu comme un hypermarché – sur le prix, le discount, l'agressivité, etc.

Très vite, nous nous sommes rendu compte que rivaliser avec Amazon était peine perdue. La seule chose qui permettait de l'emporter était la diversité de l'offre. À titre d'exemple, en 2010, quand Cdiscount était clairement numéro 2 face à Amazon qui montait en puissance, entre 35 000 et 50 000 références étaient vendues sur le site. Désormais, le site de Cdiscount vend 55 millions de références différentes. Quand l'on met en vente 55 millions de références, l'on ne peut pas faire une négociation de produits standardisés. Elles sont vendues en direct, ou plutôt sur la marketplace, avec la participation de vendeurs.

L'évolution du métier va forcément se développer également sur l'alimentaire, avec une montée en puissance de la diversité de l'offre. De plus en plus de produits alimentaires seront proposés, pour correspondre à la « fragmentation » des besoins des clients, vers des produits très qualitatifs par exemple. La nature même de la négociation, qui correspond à la nature même du référencement du produit, va changer. Et nous devons alors nous inscrire dans une relation totalement différente, beaucoup plus complexe, beaucoup plus flexible. Cette relation différente nécessite également un plan d'affaires. L'on sort complètement de la stratégie classique qui était liée à l'acheteur, mais selon un ancien modèle. Elle était peut-être critiquable, mais vraiment liée à l'ancien modèle, univoque.

Désormais, c'est différent. Le plan d'affaires va d'une certaine façon être nécessaire. Du fait de notre histoire, nous sommes en avance – même si cela va paraître un peu présomptueux – sur la diversité des formats, le nombre de magasins, la diversité des enseignes. Nous n'avons par exemple pas fait converger nos enseignes en France : nous avons toujours Leader Price, Monoprix, Franprix, Vival, Petit Casino, etc. Nous avons toujours maintenu cette diversité, qui correspond aussi à une diversité des assortiments. De fait, nous avons eu un avantage historique pour travailler ces assortiments différents, travailler ce référencement différent, travailler cette création de valeur différemment. C'est ce qui explique que nous abordons un peu différemment les négociations ces dernières années, par rapport au temps où le modèle de l'hypermarché était le modèle-roi. Ce n'est certes pas parfait, et l'on peut toujours faire mieux.

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